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Jean Malaurie (Auteur de la postface, du colophon, etc.)
EAN : 9782259024020
221 pages
Plon (01/10/1991)
3.61/5   9 notes
Résumé :
En dehors des grandes routes très fréquentées (celles du marxisme et du capitalisme), il en existe une autre, comme à l'écart : la voie libertaire. C'est celle que Michel Ragon a empruntée dès sa vingtième année et à laquelle il est toujours demeuré fidèle. Ami du pacifiste Louis Lecoin qui, à la suite de sa grève de la faim en 1962, obtint un statut pour les objecteurs de conscience, ami de Maurice Joyeux qui fut le leader du mouvement anarchiste dans les années 19... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Michel RAGON, l'illustre, nous a quitté l'année passée, le 14 Février. le présent livre, paru en 1991, fait office de biographie, ou, plus littéralement, de curriculum vitae libertaire. S'il y manque à fortiori les trente dernières années de sa vie, le parcours présenté est déjà impressionnant.

Après un cours prologue, l'érudit Ragon nous présente en première partie «Les Phares » : ceux qui ont accompagné ses premiers pas vers la voie libertaire. Enfant unique, éduqué par sa mère et sa grand-mère, il grandit, selon ses propres mots dans un « monde douillet de la féminité et de la lecture ». A l'adolescence, il quittera sa ruralité vendéenne avec sa mère pour la ville, Nantes, dans laquelle il sera confronté de plein fouet aux différences entre classes sociales. C'est la lecture de Michelet, durant ses années nantaises, qui le conduira à lire Guéhenno, ce qui l'amènera ensuite à s'intéresser à la littérature prolétarienne. Sans le savoir, il se destinait à rencontrer Henry POULAILLE.
C'est en arrivant à Paris, vers la vingtaine que le jeune homme fit la connaissance de celui qui deviendra son père de substitution. Poulaille, qui travaillait dans l'édition, non seulement lui présenta tous ses amis des milieux littéraires et militants, mais de surcroit, lui offrit sa confiance et l'accompagna dans son émancipation intellectuelle.
Au fil du chapitre, on croise nombre de figures emblématiques de la Philosophie Politique : Rousseau, Toqueville, puis Proudhon, Marx, Bakounine ; Kropotkine ou les frères Reclus encore… tandis que Michel RAGON discute succinctement leurs idées, mettant en exergue les dangers inhérents d'un socialisme autoritaire.

Le second chapitre aborde « Une Voie Sans Issue ». Sur la période 1886-1912, l'Anarchisme est parcouru de soubresauts qui saliront son image jusqu'aujourd'hui encore. Peu représentatif, la « propagande par le fait » puis l'Illégalisme et son terrorisme à la dynamite ont émaillé la lutte anarchiste, lassée et désespérée par les conditions de la classe ouvrière et l'injustice profonde qui régnait alors dans une société particulièrement inique.
Ragon y raconte sa rencontre avec Rirette MAITREJEAN, présentée par Poulaille (là-encore, sans surprise). Au début du XXème siècle, Rirette avec son compagnon plus connu sous le nom de Victor SERGE, fréquentait la bande à Bonnot ; même si tous deux ont toujours manifesté leur désapprobation envers les actes des « bandits tragiques », qui ne trouvent d'ailleurs aucune grâce aux yeux de l'auteur. Ravachol, Caserio et quelques autres y sont évoqués également, ce qui permet à Ragon d'exposer sa propre critique des stratégies usant de la violence.

En 1947, Ragon rencontre pour la première fois Maurice JOYEUX, fervent militant ayant largement contribué à la Fédération Anarchiste (FA) et tenant une librairie du doux nom de Château Des Brouillards. Ragon vient lui présenter son livre « Ecrivains du peuple ». « En poussant la porte de la librairie, j'entrais dans le mouvement libertaire » décrit-il. Ce troisième chapitre intitulé « Les Chemins de l'Amitié » nous présente le milieu anarchiste parisien de l'après-guerre aux années cinquante. On y croise Léo FÉRRÉ et Georges BRASSENS, l'un comme l'autre ouvertement anarchistes et apportant leur soutien à la FA. La période est propice aux velléités d'émancipation. L'entre-deux-guerres a fait beaucoup de mal à l'Anarchisme qui a été purgé en URSS par les Bolcheviks et écrasé par le fascisme en Espagne malgré une forte imprégnation des idéaux libertaires auprès de la classe ouvrière espagnole.
Tout en continuant d'écrire – livres et articles dans des revues libertaires – Ragon poursuit les rencontres. Daniel GUERIN, qui écrira beaucoup sur l'Anarchisme, notamment dans les années 60-70' et dont l'opus magnum « Ni Dieu, Ni Maître » n'est plus à présenter, conseillera alors à Ragon, en tant que Vendéen, d'analyser la révolution de 1789 sous un prisme marxiste . Ce que Ragon finira par faire via sa série « Vendéenne ». Tout aussi inspirante, sa rencontre avec Gaston LEVAL lui a beaucoup apporté dans l'analyse de la tristement célèbre Révolution Russe de 1917. Il s'en servira, ainsi que de la vie de Marcel BODY, dans la création du personnage de Fred BARTHELEMY pour sa magnifique fresque historique « La Mémoire Des Vaincus ».

Sur quelques pages à peine, dans le quatrième chapitre, Ragon prend le temps d'évoquer « La Voie Individualiste ». Il serait en effet étrange et injuste d'aborder un parcours anarchiste aussi érudit et impliqué en passant sous silence ce courant de l'Anarchisme relativement minoritaire, mais toutefois fécond dans sa critique acérée de la tyrannie de la société sur l'individu, lorsque ce dernier est subordonné à la première, mettant ainsi en exergue les dangers de tout socialisme autoritaire. Il évoque les causeries parisiennes d'E. Armand et remonte dans le passé en évoquant Stirner, qui aura eu beaucoup d'influence sur le courant Individualiste, ainsi que de Thoreau ou encore Palante, parmi quelques autres. Ce faisant, il amène une distinction entre « Révolte » et « Révolution » bien servie par une définition attribuée à Stirner : « La révolution avait pour but une nouvelle organisation, la révolte nous amène à ne plus nous laisser organiser, et ne place pas ses espérances dans les institutions », qui souligne une certaine pertinence de la critique individualiste.

En cinquième partie, « La Voie Pacifiste », Ragon fait la part-belle à Louis LECOIN – « irréductible pacifiste » qu'il a bien connu (et qu'on retrouve également dans « La Mémoire des Vaincus », signe de l'attachement de l'auteur à cet homme). Louis LECOIN qui a fait de la prison pour son manifeste « Paix Immédiate » en 1939 et qui plus tard, en 1962, obtiendra, par une grève de la fin, un statut pour les « objecteurs de conscience ». Ce chapitre permet à Ragon de défendre un peu plus son point de vue contre l'Illégalisme et il cite notamment l'extrait d'un article qu'il rédigea pour le journal « Liberté » de Lecoin, dans lequel il fustige à la fois l'illégaliste et le révolutionnaire, en définitive toujours oppresseur, tout en idéalisant « l'affranchi parfait » qu'est le révolutionnaire anarchiste, « adversaire irréductible de l'Etat ». Historiquement, le développement de ce chapitre tourne autour des « évènements » en cours en Algérie et offre à voir comment ils ont été perçus, commentés et combattus par les anarchistes.

Les chapitres six et sept, respectivement « La Voie Esthétique » et « Compagnons de voyage sur une route de dérivation » dépeignent sur une douzaine de pages l'affinité de Ragon avec l'art en général, notamment l'architecture, ainsi qu'entre Art et Anarchisme. On y parle de Dubuffet, de Fénéon et de bien d'autres (dont je ne connais à vrai
dire pas grand-chose). L'intérêt d'aborder ces thématiques, outre la place qu'elles tinrent dans la vie de Ragon, éminent critique d'Art, est de questionner à la fois le rôle de l'art et notamment de l'architecture dans l'émancipation de l'Homme. On y parle succinctement « d'espaces », d'urbanisme et des liens que tisse la société avec les lieux qu'elle habite.

L'année 1968 marque « le Retour Des Libertaires », qui sera le titre de ce huitième chapitre. Période d'effervescence, de renouveau culturel et d'émancipation, les idées libertaires auront tout à fait leur place dans la pensée bouillonnante d'alors. Cohn-Bendit – à l'époque ouvertement Libertaire, à mille-lieux du social-traître qu'il est devenu sans doute par cupidité – est une figure de proue du mouvement étudiant qu'il anime avec d'autres.
Des drapeaux noirs flottent dans les manifestations et sont accrochés jusqu'aux grilles de la Société Des Gens de Lettres. Anecdote intéressante, Ragon relate qu'on leur a demandé – à lui et Daniel GUERIN, alors présents sur place – de retirer les drapeaux noirs à l'hôtel Massa (alors même qu'ils n'en avaient pas posé, Ragon exprimant que « même un drapeau noir est un drapeau de trop »), sous le prétexte que « Les drapeaux rouges, nous pouvons à la rigueur les accepter, mais les drapeaux noirs, jamais ! » ; ceci témoignant, comme le fait remarquer Ragon, qu' « en ce mois insurrectionnel, le parti communiste paraissait rassurant ».
L'ensemble du chapitre donne un bon aperçu de la propagation des idées libertaires dans la culture populaire d'alors ainsi que de leur évolution dans les années qui suivent, jusqu'à l'aube des années 1990.

Le neuvième et dernier chapitre aborde « La Décommunisation » qui prend place autour de la chute du Mur de Berlin. L'explosion de la dictature communiste voit renaître chez les peuples qui y ont été soumis les idéaux libertaires – qui primaient d'ailleurs dans les Soviets libres de la révolution de 1917, comme ce fut le cas à Crondstadt par exemple. A l'Est aussi bien qu'en Amérique du Sud, des fédérations anarchistes naissent un peu partout. Ce ne sera toutefois pas suffisant pour arrêter le bulldozer Capitaliste qui, encore aujourd'hui, asphyxie toute pensée alternative, comme les années à venir le montreront.

Ce livre fut publié il y'a trente ans maintenant. le curriculum-vitae de Michel RAGON s'arrête donc au début de la dernière décennie du siècle (du millénaire même). le livre dévoile un parcours objectivement exceptionnel, une passion inconditionnelle pour la Liberté en résonance avec un amour de l'Art.
A l'instar de « La Mémoire Des Vaincus » (roman historique que je vous recommande très vigoureusement), ce livre offre un regard original et inspirant sur le XXème siècle.
S'il peut manquer d'intérêt pour qui ne connait pas déjà un peu Michel RAGON et son oeuvre, en revanche connaitre Michel RAGON et son oeuvre ne manque pas d'intérêt pour quiconque et bien au contraire.
On appréciera également que l'ouvrage soit abondamment illustré de photos d'époques, de gravures, etc… dont beaucoup sont issues des documents personnels de l'auteur. Cela apporte énormément à la contextualisation et nous permet de partager encore un peu plus avec ce cher Michel.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Lorsque j'arrivais à Paris à l'automne 1945 ,ma première visite fut pour Poulaille . Je le rencontrais aux Editions Bernard Grasset où il dirigeait le service de presse . Je ressorti de cette première visite quelque peu bousculé , éberlué et les bras pleins de livres que m'avait offert Henry Poulaille . Il avait alors 49 ans , Fils d'un charpentier et d'une canneuse de chaises , orphelin à 14 ans , manœuvre , fantassin écœuré pendant la guerre de 14-18 et désormais pacifiste incurable , il avait fait ses débuts littéraires en 1925 . Dans la bibliothèque de son père l'enfant avait lu Élisée Reclus , Zola , Kropotkine , Jean Grave . Le père , comme beaucoup d'ouvriers du bâtiment , au début du siècle était un militant anarchiste . Henry Poulaille restera toujours marqué par cette empreinte . Elle me marquera aussi par ricochet , comme nous le verrons .

Poulaille fut , entre les deux guerres mondiales , l'un des écrivains les plus influents dans la mouvance de gauche et exerça une influence considérable par son activité débordante d'animateur , de collaborateur de journeaux et de fondateur , en 1932 , du groupe des écrivains prolétariens de langue française .Pour diffuser les idées et les textes des écrivains du groupe , parmi lesquels , Marc Bernard , Eugène Dabit , Malva , Peisson , Tristan Rémy , il crée des collections , notamment les romans du " nouvel âge " , chez Valois , fonde des revues qui ne ressemblent à aucune autre : Nouvel Âge , A contre courant , Prolétariat , Maintenant . Pour trouver à ces écrivains des lecteurs , pour diffuser la nouvelle culture prolétarienne , il ouvre une sorte d'université populaire : le musée du soir ( 1935-1939 ) . C'est là qu'un jour , un terrassier inconnu , nommé Georges Navel lira d'admirables pages qui seront publiées en 1945 en un volume intitulé Travaux et qui rencontrera une large audience
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La voie libertaire n'est pas confortable . Elle est , puisque minoritaire , la voie de la solitude et du doute . Pourquoi , dès mes 25 ans , ai-je emprunté celle-là et non pas l'autre ? Pourquoi , après un aussi long parcours , ai-je acquis la certitude que cette voie était la seule qui vaille la peine d'être fréquentée ?
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L’accueil si généreux de Poulaille fut ma première chance d'écrivain , non seulement il publia mes premiers textes dans " Maintenant " , non seulement , pour mes vingt trois ans , il me donna la direction d'une revue destinée à continuer son action " Les cahiers du peuple " , mais il me présenta à tous ses amis .
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