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3,29

sur 350 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
C'est le troisième roman que je lis - je devrais dire dévore - de Philip Roth, après "Que la bête meure" et "La tache".
En 120 pages, Philip Roth m'a de nouveau happée par son art incroyable de portraitiste de l'âme humaine, l'acuité de son regard sans concession : assurément, et nous sommes nombreux à le penser, cet écrivain diabolique est un artiste majeur de notre temps.
Cela a commencé par un éblouissement : les premières pages, et l'annonce de la déchéance pour cet acteur génial qui soudain perd son talent, mais hélas, pas sa lucidité, sont d'une virtuosité étincelante. Précision du style, sagacité, sobre mais dense, l'écriture est ensorcelante. Pour ma part, j'ai rarement lu un portrait plus juste d'un comédien, ces êtres sans cesse dans l'ambivalence, vivant leur jeu et jouant leur vie. Simon Axler est une sorte de Laurence Olivier, monstre sacré, ego démesuré, sûr de son talent et de sa vocation, jouissant de son succès, n'ayant vécu que pour le théâtre et la gloire, et trouvant naturels les lauriers récoltés.
Et un jour tout s'arrête. le talent n'est plus là. le désespoir suicidaire s'installe mais même dans ce rôle Simon se trouve mauvais. Ce qui faisait sa richesse, sa raison d'être, ces identités multiples parfaitement assumées, font place à un vide abyssal de l'être qui a perdu tous ses repères. Les acteurs ne cessent de se regarder vivre, agir, narcisses triomphants pour un temps, et le malheur de Simon tient dans le fait que s'il perd son génie, il conserve sa caméra subjective. Non seulement il est devenu une loque, mais il s'observe devenir une loque. Double peine.
La suite n'est qu'une longue chute. Clinique psychiatrique, isolement, quête amoureuse, errances sexuelles, froidement Philip Roth assassine son héros et nous en sommes fascinés.
La fascination tient de l'excitation et de la peur, et je ne connais pas d'autre écrivain qui sache aussi bien distiller ces deux ingrédients dans sa prose. Je n'avais pas envie de lire comment cela allait se terminer, mais je n'ai pu m'arrêter dans ma lecture, éblouie par l'art de l'auteur. Je sais que cela est la vie, mais je sais que pour vivre il faut oublier de le savoir.
Les ravages du vieillissement, la cruauté des sentiments, la part d'ombre de chaque être qui émerge un matin, le mystère du sexe, l'addiction à l'autre qui vous sauve puis vous précipite dans le gouffre, tout cela est inscrit dans chaque phrase de ce court roman. On ne peut en sortir indemne. Les moments de joie ou de plaisir - car il y en a, sont au mieux les illusions que l'on se donne pour continuer à vivre. Même sincère, Simon n'est dupe de rien. Pourtant, dans la catastrophe, ses larmes ne sont pas feintes. Elles le surprennent lui-même. Cet être vieillissant, éternel enfant comme tous les acteurs, voyant s'éloigner celle qui lui a tout donné et tout repris, la forte qu'il croyait faible, affronte une dernière fois son image dans le miroir, sans fard et sans artifice. Aurons-nous tous cette vision sans concession à l'heure de notre mort, cette lucidité implacable qui nous laissera misérables ? C'est ce que nous semble dire Philip Roth, et cette vision pessimiste ne pourra être vérifiée qu'une fois seuls dans nos derniers instants.
Le génie de Roth est de ne pas nous laisser désespérés, malgré cette noirceur. D'une part, Simon renoue avec son essence et se retrouve enfin lui-même à l'instant ultime, mais alors que ce constat de vanité de l'existence pourrait nous entraîner à notre tour au bord du gouffre, l'écriture de Philip Roth, non pas dans ce qu'elle dit mais dans ce qu'elle transpire de talent nous ramène à la vie par ce émerveillement et cette consolation que seule la création peut engendrer.
Lien : http://parures-de-petitebijo..
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Roman concis , dépouillé mais pleins de rebondissements qui aborde les thèmes chers à l'auteur : la vieillesse et ses renoncements , le dernier amour , l'évocation des problèmes psychiatriques .
Simon Axler est un acteur de théâtre célèbre , qui perd son talent , il ne retient plus ses textes et est incapable de jouer , il est tellement mal qu'il demande son internement en hôpital psychiatrique . Là , il fait la connaissance d'une patiente Sybil V qui lui confie son douloureux secret . A peine guéri , il rentre chez lui et la solitude lui semble insurmontable , il rencontre Pegeen , la fille d'un couple d'amis , qui a 25 ans de moins que lui et qui est homosexuelle , Pegeen est en train de vivre une douloureuse rupture et contre toute attente , ils tombent amoureux l'un de l'autre . Simon est aveugle aux signes annonciateurs de la débacle , d'autant plus qu'il ressent confusément que ce sera sa dernière histoire d'amour et qu'il ne pourrait pas se remettre d'une ultime rupture .... Très beau roman où l'auteur a mis beaucoup de lui-même .
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Grandeur et décadence d'un acteur qui, l'âge aidant, perd peu à peu sa confiance, avec une grande lucidité, il se sent de moins en moins crédible pour interpréter les rôles qu'on lui confie encore. Il ne s'agit plus de bien jouer comme autrefois mais « de s'en tirer le moins mal possible ».

Au même moment, sa femme s'envole pour la Californie pour être plus près de son fils. Autant dire qu'ils se séparent.
Il n'interprètera plus le moindre rôle sinon le sien propre et avec de grandes difficultés, alors il s'isole, fait quelques passages en psychiatrie, refuse toute aide extérieure, pense à en finir. Victime du syndrome de l'imposteur, il n'a « plus personne avec qui bavarder, prendre un repas, et encore moins partager un lit ».

Alors lorsqu'une jeune femme s'intéresse à lui, est-ce le signe d'une renaissance, d'une cure de jouvence, le moment de retrouver l'audace de ses jeunes années pour un dernier tour de piste ou faut-il au contraire se montrer prudent et ne pas se bercer d'illusions ? Cette histoire pourrait mal finir, c'est écrit d'avance.
Un sujet récurrent chez Philip Roth comme dans exit le fantôme, on y aborde le vieillissement, le désir, la séduction, la fin inéluctable. Je place définitivement Philip Roth dans mon panthéon des auteurs américains, près de Fante, Auster, Irving, Steinbeck ou Bukowski.

Elle n'en sort plus de ta mémoire
Ni la nuit, ni le jour
Elle danse derrière les brouillards
Et toi, tu cherches et tu cours
Mais y a pas d'amour sans histoires
Et tu rêves, tu rêves...

C'est écrit – Francis Cabrel.

Challenge Multi-Défis 2024.
Challenge Riquiqui 2024.

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Alea jacta est
Simon Axler, un des plus grands acteurs de son temps, sait qu'il est fini.
Il n'arrive plus à jouer, la magie a disparu, son charisme est en berne.
Victoria, sa femme, stoïque un temps n'en peut plus, elle n'arrive plus à l'aider sans sombrer elle-même ; elle le quitte.
Simon demande à être interner dans un hôpital psychiatrique, il y restera seulement 26 jours.
Aucun des moyens mis en place, pendant son séjour, pour le sortir de son marasme ne lui donne la clef du pourquoi.
La cause de ce rabaissement reste mystérieuse.
Tout son vécu, toute son expérience ne servent à rien, il ne se représente plus sur scène, il n'a plus ce petit quelque chose qui lui servait de moteur.
La vision qu'il a de lui est déformée comme s'il était dans une attraction de foire, ce tunnel qui déforme l'image à l'infini.
« En conséquence de quoi, même si depuis trente ans Axler avait élu domicile à deux heures de New-York, au milieu des arbres et des champs — c'est là qu'il vivait quand il n'était pas en tournée quelque part dans le monde —, il n'avait plus personne avec qui bavarder, prendre un repas, et encore moins partager un lit. Et à nouveau, la tentation du suicide lui venait, aussi fréquemment qu'avant son hospitalisation, il y avait maintenant un an. Tous les matins, quand il se réveillait face à ce vide, il se disait qu'il ne pouvait pas affronter une journée de plus, dépouillé de ses capacités, seul, sans travail, et en proie à une douleur permanente. »
Le génie de Philip Roth est de nous faire une narration en 3 actes, le premier montre la dégringolade, le deuxième un regain de vie, Simon rencontre Pegeen, la fille de ses amis de longue date, qui avait fait son coming out, elle s'est déclarée lesbienne, mais a de gros problèmes avec sa compagne et devient la maîtresse de Simon. Il joue les pygmalions avec beaucoup de bienveillance et d'amour. Oui, mais…
Et c'est dans ce deuxième acte que l'auteur nous fait un pas chassé littéraire, cette suite de pas précédent le grand saut. C'est brillant.
Comme au théâtre Philip Roth nous entraîne dans un jeu de rôle ou de dupes, nous parlant du désir (la vie chevillée au corps) et de la vieillesse.
Cette méditation sur la vieillesse, la mort et la sexualité est récurrente dans ses romans, mais elle n'a jamais le même visage, ni la même intonation. C'est éblouissant de lucidité et d'humour caustique.
Un grand livre, et comme toujours ce plaisir inépuisable de lire et relire cet écrivain exceptionnel.
©Chantal Lafon


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« Il avait perdu sa magie », voici la première phrase du roman. Une merveille ! Une phrase grandiose, une phrase simple mais magique. Une phrase qui résume tout, Simon Axler a perdu sa magie et rien n'y fait, tout est perdu.
Même Sybil van Duren n'y fera rien
Même Jerry Oppenheim n'y fera rien
Même Peegan n'y fera rien.
Même l'amour n'y fera rien.
Rien n'y fera rien.
Simon Axler n'en a pas conscience mais il est le coeur d'une tragédie, il est pris dans un engrenage diabolique, une machine qui le broie. Quoi qu'il fasse, il a perdu sa magie. Quiconque a un jour perdu sa magie sait que tout est perdu.
Philip Roth signe un de ses plus grands romans, le plus noir aussi. Son chef-d'oeuvre ? Je ne pourrais dire, je n'en ai pas assez lu, il en a écrit trente. Je n'ai pas assez d'expérience pour juger, mais je sais qu'il est un très grand.
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Ce trentième et court roman de Philip Roth (140 pages) est étincelant de simplicité. Comme Indignation, ou Exit le fantôme, il est économe de ses mots ; les plus grands textes sont bien les plus simples (sujet, verbe, complément). Philip Roth ne s'accorde la complexité que quand il veut traduire les déchirements de ses personnages.
L'humiliation (qui devrait en être le titre en français), c'est celle de Simon Axler, grand acteur new-yorkais qui a perdu son jeu, comme un chanteur perd sa voix. Retiré, confiné dans sa maison des Berkshire (une constante chez l'auteur), il traîne autour de son fusil sans avoir le courage de s'en servir contre lui-même.
A cet ego surdimensionné et dévasté, il va survenir un sursaut, en la personne de Pegeen, homosexuelle de 40 ans, victime, comme lui, d'une trahison : un fol espoir, de faux espoirs, avec la construction d'un avenir radieux ?
Vous le découvrirez, si vous lisez ce livre, qui le mérite ! Mais il y aura aussi un film d'al Pacino, qui a acheté les droits du roman ; il ne risque pas de passer inaperçu, pour une raison que je ne découvre pas.
Lien : http://www.bigmammy.fr
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Simon Axler fut l'un des plus grands acteurs de sa génération, mais à soixante ans passés, il a perdu son talent, sa magie, sa confiance en lui, son estime de soi et son public. Quand il monte sur scène, il se sent incapable de jouer et n'en dort plus la nuit. Obsédé par le suicide, il décide de se faire interner dans un hôpital psychiatrique, ce qui renforce encore son impression d'échec et d'humiliation. de plus, son épouse en profite pour le quitter. A sa sortie de l'hôpital, son agent ne réussit pas à le convaincre de remonter sur les planches. Mais voici que Pegeen, une jeune femme de vingt-cinq ans sa cadette apparait dans sa vie. Elle est lesbienne, pourrait être sa fille, il devient son Pygmalion et la transforme. Elle lui inspire une passion érotique dévorante. Avec elle reviennent le désir, l'estime de soi, l'envie de reprendre sa carrière et même, pourquoi pas, celle d'avoir un enfant. Simon se nourrit d'illusions et se rêve une vie où tout va recommencer comme avant avec à ses côtés cette jeune femme qui a autant besoin de lui que lui d'elle, enfin le croit-il, car Pegeen aime les femmes et surtout elle reste sous l'emprise d'un père très possessif.
Ce roman est un drame qui se joue en trois actes. Il parle de la vieillesse, de la mort et de la sexualité qui seule est capable de rendre à un être vieillissant un semblant de vigueur.
C'est un roman fort, intense, surprenant et audacieux.
Ce fut pour moi une belle découverte de la plume de Philip Roth que je ne connaissais pas.
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Succulent et triste !
Lorsque pour Simon Axler, grand comédien de théâtre donne la pire des représentation sur scène il ne croit plus en lui-même, en son talent et son charme légendaire. Il sombre alors dans une profonde dépression et sa femme le quitte. Désespéré il se fait enfermer dans un asile psychiatrique pour remonter la pente, il n'en ressortira pas guéri mais au moins accepte t-il son déclin. Il a 65 ans, son corps vieilli, le fait souffrir, il est inutile à lui-même, à la vie. Mais voici que Pegeen surgit dans sa vie, elle a 40 ans, elle est la fille d'un couple d'amis qu'il fréquentait plus jeune. Pegeen est lesbienne et vient de quitter Priscilla qui, elle, ne s'en remet pas. Simon et Pegeen contre toute attente vont tomber amoureux et définissent leurs liaison par cette phrase fabuleuse page 119 : "Tu es le choix de ma vie." Mais voilà... "Un homme rencontre bien des pièges sur son chemin et Pegeen était pour lui le dernier !" En effet Simon, en effet !
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Un livre qui se lit très vite (128 pages) où on retrouve les thèmes chers à philip Roth. A lire de toute urgence!
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