Miller/
Balzac
Miller à un moment de sa vie, pendant plus de 10 ans tout de même, a séjourné en France pour repartir pendant la guerre vers son pays l'Amérique qui l'avait vomi une décade plus tôt.
Oui il était vomi et Henry n'avait rien d'un écrivain maudit puisqu'il voulait vivre sa vie pleinement. Et la France va lui permettre cela, et je suis déjà au coeur du livre La Sagesse de la vie qui aurait pu s'appeler aussi : Rester vivant ..
Il a donc épousé la France et comme il ne fait pas les choses à moitié, sa propension littéraire l'a conduit notamment vers
Balzac, le grand
Balzac à qui il aura manqué probablement de chausser les chaussures de géant, s'étant peu soucié, voire pas, de la cause du peuple. Non pas qu'il n'y ait pas pensé, mais de si loin que ça en devient presque indécent quand on y réfléchit. Pourquoi je dis cela, parce que dans la présente chronique que nous livre Henry qui s'attache à
Séraphita dans les années 1830,
Balzac avait bien une vue sur le peuple, dire qu'il avait de l'empathie pour lui, c'est presqu'un gros mot ! Cette chose fantastique qu'il nous décrit, sorte de culbute philosophique, était censée être un message à l'endroit du peuple, d'un peuple apathique dont le salut ne pouvait passer que par la quête de Dieu, toujours selon
Balzac.
Là où par contre
Balzac se distingue nettement du lot des mortels est sa capacité extraordinaire à écrire des romans, il avait encore du poil au menton quand comme un dératé il va enchaîner roman sur roman non seulement à une cadence vertigineuse qui dépasse l'entendement, mais à coup sûr épuiser ses jeunes et précieuses années de 21 ans à 29 ans à écrire une quarantaine de romans contre vents et marées. Tout excès se paie et se paiera. "Il fut obligé de payer le prix de la soumission", précise HM qui ne peut que se voir à travers cet exemple. On sentait que rien ne pouvait endiguer ce délire d'écrire qui le submergeait et ça, ça a plu à
Henry Miller : "On a dit que le 28 février 1832 était probablement la date la plus importante de la vie
De Balzac. C'était le jour où il reçut sa première lettre de Madame Hanska, celle qu'il épousera au terme de dix-sept ans de cour, quatre mois à peine avant de mourir.."
Je pense en fait que ce qui a le plus plu chez Miller de
Balzac, c'est que derrière la façade de ces eaux torrentielles à peindre la société bourgeoise protéiforme, à en portraiturer ses insignes représentants et à en peaufiner leurs destins, c'est le vent de la révolte et de l'anarchie qui gronde sous la plume d'un des plus grands romanciers français.
HM ajoute dans sa chronique que "Le flair psychologique
De Balzac était l'expression de sa passion obsessionnelle pour "instaurer de l'ordre", car alors comme aujourd'hui l'Europe était dans les affres de la dissolution. Dans sa vantardise de finir à la plume ce que Napoléon avait commencé par l'épée ; il faut lire le profond désir de révéler le sens des vraies relations existant dans le monde de la société humaine.." Et cela s'appelle une étude de moeurs ..
HM fait un parallèle avec
Dostoïevski pour ce qui est de leurs malheurs matériels handicapant leur activité littéraire et la création (eu égard à la période
De Balzac 1827-1836, ses déboires financiers). C'est sans doute vrai, mais j'ajouterais que
Dostoîevski était plus proche de son prochain que ne le fut
Balzac et était plus qualifié à décrire un monde souterrain, caverneux ...
Balzac est plus attaché à son siècle que ne le fut
Dostoïevski
Si HM s'attache à
Balzac comme de la glue, c'est que son expérience miroite la sienne propre dans le sens qu'écrire, qu'écrire selon leur passion mutuelle dévorante suivie respectivement de succès énorme pour
Balzac et de succès énorme différé pour HM, ce que HM va qualifier de comédie divine et non de comédie humaine, et de ce point de vue
Henry Miller est plus proche de
Dostoïevski que
De Balzac.
HM ajoute encore que
Balzac évoque pour lui : " le style des derniers quatuors de Beethoven, la volonté qui triomphe dans sa soumission." Par des chemins occultes et non religieux, voire profanes, éthiques comme chez
Schopenhauer ..