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EAN : 9782072851506
464 pages
Gallimard (03/01/2020)
3.05/5   117 notes
Résumé :
Voici l'histoire d'un amour fou. Suzanne et Gabriel se rencontrent. Coup de foudre. Dès le dîner du lendemain, Gabriel demande Suzanne en mariage. Les quatre années qui suivent ce OUI virent au cauchemar. Suzanne et Gabriel partagent pourtant bien des choses, à commencer par leur passion de Savoir. Mais comment recommencer à aimer lorsque vos vies précédentes, et leurs fantômes, vous collent encore à la peau ? Comment se lancer dans cette aventure, dans cette traver... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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Pour réchauffeur les coeurs, rien ne vaut l'Alaska

La plume malicieuse et pétillante d'Erik Orsenna nous conte la belle histoire d'amour de Gabriel et Suzanne. Mais si l'on se régale avec «Briser en nous la mer gelée», c'est que son récit se complète de ces digressions qui en font tout le charme.

Gabriel pourrait être refroidi, voire blasé. Il enfile les divorces et se retrouve une nouvelle fois devant la Vice-Présidente aux affaires familiales, chargée de prononcer une nouvelle rupture de contrat matrimonial. Sauf que Gabriel est un indécrottable optimiste, un amoureux de la vie, un touche-à-tout curieux, un amateur de nouvelles expériences. Quand il rencontre Suzanne, scientifique spécialiste des chauves-souris, il comprend qu'il a trouvé là un nouveau terrain d'exploration. Un peu comme la carpe et le lapin, lui qui est ingénieur hydrologue va pouvoir explorer une nouvelle science, embarquer pour une nouvelle aventure.
Mais je m'emballe. Ce roman se veut une longue lettre adressée à la juge et sa greffière, le récit de leur histoire d'amour et l'aveu que l'amour est toujours là, même s'ils ont décidé de se séparer. Alors ne faut-il pas faire marche-arrière? Essayez de partir en reconquête? C'est tout l'enjeu de la seconde partie d'un roman qui, entre de belles digressions, de joyeux apartés et de jolies découvertes nous aura fait comprendre que le détroit – en l'occurrence celui de Béring – est une belle définition de l'amour, un bras de mer resserré entre deux continents.
Avant cela, on aura parcouru la France et on se sera délecté de cette nouvelle histoire d'amour aux facettes multiples. Car comme le dit si joliment Suzanne, «il y a tellement d'amours dans un amour. Tellement de vies dans la vie. Profitons-en. Avant qu'on ne les enferme, avant qu'on ne nous enferme dans des boîtes.»
Avide de découvrir toutes ces vies, le couple va nous régaler. Gabriel va lui parler des écluses, Suzanne des chauve-souris. À la fin du livre, on aura même la surprise de découvrir sur quelle recherche stratégique elle se penche, un «virus à couronne, c'est-à-dire un coronavirus»!
On n'oubliera pas non plus les jolis portraits de René de Obaldia et de l'éditeur Jean-Marc Roberts, quelques conseils de lecture comme le «Portrait d'un mariage» de Nigel Nicolson et Vita Sackville-West, livre reçu en cadeau de mariage ou «La cloche de détresse» de Sylvia Plath, la pointe de jalousie envers le séducteur Jean d'Ormesson et même faire la connaissance, page 337, d'un «légionnaire russe devenu médecin français dans la campagne de Mulhouse»!
On aura exploré les corps et les coeurs jusqu'à ce point où la lassitude gagne, où soudain, on a envie de se reposer, de «faire le point». de retour d'un jogging qui «porte conseil, bien plus que les nuits», Suzanne aura parfaitement analysé leur relation: «notre mariage était un faux oui. Je ne suis pas trop forte en grammaire, mais un oui, normalement, change le monde, non? Après un oui, le monde n'est plus le même. Ton oui à toi n'a rien changé. Un oui qui ne change pas le monde, c'est un mariage qui n'a pas commencé. Voilà ce que j'ai compris en courant ce matin. C'est assez long, 15 kilomètres. Juste la bonne distance pour comprendre. J'ai eu bien chaud. Et maintenant, j'ai froid.»
Loin de toute logique Gabriel choisit de réchauffer sa femme du côté de l'Alaska pour un final qui réunira la géographie et les sentiments. Sans oublier les livres. Car dans ce bout du monde aussi, on trouve une librairie. Remercions Erik Orsenna de nous l'avoir fait découvrir, derrière ce superbe roman d'amour.
Lien : https://collectiondelivres.w..
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Gabriel, le narrateur, adresse une lettre au juge aux affaires matrimoniales qui un matin d'octobre a prononcé son divorce d'avec Suzanne. Une femme à nulle autre pareille, qui étudie les chauves-souris, un corps menu d'une infinie souplesse. Une demande en mariage acceptée dès le deuxième dîner. Des amis qui le jour de la noce parient sur la durée de cette union. Gabriel se retrouve solitaire il part en Alaska à la recherche de l'ours blanc, l'animal le plus seul de la création.

L'histoire d'un amour fou et d'une séparation douloureuse, un récit plein de légèreté et d'humour, une plume qui se déguste comme une friandise, mais hélas Erik Orsenna nous emmène dans des digressions infinies, que tout cela m'a semblé long et ennuyeux. Est-ce que l'amour est toujours aussi ennuyeux ?
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De l'humour, de la dérision, un « je t'aime, moi non plus et un Je t'aime, beaucoup, jalousement, plus du tout, passionnément ». Tout ceci en décrivant les métiers des deux protagonistes, l'un, romancier et ingénieur en hydroélectricité, spécialiste de l'eau, source de vie, mais aussi passionné par la géographie et l'autre, scientifique, spécialiste des… chauves-souris.

Sous forme de missive adressée à la Juge et à la Greffière qui les ont divorcés, Gabriel raconte l'amour de sa vie. L'amour compliqué entre Suzanne et lui. Comment ces deux-là ont-ils pu se marier alors que tout les sépare ? Comment ces deux-là vont voyager et devoir se rendre à l'autre bout de la terre pour se trouver enfin.

Des digressions autour des voyages et de la culture égrènent ce roman. Un peu trop peut-être. Difficile de suivre. Comme cet amour, je m'y suis perdue, pas forcément trouvée. Donc, une lecture mitigée pour moi.
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Je serai brève, je me suis ennuyée. Gabriel nous narre l'amour fou qu'il a ressenti pour Suzanne, la rencontre, le mariage, le divorce et tous les états par lesquels il passe. Je l'ai trouvé geignard, et elle, je l'ai trouvée froide, glaciale, je dirais que le titre est totalement approprié... Aucun des deux personnages n'a réussi à me toucher, j'ai eu l'impression de lire une lamentation qui n'en finissait pas.
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S'il fallait donner un exemple de livre copieux dans lequel chaque page contient de nouveaux ingrédients et chaque chapitre un nouveau plat, « Briser en nous la mer gelée » remplirait parfaitement sa fonction. Erik Orsenna nous embarque dans un périple baroque, naviguant depuis Paris jusqu' en Alaska avec la plume comme brise-glace pour tenter qu'un amour se rejoigne dans le détroit le plus magnifique mais aussi le plus fragile, celui de l'amour.

Gabriel s'adresse à Madame la Juge, Vice-Présidente aux affaires familiales après son divorce d'avec Suzanne rencontrée par l'intermédiaire de ses amis les plus proches. Un coup de foudre, mais les flammes de l'amour fou vont s'éteindre. Ou plutôt vont se glisser dans une atmosphère aseptisée, glaciale. Mais, à l'instar d'un virus, sitôt décongelé, tout peut renaître. Et les étincelles jaillirent de nouveau. Est-ce possible ? Il suffit d'embarquer dans ce roman qui prend parfois un étrange parallèle avec une opérette de Johann Strauss. Parce que si Gabriel est un éminent scientifique du domaine de l'eau, la belle Suzanne est une spécialiste d'un mammifère aussi étrange que captivant : la chauve-souris. Une chiroptérologue, voyez le tableau ! Même si musicalement parlant, le récit est plus proche d'Un voyage en hiver de Franz Schubert. Quoique. Un peu d'Offenbach aussi pour le côté tellement fantaisiste de l'auteur qui semble diriger sa plume devant un orchestre de mots pour que se succèdent sonorités endiablés et tempi beaucoup plus langoureux. Avec l'âme d'un Beaumarchais qui sommeille. D'un Feydeau du XXI° siècle également quand le sieur Orsenna déroule ses péripéties entre le service après-vente d'un célèbre catalogue de vente par correspondance et le plus connu des sites des petites annonces gratuites.

Erik Orsenna a peut-être transformé son personnage de Gabriel en prince Orlofsky, pas uniquement par la noblesse des lettres mais pour les invités surprises le long de son roman. Et quels invités ! Je ne peux m'empêcher de vous en parler. Il en fait revivre deux : Jean d'Ormesson, lors d'un déjeuner où il question de pied, de cheville… jeu de mots, jeu de mains. Puis, Jean-Marc Roberts, l'éditeur et scénariste disparu beaucoup trop tôt et créateur de la fameuse collection « Bleue » chez Stock. Bleu comme les souvenirs, bleu comme la nostalgie, bleu comme un appel du ciel sur le blanc d'une page.
Le troisième invité et non des moindres et quant à lui bien vivant : esprit facétieux, un jeune homme centenaire au pays de l'immortalité : René de Obaldia. Quand deux académiciens se rencontrent, c'est forcément une histoire française qui se déroule.

Cependant le protagoniste du récit reste l'amour. Cet amour que l'on saisit, qui s'enfuit, que l'on ne sait garder ou conserver. Un flot de regrets dans les vagues de souvenir vers lesquels les coeurs perdus continuent de naviguer. Pour parfois rejoindre à nouveau la terre ferme. Avec le voyage comme vecteur de fuite, d'évasion et de réflexion. Et de retour à Ithaque…

Lien : https://squirelito.blogspot...
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critiques presse (1)
Bibliobs
03 février 2020
Il aura donné aussi, entre deux digressions giralduciennes, son meilleur autoportrait. Celui d’un timide industrieux, à la gaieté permanente, donc suspecte, d’un mélange raccourci d’Yves Montand et de Sami Frey, [...] d’un géophysicien des grands sentiments, dont chaque roman est une nouvelle carte de Tendre. En relief.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (50) Voir plus Ajouter une citation
Page 228

Vous ne me croirez peut-être pas, madame la Juge, et le menteur que je suis sera le dernier à vous le reprocher, mais telle est la vérité vraie : la dernière fois que je vis Suzanne avant, bien des mois plus tard, de la retrouver sur la rive américaine du détroit de Béring, nous étions deux cosmonautes, revêtus d’un scaphandre blanc « sous pression positive » (pour éviter que si, par malheur, cette armure se déchirait, l’air, potentiellement contaminé, en soit expulsé), et une triple vitre nous séparait.
Et Mylène, la capitaine qui me servait de guide, accoutrée de même manière, m’expliquait la satisfaction de leur équipe d’accueillir une scientifique d’une telle compétence.
— Grâce à elle, nous en apprenons de belles sur les chauves-souris. Vous avez entendu parler du SRAS, le syndrome respiratoire aigu sévère ?
Mon scaphandre hocha la tête.
— En 2003, il a tué sept cent soixante-dix-huit personnes dans vingt-cinq pays. La cause en était un virus, un virus dit « à couronne », un coronavirus pour résumer. Maintenant, savez-vous combien de coronavirus vivent dans les chauves-souris ?
— Dix ? Vingt ?
— Cette dame-là, qui travaille de l’autre côté, en a dénombré trois mille deux cent quatre. Et elle continue. Ah oui, vraiment, nous pouvons nous réjouir qu’elle nous ait rejoints !
Je serais volontiers demeuré des jours et des jours dans le P4. Il m’a bien fallu repartir. Vous n’imaginez pas le nombre de sas qu’il m’a fallu franchir. À croire que j’étais devenu contagieux. Deux douches m’attendaient. Passe encore la première, une averse de phénol sur mon scaphandre. Mais la seconde, nu, grelottant…

Pauvre Suzanne, ma Suzanne (même si je n’avais plus droit au possessif depuis ce maudit jugement du 10 octobre, mais comment imaginer que cette Suzanne-là appartienne à un autre ?), Suzanne, Suzanne, mais pourquoi un P4 ? Pire, un P4 militaire ? Tu ne fréquentais pas, chez Pasteur, assez de bêtes malfaisantes ? Et se pourrait-il, mon Dieu, je tremble, rien que d’évoquer cette hypothèse, dois-je t’imaginer si dévastée par notre disparition que tu aies décidé une sorte de glorieux suicide, monter au front du Savoir et y périr, saluée par toute la communauté scientifique en larmes et bien décidée à me faire la peau, jamais, jamais sans cette ordure de Gabriel une personne aussi sensée que notre collègue n’aurait pris de tels risques !
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Agent immobilier, conseiller conjugal, fiscaliste, psychanalyste, addictologue, assistant social, loueur de voitures, guide touristique, confident, oreille jamais lassée, hocheur de tête aussi longtemps que nécessaire, panseur de plaies à l’ego, raboteur discret et ferme des mêmes ego quand la mesure était dépassée, manipulateur de jurys, semeur d’idées pour plus tard, nounou des enfants petits d’auteurs désemparés par la contrainte de la garde alternée, ami (mais pas trop) des ex-femmes, employeur, au moins comme stagiaires, d’enfants grandis des mêmes auteurs toujours aussi démunis face au monde moderne, urgentiste, agence de renseignement, concierge, lecteur rapide et toujours disponible, saupoudreur de compliments mais ferme quant à l’appréciation globale, larmoyant pour les à-valoir, plus coulant sur les notes de frais (sans justificatifs), bref, Jean-Marc Roberts était l’éditeur par excellence, rare cocktail de pape protecteur et de père insidieusement fouettard, de vieux sage revenu de tout et d’enfant émerveillé par tout talent nouveau, maître des horloges, aussi stratège du long terme que tacticien de l’instant, joueur, enivré par l’excitation d’un nouveau coup à tenter.
C’est lui qui, vingt-cinq ans plus tôt, avait eu la faiblesse de publier mes deux petits ouvrages dans sa collection Bleue. p. 294-295
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Page 206

Votre bienveillance naturelle n’est pas en cause, madame la Juge, ni votre capacité, nourrie par une si longue expérience de l’interrogatoire, à démêler le Vrai du Faux en matière d’Amour.
Permettez tout de même que je vous raconte une histoire (garantie authentique) et que je vous recommande un ouvrage (de fiction).
Le 25 février 1956, lors d’une des innombrables fêtes qui animent les vieilles et nobles bâtisses rouges de Cambridge, un jeune Anglais, étudiant en anthropologie, rencontre une Américaine de vingt-quatre ans, déjà coqueluche de l’université, tant pour sa haute et sauvage beauté que pour l’immédiate et rare qualité de ses écrits.
Dès leur premier regard, ils s’appartiennent.
Cent vingt jours après, ils se marient.
Ils s’aiment, du plus profond de leurs êtres. L’un n’ayant d’autre souci qu’aider l’autre à déployer sa poésie.
Car ils appartiennent à cette rare chevalerie, l’un et l’autre : ils sont poètes, et de la plus grande poésie qui soit.
Lui s’appelle Ted Hughes, futur poète officiel de la Couronne d’Angleterre.
Elle se nomme Sylvia Plath. Quelle chance, madame la Juge, si vous n’avez rien lu d’elle, enfermez-vous un jour avec The Bell Jar (La Cloche de détresse). Vous pleurerez comme j’ai pleuré.
Et puis, un jour, Ted s’en va.
Un autre jour de février 1963, Sylvia entre dans sa cuisine, ouvre le four, y plonge la tête et ouvre le gaz.
Le monde entier condamne Ted. Ted le volage, Ted qui ne pense qu’à lui, Ted : un homme typique, semblable à tous les autres membres de ce genre méprisable.
Cinquante ans plus tard, alors qu’elle se promène dans sa bonne ville d’Amsterdam, une idée vient à la grande romancière Connie Palmen : et si je faisais entendre la voix de Ted ? Et si je tentais de raconter l’impossibilité, malgré la force de l’amour, à cause de la force de l’amour, l’impossibilité de vivre jour après jour, de l’aube jusqu’au soir, et pire encore la nuit venue, et si je tentais de vous expliquer l’impossibilité de vivre avec le désespoir d’une femme ?
C’est ce livre-là que je vous envoie ce matin, madame la Juge. En double exemplaire car un pour Mme Cerruti, votre greffière.
Le titre dit tout :
Ton histoire
Mon histoire
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Page 9

Voilà, ils avaient rencontré quelqu’un. Une femme. Une femme qui les avait séduits, elle et lui, dès le premier regard. Et qui avait continué d’ainsi les enchanter tout du long de la soirée. L’un après l’autre, ils renchérissaient. Belle, mais pas seulement. Oui, une vraie poésie ! Sans doute de la détresse, mais comme tu aimes, et une grâce, une fantaisie…
— En tout cas, à nulle autre pareille !
— Ça c’est sûr !
Pendant qu’ils parlaient, je ne quittais pas des mains ma serviette en papier. L’air était tellement humide dans ce restaurant du Sud-Ouest que mes lunettes s’embuaient toutes les trois minutes, je les enlevais, les remettais et de nouveau les essuyais.
Si bien que la première fois où j’entendis parler de vous, mon amour, mes yeux n’ont pas cessé de voir flou et mes doigts de tripoter ce papier pelucheux dont on fait les serviettes.
Madiran aidant, je me repris. Et regardai mon ami.
— Pourquoi me racontez-vous ça ?
— Parce que, mon pote, on te trouve triste.
Ma compagne était morte quatre ans plus tôt. Morte de la mort d’un cœur qui, dans la nuit de Brest, soudain s’arrête. Je croyais faire bonne figure. Je devais trop rire. Je présentai mes excuses.
— Il y a un temps pour tout, décréta l’ami, soudain docte.
Et sa femme confirma :
— Relis la Bible : il y a un temps pour pleurer et un temps pour rire, un temps pour se lamenter et un temps pour danser.
— Maintenant, sèche tes larmes. Et prépare-toi ! Avec celle que nous allons te présenter, tu vas danser. Bon, oui ou non, veux-tu la rencontrer ?
Oh, je ne cherche pas d’excuse. Je mérite mon malheur à venir car je me lançai sans réfléchir.
— Pourquoi pas ?
Pourquoi pas ?, le nom choisi par Charcot pour au moins quatre de ses bateaux.
Pourquoi pas ? Quelle autre force pousse à prendre la mer ? Charcot, le grand explorateur des pôles. Qu’est-ce que la vie sinon voyager dans les glaces ?
— Et par ailleurs, cette merveille est une savante.
— Quel genre ?
— Les chauves-souris.
— Pardon ?
— Elle étudie leurs pouvoirs. Il paraît que ces drôles d’oiseaux hébergent toutes sortes de parasites terrifiants sans jamais tomber malades.
— Fascinant, non ?
— On t’avait dit. Une femme à nulle autre pareille. Ça te changera de tes coups de foudre habituels.
— Oui, Gabriel, on en a marre de tes hautes fonctionnaires sexy chic, style Figaro Magazine !
— Elle s’appelle Suzanne.
— Plutôt démodé, non ?
— Peut-être ! Mais ce démodé l’a gardée jeune, on lui donne trente ans.
— Disons quarante !
Face à telle avalanche, comment résister ?
— Pauvre de moi !
— Alors si on l’invite, tu viens ?
— J’ai déjà répondu.
Ils ont battu des mains.
Cet accès de gaieté ne fut pas du goût d’un groupe déjà vu au cimetière et qui déjeunait à l’autre bout de la salle.
Un homme a lancé : « Et il y a une heure, au bord de la tombe, ça pleurait des larmes de crocodile ! »
Heureusement que l’ami n’a pas entendu. Il a beau approcher de quatre-vingts ans, son sang d’ancien rugbyman argentin reste chaud et ses poings toujours prêts à frapper.
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Page 151

La ronde des oui et des non

Qu’est-ce qu’un amour ?
La ronde des oui et des non.
On entre dans la ronde pour un oui ou pour un non.
Ce peut être un oui tout de suite, dès le premier regard.
Mais le oui peut commencer par un non qui n’est qu’un rempart, un oui qui se défend, un faux nez du oui.
Passionnée comme vous l’êtes, madame la Juge, par l’espèce humaine, vous connaissez forcément Arthur Schnitzler. Sa pièce, La Ronde, fit scandale à Vienne. Cinquante-trois ans plus tard, Max Ophüls en créa un film, autre chef-d’œuvre. La Ronde présente un à un tous les personnages de l’amour. Ils se passent le relais : de la putain au soldat, du soldat à la grisette, de la grisette au fils de famille qui séduit une femme du monde pour, de proche en proche, finir à un comte qui se laisse embarquer par la putain.
Ainsi tourne et tourne, au son de toutes les musiques possibles, la ronde des oui et des non.
Il est dans la nature du premier oui de s’étourdir. Peu à peu, il reprend ses esprits. Par exemple, ce oui ose se dire que telle ou telle phrase de celle qu’il aime le déçoit, voire l’agace. Il ose admettre que, chez cette femme ô combien adorée, il préfère ses jambes à ses seins, même s’il s’empresse d’ajouter que rien de grave, c’est l’ensemble qui compte, un ensemble à qui d’ailleurs il tient urbi et orbi à renouveler son oui, franc et massif.
Ce référendum a beau avoir été voté sans ambiguïté et proclamé, le droit d’une certaine quantité de non à exister dans le oui vient d’être officiellement reconnu.
Tout va dépendre maintenant, pour l’avenir de l’amour, de l’équilibre entre le oui et les petits non. Car l’arithmétique des sentiments est pernicieuse et sournoise. Une accumulation d’exaspérations imperceptibles, une somme de non minuscules, peut très bien finir par détrôner un oui jusqu’alors en majesté et qui se croyait au pouvoir pour toujours.
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