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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Quelle agréable surprise, un excellent roman que je ne serais vous conseiller, si peu que vous soyez friand de cette époque, piqué au vif : mon instinct ne m'a pas trompé...
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Il faut se garder d'évoquer l'histoire, ses rebondissements et ses coups de théâtre pour ne pas gâter le plaisir des futurs lecteurs de ce roman qui nous plonge aux confins de la Bohême et de la Pologne du XVIIIème siècle. Même si Perutz nous livre dans son prologue la fin de l'histoire en se situant plusieurs années après les faits racontés ensuite, il réussit à nous captiver et à nous embarquer dans une curieuse aventure où il est question d'usurpation d'identité. On peut aussi voir ce roman comme une fable sur le bien et le mal. J'ai trouvé également intéressante la construction de Perutz qui apparaît presque comme une expérience de laboratoire en psychologie cognitive organisée par des esprits divins un peu cruels, dans laquelle la plupart des acteurs n'ont qu'une connaissance partielle de la situation et ainsi que des perceptions faussées de la réalité. A l'image de notre condition humaine.
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Gilbert Millet et Alain Delbe

Lire Leo Perutz

Leo Perutz est né à Prague, dans l'Empire austro-hongrois, le 2 novembre 1882. Comme Franz Kafka, né un an plus tard dans la même ville, il est un juif d'expression allemande. En 1901, sa famille s'installe à Vienne où il achève ses études de mathématiques. Il se spécialise dans les statistiques et travaillera dans une société d'assurances. En 1911, il s'attelle à son premier roman, La Troisième balle, publié en 1915. Cette même année, mobilisé sur le front de l'Est, dans l'armée autrichienne, il est grièvement blessé. Il écrit alors, en collaboration avec Paul Frank, le Miracle du Manguier (1916). Les deux hommes composeront un autre roman, initialement scénario de film, le Cosaque et le rossignol (1927).
En 1918, Leo Perutz épouse Ida Weil, fille d'un médecin viennois. En 1920 paraît son premier chef-d'oeuvre, le Marquis de Bolibar. Suivent le Maître du jugement dernier (1923) et Turlupin (1924). En 1928, Où roules-tu, petite pomme ? paraît en feuilleton dans le " Berliner Illustrierten Zeitung ". le succès de Leo Perutz connaît son apogée mais Ida meurt, le lendemain de la naissance de leur troisième enfant, Felix.
En 1933, Hitler s'empare du pouvoir. Leo Perutz publie La Neige de Saint-Pierre, un roman sur la manipulation politique, aussitôt interdit en Allemagne. En 1935, l'écrivain épouse Grete Humburger. Un an plus tard paraît Le Cavalier suédois, oeuvre majeure sur laquelle il travaillait depuis 1928. le roman est, cette fois encore, interdit en Allemagne. Au moment de l'Anschluss, l'annexion de l'Autriche par Hitler en 1938, Leo Perutz s'enfuit. Il gagne Venise puis Haïfa, avant de s'installer à Tel Aviv. Jorge Luis Borges a découvert son talent et l'a fait traduire en Argentine mais l'exil et la guerre correspondent pour Perutz à une chute dans l'oubli. Il ne revient en Autriche qu'en 1950. Il prend alors l'habitude d'y séjourner pendant l'été, passant le reste de l'année en Israël, état qui vient de naître. La Nuit sous le Pont de Pierre, roman qui met en scène la communauté juive de Prague, paraît en 1953. Leo Perutz meut le 25 août 1957 à Bad Ischl, en Autriche. le Judas de Leonard connaît une publication posthume, en 1959.

Lire Perutz apporte le plaisir du divertissement, la plupart de ses romans proposant des aventures riches en rebondissements situées dans un cadre historique. Son oeuvre apporte également la réflexion, chaque texte interrogeant la nature humaine à travers, le plus souvent, la question de l'identité. L'amateur d'un fantastique classique, loin des dérives sanguinolentes auxquelles l'Amérique nous a habitués, est également séduit, le basculement de l'ordre du monde étant une constante de l'oeuvre de Perutz.
Le lecteur éclairé se réjouit aussi de la résonance avec les grands créateurs de l'âge d'or de la littérature allemande d'Europe centrale. Leo Perutz peint, le plus souvent, un monde à l'agonie. On pense à La Marche de Radetzky de Joseph Roth, fresque sur le déclin de l'empire autrichien, à L'Homme sans qualité que Musil qualifiait de roman de " l'effondrement d'une culture ", au désenchantement qui se dégage des oeuvres d'Arthur Schnitzler. A travers le personnage de Léonard de Vinci dans le Judas de Léonard, à travers la quête tragique du talent par les personnages du Maître du jugement dernier, Leo Perutz s'interroge sur l'art. On songe à La Mort de Virgile d'Hermann Broch, autre insertion dans un cadre historique d'une réflexion métaphysique sur la création et la mort. Et lorsque Perutz écrit, dans le Maître du jugement dernier : " Une révolte contre le destin et l'irrémédiable ! Mais n'est-ce pas là - vu avec plus de recul - depuis toujours l'origine de toute forme d'art. ", Stefan Zweig n'est pas loin. Quant au rapprochement avec Kafka, il tient à l'utilisation du fantastique au service d'une vision pessimiste de la société, machine à broyer les individus. Si les univers sont différents, Perutz ouvrant sur les espaces et l'histoire alors que Kafka enferme ses personnages dans des décors contemporains aux limites étroites, impossible de ne pas voir dans bien des personnages tragiques de Perutz des pendants de Joseph K., le héros du Procès de Kafka, mis en accusation et exécuté pour un crime qu'il ignore.

La troisième balle
Die dritte Kugel - Roman - 1915 - Livre de Poche 3128.
Au début du XVIème siècle, Charles Quint charge Cortez de conquérir le Nouveau Monde. Qu'importe la brutalité qu'il y déploiera, pourvu qu'il rapporte le trésor des Indiens, l'or qui financera la guerre en Europe et surtout permettra d'écraser la Réforme. Grumbach, un noble allemand banni en ces terres pour avoir justement adhéré aux idées luthériennes, jure de s'opposer à ce pillage. Il n'a pour cela qu'une arquebuse et trois balles : une pour Cortez, une pour le duc de Mendoza, son demi-frère et rival, une pour le bourreau. Mais une malédiction lancée sur ces mêmes balles...
Avec ce que l'on tient en général pour des défauts, Perutz réussit à faire de son premier roman, publié en 1915, un livre flamboyant. Certes on y trouve déjà les grands thèmes perutziens comme le pessimisme, l'illusion du libre arbitre (rarement le thème de l'homme floué par l'histoire a donné des pages plus fortes que celles du dernier chapitre) ou de la fiabilité de la mémoire (qui défaille dans l'amnésie, se focalise dans l'idée fixe de la vengeance). Mais, avec ses personnages de forts en gueule, de va-t-en guerre qui virevoltent d'un extrême à l'autre de toutes les émotions, l'auteur ne s'embarrasse pas de crédibilité ni de finesse psychologique. Comme le diable et les fantômes se mêlent à eux, on devine que la vérité historique n'est pas non plus son souci. Décrire les Aztèques comme " un peuple de moines, de danseurs et d'enfants ", qui " ont coutume de recouvrir les parois de leurs habitations de tapis et de tentures " devait déjà faire sourire quand le livre est paru. Pourtant, quel récit extraordinaire ! On a l'impression de suivre une de ces épopées telles que, à l'époque, seuls les théâtres de marionnettes, spécialité de Prague, devaient encore oser les jouer. On s'étonne qu'un tel livre ait été écrit au début du XXème siècle (d'autant que l'injure fréquente de bouffon lui donne une modernité que Perutz n'avait sûrement pas prévue). Quelle exubérance ! Quel plaisir d'écrire ! C'est clair : Perutz s'amuse, Perutz jubile, et le lecteur n'a qu'à se laisser porter par son style pour rire, frémir, trembler et pleurer avec lui. Amateurs de littérature dépressive et étriqués de l'imaginaire, s'abstenir.

Le Marquis de Bolibar
Des Marques de Bolibar - Roman - 1920 - Livre de Poche 3236.
1812. L'Espagne se soulève contre Napoléon, avec le soutien des Anglais. Deux régiments allemands, alliés des Français, sont pris dans cette tourmente. Retranchés dans la ville de Las Bisbal, cernés par la guérilla et les Britanniques, ils craignent la révolte des habitants de la ville. Un espion a révélé que le déclenchement de l'émeute serait donné par un certain marquis de Bolibar. Trois signaux sont attendus de lui. Lorsque le mystérieux marquis est arrêté, sous l'apparence d'un muletier, puis exécuté, la confiance devrait revenir. Il n'en est rien. L'ombre du mort règne sur la ville. Une atmosphère de maléfice…
Au sortir de la Première guerre mondiale, avec ce sens du décalage qui lui est propre, Leo Perutz décrit une autre boucherie, celle des guerres napoléoniennes. Il lie cette propension des hommes à s'entretuer au thème de l'Antéchrist. Il le lie également à la question de l'identité. Que viennent faire ces Allemands dans un conflit entre la France et l'Angleterre, par Espagnols interposés ? Mais surtout, qui est le personnage principal, ce marquis de Bolibar qui semble pouvoir changer de visage ?
La force du fantastique de Leo Perutz vient de l'arrière-plan historique, le début du XIXème siècle où se situe l'action mais surtout le XXème, sous-entendu, cette Europe qui sort d'un conflit mondial et se prépare aux horreurs du second, à l'extermination du peuple juif. Qui sont ces hommes pour lesquels l'autre n'est qu'un ennemi, une menace qu'il faut détruire ? La dernière scène du roman, celle où le narrateur, le lieutenant Jochberg, se regarde dans un miroir, constitue, au même titre qu'une scène semblable dans le Cas étrange du Docteur Jekyll et de Mister Hyde de Robert Louis Stevenson, un morceau d'anthologie sur le thème de la bête qui sommeille en nous. S'y ajoute un basculement de l'intrigue si exceptionnel qu'il invite le lecteur à revenir, pour son plus grand plaisir, au début du roman. Une oeuvre exceptionnelle.

Le Maître du Jugement dernier
Der Meister des Jüngsten Tages - Roman - 1923 - Livre de Poche 3173.
Le baron Gottfried von Yosch est appelé à remplacer, lors d'une soirée chez l'acteur Eugen Bischoff, un musicien indisponible. Étrange soirée… D'une part, le baron, ancien amant de Dina, l'épouse du comédien, se résigne mal à la rupture qu'elle lui a imposée. D'autre part, les amis d'Eugen Bischoff s'ingénient à lui dissimuler que sa carrière est sur le déclin et que la banque où il avait placé toutes ses économies vient de faire faillite. Aussi, lorsque l'acteur se suicide, après le concert, se trouve-t-il des gens pour penser que le baron, jaloux, l'y a poussé en lui révélant les mauvaises nouvelles. Mais bientôt, le roman bascule.
Gottfried von Yosch peine à se souvenir de ce qu'il a fait juste avant le suicide et se demande si ses accusateurs n'ont pas raison. Dans un premier temps, une enquête policière est proposée. Aidé d'un ingénieur tenace, le baron cherche à démontrer que la mort d'Eugen Bischoff a été provoqué par celui qui a poussé au suicide deux jeunes gens dont le cas est évoqué par la presse. Puis l'irrationnel s'installe. le Maître du jugement dernier est un parfait exemple des subtilités du fantastique. La première partie du roman ancre l'intrigue dans le réel, multipliant les notations réalistes. Une atmosphère d'angoisse est toutefois présente. Lorsqu'il joue le trio en si majeur de Brahms, le narrateur pense à " …la voix d'une âme égarée, la voix d'un coeur étreint par l'angoisse et qui monte pour exprimer sa souffrance. " Sous le monde apparent s'en dissimule un autre, celui de la mort, où les personnages vont entrer. On se souvient alors de la " Préface en guise de postface " : " le porche des temps s'ouvrit silencieusement. Aucun d'entre nous ne savait où ce chemin nous conduirait, et il me semble aujourd'hui que nous avons avancé à tâtons, pas à pas, dans un long couloir obscur au bout duquel nous attendait un monstre qui brandissait un gourdin… " Un monstre tapi au fond de nos désirs.

Seigneur, ayez pitié de moi !
Herr erbarme dich meiner - Nouvelles - 1907-1929 - Albin Michel.
Sept nouvelles. Autant de sorts qui basculent. " La Naissance de l'Antéchrist " est analysé, à la page 46, par Cornélia Michelis-Masloch. Les autres textes développent des thèmes semblables. Les personnages sont autrichiens, tchèques, russes, français, hongrois, italiens. Les décors, les époques varient. L'ironie du destin frappe avec autant de rigueur. le malheur peut venir d'une identité sur laquelle on se trompe ou que l'on a cachée, d'un geste malheureux, d'un passé qui ressurgit. le personnage de la première nouvelle, un officier russe, est surnommé " Seigneur, ayez pitié de moi ". Leo Perutz ajoute : " …je pense que nous tous, qui vivons et luttons, pourrions porter ce nom. "
Une autre caractéristique de ces nouvelles est de présenter des personnages d'une pièce, figés dans un trait de caractère, une fidélité à des valeurs, une folie. Confronté au redoutable Felix Dzerjinski, chef de la Tchéka, police politique soviétique, l'officier russe de " Seigneur, ayez pitié de moi " refuse de trahir le Tzar. Dans " Une simple pression sur le bouton ", un homme récuse le spiritisme. Un cordonnier est hanté par l'Antéchrist, un baron obsédé par la Lune qu'il rend responsable des malheurs de sa famille, une femme gravement malade ne pense qu'au pistolet qui pourrait mettre fin à ses jours. A chaque fois ou presque, la mort est au rendez-vous. Elle ne frappe jamais comme on l'attendrait, tant est grand l'art de Leo Perutz de faire basculer une intrigue…

Turlupin
Turlupin - Roman - 1924 - Fayard.
Aucune monotonie avec Perutz. D'un livre à l'autre, la surprise est assurée tant son imagination, son style, sont capables de diversité. Avec Turlupin, écrit en 1923, le lecteur croit aborder un roman historique. L'ouverture est savante. Citations à l'appui, elle plante le décor : la France de 1642. Richelieu veut en finir avec la noblesse, des complots se trament, c'est à qui frappera le premier... Perutz domine son sujet et l'on comprend qu'un Borges, maître de l'érudition fantastique, admirât notre auteur. Mais la trop belle aisance, voire la désinvolture (existait-il un " vainqueur de Rocroi " en 1642 ?) montre vite que L Histoire, celle de France ici, n'est qu'un prétexte pour dresser le portrait de Turlupin, brave commis barbier et perruquier, ancien enfant trouvé que seule tourmente la crainte d'être dénoncé à Dieu pour son manque de charité envers les mendiants. Aussi veille-t-il à toujours leur donner quelque chose. Personne n'est parfait et qui ne pardonnerait un défaut dont la conséquence est finalement la générosité ? Mais nous sommes dans un roman de Perutz et ce ridicule grain de sable...
Tandis que Turlupin est introduit dans la société des Grands du Royaume, le lecteur se retrouve en plein récit comique. On rit devant les embarras du héros à s'inventer des histoires de famille, à comprendre ce qu'est la " danse de Toulouse " ou à se trouver un remplaçant pour affronter en duel le terrible Monsieur de la Roche-Pichemer. On rit et on baisse la garde, persuadé que notre auteur n'a d'autre envie que de plaisanter et que tout cela s'achèvera gaiement. C'est à la fin que Perutz nous attend. Une fin dont je ne connais d'équivalente dans la cruauté, tant pour le personnage que pour le lecteur, que celle du Procès de Kafka, comme par hasard. Oui, nous sommes bien dans un roman de Perutz et sa légèreté était un piège où nous sommes tombés en bons naïfs. Perutz, lui, n'a jamais eu qu'une intention : rappeler que, s'il arrive à la vie d'avoir de l'humour, elle n'oublie jamais d'être impitoyable. Et après tout qu'importe, si " Dieu, à l'instar des grands seigneurs, s'est peut-être offert une bonne journée aux dépens d'un simple d'esprit " ?

Où roules-tu, petite pomme ?
Wohin rollst du, Äpfelchen - Roman - 1928 - Livre de Poche 3186.
Prisonnier sur le front russe pendant la Grande Guerre, Georg Vittorin a subi les humiliations du commandant du camp, Mikhaïl Mikhaïlovitch Sélioukov. Libéré, il jure, avec quatre camarades, de se venger. Mais le retour à Vienne estompe vite la promesse. L'Empire austro-hongrois s'effondre. Chacun cherche à noyer le désastre dans la quête du plaisir ou à construire sa vie en oubliant le drame qui s'achève. Georg Vittorin s'acharne. Abandonné par ses amis, il agira seul. Sacrifiant à la vengeance son père, ses soeurs qui auraient besoin de son aide, sa fiancée qui lui est restée fidèle et sa situation sociale, il reprend le chemin de la Russie. Il se retrouve plongé dans la guerre civile qui oppose les Rouges, bolcheviques, et les Blancs, partisans du régime tsariste. Débute un périple insensé, dans la fureur sanglante de l'Union Soviétique naissante et de l'Europe à peine sortie du cauchemar.
Une fois de plus avec Perutz, la force du roman réside dans l'art de conduire l'intrigue et surtout dans le basculement final : l'ironie du destin s'y manifeste dans toute sa splendeur tragique. Il n'est pas question ici de révéler cette conclusion. Que l'on sache simplement que s'y révèle pour Georg Vittorin, au terme d'aventures tour à tour héroïques et pitoyables, l'absurdité de son existence. Une leçon qui s'applique, à travers ces portraits d'êtres qui s'agitent dans le vide à l'humanité en général. En témoigne le titre, Où roules-tu, petite pomme ?, symbole de l'aspect dérisoire et chaotique de la condition humaine.

La Neige de saint Pierre
St. Petri-Schnee - Roman - 1933 - Fayard.
Un nouveau visage de Perutz apparaît ici. En 1932, le jeune Dr. Amberg, engagé par le baron von Machlin, quitte Berlin pour le lointain village de Morwede. Afin de soigner les paysans ? Pas si simple, car le baron vient
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Au début du XVIIIème siècle, en Silésie, région au carrefour de la Pologne, de la Tchécoslovaquie et de l'Allemagne, le roi de Suède Charles XII ne cesse de guerroyer contre la Pologne et la Russie. Dans ce contexte, un officier suédois déserteur rencontre un voleur qui tente d'échapper à la potence. Ce dernier, à force de ruses, convainc le premier d'échanger leurs identités. Le Cavalier suédois peut ainsi disparaître dans l'enfer des forges de l'Evêque, une forme de purgatoire sur Terre. le voleur peut lui se bâtir une vie agréable d'aristocrate…
Le Cavalier suédois est donc consacré à cette usurpation d'identité vue essentiellement du point de vue du voleur devenu riche propriétaire terrien. le récit nous montre comment il se constitue sa fortune avant de prendre femme et d'engendrer une enfant. Les années passant, il en vient presque à oublier sa condition première, vouant un amour immodéré à sa femme et à sa fille. Mais c'est aussi à ce moment que son passé le rattrape et qu'il est contraint d'abandonner sa vie confortable, et même son nom, pour la sauvegarde des deux femmes de sa vie.
Entre roman d'aventure et histoire d'amour, Leo PERUTZ est doté d'une plume raffinée avec laquelle il manie tout à la fois l'humour, la poésie et même des éléments relevant du fantastique. le résultat est un récit plein de rebondissements qui amène aussi le lecteur à la réflexion, tant du point de vue du cadre historique dans lequel il se situe, que de la nature humaine et, en l'occurrence, de la question de l'identité.
Ecrivain tchèque de langue allemande, dont la majeure partie de l'oeuvre a été éditée dans le premier tiers du XXème siècle, PERUTZ est méconnu en France, notamment des amateurs de littératures de l'imaginaire. C'est regrettable, car loin d'être désuet, ce Cavalier suédois est un roman captivant de bout en bout et dans lequel l'imaginaire est d'une subtilité que l'on ne retrouve que trop rarement aujourd'hui.
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Publié en 1936, le monde ne se prête pas à l'idéalisation de l'aventure humaine. L'histoire se situe en Europe orientale au début du XVIIIème siècle, et raconte une substitution d'identité. Pour l'Histoire, Charles XII de Suède rêve de conquérir, par le feu et le sang, un empire qui irait de la Baltique à la mer Noire. Lecture insolite dans notre monde contemporain.
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De Leo Perutz, j'avais aimé le marquis de Bolibar (je n'avais pas fait de billet mais ce livre est encore très présent dans ma mémoire pour son aspect « machiavélique », un peu alambiqué mais passionnant). J'ai donc souhaité relire cet auteur et je n'ai pas été déçue.
Le début de ce cavalier suédois est mystérieux : on suit une petite fille qui parle de son enfance (au XVIII siècle) et de son père : on pourrait la juger un peu « folle », qu'elle croit aux fantômes et les voit …. et puis par un tour de passe passe très subtil, Leo Perutz nous embarque dans l'épopée d'un voleur, qui deviendra le cavalier suédois en usurpant l'identité du vrai cavalier et qui deviendra le père de l'enfant du prologue ….
Après cette lecture, il me reste plus de questions que de certitudes : Ce voleur, dont on ne connaîtra pas le vrai nom, vend il son âme au diable ou saisit-il juste l'opportunité qui lui tend les bras ? Y a t il une morale ? peut-on tout faire et même le pire pour accéder au bonheur ? si nous trahissons, le châtiment inévitable est il de mourir par la trahison ?
En tout cas quel talent d'écrivain ! le lecteur se trouve tour à tour dans la campagne entouré par le froid et la neige, dans une bande de brigands sans foi ni loi et sans aucun respect pour l'église.

J'ai espéré un moment que l'usurpateur finalement sympathique s'en sortirait …
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Leo Perutz est un écrivain autrichien de langue allemande né à Prague en 1882. Il quitte la Bohème à l'âge de 17 ans pour Vienne où il étudie les mathématiques et la littérature. Il s'intéresse à la théorie des jeux de hasard et commence par travailler dans une compagnie d'assurances avant d'être appelé au combat pendant la Première Guerre mondiale, au cours de laquelle il est blessé. de retour à Vienne, il publie son premier ouvrage et entreprend de nombreux voyages. Il quitte l'Autriche pour la Palestine en 1938, au moment de l'Anschluss. Léo Perutz meurt en 1957. Le Cavalier suédois est paru en 1936.
Pour faire court historiquement parlant, car trop complexe à expliquer ici, le roman se déroule dans les toutes premières années du XVIIIe siècle en Pologne qui fut envahie par la Suède. Maria Christine von Blohme écrit ses mémoires, revenant en particulier sur le destin de son père surnommé le « Cavalier suédois », tué à la guerre en Russie alors qu'elle n'avait que sept ans. Un destin extravagant qui débute par l'errance de deux hommes compagnons d'infortune, affamés et frigorifiés, un voleur (nommé Piège-à-Poules) et un jeune noble déserteur cherchant à rejoindre l'armée suédoise (Christian von Tornefeld). le second espère trouver de l'aide chez son parrain dont le domaine est proche et pour la fille du quel il nourrit une passion partagée depuis l'enfance. Christian, trop mal en point, envoie Piège-à-Poules chez son parrain, en ambassadeur, funeste initiative car le voleur va tomber immédiatement amoureux de Maria Agneta, aujourd'hui une belle jeune fille… Les deux hommes vont voir leurs chemins se séparer et la suite du roman recèle tant de rebondissements qu'il m'est impossible de vous les résumer ici.
Toute la beauté du livre réside dans sa construction particulièrement chiadée. Car outre les aventures extraordinaires vécues par ces deux-là, mêlant le fantastique (le fantôme du meunier), l'ésotérique ou le rêve (l'ange et le jugement de Dieu), le picaresque, l'amour et l'émotion, la trahison, que sais-je encore… l'éblouissement provient de l'usurpation d'identité imaginée par l'écrivain, le voleur va endosser la personnalité de Christian pour se glisser dans l'intimité de Maria Agneta et vivre marié plusieurs années avec elle, jusqu'à ce que… Jusqu'à ce que, le destin ou la justice divine, donnez-lui le nom que vous voudrez, n'intervienne pour remettre les pièces du puzzle en ordre, lors d'un dernier chapitre carrément sublime de beauté et d'émotion, venant boucler le récit avec son prologue.
J'ai eu beaucoup de mal à rédiger cette chronique, l'idéal étant de ne rien dire de l'histoire en forme d'anneau de Moebius pour ne pas vous gâcher la lecture, mais comment vous y inciter, sans n'en rien dire ? Sachez aussi que l'écriture s'ingénie à rester dans le ton de l'époque, c'est-à-dire paraître vieillotte avec tournures de phrases ou expressions bien datées. Nombreux, dont l'auteur lui-même (mais un père est-il le mieux placé pour juger de ses enfants ?), voient en ce roman son meilleur ; je me suis longtemps posé la question durant ma lecture, y voyant un sympathique roman de cape et d'épée rondement mené, écrit à l'ancienne, avec du fond certes, mais bon… et puis arrive le dénouement qui enlève le morceau, écrasant tout sur son passage, tant il est magistral de technique narrative et d'émotions induites. Un excellent roman c'est certain, mais son meilleur, je ne sais pas.
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Relecture du cavalier suédois après 25 ans et pas déçu de ma première impression : un superbe livre
Quand l'homme vend son âme au diable c'est lui qui la vend et c'est lui également qui en paiera le prix le prix fort sous l oeil goguenard de Satan
et Satan me direz vous?
et bien comme dans ce livre "ça t'en bouche un coin"

LEO PERUTZ un maître d'écriture
si vous ne le connaissez pas vous avez une chance ïnouie : plongez dans ses lives
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Un noble suédois et un voleur se rencontrent par hasard et signent un pacte étrange pour échanger leur place. Leo Perutz signe un roman de capes et d'épées plaisant, nimbé d'une aura fantastique.
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Nous sommes au début du XVIIIe siècle et Charles VII multiplient les guerres et les batailles. Un jeune noble déserte et erre aux côtés d'un vagabond. Les temps sont durs et la route est longue. le vagabond, héros de cette histoire, profite de la naïveté et de la faiblesse de son compagnon, l'abandonne, lui laissant croire qu'il va revenir après avoir rencontré sa famille auprès de qui il demandera de l'aide. Il rencontre en effet la cousine de ce noble et tombe amoureux. Son domaine est très mal entretenu. Il décide alors de remplir ses poches d'or avant de revenir pour devenir l'époux de cette jeune fille et le maître de ce domaine. Il devient le capitaine d'un groupe de vauriens et acquiert sa fortune en pillant les églises. Il revient alors comme prévu et se fait passer pour le cousin d'enfance qu'elle a toujours aimé. le domaine prospère, le travail des champs est dur mais il est récompensé par l'amour de sa femme et de sa petite fille. Pourtant, le bonheur n'a qu'un temps. On est toujours à sa poursuite et il va devoir quitter les siens pour leur éviter le déshonneur. On va d'aventures en aventures, et on se prend vite d'amitié pour ce vagabond qui veut réussir coûte que coûte. le diable fait parfois son apparition mais notre héros est plus malin que quiconque et déjoue tous les tours. On peut lire le roman comme un conte.
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