AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782221242216
270 pages
Robert Laffont (09/01/2020)
3.79/5   36 notes
Résumé :
Comment vivre sa plus grande joie quand, dehors, tout est glacé d’effroi, et sa plus violente peine quand, autour de vous, un pays entier est en liesse ?

De la soirée du vendredi 13 novembre 2015, où Joseph, leur fils, vient au monde à la maternité de la Pitié- Salpêtrière, à la journée du dimanche 15 juillet 2018, où elle perd brutalement Jérôme, l’homme de sa vie, Juliette se souvient. De tout. Des minuscules comme des énormes choses.
Et comm... >Voir plus
Que lire après Le chemin des amoureuxVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
3,79

sur 36 notes
5
3 avis
4
7 avis
3
4 avis
2
0 avis
1
0 avis
Louison est une jeune auteure déjà connue pour ses albums illustrés. Elle signe avec le chemin des amoureux son premier roman.

L'histoire se divise en trois parties dressant le portrait des moments phares de l'héroïne, Juliette. Juliette, une jeune femme dont j'ai aimé sa verve et son humour. Elle a un oeil aiguisé pour disséquer toutes les banalités de la vie. le roman s'ouvre ainsi, Juliette dans le cabinet de l'obstétricienne regarde un tableau de pissenlits qui entourent des bébés. Plusieurs pages d'humour et de tendresse pour analyser ce tableau. Comme bon nombre de passages par la suite. Juliette est futée, alerte et dit tout haut ce qu'elle pense. Un vent de fraîcheur souffle sur ce roman.
La première partie est consacrée à Joseph, le bébé qu'elle porte dans son ventre.
Seconde partie, Jérôme son compagnon que Juliette va perdre quand Joseph aura deux an et demi (quatrième de couverture).
Troisième partie, Avril.

On perd un peu le côté tendre et solaire des premières pages dans les parties deux et trois car Juliette traverse le chemin des amoureux du mieux qu'elle peut.

Ce roman parle du deuil, de l'envie de sauver son enfant des griffes de la peur. Jojo et Juju serrés l'un contre l'autre pour continuer à attraper des éclats du soleil.

J'ai lu ce roman avec plaisir même si tout ne m'a pas convaincue, je trouve que c'est un premier roman bien abouti et prometteur pour la suite.

#Lechemindesamoureux #NetGalleyFrance
Commenter  J’apprécie          793
Le bonheur un jour de deuil et réciproquement

Pour son premier roman, la dessinatrice Louison a choisi de nous faire prendre les montagnes russes de l'émotion, imaginant une naissance au moment des attentats et un décès le jour où l'équipe de France est championne du monde de football.

L'humour pour refouler la souffrance, l'autodérision pour éloigner les peurs. Les mots qui sauvent. Voilà comment Juliette peut encore croire à la vie après l'épreuve qu'elle vient de subir et voilà comment Louison embarque ses lecteurs sur son manège avec sa cargaison de rires et de larmes, avec un énorme bagage d'émotions.
Après la visite chez l'obstétricienne – qui rappellera des souvenirs à de nombreux parents – Juliette a la confirmation qu'elle est bien enceinte et que le bébé se porte bien. Maintenant, il faut annoncer la nouvelle à Jérôme, son mari. Pour cela, elle imagine tout un scénario qui, au moment fatidique finit par s'écrouler. Pourtant la chose n'avait pas l'air si compliquée: «Il aurait suffi que je me lève avec un grand sourire et dise en soulevant mon pull: «Tu vas être papa», et j'aurais à peine eu le temps de compter jusqu'à trois avant qu'il ne m'embrasse.» Mais Juliette et tétanisée, incapable de répondre à la question de Julien qui vient de trouver une facture qui traînait: «peux-tu m'expliquer pourquoi tu as acheté un test de grossesse hier à 13h 07 et pourquoi il y a une bouteille de champagne à côté de toi sur le canapé?» Ou plutôt si, elle parvient à lâcher une réponse: «Tu t'es lavé les mains en sortant des toilettes?»
Mais rassurez-vous, ce malentendu passé, ce sont des semaines de félicité qui attendent le couple jusqu'au 13 novembre 2015 et la naissance du petit Joseph. Et si Jérôme est tout blême en découvrant son fils, c'est parce qu'il vient d'apprendre ce qui vient de se passer dans Paris et plus particulièrement à la terrasse de «leur» restaurant- L'horreur au Stade de France, la prise d'otages au Bataclan, la carnage aux terrasses des restaurants. «Ensuite, il attrapa le téléphone dans sa poche pour me montrer des informations qui très vite ont saturé mon esprit. Cette horreur ne pouvait pas se mélanger avec la joie d'avoir rencontré mon fils pour la première fois».
À la sortie de la maternité, il faut faire contre fortune bon coeur et entourer Joseph d'encore plus d'amour. C'est le quotidien des néo-parents post-attentats que Julien Blanc-Gras a raconté l'an passé dans «Comme à la guerre». Malgré la fatigue et malgré les difficultés d'un emploi du temps qui n'est malheureusement pas extensible, Juliette et Jérôme s'accrochent jusqu'à un… accrochage provoqué par une tâche laissée par une tasse de café sur la table de la cuisine. Une vétille, mais qui peut conduire à la rupture, mais aussi – dans le meilleur des cas – à une franche explication. Juliette se confie, raconte qu'elle aimerait un deuxième enfant, se marier, déménager, et qu'au fond elle n'en avait «rien à foutre de ces traces de café sur la table dans la cuisine». Jérôme acquiesce et le bonheur s'installe à nouveau…
Seulement voilà, le jeu des montagnes russes n'est pas fini. Après avoir grimpé jusqu'en haut, la descente est vertigineuse, mortelle. Je vous laisse la découvrir…
Si on se laisse prendre à cette histoire, qui est pour partie autobiographique, c'est d'abord par le style cocasse et l'humour de la primo-romancière, c'est ensuite par l'effet-miroir qu'elle nous offre en nous proposant de nous rappeler comment se déroulaient nos propres vies durant ces deux moments-clé des dernières années et enfin parce que la manière dont Juliette affronte sa douleur nous met du baume au coeur. Bravo et merci!


Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          370
Il y a des livres dont ont sait d'avance que le sujet ne va pas être facile, tout simplement parce que la 4e de couverture le laisse déjà entrevoir. Et pourtant, la si jolie couverture m'a fait de l'oeil... Bref, il est arrivé dans ma boîte aux lettres, lors de la dernière Masse Critique de janvier 2020.

Je ne connais pas l'autrice dont c'est le premier roman, mais qui a déjà publié des bandes dessinées.

L'histoire est terrible, et je ne peux m'empêcher de penser qu'il y a peut-être une part d'autobiographie, même si la mention "roman" est apposée sur la couverture.

Je ne suis pas certaine d'avoir appréciée le style, Juliette, le personnage principal est un peu trop vulgaire pour moi. L'épisode de l'achat de la bouteille de champagne, par exemple...pour ne citer que celui-ci.
Et la narration parfois un peu confuse dans la temporalité.

Malgré cela, cette histoire ne peut que nous toucher parce que ce qu'elle raconte est proche de nous, car la vie de Juliette est étroitement liée aux événements parisiens des années 2015 et suivantes. Mais ce sont les aspects personnels vécus par Juliette en 2018, qui m'ont bouleversée. .

Heureusement, elle est entourée de personnes bienveillantes et touchantes qui sauront l'accompagner.

Sans avoir adhéré au style ou à la personnalité de Juliette, j'ai apprécié ce récit car le ton y est juste, touchant et très émouvant.
Commenter  J’apprécie          120
Vous avez remarqué la propension qu'ont les gens à vous proposer un verre d'eau quand vous n'allez pas bien, quand vous faites une crise de panique ou que vous vous mettez à fondre en larmes ? Comme si boire ce verre d'eau allait résoudre tous vos problèmes d'un simple coup de baguette magique ? Juliette, l'héroïne de ce roman va en boire des litres, puis décider d'arrêter les verres d'eau, car figurez-vous que boire un verre d'eau ne change rien à son destin tantôt tragique, tantôt euphorique. Juliette n'a pas la vie de Madame Tout-le-Monde. Sa vie à elle est étroitement liée à des évènements de l'Histoire avec un grand H, sans qu'elle le veuille… Une certaine prédétermination d'une fée malhabile penchée sur son berceau qui associerait volontairement évènement heureux et évènement malheureux pour l'empêcher d'oublier. Joies et poisses font donc partie de son quotidien : quand elle est heureuse, il survient un évènement catastrophique, quand elle subit une perte terrible, le pays est en liesse. Allez donc comprendre pourquoi le destin décide de s'acharner ainsi dans son devoir de mémoire.

Ainsi, le petit Joseph naît le soir du 13 novembre 2015. À cette émotion qui balaie tout sur son passage pour ces deux jeunes parents en devenir, il faudra compter avec la tête d'enterrement du personnel soignant… Quand le pays tout entier est en liesse, le 15 juillet 2018, Juliette vit les heures les plus tragiques de sa vie. Une belle façon pour l'auteur de démontrer que les émotions, bonheurs et malheurs sont extrêmement proches et qu'il suffit d'un rien pour basculer dans l'autre camp. Vivre une joie intense quand le pays tout entier souffre ou pleurer de désespérance quand la nation entière chante son hymne national, c'est avoir l'impression d'être complètement décalée du monde. La petite et la grande histoire ne sont pas toujours en phase avec nos émotions.

Ce roman est un succédané de souvenirs, de détails qui peuvent sembler insignifiants ou de décisions essentielles qui définissent un chemin de vie. Une trace de café sur une table en formica devient le prétexte de décisions majeures et profondes. S'il comporte des drames, ce roman les compense par d'immenses éclats de rire. Pas facile de faire rire en racontant des tragédies… Et pourtant, Louison excelle dans l'exercice. Pas de prétention dans l'écriture, pas d'emphase à coup de grandes phrases pompeuses, pas d'extrapolation d'émotions pathétiques. Tout sonne vrai. le lecteur navigue entre rires et larmes et ce reflet des secousses de la vie n'en rend la lecture que plus réussie puisqu'on peut s'identifier à ces personnages avec une grande facilité.

Louison est dessinatrice de presse depuis plusieurs années. Elle a réellement perdu son amoureux en juillet 2018. Elle explique combien cette liesse populaire lui crevait les tympans alors qu'elle-même avait envie de crever. le reste est, dit-elle, romancé. Il n'empêche que cette sincérité transpire dans l'écriture, que les émotions passent, comme les rires ou les larmes, qu'elle fait autant preuve d'une grande sensibilité que d'un intense sens de l'humour. C'est encore là un roman sur la mort qui parle au fond de la vie, qui transmet la vie, qui illumine la valeur de l'existence. le titre n'est pas innocent, je vous laisse en découvrir le sens, la couverture reflète parfaitement l'un des moments phare du roman.

« La douleur, c'est tout à coup un divorce entre le corps et l'esprit. Pendant toute une vie, la cohabitation se passe plutôt sans heurt. Bien sûr, les matins de gueule de bois, le corps s'adonne à une basse vengeance sous prétexte que, la veille, l'esprit a cru qu'il était le plus fort des deux. Les deux forment un vieux couple, équilibré, car complémentaire. L'un pousse à un peu de folie, l'autre raisonne quand les excès sont trop nombreux et rapprochés. »

#LECHEMINDESAMOUREUX #NETGALLEYFRANCE

Lien : https://aude-bouquine.com/20..
Commenter  J’apprécie          30
Je connaissais Louison en tant que dessinatrice de BD mais pas en tant que auteure de roman ! J'aime beaucoup ses bandes dessinées qui me font un peu penser à celles de Mathou car l'une comme l'autre s'inspire de la vie réelle. Il n'est pas commun qu'une dessinatrice se lance dans l'écriture d'un roman. Je ne sais pas ce qui l'a motivé mais je serais bien curieuse de le savoir.

Pour son premier roman, Louison s'est lancé dans une histoire très forte en émotion. La quatrième de couverture nous le prouve déjà et nous en dit presque trop à mon avis. C'est le seul reproche que je peux faire à ce livre. J'aurai aimé en savoir un peu moins.

Dès les premières pages j'ai eu un très gros fou rire avec quelque chose d'assez banal : la description d'une photo dans une salle d'attente. J'ai compris à ce moment que ce livre allait me réserver de belles surprises. Quand un auteur est capable de m'accrocher ainsi dès les toutes premières pages, je tombe amoureuse. C'est un phénomène extrêmement rare pour moi qui suit de plus en plus exigeante.

La suite de l'histoire de ce couple m'a fait vivre un véritable ascenseur émotionnel. Je suis passé du rire aux larmes très souvent. Louison sait jouer avec les mots et les situations. Rien qu'avec ça j'étais bluffé. Quelqu'un qui n'a jamais écrit de roman et qui sait rendre drôle et intéressant des situations ou des choses banales a pour moi un très grand talent.

La première partie du livre a été très agréable à lire car tout est positif mais quand arrive la seconde… On sait qu'un événement majeur doit se produite et on le sent arriver. Mais cet événement ne nous laisse pas sur le cul, il nous envoie une grande décharge d'émotions. Honnêtement je me suis sentie très mal. J'avais envie de pleurer comme jamais alors que ce n'est qu'une histoire et pas mon histoire. Mais Louison nous implique tellement dedans en nous la faisant vivre au plus près que chaque changement est un raz de marée d'émotions.

On se sent très vite proche des personnages. Je les ai tous aimé avec une préférence normale pour Juliette que l'on suit au plus près. La grande force de ces personnages s'est d'être vraie. Soit on les connaît soit on pourrait les croiser un jour. Chacun apporte son petit quelque chose. Il y en a un qui m'a beaucoup touché le temps qu'il a été là : c'est celui de Blanche à l'hôtel. Je pense qu'à sa place j'aurais aussi tout donné pour Juliette et son petit garçon.

Ensuite nous avons le droit à une dernière partie qui alterne avec des moments drôles mais aussi très poignants. C'est ainsi que l'on se rend compte du talent de Louison pour savoir doser le positif et le négatif. Cette dernière partie est très réussie et m'a laissé un sentiment d'apaisement et de beau. En plus de suivre Juliette dans son présent, nous avons aussi quelques scènes du passé pour mieux comprendre. L'auteure délivre ainsi quelques messages et réflexions au lecteur.

Ce livre a été une vraie surprise mais surtout un immense coup de coeur. J'ai autant ri que pleuré. Je suis passé par une immense palette d'émotions. Mais avant tout, ce livre m'a fait un bien fou. Il a dépassé toutes mes attentes. Louison, pour son premier roman, a frappé très fort. J'espère de tout coeur qu'elle envisage la publication d'un second roman car pour moi elle a le talent pour le faire.

Les livres comme le sien sont très rare pour moi. Alors là je ne peux que vous conseiller du fond du coeur de l'acheter et de (je l'espère !) prendre autant de plaisir que moi ! ;)

Lien : https://leslecturesdamandine..
Commenter  J’apprécie          20

Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Le chef des pompiers commença, la voix posée, presque trop, comme si elle avait été préenregistrée sur un disque: "Vous nous avez donc appelés suite au malaise de votre mari… "
Je l’interrompis avec l’information la plus inutile à énoncer à cet instant-là.
"On est pacsés, pas mariés."
Le chef des pompiers acquiesça de la tête pour accuser réception de cette information tout en poursuivant.
"Quand nous sommes arrivés sur les lieux, nous avons constaté que la victime était inconsciente et après examen rapide nous n’avons pas réussi à trouver un pouls."
Voilà qu’il recommençait à parler de cette victime dont je ne savais rien.
"Après avoir tenté un massage cardiaque ainsi que la pause d’un défibrillateur, nous n’avons malheureusement pas réussi à trouver de trace d’activité sur l’électrocardiogramme ni sur l’encéphalo-cardiogramme. Après quarante-deux minutes de soins, un médecin du Samu a malheureusement dû constater le décès de votre compagnon. Nous vous prions d’accepter nos plus sincères condoléances. Un officier de police va arriver d’ici quelques minutes pour vous expliquer la suite de la procédure." J’ai regardé le pompier en chef, le médecin du Samu qui venait d’entrer dans le salon avec une expression sincèrement désolée, et le pompier du verre d’eau qui désormais n’osait plus regarder que ses pieds. D’autres visages apparaissaient tout autour sans vraiment s’imprimer à la surface de mes rétines. Au moment où l’officier de police sonnait à la porte, j’ai prononcé cette phrase, si absurde que quelques semaines plus tard elle me plongerait dans des fous rires incontrôlables: "Je crois qu’il reste du café si quelqu’un en veut."
Commenter  J’apprécie          130
On a besoin de voir l’horreur pour se la figurer, on se rapproche de ceux qui ont souffert, à la fois pour comprendre et se rassurer de ne pas la vivre soi-même.
Commenter  J’apprécie          360
INCIPIT
L’affiche fait une cinquantaine de centimètres de largeur sur soixante-dix de hauteur. Personne n’a pris la peine ou n’a eu l’envie de l’encadrer, ne serait-ce que pour la mettre à l’abri de la poussière. En l’observant depuis près d’un gros quart d’heure, je ne peux pas dire que cela me choque. Je crois même que plus on regarde cette affiche, plus on se demande s’il ne serait pas plus judicieux de s’en servir au prochain été pour démarrer un barbecue. Le fond est d’un jaune sans doute autrefois vaguement poussin et qu’on peut désormais ranger dans la catégorie chromatique des prélèvements urinaires de personnes en fin de vie. Le papier glacé s’est terni et les innombrables traces de doigts qui le maculent forment une constellation à laquelle aucun scientifique n’aurait envie de donner un nom, encore moins le sien. Les quatre morceaux de ruban adhésif qui la maintiennent au mur semblent affligés d’avoir fini ici. Aucun n’est de la même longueur, comme si leur présence aux quatre extrémités du poster les punissait d’une mauvaise partie de courte paille où tout le monde aurait perdu. Au centre de l’image, trois pots de fleurs en terre cuite parfaitement alignés dans lesquels ont été posés de minuscules bébés endormis. La photographe a profité de cet état de sommeil aux faux airs de coma et de leur méconnaissance des subtilités du droit à l’image pour les affubler de chapeaux ridicules supposés être des tournesols. Et ces trois enfants me font face, catapultés du monde animal vers celui du végétal, dans le seul but de décorer à moindre coût le mur défraîchi de la salle d’attente d’un service d’obstétrique.
En regardant attentivement ces petits paquets de chair endormis dans leur terre cuite, je me dis que ces enfants ont probablement été inconsciemment marqués à vie par cette séance photo. Désormais jeunes adolescents ils doivent passer leur temps libre à voler ou vandaliser des magasins de jardinage, mus par un sentiment de vengeance dont ils ne peuvent identifier l’origine. L’un d’entre eux souffre peut-être d’un trouble obsessionnel compulsif l’obligeant à piétiner tout ce qui ressemble de près ou de loin à un ficus. Tous les trois sont certainement victimes d’une rare intolérance psychosomatique à l’huile de tournesol dans un monde où l’allergie à la mode, c’est le gluten ou l’arachide. Le lactose à la rigueur, mais l’huile de tournesol, pff, la honte.
Je suis sur le point de prendre mon téléphone et de lancer une pétition sur Change.org pour interdire les photos de nourrissons dans les articles de jardinage lorsqu’on appelle mon nom.
*
À peine entrée dans la salle d’examen, une question fuse: «Alors, Juliette, toujours rien?» Je regarde Monique d’un œil perplexe. J’ai envie de lui rétorquer: «Si, si, j’ai accouché ce matin pendant que le café coulait, tout s’est bien passé, j’ai même eu le temps de faire griller un peu de pain, en revanche, la tuile, il ne restait que du beurre doux, mais que voulez-vous, Monique, y a des matins comme ça…»
Monique est sage-femme. Monique est ma sage-femme. Monique est compétente, charmante, entre deux âges, et Monique pose parfois de drôles de questions depuis les presque neuf mois que nous nous fréquentons. La première, c’était à l’échographie de contrôle à cinq semaines. Avant de lancer les recherches, elle m’a regardée d’un air sévère et a dit: «À votre avis, il y en a combien?» J’avais l’impression d’avoir Jean-Pierre Foucault devant moi, mais sans le pognon à gagner ni l’avis du public. «Bah on va dire un? Un c’est bien, non? Pourquoi, vous aviez quoi en tête de votre côté?» Sans répondre, Monique avait commencé l’examen. Je sentais mon pouls au bout de chacun de mes doigts, de chacune de mes oreilles même s’il y en avait moins, et finalement jusqu’au bout de chacun de mes cheveux. Là, d’un coup, ça faisait beaucoup.
«Roulements de tambourrrrrr», avait ajouté Monique histoire de m’achever, avant d’appuyer sur un bouton qui monta le volume de l’appareil d’examen. Un fond sonore de battements cardiaques envahit la pièce. «Vous entendez?» À cet instant précis, j’avais eu envie de crier à Monique que je prenais le 50/50, la réponse D, que j’étais même prête à appeler ma mère mais que je n’avais aucune idée du résultat, et qu’avec son jeu à la con elle me fichait en l’air ce moment pourtant précieux. Sans doute sensible au fait que la peau de mon visage prenait de plus en plus la couleur du mur derrière moi, Monique lâcha dans un sourire : «Y en a qu’un, mais il a de l’énergie comme douze!» Je l’ai regardée et j’ai bredouillé: «J’imagine que c’est mieux que l’inverse».
Commenter  J’apprécie          00
pardon d’avoir autre chose à foutre de mes journées que de t’envoyer des photos salaces pour te chauffer et me faire sauter le soir dans les onze minutes que j’ai au calme avant de m’écrouler de fatigue. Pardon d’avoir à gérer les cauchemars de Joseph, les changements de draps pleins de pisse à 2 heures du mat’ parce que ta conne de mère l’a traumatisé avec son putain de Roi Lion, pardon d’avoir parfois trop de boulot et d’aimer passer mes week-ends à préparer des powerpoints pour être un peu bien dans mes pompes le lundi matin quand j’arrive au taf, pardon d’avoir l’impression que mes seins ressemblent à des rollmops et d’avoir plus envie de te les montrer trop souvent pour que tu ne puisses pas mentalement les comparer à ce qu’ils étaient quand tu m’as connue, pardon d’avoir pris du cul quasiment autant que j’ai perdu de l’enthousiasme pour aller baiser sous la douche, et pardon de ne pas avoir vraiment l’énergie de me transformer en femme fatale qui te bande les yeux quand tu arrives à la maison alors qu’en général la première chose que tu demandes quand tu passes la porte, c’est si j’ai pris le PQ que tu préfères chez Franprix. »
Sans lui laisser le temps d’intégrer et encore moins de digérer ce que je venais d’énoncer, je continuai, en apnée ou presque: Oh, et pardon de ne pas t’envoyer des petits messages pleins de cœurs et de sous-entendus lourdingues comme ta connasse de collègue qui fait vibrer ton téléphone à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, et pardon d’avoir foutu mes strings à la poubelle pour ne garder que des sous-vêtements qui n’ont pas l’ambition de devenir un de mes organes internes, pardon aussi de considérer que notre avenir se situe un peu plus loin que la prochaine pipe que je vais te tailler parce que j’aurais eu la flemme de faire plus. Pardon de ne plus vouloir vivre dans un quartier qui pue la mort, Jérôme, tu m’entends, ça schlingue la mort partout. Pardon, hein, pardon d’avoir l’impression d’enjamber des cadavres chaque fois que je vais acheter des chouquettes et pardon de trouver ça insupportable, et pardon, oh mon Dieu, un grand pardon Jérôme, de vouloir continuer à construire des choses avec toi, au bout de six ans, alors que bon, on est bien comme ça hein, mais oui, ON EST BIEN COMME ÇA.
Commenter  J’apprécie          00
En regardant les premières gouttes passer une à une par le filtre en papier pour atterrir dans le réceptacle en Pyrex de la cafetière, j’ai pensé que c’était un peu fou la vie parfois. En l’espace de vingt-quatre heures, les choses s’étaient totalement transformées. Les traces de tasse de café qui, la veille, me faisaient monter la tension à 18, étaient ce matin les complices d’un bonheur retrouvé. Elles étaient là, définitivement tatouées sur la table en Formica, et pourtant je leur souriais. Sans ces marques, sans la dispute qui avait suivi, sans le pouvoir tachant du café, la journée n’aurait pas été si orageuse et la nuit si belle. Et si j’étais tombée enceinte cette nuit? La main sur le ventre, je regardais tranquillement ce nouveau café du jour franchir peu à peu les graduations de la carafe en verre. Amusée, je me demandais ce que cet arabica-ci nous apporterait.
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Louison (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de  Louison
Les nouveautés Futuropolis de juin 2024
Les plus populaires : Littérature française Voir plus
Livres les plus populaires de la semaine Voir plus


Lecteurs (90) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

Françoise Sagan : "Le miroir ***"

brisé
fendu
égaré
perdu

20 questions
3667 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

{* *}