'est tout un monde qu'a créé Henri Loevenbruck pour mettre en scène
Les disparus de Blackmore. Un voyage dans l'imaginaire et dans le temps, à arpenter cette île anglo-normande fictive dans les années 1920.
Quand l'auteur se lance dans un projet, il ne le fait jamais à moitié. L'île est librement inspirée de celle d'Aurigny, un caillou d'à peine 5km de long pour 3km de large, mais rempli d'histoire(s). Il a pensé chaque détail, jusqu'au nom des rues, l'emplacement des monuments et leurs significations…
L'environnement idéal, la période parfaite, pour développer une intrigue surprenante. Mais pour réussir complètement ce pari, il
lui fallait aussi donner vie à des personnages mémorables. C'est le cas de ce duo improbable mais terriblement attachant constitué de Lorraine Chapelle et de Edward Pierce.
Au temps où gente féminine n'a pas vraiment son mot à dire, Lorraine est une jeune parisienne étonnante, première femme fraîchement diplômée de l'Institut de criminologie ! Elle n'a pas sa langue dans sa poche et dit toujours tout ce qu'elle pense. Ce qui donne lieu à quelques joutes verbales mémorables, dont elle sort invariablement victorieuse. Elle est la part du cerveau logique (et les jambes).
Le deuxième hémisphère de ce duo atypique d'enquêteurs est Edward, qui se qualifie
lui-même de détective de l'étrange. C'est l'esprit ouvert à l'ésotérisme du tandem (et le puits de connaissances).
Deux personnalités marquées qui auraient pu ne pas s'entendre, mais qui très vite se découvrent une complémentarité parfaite, sorte de Mulder et Scully de l'époque, dixit l'auteur en interview.
Leur investigation, à la recherche des Disparus de Blackmore, va se dérouler aux frontières de l'étrange, tout en gardant les pieds sur terre. Une jonglerie que Henri Loevenbruck maîtrise à merveille.
Pour le bonheur des lecteurs curieux de cette ambiance insolite, de cette époque passionnante de l'entre-deux-guerres, et de ces protagonistes épatants.
C'est un roman de pur divertissement, où on sent à chaque page combien l'auteur s'est amusé comme un petit fou à inventer les moindres détails de cette intrigue et à développer nombre de ses marottes (cf par exemple les scènes avec les motos de l'époque, en bon motard qu'il est). Mais aussi une mine d'informations étonnantes. On ressort toujours enrichi des livres de Loevenbruck. Ce
lui-ci, même s'il est sans doute le plus amusant de ses livres, ne déroge pas à la règle.
Il y a un dogme littéraire que l'écrivain suit à la lettre, et qu'on pourrait résumer ainsi : ce n'est pas parce qu'on écrit de la littérature populaire qu'il faut prendre les lecteurs pour des imbéciles.
Oui, ce côté populaire est clairement revendiqué, le livre étant un joli hommage à la littérature de la période où se déroule l'action. Avec deux influences qui ressortent clairement,
Arthur Conan Doyle pour l'enquête et ce duo d'investigateurs,
H.P. Lovecraft pour l'ambiance et les phénomènes étranges qui se déroulent (réels ou non, vous le découvrirez).
Mais que les plus cartésiens des lecteurs ne s'inquiètent pas, l'auteur apporte toujours des explications (parfois surprenantes). Ayez l'esprit ouvert et curieux !
Henri Loevenbruck est un créateur, un inventeur d'histoires et d'émotions au service des lecteurs. Ce retour vers le passé, au début des techniques modernes d'investigation, pour comprendre où sont passés
Les disparus de Blackmore, est une virée réjouissante. Un excellent et enrichissant divertissement.
PS : il est à noter qu'Henri Loevenbruck a eu l'aide d'un autre illustre auteur populaire,
Maxime Chattam, pour inventer ce monde. Avec l'idée que d'autres auteurs s'approprient par la suite cet univers pour leurs propres romans,
Chattam en tête. A suivre !
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