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sur 1854 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
La scène se passe quelque part en Afghanistan ou ailleurs. Dans une chambre très sobre, un homme gît, inerte, sous perfusion, décharné. Près de lui, une femme égrène un chapelet, devant un Coran ouvert. Dans la pièce d'à côté, deux petites filles pleurent et leur mère va les consoler. Au loin, une bombe explose et des coups de feu se rapprochent.

Avec sobriété, et précision, le décor est planté et nous ne nous en éloignerons guère. Atiq Rahimi, avec une immense sensibilité, nous place au coeur de la vie de cette femme qui se confie à cet homme, dans le coma depuis trois semaines. Petit à petit, elle lui avoue ses secrets et implore Dieu de venir à son secours. Elle confie sa vie intime. En dix ans et demi de mariage, ils n'ont eu que trois ans de vie commune, son mari étant absent. D'ailleurs, elle a été fiancée à lui à 17 ans puis mariée en son absence. La parole des sages lui revient : « Il ne faut jamais compter sur celui qui connaît le plaisir des armes. »
Peu à peu, l'intensité augmente. Des hommes armés surgissent. Elle s'en débarrasse en leur faisant croire qu'elle est une pute… Ce qu'écrit Atiq Rahimi sur la condition féminine est très fort. Elle dit tout à son mari. Il devient sa "Pierre de patience, Synghé sabour", en référence à cette pierre noire qui se trouve à La Mecque.
Lui revient en mémoire un conte que disait sa grand-mère mais sans lui dire la fin. C'est son beau-père avec lequel elle s'entendait bien qui lui donne la solution. Survient un jeune homme et lui reviennent en mémoire les nuits passées avec son mari, son mépris pour elle et l'absence de plaisir. Tout, elle lui dit tout, jusqu'à ce que… Atiq Rahimi a réussi un petit chef-d'oeuvre, déroulant une véritable fresque pleine de sensibilité et d'horreur aussi.

Le Prix Goncourt avait justement couronné ce livre en 2008.
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Dans l'interview qu'Atiq Rahimi a donné à la presse après la remise du Prix Goncourt 2008, il a dit qu'il n'aurait jamais pu écrire ce livre dans sa langue maternelle, signifiant probablement que l'extrême violence des propos contenus dans ce roman est plus facile à exprimer dans une langue étrangère qui , même parfaitement maîtrisée, reste plus éloignée de l'intime.
Une très grande violence imprègne en effet ce roman: elle est dans les rues d'Afghanistan où sévit "la guerre sainte"; elle est dans la chambre d'une maison afghane où agonise un homme grièvement blessé; mais elle est surtout dans les mots, ceux que prononce l'épouse de cet homme qui veille à son chevet, qui lui donne les premiers soins d'urgence, qui prie, qui culpabilise de na pas pouvoir le guérir, mais qui, au fil d'une lente évolution intérieure, va parler d'elle, s'enhardir, ébaucher des mots, revenir en arrière doutant encore d'elle même, mais finalement trouver le courage de "régler ses comptes" en utilisant des mots d'une dureté et d'une violence inouïes envers l'homme qui partageait sa vie. Celui-ci devient alors son " syngué sabour", sa 'pierre de patience", dont il est dit qu'elle absorbe toutes les confidences, les secrets, les espoirs déçus, les douleurs intimes, jusqu'à l'explosion sous le poids de ces révélations et la libération de la personne qui s'est confiée.
Ce roman, à la symbolique forte, n'a pas pris une ride et est une réussite littéraire évidente.
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Enfin un prix Goncourt coup de coeur.
140 pages, et pourtant tellement dense, riche et fluide.
Un livre qui décrit l'histoire d'une femme, dont jamais nous ne connaîtrons le nom. Une femme qui coûte que coûte s'occupe de son mari devenu grabataire suite à des combats perpétrés au nom d'Allah et qui a été abandonné par ceux qui l'idolâtrait.
Au fur et à mesure, elle se livre,se confie à celui qui devient sa "syngué sabour". On apprend ses secrets, ses souffrances, les humiliations et atrocités subies.
L'auteur nous offre un livre puissant où la parole est donnée à la femme afghane et où sa condition est mise en avant.
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J'ai enfin lu Pierre de patience (Syngué Sabour) de Atiq Rahimi

Il y a eu de multiples notes, critiques, revues sur ce livre qui a eu le Goncourt 2008. Cette note ne sera donc pas révolutionnaire mais mon objectif étant de garder quelques part une trace de mes impressions, elle fera l'affaire.

C'est un livre coup de poing. Une écriture superbe, fluide. Des phrases courtes, efficaces mais souvent poétiques. Un livre où les forts ne sont pas toujours ceux que l'on pense, ni les faibles non plus d'ailleurs. Où le mal n'est pas toujours caché là où l'on pourrait l'imaginer Où les femmes ne sont pas toujours que des victimes (la belle mère), et les hommes des monstres (le beau père).

Une femme est au chevet de son mari. Un héro d'une guerre de libération. Libération qui s'est transformée en oppression. Héro, qui a pris une balle dans la nuque pour une histoire bête et sans gloire. Ce héro est dans le coma. Ce héro, célébré par sa famille, est abandonné par les siens lorsque la guerre se rapproche. Seule sa femme le veille. Au fur et à mesure, elle lui parle comme elle n'a jamais pu le faire. Elle laisse éclater sa colère.

On découvre un monde caché où les femmes sont privées des droits les plus élémentaires, où elles sont battues pour les fautes des hommes. Des hommes avec une moralité à géométrie variable. Son mari devient sa « pierre de patience ». Elle va lui dire toutes ses souffrances et une fois que cela sera fait la pierre explosera et elle sera délivrée… Effectivement la fin est libératrice mais peut être pas comme on pouvait l'imaginer. N'y a-t-il pas d'autres solutions pour la femme dans ces pays ?

Un cri, une colère …

« Ton honneur n'est plus qu'un morceau de viande ! Toi-même tu employais ce mot. Pour me demander de me couvrir, tu me criais : cache ta viande ! En effet, je n'étais qu'un morceau de viande où tu enfonçais ta sale bite. Rien que pour la déchirer, la faire saigner ! »

….

"Elles arrivent, les bottes. Elles s'approchent. Elles chassent la vieille dame, pénètrent dans la cour de la maison, et avancent. Elles avancent jusque devant la fenêtre. Par les carreaux cassés, le canon d'un fusil écarte le rideau aux motifs d'oiseaux migrateurs. Avec la crosse, on fracture la fenêtre. ".

Un livre qui se passe peut être en Afghanistan (c'est l'auteur qui l'écrit) mais qui pourrait se trouver dans n'importe quelle zone de guerre… L'auteur dénonce l'hypocrisie de la religion ou plutôt des gens qui y font référence pour défendre toutes leurs exactions. Il dénonce la violence faite aux femmes mais aussi à tous les hommes car finalement c'est l'être humain qui souffre dans ce cadre où la religion s'étale, envahit la sphère publique et privée.

En y repensant, j'imagine bien une pièce de théâtre, c'est écrit un peu comme un scénario.

Je viens de découvrir que ce livre a été écrit en mémoire de Nadia Anjuman. Poétesse Afghane assassinée par son mari à 25 ans. Celui-ci a purgé un mois… et oui seulement un mois de prison pour un « suicide » et oui en Afghanistan se faire battre par son mari, c'est un suicide… Son mari est maintenant libre de réarranger les faits et surtout d'éduquer leur enfant qui avait seulement 6 mois à la mort de sa mère.

http://www.timesonline.co.uk/tol/news/world/article589698.ece

J'avoue que cette mort m'a beaucoup frappée. J'ai cherché sur internet mais il y a très peu de lien vers cette jeune femme. Je ne sais que dire… Peut être citer quelques uns de ses vers permettra que l'on ne l'oublie pas…


“I am caged in this corner, full of melancholy and sorrow,” she wrote in one “ghazal”, or lyrical poem, adding: “My wings are closed and I cannot fly.” It concludes: “I am an Afghan woman and must wail.”

Trouvé ici http://www.pol-editeur.com/index.php?spec=livre&ISBN=978-2-84682-277-0 :

« le pas vert des gouttes de pluie », c'est l'ordalie au quotidien des femmes afghanes contraintes au tchadri, à la soumission et à l'humiliation. L'expression est d'une jeune poète d'Herat, Nadia Anjuman. « Ni sourire au recueil de leurs lèvres. Ni larme pointant du lit tari de leurs yeux. Dieu ! Je ne sais si leur cri lourd peut atteindre les nuages. Ni même le ciel ? » écrivait-elle, peu avant d'être sauvagement battue, jusqu'à la mort, par son mari. Sans doute Nadia Anjuman hante-t-elle ce quatrième livre, à la fois roman et récit, d'Atiq Rahimi, qui, avec sa pudeur habituelle, a seulement cité les initiales de la jeune femme dans sa dédicace. Elle et beaucoup d'autres, toutes soeurs dans le désespoir de leurs vies éteintes, dont les voix ne sont jamais entendues, dont les révoltes demeurent enfouies, dont les plaintes n'ont jamais franchi le bord des lèvres."
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Roman d'une terrible actualité, ce livre parle d'une guerre fratricide et de son impact sur des hommes et des femmes façonnés par la mysogynie, des traditions archaïques et une religion pratiquée en brandissant perpétuellement des tabous et des anathèmes
Et c'est, avant tout et brossé par un homme, un magnifique portrait de femme qui a tout d'une tragédie antique. Un long cheminement vers la libération dans la douleur, le doute et l'espoir.

Je suis très tentée par l'adaptation au cinéma qu'en a fait l'auteur, cet afghan qui rend un si bel hommage aux femmes orientales.
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Elle veille son mari mourant, une balle dans la nuque, en égrenant son chapelet et ânonnant « Al-Qahhâr, Al-Qahhâr, Al-Qahhâr », se calquant sur la respiration du moribond. le silence de la chambre rend les bruits, la présence de la guerre encore plus insupportables. le temps s'écoule au rythme de la respiration du mari, des alertes, du couvre-feu, des gouttes de collyre et du goutte-à-goutte. Un rythme lent, un quasi silence qui éclatera en morceaux avec les paroles de la femme.

Petit à petit, une impatience sortie de ses entrailles nait, une audace la tenaille. Elle ose s'insurger contre lui, ose parler du désir, des humiliations, de son père, de parler de toutes ces choses interdites qu'elle tenait enfermée au fond d'elle-même. Petit à petit, les mots se font plus osés, plus durs, plus crus. La soumission n'est plus de mise, elle ose parler d'elle, elle accouche, enfin, de sa féminité.

Dans ce conte, Atiq Rahimi, écrivain afghan, ose s'emparer de la féminité, des souffrances, des désirs d'une femme dans un livre toutes tripes sorties. Cette veilleuse défiera son époux inconscient, se vengera de lui et de sa famille en provoquant deux hommes armés venus se réfugier chez elle se déclarant putain pour ne pas subir le viol. « J'étais obligée de lui dire ça, sinon, il m'aurait violée » Elle osera dépasser les tabous « Je vends ma chair, comme vous vendez votre sang. » en assumant ce rôle de putain. Elle osera se rebeller contre l'hypocrisie, contre cette guerre fratricide qui dure depuis si longtemps, se dévoiler.

Celle qui n'était qu'effacement, fantôme sous son tchadari va se libérer, la pierre de patience va éclater dans une grande violence. « Tu lui parles, tu lui parles et la pierre t'écoute, éponge tous tes mots, tes secrets, jusqu'à ce qu'un beau jour elle éclate. Et ce jour-là, tu es délivré de toutes tes souffrances, de toutes tes peines. »

Un livre âprement superbe. La violence des mots d'Atiq Rahimi n'est pas sans me rappeler Anima de Wajdi Mouawad. Un coup de coeur.

Lien : http://zazymut.over-blog.com..
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Ce livre nous emmène dans un pays qui n'est pas nommé ("Quelque part en Afghanistan ou ailleurs" p. 11) et où nous suivons deux personnages qui ne sont jamais appelés par leur nom ou leur prénom. C'est assez étonnant et déconcertant car malgré cela, on s'attache énormément à "la femme".

Le lecteur est ici comme prisonnier de la chambre (dans laquelle se passe la majorité du récit) et reste vraiment spectateur : l'auteur ne nous fait jamais quitter cette pièce. Nous assistons à beaucoup de monologues de "la femme" qui nous aident à comprendre la détresse dans laquelle elle se trouve. Sa vie n'a jamais été facile et elle le reproche à son mari, comateux. Elle sait qu'il l'entend. Elle va alors lui confier ses secrets, ses peurs et ses espoirs. Mais elle n'arrive pas toujours à contrôler ses mots ni ses colères et culpabilise, a posteriori. Cette femme remplit ce roman de désespoir et de violence morale. Mais malgré tous ces reproches, étonnamment, "la femme" s'occupe de son homme, prie pour lui, le soigne et ne le laisse jamais tomber.

Parallèlement, nous assistons à la vie quotidienne de ce pays qui est en guerre. Ce pays, tout comme ces habitants sont les symboles de nations et de peuples victimes de la guerre.

La fin du roman (qui tient sur 4 pages seulement) est stupéfiante et effarante.

Ce livre fut, pour moi, un véritable coup de coeur.
Lien : http://ulaz.vefblog.net/
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Prix Goncourt 2008, amplement mérité, ce livre est d'une beauté à couper le souffle, il véhicule une puissance évocatrice incroyable ! Il sublime la femme afghane, qui habituée aux violences, à la soumission la plus totale se raconte au chevet d'un mari reposant inerte sur un matelas, entre la vie et la mort. Elle confie ses secrets les plus intimes de sa vie à son homme, en espérant que malgré les apparences de son état végétatif, il entend ce qu'elle lui dit, elle se libère de tout ce qu'elle avait enfoui en elle depuis des années. le rythme, la qualité d'écriture, les anecdotes qui surgissent du passé, mais aussi l'instant présent avec des soldats qui tirent de tous les côtés rendent cette lecture vivante et une grande empathie nous lie à cette femme remarquable.
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Magnifique lecture ! L'écriture est poétique et belle, en contradiction totale avec le contenu de ce roman. C'est superbement écrit, mais aussi extrêmement touchant et révoltant.
La fin ouverte invite à la réflexion, tout comme l'histoire de cette femme, et, de manière plus générale, de toutes les femmes.
Bref, un petit bijou que je recommande vivement !
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De l'art minimal en littérature...
Les passions risquent de se déchaîner autour de ce Goncourt atypique. Il y a deux ans nous avions eu un américain et une avalanche de plus de mille pages, cette année un afghan et une prose (le mot est inexact, ce serait plutôt une "proésie") très ramassée, minimale au sens d'un art très maîtrisé de la concision.
Il y a très curieusement dans ce duo entre une femme afghane et son mari comateux, une relation qui s'installe enfin par le silence d'un des protagonistes. Cette absence de contrepoint permet une oeuvre libératrice chez la femme qui s'exprime en un long monologue.
Sur un plan littéraire, inutile à mon sens de gloser sur la condition de la femme, sur la guerre, sur l'Islam, sur l'Afghanistan. Ce qui est en jeu ici, c'est la relation d'une femme à son homme. Et la manière dont l'auteur, un homme justement, a retranscrit ces angoisses, peurs, espoirs et espérances toutes féminines, est à mon sens la vraie valeur de ce livre.

Depuis les contes de fées, jusqu'à la guerre, depuis le prince charmant jusqu'au père idéal, tous les ingrédients sont réunis pour une vision psychanalytique en règle.. N'entrez pas dans cette lecture. de même, il y a mollah, fatwa, Coran, Kabbah, qui permettraient une lecture religieuse. Enfin il y a de l'absurde et de l'existentialiste qui vont vers la philo.

N'entrez pas dans ces voies, lisez simplement comment l'auteur en quelques touches non pas impressionnistes, mais minimales, brutes, abruptes même, pose le décor, ajoute quelques touches de couleur (le rideau, les robes, les turbans), crée un rythme (les gouttelettes qui tombent, le chapelet, les appels à la prière, l'aube, les gestes quotidiens, etc..)
Au final tout n'est que suggestion, dans ce récit d'une force telle qu'il a ébranlé le lecteur masculin que je suis. Nos certitudes ne sont rien, la vie est un combat, nos défaites, nos guerres, nos batailles solitaires sont tout, car seules elles peuvent créer l'espoir. Nous le savions bien sûr, mais tout l'art de l'auteur est d'en faire un condensé lumineux.

C'est comme ça que j'ai lu cet ouvrage, cette histoire d'une femme héroïque (comme toutes?) qui a su trouver les solutions dans son univers pour gagner ses batailles et ne jamais perdre espoir. Et si ce n'était qu'une histoire de "résiliences" pour prendre un mot à la mode?

Les plus : un style épuré à l'extrême alliant prose et poésie. Une concision maîtrisée mais tellement de sens. Un art abouti de la suggestion. le flirt constant avec psychanalyse, philosophie et religion.
Les moins : Il n' en a pas, allez si en cherchant un peu : la complexité de la condition féminine abondamment révélée (l'héroïne, sa mère, sa tante, ses filles, sa voisine, etc...) celle de l'homme plus en retrait, mais n'était-ce pas l'intention de l'auteur?

Si vous avez aimé Kawabata ("La lune dans l'eau" dans la danseuse d'Izu), Hemingway et son vieil homme et la mer, ou dans un autre registre "In the mood of love", vous aimerez beaucoup cet excellent roman.
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