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EAN : 9780037049548
Grasset (01/04/1973)
3.67/5   15 notes
Résumé :
Paris, 1943-1944.
Quelques adolescents traversent les années réputées les plus lumineuses de leur existence, qui se trouvent être aussi, pour leur pays, les plus sombres. A quoi ressembla cet apprentissage bousculé, cet âge de désir, de révolte et de feu vécu dans l'étouffoir de la fin de l'Occupation ? Le bachot ou le maquis ? Les filles ou l'héroïsme ? Le renoncement à vivre ou la rage de vivre ?
Au vrai, pour Lucien, Noëlle, Luc, Bertrand, Colette, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Un roman d'apprentissage. Lucien Lechade, alter ego de François Nourissier est étudiant à Louis le Grand. L'époque est particulière : Printemps 1944. Pour Lucien, le bac est en ligne de mire comme le sont les Allemands pour les Alliés qui préparent le Débarquement en Normandie. le problème de Lucien c'est de trouver sa place . Irrémédiablement il se sent " à côté" , en porte-à-faux. A Louis le Grand, ses condisciples sont pour la plupart des fils de bonnes familles . Même si Lucien accapare les meilleures notes en philo et en histoire , un fossé invisible sépare l'aisance des uns de la poussive bonne volonté de l'autre. Lucien se dote alors d'une carapace hautaine faite de sarcasme et de cynisme qui lui permet de cacher la provenance "honteuse" de ses origines : une famille petite bourgeoise besogneuse qui "crèche" rue Saint-Séverin au 3e étage d'un immeuble populaire.
Luc, un ami de Lucien, l'invite alors chez lui et lui présente sa soeur Noëlle. S'ensuit une relation compliquée où les différences sociales constitueront comme autant de blocages à l'épanouissement amoureux des deux tourtereaux.
"Allemande" est un roman qui fait inévitablement penser à L'Education sentimentale de Flaubert. Il y a du Frédéric Moreau dans Lucien. Nés tous les deux à une "mauvaise époque" , Lucien, comme Frédéric à la Révolution de 1848 (et comme Fabrice del Dongo à Waterloo...) , assistera aux péripéties de la libération de Paris sans y prendre vraiment part et sans rien y comprendre. Il aura le sentiment comme ses grands frères en littérature du siècle précédent "d'être passé à côté de l'Histoire".
Roman d'apprentissage, roman de formation. On sait l'adolescence être un âge délicat sinon ...ingrat. Lucien n'échappe pas à la règle. Les évènements servent de décor à l'élaboration du "moi" adulte. Les peines de coeur se mêlant inextricablement aux péripéties de l'Histoire.

L'ironie sous-jacente parcourant tout le roman, et le style très particulier de François Nourissier (phrases courtes et sèches, sans pathos, distanciations et ellipses...) concourent au plaisir du lecteur, même si la lecture se doit d'être attentive car l'auteur est friand de coq à l'âne et de raccourcis abrupts.
Tout Nourissier , le "pape" des Goncourt, l'homme de droite un peu conservateur qui aurait pu être un "Hussard", l'écrivain à l'intellect acéré jamais dupe des grandes envolées idéalistes (beaux passages dans "Allemande" , où collabos comme résistants prennent leurs lots de sarcasmes..) , et bien , oui, tout Nourissier est déjà dans "Allemande". On retrouvera plus tard , dans d'autres oeuvres, les avatars du petit Lucien Lechade : des hommes qui ne s'aimaient pas et qu'une "infirmité" du moi empêcheront de dire oui à la vie.
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Quel plaisir que de (re)lire François Nourissier , un peu oublié de nos jours malheureusement .
"Allemande" est un roman splendide sur l'adolescence qui plus est vécue en période de guerre .
Lucien , l'alter égo de François Nourissier , nous conte ses premières amours , ses doutes nombreux ainsi que ses joies et ses peines .
On découvre une jeunesse insouciante mais grave confrontée au STO , à la faim , au rationnement mais qu'éclairent les yeux des filles .
François Nourissier nous raconte également les combats de la libération de Paris qui le verront participér de très loin mais surtout perdre sa virginité dans les bras d'une combattante .
Un roman lucide dans lequel il n'épargne ni les collabos ni les résistants de ses sarcasmes .
Et puis quelle langue magnifique que celle maniée avec un talent énorme François Nourissier , me rendant presque sympathique l'emploi du subjonctif imparfait , une langue qui se perd de plus en plus malheureusement .


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Le premier roman de François Nourissier que je lisais. J'ai été énormément déçue sans doute parce que j'attendais trop de ce grand écrivain. Je n'ai pas apprécié la manière dont il traitait le sujet, lié à l'occupation de Paris et la libération.
Lien : http://araucaria.20six.fr/
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Machinalement, en sortant de Saint-Louis, Lucien a traversé le boulevard pour aller lécher les vitrines de la librairie Rive gauche. [..............].
Deux agents jettent un coup d’œil à Lucien qui s'est trop attardé. Il quitte à regret les photos grand format de Benoist-Méchin, de Giono, de Chardonne : il aime contempler les têtes de littérateurs, interpréter les sillons, les creux tragiques, apprécier l'art des éclairages rasants qui donnent de l'âme à qui en manque. Les pauvres, pense Lucien, ils ne doivent plus être tellement satisfaits de trouver leur tête ici, et taille géante ! Il se rappelle cette publicité qu'avait faite à son ouverture la librairie allemande : un catalogue de littérature française illustré des portraits de six ou huit grands hommes. On trouvait là, outre ceux dont l'effigie règne encore ce matin, Châteaubriant en penseur terrien, l'oncle Henry en Dieu du Stade, Brasillach tout rond, Drieu longiligne. Et les autres ? Je les ai oubliés, c'est aussi bien. Lucien se demande l'impression que cela leur fait, aux grands hommes, après trois longues années, de piétiner finalement le mauvais versant du volcan. Sont-ils obstinés ? Apocalyptiques ? Embêtés ? Se sentent-ils résolus ou filochards ? Grandes consciences douloureuses ou joueurs maladroits ? Pourtant, un écrivain célèbre, ça connaît du monde, ça écoute. On a ses entrées, on sait des choses que les pauvres gens ignorent. On possède le dossier, quoi ! Comment ont-ils fait pour calculer si mal leur coup ? Les idées, oui, la folie froide et forcenée des idées. Mais là encore, si eux se trompent, qui verra clair ?
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Mon vélo dérapa et le tête-à-queue me jeta dans un groupe d'hommes et de femmes dressés sur la pointe des pieds. Ils essayaient de mieux voir. On me retint de tomber, en maugréant. Puis la petite foule soudain s'ouvrit, et à trois mètres de moi surgit, tendue en avant par l'instinct de fuir, d'échapper à ce cul-de-sac, figure de proue abominable, une femme sans âge, le torse nu, tondue, le visage et le crâne barbouillés de peinture rouge. Des types la retenaient par ses deux bras qu'ils tordaient en arrière, l'offrant à la foule comme du gibier crevé, une dérisoire statue de victoire dont le mouvement, l'élan animal faisaient saillir deux seins très blancs sous les dégoulinades de minium.
Tout cela, en moi, précis et brûlant comme si la scène s'était déroulée hier et avait duré très longtemps, me laissant le loisir de la détailler : la croix d'or entre les seins de la femme; la petite culotte de jersey bleu, souillée, déchirée, qu'on lui avait laissée pour tout vêtement; le rictus qui lui tordait le visage - supplication, terreur - alors que sa bouche tuméfiée crachait encore des injures. Les justiciers portaient des casques sur la nuque, des cartouchières et, à la ceinture, d'énormes étuis à revolver pris sans doute à des sous-offs allemands. Sur leurs visages passaient des ombres ignobles : jactance, rigolade. Et puis soudain un souffle de panique, la peur qu'on la tuât, leur proie, la pauvre pute dont ils avaient rasé les cheveux, arraché les vêtements Dieu sait avec quels attouchements obscènes, sur laquelle ils avaient peint cette croix gammée dont les branches coulaient en bavures écarlates vers le cou, les épaules, le visage convulsé de leur victime.
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Les deux côtés de la table, se faisant face, Lucien et sa mère. Elle lit. Un numéro de L'Illustration. Il traînasse au creux d'une dissertation. Les deux bougies brûlent inégalement. L'une, unique rescapée de la cuvée 40, donne cette belle lueur chaude, à peine tremblante, réputée rendre les femmes jolies.
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Les justiciers portaient des casques sur la nuque, des cartouchières et, à la ceinture, d'énormes étuis à révolver pris sans doute à des sous-offs allemands. Sur leurs visages passaient des ombres ignobles : jactance, rigolade. Et puis soudain un souffle de panique, la peur qu'on la tuât, leur proie, la pauvre pute dont ils avaient rasé les cheveux, arraché les vêtements Dieu sait avec quels attouchements obscènes, sur laquelle ils avaient peint cette croix gammée dont les branches coulaient en bavures écarlates vers le cou, les épaules, le visage convulsé de leur victime. Et autour de moi , les gueules ! Tout ce qui tremblait, tout ce qui luisait, suffoquait, pourrissait sur les gueules ! La bouche ouverte des hommes. Les mots que mâchaient les femmes avant de les jeter à cette bête forcée, à cette chose de chair et de cris qui avait connu les caresses.
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Mon vélo dérapa et le tête-à queue me jeta dans un groupe d'hommes et de femmes dressés sur la pointe des pieds. Ils essayaient de mieux voir. On me retint de tomber, en maugréant. Puis la petite foule soudain s'ouvrit, et à trois mètres de moi surgit, tendue en avant par l'instinct de fuir, d'échapper à ce cul-de-sac, figure de proue abominable, une femme sans âge,le torse nu, tondue, le visage et le crâne barbouillés de peinture rouge. Des types la retenaient par ses deux bras qu'ils tordaient en arrière, l'offrant à la foule comme du gibier crevé, une dérisoire statue de victoire dont le mouvement, l'élan animal faisaient saillir deux seins très blancs sous les dégoulinades de minium. Tout cela , en moi, précis et brûlant comme si la scène s'était déroulée hier et avait duré très longtemps, me laissant le loisir de la détailler : la croix d'or entre les seins de la femme ; la petite culotte de jersey bleu, souillée, déchirée, qu'on lui avait laissée pour tout vêtement ; le rictus qui lui tordait le visage -supplication, terreur.....
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Albert COHEN : entretien avec François NOURISSIER, Jean Didier WOLFROMM, Françoise XENAKIS, Robert SABATIER et le Révérend Père Lucien GUISSARD à propos de ses livres testaments : sa passionjuive, ses occupations entre la composition de deux livres ; ses goûts littéraires. Pense que les femmes sont inférieures dans le domaine de l'action littéraire (tient des propos désagréables sur...
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