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EAN : 9782021342130
304 pages
Seuil (02/02/2017)
4.19/5   13 notes
Résumé :
Si la défaite actuelle des armées occidentales en Afghanistan renvoie aux échecs des envahisseurs précédents, elle met également en pièces le rêve eurasien d'Alexandre Le Grand. Ce rêve " si beau, perspicace, intemporel, généreux " selon Nicolas Bouvier, et qui bouleversa Malraux.

Comment le territoire du Gandhara, où prospéra l'extraordinaire et tolérante civilisation née de la rencontre entre la Grèce et l'Orient, peut-il coïncider avec celui du dji... >Voir plus
Que lire après Le djihad contre le rêve d'Alexandre en Afghanistan, de 330 av. J.C. à 2016Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Un grand livre, prix Joseph-Kessel 2017, de la description des confins autour de "zone tribale" et du Peshawar cosmopolite et "british" d'avant les massacres organisés par les talibans pakistanais (134 enfants en décembre 2014), à la distinction entre le djihad national afghan, le djihad transnational d'Al-Qaida au djihad mondial et global de l'Etat islamique. Au talent de l'écrivain, à la rigueur de l'historien, le journaliste scrupuleux apporte beaucoup sur cet Afghanistan où il s'est rendu bien des fois, de 1982 à nos jours. Il illustre les paramètres de la géopolitique, que ce soit l'incompétence de la CIA armant Ben Laden qui n'a jamais combattu les Soviétiques, l'ignorance crasse des réalités et traditions locales par la coalition de bric et de broc dirigée par Washington voulant imposer une démocratie clefs en main, à l'immixtion récente de la Chine sur l'échiquier afghan.

La ligne directrice de cet ouvrage concerne le fléau du XXIe siècle, l'islamisme. C'est-à-dire la violence primitive qui nie le message fraternel du Coran, le refus de penser l'Autre, si ce n'est dans un statut dégradant, tout en reléguant la femme dans un ghetto social et familial où elle n'est qu'un "bétail". Pour dénoncer la bêtise du "djihad contre le passé" illustré par la destruction des Bouddhas de Bamiyan et des riches collections du Musée de Kaboul, sur ordre de mollahs ignares imbus du salafisme favorisé par les financements de Saoudiens chantres du wahhabisme, Jean-Marie Perrin offre un saisissant parallèle entre l'obscurantisme des talibans, qu'il a fréquentés, et la lumière d'Alexandre et du royaume de Bactriane qui lui survécut durant neuf générations à Bactres (Balkh).

Alexandre est bien le seul conquérant de l'Afghanistan. Ce fut sa plus rude campagne illustrée par le coûteux exploit, en mars 329, de la remontée de la vallée du Panshir et du passage du col de Khawak (où l'auteur a vécu une tempête de neige en octobre 2007) à 3 848 m. Ce qui lui permit de fondre par surprise sur son dernier ennemi, Bessos, l'assassin de Darius III. A l'inverse des armées d'autres envahisseurs, sauf les Mongols, les hommes d'Alexandre, légèrement équipés, étaient aussi rapides que les montagnards de ce toit du monde. Mais c'est moins par les armes que les Afghans furent conquis que par la séduction. L'histoire a retenu le mariage avec Roxane en oubliant l'essentiel : le vainqueur sut mêler l'Occident et l'Orient, au nom de l'hubris ou volonté philanthropique d'égaler les dieux. A souligner les parallèles entre la cruauté de la mort du traître régicide Bessos et le supplice du Dr Nadjibullah et de son frère par les talibans, le 25 septembre 1996, pourtant réfugiés dans l'enceinte de l'ONU à Kaboul. Pour les Américains qui le tuèrent dans son repaire pakistanais, de même Ben Laden put apparaître comme une sorte de Bessos.

Ce livre rappelle qu'il ne peut y avoir de bon reportage sans connaissance intime du passé. Ce pays a d'abord été détruit par une "bombe atomique culturelle" : Gengis Khan et ses hordes : Balkh, la ville de Bamiyan, mais aussi Samarkand, Boukhara, puis la Perse orientale avant Bagdad en 1258 par les successeurs du conquérant illettré. En résulte une fermeture du pays sur lui-même, le rejet de toute modernité et une méfiance envers l'étranger hors les règles sacrées de l'hospitalité. Citant le chef-d'oeuvre de Peter Hopkirk sur le Grand Jeu, tout en choisissant la version russe du "Combat des ombres", l'auteur donne les clefs de la plus importante défaite et humiliation de l'Empire britannique en janvier 1842, avant Singapour un siècle plus tard. Ayant été témoin au milieu des années 1980 aux côtés de moudjahidine de l'attaque de la base aérienne de Ghazni, Jean-Marie Perrin souligne que le plus puissant des matériels ne peut rien contre des combattants rustiques parfaitement adaptés au terrain et se fondant dans la population (sur le modèle de l'ALN, entre autres). Même échec des Américains que l'auteur accompagne au sein de leurs convois Mad Max, fonçant par sécurité sur les routes au mépris d'Afghans qui les méprisent.

A retenir aussi l'analyse sereine du commandant Massoud, dont l'auteur était un proche. Lecteur du Che et de Giap, cultivé, francophile, généreux, fin tacticien de la guérilla et un des grands vainqueurs des Soviétiques, il s'entoura que de Tadjiks sans concevoir un destin national. D'où ses crimes de guerre pour répondre à ceux du "bourreau de Kaboul", Gulbuddin Hekmatyar, lors de la lutte fratricide pour le pouvoir en 1992 qui détruisit une partie de la capitale. S'il était favorable à l'éducation des filles, "le lion des montagnes" ne sut s'affranchir des mollahs salafistes. Il en fut finalement victime, deux jours avant le 11 septembre 2001, par la main de deux agents du chef wahhabite et agent saoudien, Abdoul Rassoud Sayyaf (lui-même commandité par Ben Laden), dont les partisans coupaient les seins des femmes chiites entre 1992 et 1996.
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A la fois confins du monde et son centre, l'Afghanistan est, depuis des millénaires, une région extrêmement sensible et importante sur les plans géopolitiques et religieux. C'est un bastion au coeur des montagnes de l'Hindou Kouch.

Jean-Pierre Perrin est un reporter qui a voyagé en Afghanistan à de nombreuses reprises au cours des dernières décennies, parcourant les sentiers de montagnes avec les moudjahidines et rencontrant Massoud, mais aussi l'Highway 1 à bord des blindés de l'armée française. Il nous livre ici un formidable témoignage sur la complexité de ce pays à travers les souvenirs de ses voyages des plus mouvementés, mais aussi en nous rappelant l'Histoire du pays à travers les siècles ; des conquêtes d'Alexandre le Grand et des Hordes Mongols, au Grand Jeu des empires russes anglais, aux invasions plus récentes des soviétiques, des talibans ou encore l'OTAN.

En mêlant la grande Histoire à des histoires à échelles humaines, l'écrivain nous entraîne avec lui dans cette région au climat rude et aux peuples guerriers. Ce livre est une véritable réussite, nous plongeant au coeur de l'Afghanistan des seigneurs de guerre à la fois terrifiant et fascinant, brossant un véritable tableau qui nous captive jusqu'à la dernière page.
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Ex grand reporter à Libération ,Jean-Pierre Perrin utilise ses souvenirs de ses nombreux et périlleux séjours en Afghanistan pour écrire ce livre (récompensé à juste titre par le prix Joseph Kessel) . Il y a rencontré nombre des acteurs de la tumultueuse histoire contemporaine de ce pays aux paysages de rêve et aux évènements cauchemardesques . Il a ,de plus, l'intelligence et la culture d'en rappeler aussi l'histoire « de 330 av.JC à 2016 » comme le dit le sous-titre de son ouvrage ,d'Alexandre le Grand au mollah Omar . C'est passionnant et assez éclairant sur les errements politico-religieux qui y ont concocté ce bouillon de culture du Djihad mondialisé.
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Le Djihad contre le rêve d'Alexandre a obtenu le Prix Joseph Kessel 2017, décerné par la Scam au Festival des Etonnants voyageurs à Saint-Malo. Ce n'est pas un mince label !
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critiques presse (1)
Liberation
09 février 2017
Un tableau mélancolique au constat terrible.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
'Derrière l'exotisme et derrière les paysages sublimes se cache une réalité sociale très laide. Certes, le melmastia et le nanawatai, les devoirs de protection qui s'appliquent aux membres les plus faibles des tribus pour les protéger et même aux ennemis, sont de belles déclinaisons du patchounwali, mais ce code d'honneur appliqué aux femmes est terrible. Dans ce Waziristan, il est pire encore.
Les femmes sont le bétail de ces vallées. Elles ne servent qu'à travailler du matin au soir et à faire des gosses - malheur à celles qui ne font que des filles. On ne les aperçoit que pliées en deux dans les champs ou portant sur la tête d'imposants fagots de bois ou des seaux de linge et, occasionnellement, au bazar, revêtues de la burqa à la place du voile. Même si certains anthropologues assurent qu'elles sont reines du foyer, on les exploite, on les marie à des veillards, on les brutalise, on les frappe, on les vend; il arrive qu'on les brûle et qu'on les tue. Parfois, pour mettre fin à un badal, on les livre dès l'adolescence à la famille ennemie, ce qui les condamne à un esclavage domestique qui durera jusqu'à leur mort'.
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L’honneur, c’est la vertu capitale des Afghans. Ahmad Shah Abdali, le fondateur de l’Afghanistan sur lequel il régna pendant vingt-six ans (il est mort en 1773) et qui fut aussi un grand poète en pachtou et en perse, l’évoque souvent dans les quelque trois mille vers qu’il écrivit :

La mort sur le chemin de l’honneur n’est pas la mort.
La vie d’un homme sans courage est vraiment un fardeau.
Je ne dévierai jamais du chemin de l’honneur puisque la valeur de ce monde est l’honneur.

Cet honneur, il existe plusieurs termes pour le désigner. Le plus fréquent est le ghayrat ou nang. D’emblée, il fait référence à la tribu, aux valeurs féodales, à l’acabiya, l’appartenance communautaire au sens le plus fort qui donne une cohésion sociale au groupe, un concept forgé par Ibn Khaldun, les sociétés urbaines et modernes ne reposant pas sur le sens de l’honneur. Aux yeux du montagnard afghan ou pakistanais, le citadin ou l’agriculteur du Pendjab en sont dépourvus, de même que l’employé, quel que soit son rang, du gouvernement ou de l’État. La notion dépasse l’individu pour englober sa famille, proche et élargie, en particulier les femmes qui ne doivent en aucun cas faillir au ghayrat des mâles de la maison, et même du clan, parfois de la tribu. C’est au nom du ghayrat qu’on surveille de près les épouses, les sœurs et les filles, que l’on contrôle le moindre de leurs déplacements, qu’on leur proscrit l’accès à certaines professions ou même d’aller chez le médecin. Le ghayrat leur évite de glisser sur la pente, si infime soit-elle, dangereuse pour l’honneur familial ou clanique, et permet de corriger sans cesse leur attitude. On utilise le même mot dans le vocabulaire des chameliers : pour que la charge portée par un dromadaire reste équilibrée de part et d’autre de sa bosse et immobile malgré le balancement de l’animal en marche ; charge qu’il est sans cesse nécessaire de réajuster.
(...)
Mais le ghayrat implique également la défense des parents et proches, des amis, des propriétés familiales, des plus faibles, la lutte contre ce qui est inique, l’oppression, le colonisateur évidemment. Ne pas se révolter, c’est attenter à son propre honneur. Ce qui fait le prestige des moudjahidine et, aujourd’hui, des talibans, c’est qu’ils sont par excellence les hommes du ghayrat : ils s’opposent à l’envahisseur qui, lui, n’est pas forcément bi-ghayrat : il l’est s’il emploie des drones ou des bombardements aériens ; il y échappe s’il se bat loyalement, sur le terrain. Le ghayrat conduit donc naturellement à la guerre. Il est comme un toboggan au profit des pulsions de mort, subtilement libérées, projetées en avant, entraînant tout l’être vers l’anéantissement de l’autre – ou de lui-même à travers le martyre. (pp. 116-118)
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A cette époque, il est bien difficile de saisir ce qui sépare les barbus de Gulbuddin Hekmatyar des poilus du mollah Mohammad Omar. Les deux chefs sont des Pachtouns, le premier du nord de l’Afghanistan, le second du sud. Tous deux ont combattu l’armée soviétique – le mollah Omar y a perdu son œil. Ils sont l’un et l’autre liés aux services secrets de l’armée pakistanaise, dont ils dépendent totalement pour leur armement et leur logistique. Ils veulent enfin faire de l’Afghanistan un État strictement islamiste fondé sur la charî’a.

Au-delà des questions de personne, c’est sur la conception de cet État qu’ils divergent. Hekmatyar veut une République islamique dirigée par un parti unique, le Hezb-e-Islami, où les commissaires politiques l’emporteront sur les religieux. A sa façon, c’est un moderniste. Plus traditionaliste, le mollah Omar, qui va bientôt se proclamer Amir Mouminin (commandeur des croyants), entend établir un émirat sans aucun parti, résurgence de celui qui était censé exister du temps de Mahomet. C’est, selon eux, une bonne raison de se faire la guerre. De plus, aux yeux du mollah Omar, Hekmatyar et ses hommes sont liés aux seigneurs de guerre et aux trafiquants dont il a promis de débarrasser l’Afghanistan. (p. 65)
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Videos de Jean-Pierre Perrin (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Pierre Perrin
https://www.laprocure.com/product/1395404/femme-vie-liberte
Femme, vie, liberté Marjane Satrapi, Farid Vahid, Jean-Pierre Perrin, Abbas Milani et al. Éditions l'Iconoclaste
« À l'heure où nous célébrons le premier anniversaire de la Révolution des femmes en Iran, il y a un an, en septembre dernier, voici que la maison de l'Iconoclaste publie sa première bande dessinée qui s'appelle Femme, vie, liberté. C'est une bande dessinée qui est un immense coup de coeur et on peut dire que pour L'Iconoclaste, dont c'est la première bande dessinée, c'est vraiment un coup de maître. [...] C'est une bande dessinée qui a été réalisée sous la direction de Marjane Satrapi, cette auteure iranienne... » Caroline Tison, libraire à La Procure de Paris
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