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« Ce monde de la peinture, j'ai eu beau tenter de le fuir, tout m'y ramenait. D'abord mes souvenirs. Presque tous les membres de ma famille peignaient, avec une ardeur farouche, une passion qui me semblait parfois maladive. »
Je repose le livre dans un angle de mon bureau. Une onde de plaisir me parcourt encore. de nombreuses toiles de la période impressionniste que j'admirais depuis longtemps dans les musées, expositions, ou livres d'art, je les ai retrouvées à nouveau en feuilletant les
pages imprimées sur papier photo grand luxe.
Une monographie familiale. L'académicien
Jean-Marie Rouart nous entraîne dans une histoire qui débute au milieu du 19e siècle avec ses deux arrière-grands-parents, Henri
Rouart et Henry Lerolle, peintres et collectionneurs, et se poursuit avec leurs nombreux descendants. La plupart des chefs-d'oeuvre présentés dans le livre, l'auteur les a connus en liberté, objets familiers qu'il a pu contempler accrochés sur les murs des différentes maisons familiales. Aujourd'hui, ils sont dispersés dans des musées ou collections aux quatre coins du monde.
Par mariages ou amitiés, la famille
Rouart a côtoyé les plus grands noms qui traversèrent l'impressionnisme et la littérature : Manet,
Berthe Morisot, Degas, Renoir, Valéry, mallarmé… du beau monde !
Le meilleur ami de l'arrière-grand-père Henri
Rouart, peintre et industriel, était Edgard Degas. « Degas était au centre de la passion familiale et le trait d'union entre toutes les familles qu'il avait approchées. » Il fit huit portraits de son ami, le plus connu le représente de profil en chapeau haut de forme devant ses usines.
Paul Valéry décrit Degas : « fidèle, étincelant, insupportable, anime le diner, répand l'esprit, la terreur, la gaieté. »
L'hôtel particulier d'Henri
Rouart, rue de Lisbonne à Paris réunissait une formidable collection : 47 Corot dont les magnifiques « Dame en bleu » et « La Parisienne », les « Répétition de danse » de Degas, 8 Courbet, des Daumier, Delacroix, Millet, Gauguin, Chardin, Cézanne, « La brune aux seins nus de Manet, le « Bois de Boulogne » de Renoir, et tant d'autres… Toutes ces oeuvres avaient été acquises entre 1870 et 1900. Les toiles peintes par Henri
Rouart y figuraient aussi.
« Un chat. Tante Julie, qu'on appelait aussi Mamaïta, ressemblait à un chat. »
J'ai beaucoup apprécié cette partie du livre consacrée à
Julie Manet, la fille de
Berthe Morisot. Sa mère peignait constamment « Bibi ». Durant 17 ans, jusqu'au décès de Berthe en 1895, elle est représentée à tous les âges, à tous moments de la journée. le pinceau de l'artiste a une infinie tendresse lorsqu'elle peint l'enfance.
Jean-Marie Rouart connut, adolescent, sa tante Julie qui vivait au milieu des chefs-d'oeuvre de l'impressionnisme. Elle peignait pour communier dans la ferveur de sa mère. Les toiles de
Berthe Morisot, de son oncle Édouard Manet, et de nombreux autres, étaient rassemblées dans son musée où elle habitait : «
Berthe Morisot au bouquet de violettes », «
Berthe Morisot et sa fille » et le « Portrait de
Julie Manet » de Renoir. Les dernières toiles de Julie adolescente peinte par sa mère avant son décès étaient présentes également : « Julie au violon » et «
Julie Manet et son lévrier Laerte ».
Paul Valéry et
Stéphane Mallarmé faisaient partie de la famille de coeur des
Rouart. Valéry était marié avec une cousine de
Julie Manet. « J'aimais Valéry comme on aime une étoile, et il n'est nul besoin d'être le fils de cette étoile pour l'aimer, elle appartient à tous, comme toutes les autres étoiles qui brillent dans le ciel », disait
Jean-Marie Rouart.
L'avant-dernier chapitre du livre est consacré au grand-père de
Jean-Marie, Louis
Rouart qu'il qualifiait de coureur de jupons, sans oeuvre : « Ce grand-père, je l'aimais tel qu'il était. J'aimais ses yeux malicieux, son horreur de la médiocrité, son fanatisme pour l'art, sa passion pour les femmes et l'Italie. Nous partagions un vice commun, cet amour des livres. » Louis était marié avec Christine Lerolle. J'ai apprécié de revoir sur la jaquette du livre le charmant petit tableau des soeurs Lerolle de Renoir qui est au musée parisien de l'Orangerie : « Yvonne et Christine Lerolle au piano ».
« Les tableaux de mon père, les natures mortes, les paysages, exprimaient un bonheur que je n'avais jamais vu ni sur son visage, travaillé par l'angoisse, ni dans sa vie. » Plusieurs des toiles du père de
Jean-Marie, Agustin
Rouart, terminent le livre. le portrait de la mère de l'écrivain allongée sur un lit « Juliette allongée » le perturbait : « Rien n'est plus troublant que la sensualité de sa propre mère. On voudrait de toutes ses forces la faire échapper à ce destin banal du sexe, du plaisir, sans lequel on n'existerait pas. » Ému,
Jean-Marie Rouart repense à ce père : « Mon père. Quel long chemin j'ai fait pour le rejoindre. »
Je me suis plongé avec délice dans cette vaste fresque de la famille
Rouart accompagnée de documents, photos, et tableaux de grande qualité.
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