l y a un moment où la vie cesse d’être plastique. Je crois que c’est à l’instant où l’on cesse soi-même de l’être. Quand tu suis l’événement, tout va bien. Quand tu veux déranger le cours des choses, te dresser contre, imposer ta volonté, redresser, recommencer, retrouver, tout va mal.
Ils se passent du monde, parce qu’ils n’ont rien à donner au monde. Ils supportent la solitude, parce que la solitude ne les trouble point. Ils sont silencieux, parce qu’ils n’ont rien à dire. Pour eux, la forêt, c’est du bois de chauffage ; l’impétueux torrent, de l’eau pour la lessive de leurs chemises ; le rocher qui surplombe l’abîme, immense et inutile caillou.
J’ai toujours préféré le livre à la vie. J’ai vingt-six ans. À cinq ans, j’avais beaucoup de petits amis, nous jouions sur la place. À six ans, j’ai su lire et j’ai cessé très vite de courir et de sauter, je suis devenu un assis. Mes parents étaient ravis : cet enfant deviendra quelqu’un ; il aime tant lire. Et puis, au lieu de développer mon esprit, je n’ai fait que le nourrir, sans qu’on sache jamais s’il domine l’immense matière et l’organise.
Je pense que l'homme ne peut atteindre la vérité absolue, que par sa nature même, il ne peut la connaître. Que la vérité d'une très belle fleur, c'est un millions de fleurs manquées, avortées, gelées. C'est l'accumulation des chances qui fait un homme ou une fleur.
La dignité, la liberté des temps égalitaires laissent quelquefois un étrange vide au cœur des anciens opprimés. Ils se souviennent des bonnes vieilles débauches, des orgies et festins et regardent tristement leurs vertueux, médiocres et courts plaisirs.
Ah vous écrivez : émission du 12 août 1977
Au sommaire de ce magazine littéraire de
Bernard PIVOT, trois écrivains:
Jacques BRENNER pour "La rentrée des classes"
Jacques PERRY pour "Les fruits de la
passion"
Geneviève DORMANN pour "
Mickey l'ange"