Le Guerrier de porcelaine - Ultramour

Mathias MALZIEU c'est avant tout une écriture, un style, un univers. Tout de suite il y a un décrochage avec la réalité. Il y a beaucoup de générosité dans cette plume qui embrasse (au sens de prendre dans les bras) le lecteur et l'emporte dans un autre univers. Même quand il nous parle de la vie il nous transporte dans un ailleurs. Une sorte de bulle de poésie et d'enchantement qui rend le monde un peu moins cruel, un peu magique. On lui reproche parfois de manquer de profondeur, moi je l'aime pour sa légèreté même quand il parle des choses graves. On n'a pas toujours besoin de se prendre au sérieux pour parler des choses qui le sont.

Ici il s'attaque à un sujet difficile : la vie d'un petit garçon en zone occupée pendant la seconde guerre mondiale. Une vie en huis clos, caché dans une maison, caché dans un cahier. Un cahier dans lequel il écrit à sa maman qui vient de mourir et qui lui manque plus que jamais. Un cahier dans lequel il raconte son coeur, sa tristesse, ses petites joies et à quel point ça fait mal de rire à nouveau sans elle. C'est triste le bonheur quand on est en deuil.

Malgré la monotonie des jours on ne s'ennuie pas dans ce cahier. Il y a l'oncle copain qui est amoureux comme un collégien, la tante bigote qui ronfle comme un sonneur, la grand-mère au chignon expressif qui cache sa tristesse derrière sa détermination, Marlène Dietrich, le cigogneau à l'haleine de putois et un secret enfermé dans une boîte.

Ce petit garçon c'est Mainou, le papa de l'auteur. Et je dois avouer que ça m'a beaucoup perturbée de me dire que l'auteur écrivait comme si c'était lui alors qu'il racontait les souvenirs de son père. Même si le livre est clairement romancé et plongé dans l'univers onirique de l'auteur et n'a pas vocation a être un témoignage « historique ».

Cependant rien que pour la plume ce livre vaut le détour. Je compte bien lire de nouveau cet auteur pour son grain de folie et pour son regard sur le monde.

ULTRAMOUR
DUCB - 037653
"Le meilleur moyen de réaliser l'impossible est de croire que c'est possible". (Lewis Carroll)

Près de 600 kms - Paris/Düsselforf
grâce à la fée électricité !

Le vent de l'espoir a soufflé. Il se sent comme Don Quichotte avec ses moulins à vent.

' Je laissais les vents contraires musicaliser dans mon dos, fendant l'air de rien" p.276

Chasseur de Waouh !
à bord de son Kalkhoff.

Tomber telle Alice au pays des merveilles !

"Quand le corps pile, faire en sorte que le coeur puisse faire face".

Il va s'engueuler avec son GPS, mais arrivera à bon port.

- Christophe Colomb s'engueulait-il avec sa boussole ? !

Il dit :
J'ai pris la contre-allée / je me suis emporté / transporté !

Que d'humanité dans ces rencontres .



LE GUERRIER DE PORCELAINE

La poésie est dans la charrette à foin, dans le grenier, dans le poulailler, dans le sourire et le chignon de Grand-mère, dans le gros cul, les doigts boudinés et l'allure d'hippopodame telle une danseuse gonflée à l'hélium de tante Louise, dans la pipe et le biclou d'Emile ; mais aussi, et surtout, dans l'amour de Mainou pour sa maman.

Mainou, le père de l'Auteur de ce livre.

Mathias Malzieu
- puissance douce et triste de ses phrases,

- spontanéité et fraîcheur de l'enfance dans ses tournures de phrases
et ses mots.

ça rafraîchit et ça atténue le laid de cette période !

"L'amour ça s'entretient comme un potager. Et la poésie, c'est le meilleur des engrais" . (p.233)

La poésie, ceux qui la compose, l'écrive avec leur vécu , leur coeur ont un talent inégalable.
Ils ont le don de vous faire voguer parmi les étoiles avec la lune pour éclairer votre chemin.

Ce roman nous emmène en 1944 dans la vie de Maunou, jeune garçon de dix ans qui voit son quotidien bouleversé après la mort de sa mère des suites d'une fausse couche. Son père continue le combat et confie son fils à la famille de sa femme, en Lorraine. Dans cette zone occupée, Mainou doit se cacher car les Allemands sont très présents.
Malgré cela, il va faire de jolies rencontres et apprendre tout doucement à faire son deuil, grâce à sa grand-mère, Émile, Louise, Julia, l'amie juive de sa mère qui se cache au grenier et même Marlène Dietrich, un cigogneau qui sent le pous chiche.
Un roman tout en émotions puisque l'auteur s'est largement inspiré de la vie de son père pour nous raconter un an de la vie de Mainou.

Mathias Malzieu, c'est le chanteur du groupe Dionysos. Un type bondissant, déjanté, aux textes farfelus qui donnent le sourire.
Mathias Malzieu, c'est aussi un homme qui n'a pas oublié ce qu'est l'enfance. Et à l'occasion, il sait parler avec la voix d'autres enfants. Son père, par exemple. le petit Mainou, dont la maman meurt en couches durant la guerre. Son papa, résistant, ne peut garder l'enfant près de lui: il l'envoie alors, secrètement, en Lorraine occupée, chez sa grand-mère maternelle. Une vie en cachette, dans une famille qu'il ne connaît pas. Une période d'isolement presque total, passée à reconstruire un petit coeur brisé, à découvrir des secrets enfouis, à réapprendre à vivre.
Un livre vraiment magnifique, pas geignard du tout, où l'auteur a sans doute placé le meilleur de lui-même.

Imaginez…

… Imaginez que vous soyez sauvés grâce à une greffe de moelle osseuse par sang de cordon ombilical en 2014.
…. Imaginez que vous écriviez un premier livre sur ce sujet (Journal d'un vampire en pyjama).
… Imaginez que ce cordon ait été congelé en Allemagne en 1999.
… Imaginez que pendant votre longue hospitalisation votre père vous raconte son histoire.
… Imaginez que suite à la mort de sa mère en 1944, alors que c'est encore un petit garçon, il ait été envoyé en Lorraine, alors Allemande, de manière totalement clandestine.
… Imaginez que suite à votre livre, par un fruit du destin, la donneuse de cordon vous retrouve et vous envoie une lettre.
… Imaginez que vous décidiez de faire le trajet à vélo depuis Paris, jusqu'en Allemagne donc, pour la rencontrer.
… Imaginez que vous écriviez deux livres, un pour parler de votre voyage à vélo, l'autre pour raconter l'année 1944-45 de votre père.
… Imaginez que vous ayez une écriture à la fois sensible, poétique, et vivante (après tout, on imagine, on peut bien se jeter quelques fleurs.).

Mathias Malzieu, lui, n'a pas eu besoin d'imaginer.

Deux destins.
Un père, un fils.
Deux pays.
La France, l'Allemagne.

Sortir d'un livre qui parle de la Seconde Guerre mondiale avec le sourire, ça je ne l'ai pas imaginé, et pourtant, c'est bien ce qui est arrivé.

« La réalité dépasse la fiction pour une raison simple : la fiction doit rester vraisemblable. La réalité, elle, n'y est pas tenue. » P.Humm.