AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,1

sur 59 notes
5
9 avis
4
0 avis
3
1 avis
2
1 avis
1
0 avis

Ouvrir « Séfarade », c'est entrer dans un royaume où les frontières du temps sont abolies, c'est entendre la voix de ces ombres qui peuplent notre passé, c'est écouter le témoignage des oubliés, des bannis, des exilés qu'ils soient anonymes ou familiers comme Primo Levi, Milena Jesenska, Franz Kafka, Margarete Beuber-Neumann ou Willi Munzenberg, Jean Amery.

« Une sorte d'encyclopédie de l'exil » pour reprendre les mots de l'auteur dans le sens qu'il accorde à ce titre « Séfarade ».

C'est un recueil de dix sept chapitres qui n'est aucunement un recueil de nouvelles. le terme « Séfarade » s'entend, dans ce livre, non comme l'histoire des juifs originaires de la péninsule ibérique, chassés par Isabelle la Catholique mais plutôt comme le terme qui renvoie aux thèmes de l'exil partant du principe qu'il n'est pas nécessaire d'être juif pour faire partie de la grande famille des exclus. Il dit bien « chacun peut devenir le juif d'un autre ».

Seul, le dernier chapitre s'intitule « Séfarade », un chapitre émouvant sur le portrait d'une fillette de Vélazquez admiré par l'auteur à New York dans un musée, loin des lumières de la ville, le Hispanic Society of America.

Sur le thème du bannissement, du déracinement, parfois du voyage aussi, dix sept chapitres qui entrent en résonnance avec la Grande et la petite histoire où se mêle la fiction.

Machine à remonter le temps, mémoire de tous les exilés, à ceux qui ont fuit, à ceux qui sont restés, à tous les coupables sous aucun motif. Muñoz Molina les ressuscite à travers des témoignages, des rencontres comme des écrits, l'auteur donne la parole à toutes ces voix qui résonnent dans le silence de l'Histoire, tous ces destins brisés par les régimes totalitaires et le XXème siècle a été fécond.
Il dénonce les crimes du stalinisme, du nazisme et cette guerre espagnole qui reste un traumatisme empoisonnant l'inconscient collectif de tout un peuple.

A travers tous ces messages, ces confidences venus de la nuit des temps, Muñoz Molina évoque le destin de ces femmes de républicains espagnols pendant et après la guerre civile comme le sort de tous ceux qui ont connu l'exil forcé comme l'exil intérieur, tout aussi destructeur. le Passé ressurgit. Comment peut-on oublier, nous qui sommes les héritiers de ce passé, vivre comme si rien ne s'était passé.

Une réflexion amène une nouvelle réflexion, incessant aller-retour entre passé et présent. Des personnes sortent ainsi de l'oubli, d'autres inconnus se racontent. C'est ainsi que j'ai appris, par la voix de la fille d'un républicain ce que sa mère, épouse d'un rouge, avait subi à la fin de la guerre civile. Elle avait été tondue : cette pratique de la tonte des femmes était usuelle chez les fascistes et fut, hélas, reprise en France par les Compagnons de la Libération.

L'auteur articule les réalités d'hier et celles d'aujourd'hui, jeu de miroir entre passé et présent, connexion entre diverses situations à travers le temps, tout est relié, comme lorsque vous cuisinez une tarte et qu'à travers ce geste, c'est votre grand-mère qui cuisine ou lorsque vous vous baignez sur les plages du Débarquement, situation façon Palimpseste. Sa narratrice ou son narrateur est identifiable parfois par le « je » et d'autre fois par « il ou elle » mais la lecture est aisée et tous ces récits ont pour vocation d'engendrer l'empathie du lecteur pour ne pas oublier !


Il m'est impossible de rester insensible à la mélodie que dégage l'écriture d'Antonio Muñoz Molina. IL possède un style d'écriture hypnotique qui n'appartient qu'à lui avec ses longues phrases simplement séparées de temps en temps par une virgule, dans une lente énumération, comme pour apporter des précisions supplémentaires ou mieux, pour nous faire épouser son propos. Il s'en dégage une grande humanité et une telle profondeur de réflexion qu'à chaque ligne, l'émotion, la révolte et la grandeur d'âme de cet auteur émergent.

Antonio Muñoz Molina est, à mes yeux, un très grand auteur dont j'admire l'écriture et ce livre est magnifique ! Trouver les mots pour rédiger cette chronique sans trahir le livre fut difficile tant la profondeur de réflexion de Molina est puissante et troublante.






Commenter  J’apprécie          8321
Pourquoi nos plus belles lectures et les profonds bouleversements qu'elles mettent dans nos coeurs sont elles les plus difficiles à partager?

 Pourquoi Sefarad qui m'a fait si grande impression, que j'ai lu avec un mélange de chagrin et de fascination- et si lentement, au début- ne se laisse t il ni raconter , ni expliquer,   ni critiquer?

Depuis 5 ans que je chronique presque toutes mes lectures sur Babelio c'est ,je crois , la première fois qu'un livre follement aimé pourtant me paraît hors de toute prise.

Essayons pourtant.

 Sefarad n'est pas un recueil de nouvelles, les 17 chapitres qui le constituent je les ai plutôt vécus comme 17 promenades en terre d'exil, 17 voyages sur les traces douloureuses,  cruelles , dérangeantes,  toujours sensibles et fraternelles,  de ceux qui sont partout d'éternels étrangers.

Certains de ces exilés sont connus:  Kafka, Milena, Margarete Buber Neumann, Evguenia Guinzburg, Michel del Castillo, Jorge Semprun, Pablo Casals..
D'autres le sont  moins comme Willi Münzenberg, Babette Gross, Jean Amery .
D'autres enfin oscillent entre fiction et réalité :  Camille Safra, Isaac Salama, ou ce  cordonnier possédé d' une nonne rebelle,  cette  fille de "rouge" qui se croit sans père,  ce médecin inquiet , cet  homme hanté par un ancien amour,  ce voyageur entre deux trains, entre deux temps, entre deux souvenirs.

Tous en exil. 

En exil de leur pays, quel qu'il soit. Chassés de cette emblématique Sefarad, nom  hébreu  de l'Espagne pour les juifs orientaux qu'Isabelle la catholique chassa en 1492 de cet eden de paix de science  et de culture qu'ils partageaient  avec les Arabes,  eux aussi chassés de la terre andalouse, précipitant  derechef l'Espagne brillante , ouverte et lumineuse dans les feux de l'inquisition et les ténèbres du fanatisme.

En exil de leur passé,  de leurs rêves,  de leurs utopies aussi. Utopie du communisme qui se révèle aussi ravageur que le fascisme qu'il prétendait affronter. Les camps ceints de barbelés  hérissent l'Europe, d'Argelès à  Ravensbruck, et d'Auschwitz à  Kolyma. Et les trains la sillonnent : sur les rails sont ballottées les  existences fragiles et  tragiques de tous ces "étrangers" qui découvrent leur étrangeté dans le regard des autres. Dans l'étoile jaune qu'on épingle à leur poitrine, dans la maladie qui fait d'eux des parias, dans la folie maniaque des ogres au pouvoir qui  excluent, traquent, tuent aussi bien ceux qui croyaient les servir aveuglément que ceux qui pensaient leur échapper en  vivant discrètement  leur vie anonyme.

En exil d'humanité,  d'identité,  de fraternité,  d'amour.

Mais ce qui rend ces exilés si proches, si intimement en résonance avec nos vies, ce sont les liens tendres, subtils, profonds, déchirants que tisse entre eux et nous, entre passé et présent , entre orient et occident, entre brûlante Espagne et Sibérie glaciale,  la phrase magique, enveloppante,  méandreuse, ensorcelante  d'Antonio Muñoz Molina.

Plus longue, plus envoûtante, plus entortillante encore que la proustienne, la phrase "molinesque" m'a prise dans ses filets, arrimée, encoconnée.

 Emballée.

Un peu perdue au début,  j'ai très vite cessé de lutter, comme la mouche prise dans la toile d'araignée . Insensiblement, le poison doux de la mélancolie s'insinuait un peu plus , à chaque chapitre, dans mon esprit et mon coeur, en y creusant une vertigineuse tristesse.

"La tristesse, disait Gide, est comme un poison. On peut l'aimer, mais non s'en trouver bien".

 C'est faux.

Sefarad m'a fait toucher le fond d'une immense tristesse, que j'ai aimé éprouver , c'est vrai, puisque j'y revenais avidement, mais il a aussi mis des mots sur les maux de notre siècle , tissé des liens entre  ces exilés,  ces temps disjoints, ces diasporas éparses, ces destins écartelés.  Et il a ainsi, bizarrement, recréé une fraternité,  lucide et tendre, qui culmine, pour moi, dans le chapitre "Tu es" qui m'a émue aux larmes.

"Tu es chacune des diverses personnes que tu as été, et aussi celles que tu t'imaginais pouvoir être, et chacune de celles que tu n'as jamais été, et celles que tu désirais ardemment être et que, maintenant, tu te félicites de n'être pas devenu."

Sefarad est un livre unique et puissant: il fait autant de peine que de bien, il bouleverse et fait penser, il déroute et il aiguille, il sépare et il enveloppe. Inoubliable.Il n'y a pas assez d'étoiles pour l'honorer.

Merci Martine pour me l'avoir fait découvrir. 
Commenter  J’apprécie          6318
Si on me demandait comment "classer" ce livre, je n'aurais aucune réponse, j'ai beaucoup de mal à le résumer, et même à en parler!
Ce n'est pas un roman, mais il contient de la fiction.
Ce ne sont pas des nouvelles, je ne le pense pas, bien qu'il soit constitué de dix-sept chapitres retraçant chacun une histoire différente, mais les personnages de ces histoires peuvent, ou non, se retrouver dans une autre....
Ce n'est pas un récit bien qu'il retrace des destins historiques.
Ce serait peut être plus simple de faire un dessin ? Et, sur une feuille blanche, au centre, je mettrais un gros point, très noir. Ce point, c'est Joseph K. qui, à aucun moment, n'a été accusé de quoi que ce soit, si ce n'est d'être coupable. Passage du statut d'innocent à celui de coupable, sans bien sûr savoir de quoi on peut bien être coupable.
Relié au point noir Joseph K., je dessinerais un point gris, l'auteur, en lisant ceci :


"Je suis très doué pour éprouver cette espèce d'angoisse, pour manquer le sommeil en m'imaginant que toi et moi sommes dans ce train. Je suis terrifié par les papiers, les passeports et les certificats qu'on peut perdre, les portes que je n'arrive pas à ouvrir, les frontières, l'expression indéchiffrable ou menaçante d'un policier, de quelqu'un qui porte un uniforme et brandit face à moi une quelconque autorité. J'ai peur de la fragilité des choses, de l'ordre et de la tranquillité de notre vie toujours précaire et suspendue à un fil qui peut casser, de la réalité quotidienne si assurée et familière qui peut se briser dans la catastrophe d'un malheur."

Du point gris de l'auteur partiraient des lignes, plus ou moins sécantes, quelquefois parallèles, s'entrelaçant, se croisant , bref une espèce de toile d'araignée, mais toutes ces lignes bien sûr finiraient par rejoindre le point noir central. Ces lignes correspondraient à cette simple phrase :"Il n'y a pas de limite aux histoires inimaginables qu'on peut entendre à condition de faire un peu attention, aux romans qu'on découvre soudain dans la vie de n'importe qui."

Elles représenteraient soit des destins connus de tous comme ceux de Primo Levi, Milena Jesenska, Evguénia Guinzgourg, Margarete Buber-Neumann, personnages que l'on retrouve dans la plupart des chapitres, mais aussi les récits d'autres vies, fiction ou non. le seul point commun chez ces personnages étant bien sûr le fait de se retrouver un jour coupables et de ne pas comprendre pourquoi.

C'est sûr que comme dessin, ce ne serait pas génial, mais il correspond à ma vision de ce livre !
Dans les critiques que j'ai lues à son sujet, on évoque en permanence le thème de l'exil.
Ce thème est certes très présent ; les coupables fuient par tous les moyens possibles (un des plus beaux chapitre est, pour moi, "Dis moi ton nom" qui évoque l'exil de musiciens d'Amérique latine d'abord vers l'Argentine puis vers l'Espagne).
Et le titre du livre "Séfarade" est un hommage rendu à la mémoire des juifs expulsés en 1492.
Mais la douleur de l'exil n'est pas le thème dominant. le thème dominant , pour moi, est l'éternelle question : pourquoi ai-je été déclaré coupable, pourquoi tout à coup suis-je obligé de perdre mon identité pour adopter celle qu'on m'attribue ?

Dans le chapitre "Tu es" :
"Tu crois savoir qui tu es et en fait tu es soudain transformé en ce que les autres voient en toi, et , peu à peu, tu deviens plus étranger à toi même, et même ton ombre est ton espion qui te suit pas à pas, et de tes yeux tu vois le regard de ceux qui t'accusent, qui changent de trottoir pour ne pas te dire bonjour..."

Bon, je crois que finalement, il vaut mieux que je ne fasse pas de dessin...
Très beau livre!

En " citation", la postface, les livres utilisés par l'auteur. .





Commenter  J’apprécie          365
Eh bien, voilà mon premier coup de coeur de l'année.
Séfarade est un recueil de nouvelles liées entre elles par un lien ténu, subtil. Il n'y est pas tellement question de l'expulsion des juifs d'Espagne en 1492. Beaucoup plus de leur persécution pendant la seconde guerre mondiale. Mais plus encore d'autres qui ont partagé ou qui ont été témoins d'expériences similaires.
J'ai d'abord été frappé par la proximité avec la galaxie des auteurs et des personnages qui me touchent: le Kafka des Lettres à Milena, Milena Jesenska elle-même, Margarete Buber-Neumann, Giorgio Bassani, Primo Levi, Willi Münzenberg, que l'on retrouve dans Ostende 1936 de Volker Weidermann, la guerre d'Espagne et les totalitarismes en tous genres. Ou plus simplement les trajectoires individuelles, les deuils et la culpabilité, l'exil, les désirs qu'on n'assouvira jamais, la dépossession qu'impose le monde moderne, les mauvaises nouvelles annoncées par le médecin, la déchéance des junkies, la quête de soi, impossible à mener à bien.
Tout cela est pris à hauteur d'humain, avec une attention subtile, une bienveillance parfois désolée, ou admirative, une conscience de la perte.
Évidemment c'est un peu mélancolique, voire tragique par moments, mais c'est conté avec une telle proximité que l'on ne peut que suivre et partager toutes ces destinées.
Commenter  J’apprécie          343
"J'ai été comme ces mauvaises herbes arrachées,
Déposées en gerbes alignées sans discernement.
Depuis, j'ai été moi, oui moi, à ma perte,
Et moi, à ma perte, je ne suis ni moi ni un autre ni personne.»
(Fernando Pessoa)

«Sefarad», mot en hébreu médiéval désignant à la fois l'Espagne et le Portugal, ainsi que les juifs originaires de la péninsule ibérique, expulsés en 1492 par les rois catholiques Ferdinand et Isabel, se transforme, sous la plume de Antonio Muñoz Molina, en paradigme et métaphore par excellence au sentiment d'exil, qu'il soit extérieur ou intérieur, réel ou imaginaire, forcé ou volontaire ; synonyme non seulement de diaspora, de bannissement, mais aussi de migration, de déportation, ou encore de désir d'évasion, délivrance ou délestage du poids de son histoire personnelle, de son passé, de toutes les contraintes qu'on se serait petit à petit vu infliger à être untel, plutôt qu'un autre…
Projet littéraire sans pareil, surdimensionné et grandiose («encyclopédique» selon les mots de l'auteur lui-même), dans SÉFARADE, l'ambition de la plume de Molina pourrait nous renvoyer à la célèbre gravure de Dürer, «La Melencolia», à l'image de cet ange abandonné au milieu des outils et des artefacts dont la vanité humaine se pare afin de nourrir l'illusion d'appréhender le monde, un livre ouvert sur les genoux, une sphère représentant la quête d'absolu à ses pieds, le regard cependant tourné vers l'intérieur, songeur, comme dans l'attente de pouvoir transcender la distance infranchissable qui sépare les hommes les uns des autres, la fiction de la réalité, l'inaltérable de l'impermanent. Au bout du compte, à quoi cela servirait de vouloir se mettre à place d'un autre, se demande l'auteur? Quelle vanité à aspirer à cerner l'essence profonde d'un être, quand tout un chacun, à commencer par soi-même, n'est au fond «n'importe qui et personne »: «tu es celui qui tu inventes ou dont tu te souviens, celui qu'inventent ou dont se souviennent les autres». Et puis, quelle frivolité à vouloir créer des personnages de fiction, «alors qu'il y a tant de vies qui mériteraient d'être racontées, chacune d'elles comme un roman, un réseau de ramifications qui mènent à d'autres romans, à d'autres vies»?
C'est n'est que par un long exercice d'introspection et d'écriture (SEFARADE aura nécessité de longues années de préparation à son auteur, avant sa rédaction définitive), à l'abri du piège tendu par les tribulations de l'immédiat et par la vanité de la reconnaissance de ses pairs, suivant à lettre, tant que peut se faire, le précepte énoncé par Pascal («Tous les malheurs s'abattent sur l'homme parce qu'il ne sait pas rester seul dans sa chambre»), ce n'est qu'ainsi, par un regard porté à l'intérieur de soi et sur son propre «roman» que ces frontières pourraient être momentanément abolies, qu'on pourrait faire table rase des remparts isolant notre mémoire et l'imagination, nos souvenirs de nos affabulations, notre moi supposé réel de nos propres fictions. Les dix-sept récits qui composent SEFARADE, à la fois indépendants, ramifiés et subtilement enchevêtrés les uns dans les autres, en sont une preuve incontestable.
Antonio Muñoz Molina nos ouvre sans réserves la porte de la «chambre à soi» de l'écrivain, nous invite à découvrir sa bibliothèque et ses archives personnelles, à feuilleter les livres qu'il avait patiemment annotés pendant des années et racontant la destinée tragique de quelques-uns des plus célèbres exilés du XXème siècle (dont Primo Levi, Milena Jesenska, Willi Münzenberg, Evguénia Guinzbourg, Cesare Pavese..). L'auteur nous invite tout aussi naturellement à pénétrer dans l'intimité de son processus de création, au coeur des tentatives de transposition en matière littéraire de son propre «chagrin quotidien des mathématiques d'être» (F. Pessoa), il nous autorise même, par moment, à approcher du berceau dans lequel sont délicatement déposés ses personnages de fiction à peine émergés de son esprit démultiplié. C'est ainsi, dans une sorte d'étrange synergie créée par un mécanisme littéraire aux volants atemporels et circulaires que l'auteur lui-même, ses personnages, réels ou fictifs, et nous autres, ses lecteurs, partagerons, le temps d'un récit complètement inclassable (ni roman, ni autobiographie, ni fiction, ni essai sur l'exil…et tout cela à la fois!), un sentiment profond de communion. Réunis un instant en une sorte de Pangée originelle, continent imaginaire dont tous les hommes émargeraient, unis et indifférenciés, d'où personne ne serait plus banni ou oublié. Transportés aussi, par la pensée, dans ces compartiments de train où d'innombrables exilés, certains anonymes et oubliés par L Histoire, d'autres entrés dans la postérité, s'étaient un jour trouvés embarqués, parcourant en leur compagnie les réseaux ferrés d'un continent européen exsangue. Suivant l'histoire de personnages réels ou de fiction, croisés par l'auteur, sur d'autres réseaux, réels ou imaginaires, dans d'autres lieux, à différents moments de leur vie, en d'autres compartiments, trains, avions, villes étrangères, hôtels, maisons d'enfance, certains d'entre eux ayant cherché volontairement à s'exiler ou songeant malgré tout à la possibilité d'un retour devenu impossible, toujours différé. Témoins de rencontres entre l'auteur et ses personnages fictifs auxquels il s'applique à vouloir donner corps, comme par exemple dans le chapitre intitulé « Berghof », lorsque les doigts de Antonio Muñoz Molina tapant sur le clavier de son ordinateur, dans la pièce plongée dans la pénombre où il travaille durant une résidence littéraire à Rome, s'emmêlent à ceux d'un personnage en train de naître, un médecin dans son cabinet de consultation, assis comme lui derrière son bureau ; les plans fictionnels et biographiques glissent imperceptiblement, se superposent, puis se détachent progressivement, amenant le lecteur à comprendre enfin que le personnage avec lequel l'auteur formait bloc au départ, est un médecin en train de se demander comment annoncer à un patient fictif ce qu'un autre médecin, réel celui-ci, avait été obligé de communiquer quelques années auparavant à l'auteur lui-même : le diagnostic brutal de la maladie qui les exilerait tous les deux subitement du monde rassurant des bien-portants.
Comment décrire la tonalité mélancolique de cette voix sublime à travers laquelle l'irréversibilité du temps et la mémoire de la souffrance liées à toutes les formes possibles d'exil sont ici magistralement conjuguées ? Sa beauté serpentine de chant judéo-espagnol. Sa sonorité familière et universelle, paradoxale aussi quand elle est à la fois hantée par l'appel intime du départ, et bercée par l'illusion bienfaisante d'un retour définitif dans un mythique chez-soi. Traduite en phrases touffues, au parfum parfois entêtant, sans être pourtant jamais alambiquées, façonnées en quelque sorte à l'aide d'un zoom spatial et temporel opérant des aller-retours perpétuels entre le temps à vivre et le temps déjà vécu, entre l'infiniment particulier et petit, et l'infiniment grand et universel, étirant par la même occasion la longueur de leurs tournures et les cercles du possible qu'elles s'appliquent à vouloir élargir.
Magnifique voix, faisant de SÉFARADE une oeuvre sensible, d'une intelligence émotionnelle remarquable, un livre émouvant et inoubliable.


PS : Estimado señor Molina,
Je vous avais écrit une première fois, ici, il y a un an environ. Un message suite à la lecture de - «Un promeneur solitaire dans la foule», votre dernier ouvrage en date à l'époque et, d'autre part, ma toute première approche de votre oeuvre – une critique sous forme de lettre où, sur un ton très agacé, je vous expliquais les raisons de mon abandon du livre au bout d'une centaine de pages. Je ne vous connaissais pas assez, señor Molina et, peut-être, avais-je aussi ouvert la mauvaise porte pour commencer à faire connaissance avec votre univers ? Dans tous les cas, notre premier rendez-vous fut complètement raté, mon jugement probablement trop sévère, trop hâtif.
Je regrette aujourd'hui la tonalité générale de cette critique acerbe, et je tiens à vous le dire sous la forme de ce post-scriptum. J'avais été rebuté à ce moment-là par ce que j'avais qualifié d'un «amas d'impressions que vous acceptez sans discrimination de transcrire, souvent sans queue ni tête, des bouts de descriptions de tout et de n'importe quoi, un immense collage d'informations de toutes sortes qui ne cesse de se disloquer sans direction précise». Vous aviez déclaré à l'époque, à propos de votre entreprise littéraire, être motivé par la tentation de «tout écrire». Et moi je vous avais ironiquement apostrophé: «Tout écrire», voyons, señor, quelle ambition, quel rêve insensé pour un écrivain! Qui veut tout, dit la sagesse populaire, risque de ne rien obtenir..!».
Estimado señor Muñoz Molina, il faudra peut-être que je relise un jour votre «Promeneur solitaire dans la foule», car, à mon grand étonnement, ce que je vous reprochais alors, votre envie de tout embrasser, l'incroyable ambition sous-jacente à votre plume, votre style résolument centrifuge, son point de fuite comme en perpétuelle évanescence, vous obligeant à rajouter sans cesse des considérations supplémentaires, des détails, des nuances, des adverbes , des adjectifs, voici donc qu'exactement les mêmes défauts reprochés si emphatiquement hier, finiraient par me subjuguer complètement à la lecture de SÉFARADE aujourd'hui !!
Que s'est-il passé entretemps ? Je ne sais pas vraiment, mais je dois vous avouer qu'en refermant votre livre cette fois-ci, je me suis entendu dire moi-même que l'une des raisons probables de mon agacement initial résiderait peut-être dans...nos ressemblances! Je crois que nous serions bien quelque part, frères dans l'âme, señor Muñoz Molina !! Nous devons carburer au fond tous les deux à la même énergie saturnienne, les quêtes d'absolu et les conquêtes perdues d'avance sont susceptibles de nous fasciner, la solitude et le renoncement nous exalter, tout autant que la saudade ou les Préludes de Chopin…
Pourquoi vous raconterais-je tout ceci? Parce qu'ici, je serais en quelque sorte pour vous, moi aussi, «n'importe qui et personne»? Réel et fictif Creisifiction… !!
Allez, une dernière citation, à ce propos et pour la route… :
«Celui qui voyage peut garder un silence qui sera mystérieux pour les inconnus qui le remarquent, ou céder sans danger à la tentation de parler et de devenir un menteur, d'enjoliver un épisode de sa vie en le racontant à quelqu'un qu'il ne verra plus jamais. Je crois qu'il n'est pas vrai, comme on le dit, qu'en voyageant on pourrait devenir un autre : ce qui se passe, c'est qu'on se trouve allégé de soi-même, de ses obligations et de son passé, tout comme on réduit tout ce qu'on possède aux quelques choses nécessaires à son bagage. »
Bien à vous!
Commenter  J’apprécie          3412
Sefarad veut dire Espagne en hébreu. "séfarade" qualifie la population juive originaire d'Espagne, avant l'Expulsion de 1492, orientale, turque, bulgare, italienne.... ayant gardé souvent la langue espagnole, et parfois la clé de la maison espagnole abandonnée il y a des siècles. L'étude de ces juifs séfarades n'est pas, l'objet principal de ce livre, même si l'auteur s'y réfère d'abondance.

Sefarad est aussi le titre de la dernière nouvelle, ou la dernière histoire de ce gros livre (512p) qui compile 17 récits, qui pourraient se lire indépendamment les uns des autres comme des nouvelles, mais où des personnages récurrents font le lien, un peu comme dans un roman choral. L'éditeur (ou l'auteur) ne nous guide pas en sous-titrant, "nouvelles", " roman", "récit", "témoignages" ou "essai" qui conviendraient tous à cet ouvrage. J'ai été déroutée pendant la première centaine de pages, cherchant à identifier un narrateur, ou des parentés entre les personnages qui disent "je" en différents lieux, différentes époques. Puis j'ai décidé de me laisser porter par chaque histoire.

Incipit

"Nous avons fait notre vie loin de notre petite ville, mais nous ne nous habituons pas à en être absents, et nous aimons cultiver la nostalgie...."

Sefarad est un livre de nostalgies, d'absences, d'exils, c'est un livre de voyages:

"parfois, au cours d'un voyage, on écoute ou l'on raconte des histoires de voyages. Il semble du fait qu'on est parti, le souvenir de voyages antérieurs devient plus vif, il semble aussi que l'on apprécie mieux, que l'on prend plus de plaisir aux histoires qu'on vous raconte, parenthèse de mots précieux à l'intérieur de l'autre parenthèse temporelle du voyage."

Dans chaque récit, il y a un train, un départ et souvent un exil.

De nombreux personnages sont connus, Kafka ou Primo Levi, Baruch Spinoza pour les plus célèbres, Walter Benjamin ou Margarete Buber-Neuman qui a rencontré Milena Jesenska, l'ancienne fiancée de Kafka, dans les camps nazis après avoir été déportée au Goulag. Je n'avais jamais entendu parler de Münzenberg et Jean Amery . M. Salama, commerçant de Budapest, exilé à Tanger, sauvé des nazis par l'identité espagnole accordée à certains Juifs Séfarades qui en ont fait la demande, mais qui n'a pu être étendue aux communautés de Rhodes ou de Salonique, exterminées, est-il un personnage de fiction?

Page 182, il me semble que l'auteur décrit sa méthode de travail :

"j'ai pressenti au long de deux ou trois années, la tentation, la possibilité d'un roman, j'ai imaginé des situations et des lieux comme des photographies séparées, ou comme ces photogrammes tirés des films qu'on exposait autrefois, assemblés sur de grandes affiches à la porte des cinémas[....]Chacun d'eux acquérait une précieuse qualité de mystère, se juxtaposant aux autres, sans ordre. Ils s'éclairaient l'un l'autre par des connexions multiples et instantanées que je pouvais défaire ou modifier à ma guise et dans lesquelles aucune image n'annulait les autres ou ne parvenait à s'imposer sur elles, ne perdait au profit de l'ensemble sa singularité irréductible"

p.185, il poursuit :

"Mais j'ai la paresse d'inventer, je n'ai pas envie de m'abaisser à une falsification de littérature inévitablement rapiécée. Les faits réels dessinent des trames inattendues auxquelles la fictions ne peut pas se risquer...."

Ce livre est comme un puzzle racontant l'Histoire du XXème siècle traversée par le fascisme et le stalinisme qui se sont combattus justement pendant la Guerre Civile. Ce point de vue espagnol donne une cohérence unique. La rencontre des communistes espagnols qui trouvèrent - croyaient-ils - refuge à Moscou, avec d'autres dirigeants comme Münzenberg ou Neumann dénonce les crimes du stalinisme et la perversité du Pacte Germano-soviétique. L'histoire du jeune espagnol combattant sous l'uniforme nazi de la légion Azul qui rencontre à Narva (Estonie) une colonne de déportés juifs est poignante. Autre versant de la Guerre d'Espagne.

Vie quotidienne dans une petite ville - jamais nommée - de modestes artisans, sous le franquisme (implicite, pas expliqué), petites gens dans des quartiers misérables de Madrid.

Par touches impressionnistes, l'histoire, grande et petite est imprégnée de ces nostalgies et des exils, jusqu'à New York, au musée Hispanique où attend la petite fille peinte par Velazquez qui clôt l'ouvrage.

Il faut se laisser emporter dans ce long voyage littéraire.


Lien : http://miriampanigel.blog.le..
Commenter  J’apprécie          130
« Séfarade : ce mot s'applique aux Juifs bannis de l'Espagne médiévale par le décret du 31 mars 1492, promulgué par les Rois Catholiques » : c'est la définition du dictionnaire. Mais dans le livre d'Antonio Muñoz Molina, il prend un sens beaucoup plus large, de toutes les formes d'exil forcé et d'oppression totalitaire. Je me demandais bien comment j'allais pouvoir parler de ces 17 « nouvelles » quand la dernière page affichée sur ma liseuse (donc sans doute la quatrième de couverture des éditions du Seuil) m'est apparue comme une assez parfaite présentation et je me permets de la partager ici :

« Séfarade, c'est la patrie de tous les accusés, exilés, bannis, chassés de leur quotidien, de leur maison, de leur terre et qui, où qu'ils se trouvent, sont à jamais des étrangers. Séfarade, c'est la patrie de la mémoire, celle des disparus, morts ou vivants, personnages réels ou imaginaires réunis par la fraternité et la solidarité d'un écrivain. Séfarade, ce sont dix-sept chapitres racontant chacun une histoire différente, toutes traversées par des motifs, phrases, personnages qui assemblent un discours dont le thème central est la persécution.
À travers la voix émouvante et forte d'Antonio Muñoz Molina résonnent celles de Primo Levi, Franz Kafka et Milena Jesenska, Willi Münzenberg, Evguénia Guinzbourg, Margarete Buber-Neumann, mais aussi l'attente d'une femme qui ne revit jamais son père, les nostalgies de Mateo le cordonnier, la folie amoureuse d'une nonne ou encore le souvenir d'une rescapée des geôles argentines. Autant d'êtres détruits au plus intime d'eux-mêmes par l'Histoire. »

Séfarade, que l'auteur a lui-même qualifié de "sorte d'encyclopédie de l'exil" est donc un mélange de fictions, de souvenirs, de confidences, de rencontres et d'anecdotes de voyages. On y croise des personnages célèbres et d'illustres inconnus, on voyage en Espagne, en Russie, en Europe de l'Est, à New-York, destinations choisies ou exils forcés qui mèneront , pour certains, aux wagons plombés des camps de concentration.

Le livre ouvre et se ferme sur des souvenirs plus autobiographiques : le retour du jeune Antonio dans sa ville natale, Ubeda, puis le voyage à New-York avec sa femme et la découverte insolite d'un fabuleux
musée , la Hispanic Society of America, créée par un multimillionnaire fou amoureux de l'Espagne et où l'on peut admirer entre autres des tableaux de grands maîtres (Velásquez, Goya , Le Greco) et une bibliothèque d'une grande richesse.

Je ne connaissais que de nom Antonio Muñoz Molina, et j'ai été impressionnée par la richesse de son écriture, ses longues phrases qui pourraient sembler rébarbatives et qui m'ont paru au contraire d'une rare élégance.

Un livre déroutant et envoûtant qu'il faut déguster lentement ( plus de 500 pages quand même !)
Commenter  J’apprécie          122
Vous voulez bien que je vous parle encore de mon admiration pour l'écriture d'Antonio Munoz Molina ?
Parmi les écrivains contemporains que je connais, c'est un des seuls (devant Paul Auster et Ian McEwan), dont l'écriture me procure un tel plaisir, une impression de perfection, un envoutement. Mais je ne vais pas vous décrire son écriture. Je vous invite à lire la récente et magnifique critique de Beatus Ille de Dandine qui en a si bien parlé.

Séfarade, c'est dix-sept textes magnifiques sur l'exil, le déracinement, la persécution, l'absence d'un père, d'un parent déporté ou disparu. L'homme juif est au centre de la plupart de ces textes. Entre fiction et Histoire, un narrateur qui est peut-être Molina nous balade d'un personnage à l'autre, inconnu ou connu de nous, entre passé et présent. On se demande régulièrement qui est « je », « tu » ou « il ». Mais on sait qu'on va s'y retrouver à un moment donné. Et si ce n'est pas le cas, ce n'est pas le plus important. Il suffit de se laisser porter par ces histoires qui lui ont été racontées et qu'il nous relate à son tour. Ce que nous dit Molina c'est qu'on vit dans les souvenirs des autres, dans les histoires qu'ils se racontent à propos de nous. Des histoires qu'il faut raconter pour ne pas oublier.

J'ai beaucoup aimé ces textes, tous touchants. Deux d'entre eux sont particulièrement bouleversants : « Attendre » et « Tu es ».
« Attendre », c'est attendre qu'on vienne te chercher quand tu es juif. Car tu sais que ça va arriver, mais quand ? Alors tu guettes le moindre bruit dans la cage d'escalier, la nuit quand tu ne dors pas et que tu penses qu'ils vont venir te sortir de ton lit. Tu guettes le moindre crissement de freins d'une voiture qui s'arrêterait pour te cueillir sur le trottoir. Tu ne vis plus, tu ne penses plus qu'à ça.
« Tu es », tu es juif. Molina nous fait toucher du doigt ce qu'était être juif dans ces années d'avant-guerre et pendant. Il fait dire à un personnage : « Ce qui m'a fait juif, c'est l'antisémitisme. ».
« Soudain, un jour, en novembre mille neuf cent trente-cinq, assis dans un café, à Vienne, il a ouvert le journal et il y a lu la promulgation des lois raciales de Nuremberg, et il a découvert qu'il n'était pas ce qu'il avait toujours cru et aimé être, ce que ses parents lui avaient appris à croire qu'il était, un Autrichien. Soudain il était ce qu'il n'avait jamais pensé être : un Juif, et de plus il n'était que cela, toute son identité se réduisait à cette condition. Il était entré dans le café en tenant pour acquis qu'il avait une patrie et une vie établie et, quand il en est sorti, il était devenu un apatride, tout au plus une victime possible, voilà tout. »

Quand je lis un roman de Molina, j'ai toujours ce regret de n'avoir choisi l'espagnol ni au collège, ni plus tard. J'aurais tellement aimé lire ses romans dans leur version originale. Heureusement, le traducteur Philippe Bataillon a encore frappé. Extraordinairement bien, comme d'habitude.
Que lire après Séfarade ? Après un roman de Molina, il faut choisir le prochain avec soin au risque qu'il paraisse fadasse et mal écrit. Peut-être un de ceux qu'il cite dans sa note de fin, ceux qui ont nourri l'écriture de Séfarade. J'en lirai quelques-uns, c'est sûr.
Commenter  J’apprécie          80
C'est un gros pavé de presque 600 pages qui a nécessité un an et demi de rédaction à Muñoz Molina et presque la moitié de sa vie (il est né en 1956) de documentation permanente, parfois de manière inconsciente. Il a été recompensé par le Prix Jerusalem 2013 accordé à des écrivains qui luttent pour la liberté dans la société actuelle; deuxième espagnol à obtenir le prix après Jorge Semprún.
Ce livre est un tissu de 17 chapitres qui évoquent la poursuite de juifs à travers L Histoire. Les histoires narrées peuvent être assez différentes mais les fils conducteurs sont la persécution et l'exil.
Au début, Muñoz Molina a récupéré deux récits : l'histoire d'une danoise d'origine franco-séfarade qui a voyagé en train à travers la France libérée de 1944 (ah, le pouvoir évocateur du voyage en train en littérature...) et l'histoire de Monsieur Salama, un séfarade qui a pu échapper aux camps de concentration.
La lecture n'est pas facile car les histoires sont poignantes et racontées par un narrateur assez troublé qui mêle sa vie privée de façon originale aux divers récits dans ce livre.
Lien : https://pasiondelalectura.wo..
Commenter  J’apprécie          80
Dans cet opus à la technique narrative audacieuse, Antonio Muñoz Molina donne voix à la figure du proscrit. Clandestin dans son pays, rejeté par décret d'une société, paria sans appel de son ancienne famille politique, écarté à jamais de la pleine santé ou exclu socialement de la communauté, l'auteur illustre la propension d'Homo sapiens à forger des sociétés dans l'exclusion d'autrui.

Ce livre, que l'auteur qualifie lui-même de "sorte d'encyclopédie de l'exil", qui semble de prime abord être un recueil de nouvelles, est en fait un texte cohérent et structuré avec des personnages faisant retour, passant du premier au second plan. Il est remarquable par son basculement incessant de point de vue narratif.

Le premier tiers du récit est absolument jubilatoire par l'évocation d'écrivains de premier plan et de personnages historiques à la renommée plus confidentielle. On peut déplorer la petite centaine de pages suivante où l'intérêt flanche par comparaison avec le début prometteur, avant que le lecteur soit de nouveau happé par l'habileté de l'écrivain. Au final on se trouve devant un très bon livre, remarquable disons-le, mais qui aurait pu être génial s'il ne péchait donc pas par son côté inégal. Cela le place néanmoins, de l'expérience embryonnaire de votre serviteur, parmi ce qu'il a lu de mieux en littérature espagnole contemporaine.
Commenter  J’apprécie          50




Lecteurs (230) Voir plus



Quiz Voir plus

Littérature espagnole au cinéma

Qui est le fameux Capitan Alatriste d'Arturo Pérez-Reverte, dans un film d'Agustín Díaz Yanes sorti en 2006?

Vincent Perez
Olivier Martinez
Viggo Mortensen

10 questions
95 lecteurs ont répondu
Thèmes : cinema , espagne , littérature espagnoleCréer un quiz sur ce livre

{* *}