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EAN : 9782981665119
86 pages
Thierry Noiret (04/04/2017)
4.69/5   8 notes
Résumé :
Recueil de nouvelles fantastiques et poétiques inspirées par les paysages des Flandres belges.
Chaque nouvelle évoque en particulier une ville ou un lieu propre au patrimoine flamand et réactualise sous forme d’énigme les légendes qui lui sont attachées.
Ainsi les statues d'Anvers se lèvent pour aider Brabo à couper les mains du géant, la Grand-Place de Bruxelles n'est plus qu'un grand réservoir d'eau, les abbayes médiévales s'envolent au vent, l'eau ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
L'écriture de Thierry Noiret est elle-même une dentelle délicate et délicieusement ciselée avec les outils du poète. D'ailleurs, la dédicace revêt la forme d'un poème (cf. citations postées ici).

Les quinze nouvelles semblent hors du temps et pourtant, le prologue est, quant à lui, bien ancré dans un temps pas si lointain (« un samedi fin avril 2016 »). Est-ce parce que les eaux opèrent lentement leur travail de dentellières (« la mer avait repris ses droits sur le plat pays ») que l'auteur affirme « tout vient, tout s'en va, les lieux ne sont pas éternels » ? Et pourtant, l'écriture est bien là pour saisir cette éternité de chaque instant, cette nostalgie à l'oeuvre dans ces récits d'une grande poésie, à lire lentement.

« Il est des carrefours où vient se perdre le pèlerin quand il oublie l'objet de sa quête » (p. 45). C'est précisément en pèlerin de belle écriture que je suis entrée, encore une fois, dans l'univers lumineux (malgré tout !) de Thierry Noiret. J'en sors émerveillée et humblement admirative.
Je précise enfin, que l'usage des répétitions apporte une étrange musicalité baroque.
Histoire et géographie se mêlent subtilement pour une flânerie hors pair.
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Ce recueil de 15 nouvelles, précédé d'un prologue et suivi d'un épilogue, est l'oeuvre d'un belgo-canadien habitant Montréal, mais né à Bruxelles en 1962.

Contrairement à mon habitude. je ne vous brosse pas la biographie de Thierry Noiret, pour la simple et bonne raison que l'auteur l'a fait lui-même sur Babelio, sous son pseudo "tiri_noiret" , mieux que moi je pourrais jamais rêver le faire.

Lorsque j'ai vu ce titre "Dentelles des Flandres", mon esprit s'est envolé directement à la splendide ville de Bruges et plus particulièrement au fascinant Béguinage, où ont vécu avant les pieuses béguines "responsables" de ces splendeurs que sont les fameuses dentelles qui attirent encore toujours de nombreux curieux et acheteurs dans les boutiques spécialisées.
Au Musée de la Dentelle, des cours sont toujours offerts aux amateurs intéressés et il y a donc moyen d'apprendre les fines ficelles de cet art.

Toutefois, les dentelles de Thierry Noiret sont la "dentelle humide des Flandres... ces terres marines, ces canaux ... ces terres salines" qui font le charme de cette région en-dessous du niveau de la mer.
Une région que l'auteur craint qu'elle disparaisse si "les eaux gelées des pôles viennent à fondre".

Une région si poétiquement et merveilleusement chantée par le grand Jacques Brel.

Il se trouve que le tout premier chapitre "L'abbaye des Sables" est situé tout près de l'endroit où j'habite à La Panne. L'auteur voit "près des côtes françaises, un espace vide de verdure, d'habitations... bien connu des exilés, des fraudeurs et contrebandiers, des passagers clandestins, un véritable désert où ne cohabitent bien péniblement que vents et sables".

Incroyable coïncidence amère, ce matin, 21 janvier 2020, de cet "espace vide" un petit bateau est parti pour traverser la Manche, avec à bord 14 réfugiés d'origine afghane et iranienne. Un peu plus loin il a chaviré et sombré, 6 migrants ont pu être sauvés, les 8 autres sont portés disparus et les considérables opérations de recherches viennent d'êtres abandonnées !
C'est un endroit que je connais bien pour y avoir souvent promené mon setter irlandais (avant l'invasion féline de ma maison) et croyez-moi cela m'a causé un choc en regardant les informations.
Je m'excuse auprès de l'auteur pour cette petite parenthèse personnelle.

Rivières et canaux si poétiquement évoqués par Thierry Noiret, forment le cadre physique de mon enfance. Derrière le jardin de la maison de mes parents coule la Lys à un endroit au nom très catholique de Vive-Saint-Éloi (Sint-Eloois-Vijve en Flamand) et sépare ce village du village voisin au nom tout aussi catholique de Vive-Saint-Bavon (Sint-Baafs-Vijve).

Le poète flamand d'expression française, Ėmile Verhaeren (1855-1916), grand ami de Stefan Zweig, a consacré à la Lys un merveilleux poème :

Lys tranquille, Lys douce et lente
Dont le vent berce, aux bords, les herbes et les plantes,
Vous entourez nos champs et nos hameaux, là-bas,
De mille et mille méandres,
Pour mieux tenir serrée, entre vos bras,
La Flandre.

La Lys, qui avec ses méandres, se dirige à Gand où elle termine sa lente course dans l'Escaut.
La ville de Gand, cher ami Thierry, que vous semblez aimer tant et que vous mentionnez de façon si lyrique, a été le cadre de ma jeunesse, puisque j'y ai reçu, au Collège Saint-Michel, mon enseignement secondaire et rencontré ma première petite amie, qui elle suivait des cours au Pensionnat Saint-Bavon, un peu plus loin.
Donc, je suis bien placé pour comprendre ce que vous appelez "le chant de mélancolie" qui vous attache à cette ville.

On ne peut parler des canaux de Flandre sans mentionner, comme vous faites d'ailleurs, ceux de Damme, où l'écrivain Charles de Coster (1828-1879) a placé son rebelle sympathique, Till l'Espiègle, que des décennies plus tard le grand Gérard Philipe incarnera définitivement à l'écran.

Vous n'avez pas non plus oublié les "bas nuages" au-dessus de la ville d'Ypres, tristement célèbre comme épicentre des batailles de la Première Guerre mondiale et le Canal de Furnes qui relie cette région au bassin français de Dunkerque.

Mon ami Thierry, je ne sais franchement pas comment vous remercier pour vos superbes évocations littéraires, poétiques et émouvantes du pays où j'ai passé mon enfance et adolescence et où je vis actuellement.
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Carnet de voyages d'un type particulier, son auteur, flânant au fil de l'eau, au long des canaux interminables et dans des cités parmi les plus emblématiques de son pays natal, nous promène dans une Flandre sublimée par un imaginaire poétique et par un onirisme qui ne renient aucunement, ni le passé légendaire de cette dernière, ni ses plus illustres représentants, symbolistes, expressionnistes ou surréalistes.

Parti avec le dessein d'écrire un ouvrage et de rendre hommage aux cités flamandes, mais aussi, visiblement, avec cet élan romantique de wanderer retourné sur les lieux de son passé afin d'assouvir au passage sa propre «Sehnsucht», il s'y égarera néanmoins plus souvent peut-être que prévu au départ, s'abandonnant sans aucune retenue à ses propres rêveries, ce jusqu'à se confondre avec l'environnement, si bien que son livre, à force de miroiter cette fragile «dentelle humide de ces terres marines» où ni l'homme ni l'eau n'ont jamais tout à fait le dernier mot, finit par ressembler à celle-ci comme…deux gouttes d'eau !

Eaux, digues, pluie, marées, canaux, fleuves se déversent sur ces "liquid papers" qui ne cessent de vouloir donner une forme provisoire à l'estuaire imaginaire de l'invétéré rêveur, à l'instar des contours mouvants, par essence changeants, de ces «terres périssables», au-dessus desquels la menace de submersion, réelle ou imaginaire, plane constamment, alimentée par les conséquences catastrophiques, à terme, d'un dérèglement climatique aggravé, autant que par celui d'une mémoire qui, avec le temps, et la distance s'installant, risquerait aussi de partir à vau-l'eau…

Suivant les traces de Rachel, sa muse, ou plutôt «aquemuse» d'ailleurs, habitante de «quelque fleuve paisible aux berges désertes, ou parmi les vagues dans le creux des digues », ce sont en l'occurrence celles entre matérialité et immatérialité, entre souvenirs et fantaisies, entre passé et avenir, ou bien entre poésie et prose, qui risquent plutôt, pour notre plus grand plaisir de lecteurs, à tout moment de se rompre ici !

Circuit géopoétique où, entre autres, il sera question d'une abbaye bâtie à partir des seuls sables, vents et eau de mer ; d'une cité qui, à force de construire des digues pour se protéger des eaux, se fait engloutir par une marée de terre ; d'une rébellion de statues, bronzes, cariatides, anges et gargouilles livrés à un étrange rite païen au bord de l'Escaut; d'un cortège de monuments historiques en rang serré, venus tels la montagne à Mahomet, à la rescousse d'un voyageur de retour dans une ville qu'il ne reconnait plus ; d'un mouvement spontané de foule lancé à la recherche d'eaux souterraines bruxelloises, la Grande Place transformée pour l'occasion en un immense réservoir à ciel ouvert ; ou encore, de vacanciers emportés vers les hauteurs d'Ostende, suspendus dans les cieux comme dans le tableau de Magritte lors d'une étrange marée d'équinoxe… !
Où notre auteur, enfin , quoique solide transbordeur d'imaginaires, collectifs et individuel, submergé à son tour par la force incontrôlée de ses grandes marées intérieures, se demandera au bout d'un moment s'il est lui-même le véritable auteur de cet ouvrage, ou si ce dernier ne serait en réalité qu'une pâle copie d'un autre livre, déjà écrit, probablement des siècles avant sa naissance, et dont il aurait sans s'apercevoir usurpé les mots et les légendes, aujourd'hui oubliées.
(Rassurez-vous, Thierry, dans des cas comme celui-ci, et dans ce sens précisément, cela arrive plus souvent qu'on ne le croit de se plagier un autre qu'on ignorait jusque-lors accueillir au sein de soi-même !!)

Moi en tout cas, qui ai le coeur flottant entre deux latitudes éloignées, entre un vieux et un nouveau monde, séparé par un océan véritablement atlantique, je m'y suis souvent reconnu dans les contemplations empreintes de lyrisme naturel et de douceur nostalgique traversant ces textes courts d'un recueil hybridé par un spleen de fond, à mi-chemin entre poésie et prose.

Voilà en quelque sorte, me suis-je dit, des «dentelles langagières» aussi, que l'auteur voudrait peut-être pouvoir offrir en cadeau à sa «matrie» qui s'éloigne. Et dont, pour ce qui me concerne, ma propre «saudade» à moi aurait certainement contribué à faire apprécier leur texture particulière, ajourée, leurs tonalités fugitives ou leur délicate évanescence…

Dans ces évocations d'un «expatrié» de retour provisoirement chez lui, le ton d'épopée qui, d'autre part, les insufflerait par moment, ne pourrait-il servir en même temps d'exutoire face à cette angoisse de perdre pied, de se sentir étranger chez soi, planant dans les airs comme ces touristes accidentels à Ostende, inquiétante étrangeté que j'ai eu moi aussi l'occasion de connaître à maintes reprises, celle qui s'empare de vous lorsqu'on remet effectivement les pieds dans son Ithaque mythique ?

"Je revins chez moi comme un enfant trouvé."

Ou peut-être ne fais-je que broder à mon tour… !?

Mais tout bien considéré, ne serait-ce pas parce que l'auteur lui-même, conscient apparemment du fait que chaque lecteur est co-auteur du livre qu'il est train de lire, et laissant spontanément «s'épancher son âme» sans chercher à tout prix à extraire un sens sec et ferme à ses récits mouvants et humides, m'aurait en fin de compte largement incité à faire pareil?

Dans tous les cas, ce que je suis sûr de retenir de cette lecture, c'est que, réels ou fictifs, «tous les paysages existent lorsque l'on parle d'eux» !

Et ceux, surprenants, tout à fait nouveaux pour moi de la campagne et des cités flamandes que j'ai découverts grâce à ce recueil, me feront sûrement porter un regard différent sur les choses lors de mon prochain séjour en Belgique.

Merci l'auteur ! Merci l'ami... !


..
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Je me suis plongé dans la dentelle littéraire de Thierry Noiret avec délectation. D'une part, je partais avec une sérieuse envie de découvrir son travail et d'autre part, les terres foulées dans ces nouvelles ne me sont pas totalement inconnues. Son style très singulier, qui relève (de mon point de vue) de la nouvelle poétique, se situe entre Émile Verhaeren, Italo Calvino (pour "Les villes invisibles") et Brueghel. Ses textes sont des tableaux mouvants, qui nous transportent dans un mouvement unique, aux desseins improbables, qui s'unissent néanmoins dans la quête de l'eau. Entre le démembrement des pavés de Bruxelles (mon texte préféré grâce à son énergie baroque), au joyeux portrait du pêcheur fou en passant par la légendaire géante, j'ai été comblé ! "Le grand réservoir" donne à réfléchir sur notre rapport à cet élément dont on va beaucoup parler. C'est fin, précis, ouvert, détaillé et jamais innocent. Sacré travail. Bravo l'artiste et à très bientôt !
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La littérature fantastique belge n'est pas morte! Pour preuve cette promenade parmi les paysages des Flandres où villes, paysages ou rencontres sont sont prétexte à l'émergence de l'imaginaire.

Indispensable pour tout amateur de fantastique,, de poésie, d'imaginaire... et tout Belge en général.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Comme, en ce temps-là, les moines étaient bâtisseurs et les miracles à la portée des ecclésiastiques, il ne fallut que quelques semaines pour que s’élève une abbaye... une bien curieuse abbaye, car si elle n’enviait en rien les plus beaux édifices gothiques primitifs, les moines, eux, savaient qu’elle n’était bâtie que de sable, de vent et d’eau de mer...
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Les cités et les paysages flamands recelaient encore bien des trésors, des légendes tues, des destins à révéler… mais tout prendrait fin ici, j'en avais l'intuition, comme tout ce qui s'achève sur les traces de la création.

(p. 79)
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Il est près des côtes françaises, un espace vide de verdure, d'habitations, de sentiments humains, bien connu des exilés, des fraudeurs et contrebandiers, des passagers clandestins, un véritable désert où ne cohabitent bien péniblement que vents et sables.
C'était au plus haut, au plus profond, au plus ignoré des âges, après bien des invasions, que l'esprit de Dieu avait trouvé suffisamment de prêcheurs pour s'étendre en toute l'Europe, jusque dans ses déserts. Il était venu des moines pour convaincre la Gaule paillarde, les bords belliqueux du Rhin et jusqu'à la très celtique Irlande. Il en était venu même pour évangéliser les sables et les vents, les dunes nomades, les marées, les rivages mouvants.
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La nuit me fut agitée dans cet espace et de lourds nuages de plomb épongeaient encore cette cité en sueur et en sang, l'épongeaient telle une serpillière céleste à nettoyer l'abondante cicatrice du temps.
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Épais paquet de tissu tout froissé que tes souvenirs, n'est-ce pas ? … Si belles ces jumelles, surtout celle aux cheveux courts que tu n'en tombas même point amoureux... Te souviendras-tu du brouillard sur la plage ? que tu désiras t'y perdre mais jamais la mer ne rejoignis ?
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