La guerre de Sécession vient de s'achever, cinq ans à peine qu'elle appartient au passé et les traumatismes sont encore dans l'air et les esprits, dans celui de Jacob Hansen pour en citer un parmi d'autres. Jacob qui officie comme shérif, pasteur et embaumeur à Friendship, une petite ville du Wisconsin qui tente encore de panser ses blessures le jour de la découverte d'un soldat yankee dans une forêt alentour. Est-ce que ce soldat a réellement erré pendant cinq ans avant de dresser la table pour les asticots ? Difficile à dire et finalement ça n'a aucune importance, l'urgence se situe ailleurs et plus précisément dans les causes de la mort que Doc
Guterson, médecin du comté dépêché sur place attribuera rapidement à la diphtérie.
Et Friendship qui essayait de se relever et d'avancer retombe dans la terreur avec cette épidémie contre laquelle il semble y avoir bien peu à faire pour cette communauté croyante sinon prier. Prier pour que rien ne vous chatouille le fond de la gorge parce qu'avec la paranoïa ambiante qui s'installe, vous serez condamné avant même d'avoir fini de tousser. Parce que, malgré les tentatives maladroites de Jacob Hansen et de Doc
Guterson pour éviter d'ébruiter cette nouvelle traumatisante, ils n'empêcheront pas la population d'apprendre ce qui leur tombe dessus et d'ailleurs, Jacob n'hésitera pas à se mettre ses concitoyens à dos en les empêchant de fuir loin de cette tragédie pendant qu'il en est encore temps, tout persuadé qu'il est que dans ce cas l'épidémie se transformerait rapidement en pandémie.
Sa famille touchée et les habitants de Friendship tombant comme des mouches, Hansen, qui croyait recevoir de l'aide des comtés voisins, finit par comprendre qu'ils ont été mis en quarantaine, que personne ne viendra les aider et qu'il est finalement trop tard pour mettre les bouts.
Pas le meilleur Stewart O'Nan (tout en restant quand même du haut niveau) mais malgré tout une histoire intéressante et bien ficelée, interrogeant et confrontant sans cesse notre sens du devoir à ce que nous dicte notre coeur, quand on se targue d'être un homme droit et que la question se pose de laisser mourir une centaine de gens parmi lesquels famille, amis et voisins ou alors de leur donner une chance en condamnant potentiellement quelques milliers d'inconnus notables.
Jacob Hansen a beau être totalement traumatisé par la guerre, son sens de l'honneur n'en est pas moins intact, au point de l'avoir érigé en manière de vivre, les sentiments et émotions se retrouvant secondaires, enfouis et gommés. On aurait sûrement pas été nombreux à agir comme lui... et c'est peut-être heureux.
A noter l'emploi de la deuxième personne du singulier adopté par O'Nan pour nous conter cette histoire et qui apporte un intérêt supplémentaire au récit en entretenant un certain mystère sur l'identité du narrateur.
L'originalité de ce style, associé à l'éventuel génie de l'auteur, donne souvent de grands livres, pour exemple le magistral (c'est rien de le dire) Un homme qui dort ou le segment "Été" d'
Invisible de
Paul Auster. Dommage qu'il ne soit pas employé plus souvent.