La chanson de Charles Quint/Eric
Orsenna, de l'Académie française.
Pourquoi ce titre alors qu'il ne s'agit en aucun cas d'un roman historico-romantique ?
La succession des chapitres va permettre de comprendre ce choix.
En effet, à l'époque de la Renaissance, une chanson triste, la mélopée de l'amour enfui titrée « Mille Regretz » « faisait fureur ». Qui écrivit les paroles ? Nul ne le sait. La mise en musique de Josquin des Prés (1450-1521) était la plus connue, et cette mélodie était la préférée de Charles Quint. S'étant retiré au monastère de Yuste en Estrémadure à la mort de son amour, il ne lui resta plus en tête que les quatre vers de ce refrain.
L'auteur, dans ce récit autobiographique, en une prose fluide et teintée d'un humour omniprésent même dans les situations où le recueil serait de mise, va nous dévoiler ses douleurs intimes à la mort de son amour, son Soleil comme il l'appela.
Ardent défenseur de la langue française,
Orsenna, le frère aîné à l'amour morcelé va d'abord exprimer son lien profond avec son frère cadet à l'amour unique. Morcelé car multiple : une succession de conquêtes féminines jusqu'au jour de la rencontre de ce Soleil qui va illuminer sa vie durant quatre années…
Émanent de ces lignes bouleversantes une grande sensibilité et beaucoup d'émotion paradoxalement exacerbées par un humour sous-jacent lorsque la maladie et la mort rôdent :
« Je connais tout d'elle, la mort, je l'ai vu naître. »
Et puis cette remarque : les morts sont appelés « disparus ». Où sont-ils passés alors ?
Ancien conseiller de François Mitterand,
Orsenna se livre à une digression sur l'obsession de l'ancien Président qui se sachant condamné par un cancer s'interrogeait sur la mort et l'au-delà :
« « Ce souci de l'au-delà lui revenait sans cesse, une sorte d'obsession comme d'autres voient partout des femmes nues ou des cuisses de footballeur au moment du shoot. »
Et encore cet amour de la langue française si originale pour avoir inventé un temps de conjugaison chargé de regrets :
« Étrangeté de ce temps de la langue française, le futur antérieur qui allie futur et antériorité, avenir et passé…. »
Enfin, une phrase pleine de complicité avec son lecteur qui m'a bien plu :
« Si vous m'avez lu jusqu'ici, c'est qu'une sorte de fraternité nous rassemble. Vous êtes comme moi. »
En résumé, une très belle écriture par petite touches de phrases assez courtes ce qui n'est pas toujours le cas chez
Erik Orsenna. de l'émotion et de la réflexion. de la densité.
On pourrait juste reprocher par instant un éparpillement de la pensée qui nuit à l'unité du récit et aussi le beau rôle que s'accorde l'aîné par rapport au cadet. Mais pour cela, chacun jugera.