La Peur et 5 autres contes /
Guy de Maupassant
Dans
LA PEUR ,
Maupassant fait en quelque sorte l ‘éloge de ce sentiment face au surnaturel. Malheureusement à mesure qu'on lève les voiles de l'inconnu, on dépeuple l'imagination des hommes et le sentiment de peur tend à se raréfier. La nuit est bien vide et d'un noir bien vulgaire depuis qu'elle n'a plus d'
apparitions. le narrateur de ce bref conte que l'on peut assimiler à l'auteur, voudrait bien frissonner la nuit, de cette angoisse qui fait se signer les vielles femmes le long des murs des cimetières et se sauver les derniers superstitieux devant les vapeurs étranges des marais et les fantasques feux follets. En vérité on n'a vraiment peur que de ce qu'on ne comprend pas. Deux cas sont ainsi rapportés par le narrateur afin de frissonner quelque peu, l'un conté par l'écrivain russe Tourgeniev chez
Flaubert en présence de l'auteur et qui se passe en Russie, et l'autre vécu par le narrateur en Bretagne, terre de croyances et de superstitions.
SUR L'EAU est le titre du second conte qui est plutôt une nouvelle, une nouvelle assez longue parue en 1888 et qui raconte une croisière
De Maupassant en Méditerranée à bord de son yacht
Bel-Ami dans les années 1873 à 1875.
C'est non seulement un récit de voyage mais aussi une belle description des paysages et de la vie à bord.
Maupassant évoque aussi la vie littéraire, ses tourments intimes, et les vices d'une aristocratie dont il fait une satire féroce, des gens qui s'approprient les acteurs célèbres, les artistes et les musiciens.
Et puis la beauté de la mer et les caprices du vent sont décrits dans ce style inimitable qui est propre à
Maupassant. On découvre, tels qu'ils étaient vers 1875 des lieux devenus mythiques comme Saint Tropez, Saint Raphaël, Sainte Maxime, Saint Aygulf, Agay…
En somme, un délicieux bavardage ont dit certains : c'est même un peu plus !
Citations sur le vent :
« Aucun ennemi ne nous donne autant que
lui la sensation du combat, ne nous force à tant de prévoyance, car il est le maître de la mer, ce
lui qu'on peut éviter, utiliser ou fuir, mais qu'on ne dompte jamais. »
La misanthropie croissante
De Maupassant transparait au fil des pages :
« Dieu, que les hommes sont laids ! Pour la centième fois au moins, je remarquais au milieu de cette fête que, de toutes les races, la race humaine est la plus affreuse. »
Suit une réflexion sur l'attitude des
foules fort juste et qui ne laisse de donner à penser que
Maupassant préfère la solitude à bord de son
Bel Ami.
Maupassant se livre aussi à une petite analyse de l'Histoire, « cette vieille dame exaltée et menteuse » comme il dit avec ironie. Et il vante les qualités épiques de l'Histoire de France qui a eu une
Jeanne d'Arc et un Napoléon.
Au passage il vante aussi les qualités de séduction des hommes français : « Nous aimons les femmes, nous les aimons bien, avec
fougue et avec légèreté, avec esprit et avec respect. Notre galanterie ne peut être comparée à rien dans aucun autre pays. »
Il fait remarquer que les mots ont souvent fait l'histoire des princes :
« Un seul coup d'oeil jeté sur le passé de notre patrie nous fera comprendre que la renommée de nos grands hommes n'a jamais été faite que par des mots heureux… »
Et il cite les exemples célèbres de Henri IV, de Clovis, …etc.
Un genre de récit dont
Maupassant donne une conclusion très à propos :
« J'avais profité de ma solitude flottante pour arrêter les idées errantes qui traversent notre esprit comme des oiseaux… »
Un bijou littéraire.
LA MAIN. L'histoire se passe à Ajaccio et ressemble fort à une vendetta mais pas entre Corses. M. Bermutier, juge d'instruction à Paris raconte cette affaire lors d'une soirée entre amis.. Un Anglais s'installe dans une petite villa au fond du golfe d'Ajaccio. Il intrigue tout le monde et M. Bermutier, de passage pour enquêter sur des affaires de vendettas, décide de chercher à savoir qui est cet Anglais et parvient à force de patience, à se faire inviter chez
lui. Il fait alors des découvertes étonnantes…et notamment une main et la moitié d'un avant bras comme momifiés fixés au mur sur un tapis, une chaine encore fixée au poignet. Comme un trophée !
Dans
LUI ?, le narrateur envoie une missive à un ami ,
lui faisant part de son projet de mariage : il ne peut plus rester seul car il vit dans
la peur dans son appartement, une peur irrépressible due à l'hallucination d'un soir. Un conte étrange où
la peur de
la peur crée une ambiance délétère.
QUI SAIT ? Une aventure bizarre, inexplicable et incompréhensible qui
lui fait douter de son bon sens, arrive au narrateur. Hallucinations ou perte du sens des réalités, allez savoir ! Voir sa maison vidée de ses biens sous ses yeux sans voir le voleur et retrouver le tout en vente chez un antiquaire, il y de quoi piquer une colère et avertir la police pour récupérer son bien. Mais le drôle d'antiquaire disparaît et la perquisition de la boutique révèle que tout ce qui appartient à notre pauvre homme a disparu. La suite
lui fait croire assurément qu'il devient
fou. Toujours est-il que cela se termine par un séjour en maison de santé, séjour volontaire par prudence, et peur de replonger dans le cauchemar.
Dans
APPARITION c'est le fantôme d'une femme revenue d'outre-tombe qui vient donner des frissons.
Illusions ou réalité obéissant à des lois encore inconnues ? le surnaturel transparait au travers de ces nouvelles frappant les héros d'une angoisse irrépressible en même temps que d'une éclipse de la raison.