Très bon bouquin, passionnant, érudit, étayé et iconoclaste. L'auteur se fiche comme d'une guigne de la biographie de Hendrix et de savoir s'il a couché avec unetelle ou unetelle et ce qu'il s'est mis dans le nez avant tel ou tel concert. Il laisse ça à ceux qui s'amusent à retracer jour par jour les plans cul et défonce de l'inventeur de la guitare moderne. Ce qu'il veut, Murray, c'est parler d'esthétique et de sociologie. La sociologie d'abord avec la place que tient Hendrix dans l'imaginaire collectif et particulièrement sa figure tout à fait à part en tant que noir américain. Grand-mère indienne, grand-père blanc, parents black, né dans le nord des USA (Seattle) où les tensions raciales sont faibles, mais ayant fait ses armes musicales dans le sud raciste, découvert par un anglais, créant un mélange unique de blues et de British pop... bref, il y a de quoi dire. La musique ensuite, mais, malin et retors, l'auteur évite de panégyrique rock pour ne parler que de black music et de la place d'Hendrix à travers les trois grands courants d'après-guerre : le blues, la soul et le jazz. On y découvre que le mélange était bien plus subtil et varié que ce que l'on pense généralement. L'Expérience, ce n'est pas un bluesman qui s'ignore qui fricote avec un irlandais à la coupe afro et un cockney qui se prend pour Elvin Jones. Ou plutôt ce n'est pas que ça. C'est aussi le sinuosité des lignes de blues dans le solo, la dynamique des cocottes funky de la soul et la liberté formelle du jazz. Pendant longtemps, j'étais plus pratiquant que croyant en ce qui concerne Jimi. La figure est incontournable, mais quelque chose m'échappait. Avec ce bouquin, j'ai approché la vérité et ouah ! je n'écouterais plus jamais Third Stone From The Sun de la même manière...
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Une vie à cent à l'heure, une poignée d'années pour marquer l'histoire de la musique. le génie, le talent pur, la folie, les excès...
C'est tout cela que cette biographie restitue intelligemment. Comme toujours on pourra regretter quelques partis pris, et en ce qui me concerne la trop faible documentation sur son enfance.
Pour le reste on sort de cette vie lessivé et repus à la fois, conscients de qui a été accompli en si peu de temps.
à lire en écoutant les quelques albums que Jimi nous a légués.
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Et la rumeur commença à se répandre. Hendrix jouait derrière Hammond tout la soirée, montrant sa grande maîtrise, durement acquise, de la guitare blues ; mais à la fin de chaque concert, Hammond tournait le projecteur sur son guitariste, qui se lançait alors dans sa version du " I'm a man " de Bo Diddley - déjà son morceau de bravoure avec Curtis Knight & the Squires. On avait le droit à tous les trucs que Hendrix avait appris pendant ses cinq ans aux galères du rhythm'n'blues, et qu'il avait rêvé de lâcher dans la nature : il jouait de la guitare derrière sa tête ou son dos, entre les jambes, avec les dents ; et l'instrument gémissait, rugissait, gloussait, au moindre geste de son maître. Et chaque soir, le public était en état de choc.
Cette mort prématurée a aussi ouvert la porte aux hagiographie larmoyantes, typiques des martyrs de la culture populaire, forgeant l'image d'un Hendrix simplement réduit à une étoile filante cinglant le ciel d'un grand cri, à un monstre fabuleux dont la musique venue de nulle part n'allait nulle part, sans ancêtres ni descendance.
Hendrix est un point de départ commode aux généralités abusives : phallocratie innée du hard rock, diabolisation des drogues et manie réactionnaire du solo de guitare interminable ; ou encore aux prêchi-prêcha sur le pouvoir destructeur de la célébrité, la futilité naïve de l'idéalisme hippie, et la calamité de voir mourir jeunes tous ces gens si doués.
Les gens qui meurent jeunes deviennent sans coup férir objets de nécrophilie romantique. On en fait des ersatz du Christ, morts pour racheter "nos" péchés à tous, dépeints comme ayant été en quelque sorte trop beaux ou trop sensibles pour cette vie.
Hendrix se plaisait à répéter qu'il n'y a que deux genres de musique : la bonne et la mauvaise, et bien que la phrase ne soit pas de lui - elle remonte au moins à Louis Armstrong - il y croyait assurément dur comme fer
Charles Shaar Murray wins the prestigious Outstanding Contribution to Music Journalism Award at the 2010 Record of the Day event last night.