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EAN : 9782073045287
432 pages
Gallimard (08/02/2024)
3.49/5   629 notes
Résumé :
« Je tenais mon sujet. Un groupe de jeunes gens assassinent un père de famille pour des raisons idéologiques. J’allais écrire un truc facile et spectaculaire, rien n’était plus éloigné de moi que cette histoire-là.
Je le croyais vraiment.
Je ne savais pas encore que les années Action directe étaient faites de tout ce qui me constitue : le silence, le secret et l’écho de la violence. »

La vie clandestine, c’est d’abord celle de Monica Sab... >Voir plus
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3,49

sur 629 notes
°°° Rentrée littéraire 2022 # 18 °°°

Dans un prologue très drôle empli d'autodérision, Monica Sabolo raconte comment elle a commandé une buse empaillée à queue tordue sur Ebay avant d'écouter un épisode d'Affaires sensibles à la recherche d'un sujet pour un prochain roman qu'elle voulait le plus éloigné d'elle, juste un fait divers, « quelque chose de facile et d'efficace » et qui se vendrait bien. Ce sera l'assassinat du P-DG de Renault, Georges Besse en 1986 par l'organisation terroriste d'ultra-gauche Action directe.

Monica Sabolo se lance dans une enquête très fouillée absolument passionnante à suivre sur les deux femmes du commando, condamnées en 1987 à la réclusion criminelle à perpétuité, Nathalie Ménigon et Joëlle Aubron. Même si elle dresse un tableau complet de l'histoire d'Action directe qui a revendiqué plus de 80 attentats et assassinats en France de 1979 à 1987, ce qui intéresse l'autrice, c'est la personnalité de ces jeunes femmes aux allures anodines de gamines qui ont tué sans flancher au nom d'une idéologie. J'ai particulièrement apprécié que l'autrice n'invente rien ni ne cherche à romancer ni à proposer une analyse historico-politique, seulement guidée par une compréhension intuitive de l'intime et de l'humain.

Et puis le récit qu'elle voulait écrire fait une grosse sortie de route et se transforme en une double enquête, celle sur les membres d'Action directe et celle sur ses origines. le passé remonte à la surface « à la façon d'un cadavre gonflé d'eau ». Pendant une bonne moitié du livre, on ne comprend pas vraiment pourquoi elle veut à tout prix tisser des liens entre la vie clandestine choisie par les membres d'Action directe et sa vie clandestine à elle, à qui on a caché l'identité de son géniteur, elle qui a été abusée par son père officiel. Mais elle reste sur cette déstabilisante ligne, les enquêtes gigognes continuent à s'entremêler.

Dans le dernier tiers, il y a quelque chose qui se passe lorsque Monica Sabolo rencontre longuement les survivants d'Action directe. Hellyette Besse, amie de Nathalie Ménigon et Joëlle Aubron, qui tient la librairie anarchiste parisienne le Jargon libre, puis Claude Halfen, membre d'un commando, et surtout Nathalie Ménigon, libérée en 2008. La démarche de l'autrice s'éclaire enfin.

En fait, La Vie clandestine est un récit sur la mémoire. Monica Sabolo ne se cache plus derrière une atmosphère onirique et éthérée comme dans ses précédents romans. Ici, tout est clair, explicite, sans fard. Et c'est très touchant de lire avec quelle délicatesse et sincérité elle se livre pour évoquer le mécanique de dissociation qui s'est mis à l'oeuvre en elle pour surmonter l'inceste, tout comme il s'est mis à l'oeuvre auprès des ex-membres d'Action directe qui continuent à vivre en ayant tué. Comme son père, ils ne regrettent rien.

Dans cette quête intime, Monica Sabolo se laisse porter par les voix de ceux qu'elle rencontre pour s'échapper loin de la violence et toucher à la possibilité de pardonner. Je referme ce livre totalement convaincue alors que j'ai passé au moins la moitié de ma lecture dans le brouillard.

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De la mémoire collective à la mémoire intime, du traumatisme collectif au trauma intime.
Le point de départ de ce touchant et troublant roman est le désir de Monica Sabolo d'écrire sur un fait divers, une histoire qui serait « éloignée d'elle ». Après avoir écouté un épisode « d'affaires sensibles » sur France Inter elle comprend qu'elle tient son sujet et commence à enquêter sur le groupe terroriste d'extrême gauche Action directe qui a sévi en France à partir de 1979, dans la fièvre contestataire des années de plomb, jusqu'à l'assassinat du PDG George Besse en 1986. Au fil de l'enquête elle trouve pourtant une résonance avec son histoire personnelle : « Je ne savais pas encore que les années Action directe étaient faites de ce qui me constitue : le secret, le silence et l'écho de la violence ».

Deux voies vont progressivement s'ouvrir à elle : celle du récit sur AD et un autre plus intime, une enquête sur ses origines. En plus de se documenter sur le groupuscule et d'interroger certains de ses membres, en parallèle elle observe fiévreusement les photos familiales et déterre des souvenirs ensevelis. Aspirée dans une matrice qui la ramène vers le passé, elle va exorciser un mal lié à son énigmatique père Yves S. Elle étudie communément les photos des membres d'AD surtout celles de Nathalie Menigon et Joëlle Aubron en s'interrogeant sur les raisons qui ont poussé ces deux femmes dans la spirale terroriste au point d'en devenir sanguinaires.

Peu à peu la vitre embuée qui la sépare d'elles devient plus nette alors qu'inversement la limite entre le bien et le mal se trouble. La trajectoire de l'écrivaine, bien que différente, se superpose à celle des protagonistes et dans un jeu de miroirs déroutant leurs émotions se reflètent.

L'auteure nous touche de par ses doutes, sa sensibilité, ses maladresses, les questions existentielles qu'elle soulève, la résurrection de sa mémoire enfouie. On assiste à la genèse du roman et comment petite et grande Histoire finissent par se confondre avec comme liants le silence, la transgression, la vie clandestine.

« Serait-il possible que l'Histoire ne parle en vérité que de nous-mêmes ? ».
Monica Sabolo y répond avec grâce.
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Une autrice en mal d'inspiration cherche désespérément le sujet de son prochain livre. Elle s'appelle Monica Sabolo et nous partage dans un long prologue son désarroi.

Tout est bon à saisir au passage dans cette recherche d'inspiration : l'achat d'une buse naturalisée, un appartement dévasté par les eaux, l'évocation d'un pigeon voyageur, comme tout ceci est beau déjà à la manière d'un continent englouti où il faut revenir à la surface.

Tout est bon à saisir, le sujet d'une famille par exemple... Lorsqu'on est en mal d'inspiration, quoi de mieux que d'aller convoquer la plus belle scène de tragédie qui soit au monde : j'ai nommé la famille ! Parfois cela peut donner aussi dans le tragi-comique. Chez Monica Sabolo, la famille ressemble à quelque chose qui tient de la vie clandestine, comme elle, comme sa mère, comme son père biologique et comme celui qui la reconnaîtra... Un lieu de ténèbres, un monde creusé de galeries, hanté par les secrets qui suintent sur les parois... C'est le monde d'où surgit Monica Sabolo et dans lequel elle nous invite à entrer.

Mais cela ne suffit pas pour en écrire un livre. À la faveur d'une émission de radio écoutée sur France Inter, - Affaires sensibles et l'indicible phrasé mélodramatique de Fabrice Drouelle, elle va avoir comme une révélation... L'Assassinat de Georges Besse en 1986 par Action Directe, un groupe révolutionnaire d'extrême gauche. Elle tient son sujet, elle peut avancer à présent, peut-être pas encore dans la lumière qu'il faut apprendre, réapprendre à apprivoiser, elle a encore quelques comptes à régler avec son passé, le passé familial.

« le livre que j'écris est une arme de destruction massive ».

Après, ce sera peut-être une autre histoire...

Le livre, - roman, enquête, autobiographie ? un peu tout cela sans doute, dans lequel nous entraîne avec fulgurance Monica Sabolo, est une plongée dans le récit d'un groupe terroriste des années 80.

Le 17 novembre 1986, le groupe abat froidement Georges Besse, P-DG de Renault, patron qu'on dit juste et respecté, père de famille, époux comblé. Ce n'est pas leur premier assassinat...

Ils sont jeunes et vont devenir les ennemis publics n°1, ce seront alors à cette époque parmi les personnes les plus recherchées par toutes les polices de France.

De cette période violente, sanglante et tragique dont je me souviens bien car j'avais vingt-quatre ans, Monica Sabolo va en faire une oeuvre romanesque, éblouissante, majestueuse.

Oui, je me rappelle leurs quatre visages qu'on voyait affichés un peu partout, à l'entrée des bureaux de poste, des mairies, de tous les lieux publics et même des grandes surfaces : Joëlle Aubron, Nathalie Ménigon, Jean-Marc Rouillan et Georges Cipriani. Impossible d'oublier ces noms.

La vie clandestine peut commencer, la sienne, celle des siens, celle des autres, celle de ces quatre fugitifs à la belle idéologie de justice et de fraternité au départ, qui vont devenir des assassins.

On ne sait pas où commence, où finit l'imaginaire de Monica Sabolo ? Quelle est la part de vérité dans tout cela ? Et la vérité des uns est-elle la vérité des autres ?

Elle est alors aspirée vers cette histoire et nous y entraîne comme dans une spirale vertigineuse et sidérante.

« le réel s'adresse-t-il toujours à une part secrète, inconnue de nous, qui nous mène exactement là où elle désire ? Serait-il possible que L Histoire ne parle en vérité que de nous-mêmes ? »

Je me souviens de cette époque où j'avais dix-huit ans. J'ai voté pour la première fois de ma vie en 1981, l'année du changement. On évoquait déjà les combats d'Action Directe. Je cherchais à me construire une opinion politique. Je n'ai jamais aimé la violence. Mais vouloir changer le monde, combattre les injustices sociales, chercher à prendre comme modèle quelqu'un comme Ghandi plutôt que Che Guevara, je trouvais que cela avait plus de sens, - l'a toujours, même si à l'époque les affiches du Che punaisées dans des chambres d'ados étaient davantage monnaie courante...
Le dessein d'Action Directe était aussi de vouloir changer le monde. Il pouvait être séduisant, épris de justice sociale, de solidarité, de fraternité... Mais voilà ! Ils ont choisi un itinéraire de violence et de sang que j'ai toujours désapprouvé. Monica Sabolo aussi, mais elle veut comprendre, aller plus loin.

« Cette histoire est bien trop complexe, je n'arrive à me faire d'opinion ni sur les êtres ni sur leurs actes. »

Très vite, on comprend l'objet de la trame narrative : osciller entre ces deux histoires, y dresser des passerelles, peut-être aussi des souterrains, c'est plus pratique pour opérer en clandestinité, Monica Sabolo contourne les pièges de l'exercice avec brio, ne pas rendre ces personnages plus sympathiques qu'ils ne le sont, pas moins non plus, ne pas en faire des figures romantiques. En faire des êtres humains, ce qu'ils sont, les restituer ainsi, puisqu'ils ont assumés leur peine...

« Ces personnages insaisissables, avec la douleur qui est la leur et celle qu'ils ont infligée. »

En faire des êtres solidaires, c'est clair, on ne pourra jamais leur reprocher cela durant leur procès. Ils feront la démonstration d'une loyauté sans faille entre eux, un papier à cigarette n'aurait pas pu passer entre eux... Jamais on ne saura par exemple qui a tué Georges Besse...

« Il y a là toute la superbe de l'honneur et de la fraternité, quelque chose d'insensé et de crépusculaire aussi, l'adieu à un monde auquel on a renoncé. »

Et comment ne pas se laisser au passage surprendre par quelques personnages étonnants comme cette octogénaire, libraire libertaire, sorte de Ma Dalton façon Mesnilmontant... Ce qui donne envie de la rencontrer, c'est sa manière claire et sans ambiguïté de s'être inscrite en faux contre la violence sanguinaire d'Action Directe, tout en sillonnant inlassablement la France en train durant plus de 20 ans pour rendre visite à ses membres au parloir des prisons...

Monica Sabolo veut savoir comment on vit avec cela, pendant et après...

Elle enquête alors à sa manière...

« La clandestinité n'est pas aussi romantique qu'on pourrait le croire : on imagine une vie trépidante, loin de la cité et des institutions, un lieu sauvage que l'on habiterait tel un bois, comme le font les amants, les druides et les poètes. En réalité, ce n'est pas l'expérience de la liberté mais celle de l'entrave. »

Monica Sabolo dévoile la vie clandestine de ces quatre jeunes gens. Elle creuse, elle creuse sous terre comme une fourmi frénétique, elle creuse des galeries vers son histoire familiale...

Dans une écriture en cavale, quasiment lyrique, éblouie de la lumière des mots, Monica Sabolo convoque les ténèbres pour nous entraîner dans les méandres d'une forme de désarroi profond, évoque dans ce chemin le poisseux, l'indicible et surtout peut-être l'inavouable...

Entre eux et elle, un lien se tisse ; la mémoire du passé surgit, dans son corps aussi.

C'est magnifique.

« Je cours après une histoire engloutie à la suite d'un tremblement de terre ou d'un raz-de-marée. »

La prose de Monica Sabolo est percutante, lumineuse, s'enroule comme des lianes et nous enroule avec elle aussi. J'ai adoré cette écriture qui m'a envoûté. C'est une écriture belle et cruelle, qui nous invite à fouiller dans nos vies familiales...

Ici l'intérêt du texte n'est pas à proprement dit cette enquête tirée d'une chronique judiciaire, - bien qu'elle tente d'effleurer l'insondable de ces âmes en cavale, non c'est bien un autre récit qui tient lieu de paysage, le désordre d'un coeur, celui de l'autrice où viennent se mêler des pas égarés dans l'entrelacement de deux histoires.

La mémoire est une porte secrète et fragile qui s'ouvre sur d'autres portes ténébreuses et violentes. C'est depuis cette rive d'où elle écrit cette histoire que Monica Sabolo nous tend la main.

« Nous nous débattons, tous autant que nous sommes. Nous cherchons un sens aux choses que nous avons faites , et à celles que l'on nous a faites, nous sommes entortillés dans le passé comme dans un drap mouillé. Les visages s'effacent, mais le chagrin demeure. Il irradie, il voyage, d'une génération à l'autre, d'un coeur à l'autre. L'histoire s'insinue en nous, elle se recompose, se déplace et se transforme, renvoyant des ondes et une énergie nouvelles, sans même que nous sachions à quoi elles font écho.
Je sais désormais que le temps ne passe pas. »

Je remercie Babelio et les éditions Gallimard pour cette belle et surprenante découverte en avant-première de la rentrée littéraire, dans le cadre d'une Masse Critique privilégiée.
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Alors qu'avec l'intention d'y consacrer un roman, elle enquête sur l'histoire du groupe terroriste d'extrême gauche Action Directe, l'auteur est bientôt prise, au dépourvu, d'un immense trouble. Plus elle avance dans ses recherches, plus sa propre histoire resurgit, marquée par un traumatisme d'enfance et trouée par les secrets d'une famille au double fond clandestin.


C'est d'abord son enquête, plus complexe que prévu, qui la déstabilise, au fur et à mesure qu'elle « s'infiltre » au plus près des membres d'Action Directe, et qu'incapable de comprendre comment des gens apparemment normaux - en particulier les deux jeunes filles qu'étaient Nathalie Ménigon et Joëlle Aubron lorsqu'elles ont abattu Georges Besse - ont pu tuer de sang-froid, elle finit pourtant par en dresser des portraits humains, éclairés par les idéaux qui les ont menés au choix des armes et de la violence meurtrière. « Je n'arrive pas à me faire d'opinion ni sur les êtres, ni sur leurs actes. » « Je ne sais toujours pas qui ils sont, tous, mais je dois faire face à une idée troublante : entre eux et moi, un lien se tisse. Ils ne me sont pas aussi étrangers que je le voudrais. » « M'apparaît désormais cette dangereuse éventualité : celle de les comprendre, ou même, à certains égards, de leur ressembler. »


Car, pis encore pour l'auteur, cette violence assumée, sans remords ni regrets, la ramène inexorablement aux décombres de son propre vécu, enfouis sous les couches sédimentées du silence familial. Comme les terroristes d'Action Directe lui paraissent errer « dans les souterrains du monde », elle-même vient « d'un lieu de ténèbres », clandestinement tapi sous les apparences les plus banales. Clandestine, sa naissance à Milan dans les années soixante, d'un homme marié qui abandonne sa mère. Clandestine, son adoption à ses trois ans par le mari de sa mère, Yves S., un spécialiste de l'art précolombien aux activités elles aussi entachées de mystère, qu'on lui fera prendre pour son père jusqu'à ce qu'elle soit presque trentenaire. Clandestine enfin, cette chose innommable entre elle et cet homme qui se met bientôt à abuser d'elle.


Alors, pendant qu'elle s'interroge à double titre sur le crime et le passage à l'acte, sur la culpabilité et le pardon – Yves S. ne lui a-t-il pas asséné bien des années plus tard, quand enfin elle avait osé lui parler, que « ce genre de choses [l'inceste] arrivait tout le temps, dans les familles », que « c'est très courant » –, les deux strates de son récit, enquête documentaire et introspection personnelle, finissent par se fondre en un seul cheminement, à la recherche d'une réponse autant individuelle qu'universelle à ces questions : comment en sommes-nous arrivés là ? Que faire pour ne pas nous laisser dévorer par notre part de nuit ?


Confondant de sincérité autant que de finesse de réflexion et de somptuosité d'écriture, ce livre vous happe pour ne plus vous lâcher que suspendu entre émotion et admiration. Un ouvrage de grande facture, assurément. Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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J'avais découvert Monica Sabolo avec son livre "Summer" il y a quelques années mais je ne m'attendais pas à la découvrir sous un angle totalement différent ici, beaucoup plus complexe mais tellement vraie. Lorsque j'ai reçu la proposition de babelio pour s'inscrire pou une Masse critique privilégiée, je n'ai pas hésité longtemps mais il était bien spécifié qu'il y avait un embargo pour ce livre et qu'aucune critique ne devait être publiée avant le 15 août. C'est bon, nous sommes le 16, contrat respecté ! J'ai fait traîné ma lecture pour cette raison il est vrai mais également car, avec cette lecture, qui d'après ce que j'ai vaguement constaté, en a enthousiasmé plus d'un (je n'ai pas encore eu le temps de lire les autres critiques mais je ne manquerai pas de le faire mais seulement après avoir publié la mienne) mais j'avoue que j'ai parfois été un peu perdue dans les faits politiques qui sont retranscrits ici (et le fait que je venais à peine de naître au moment des faits n'excuse pas cette ignorance).
Tout d'abord, avant de rentrer plus dans les détails, je remercie chaleureusement babelio ainsi que les éditions Gallimard pour l'envi de cet ouvrage et le fait de m'avoir incité à sortir un peu de mon ignorance.

Monica est en quête d'un sujet pour son nouveau livre et, en panne d'inspiration, elle décide de s'attaquer à un sujet qu'elle croit bien connaître : à savoir un parallèle entre sa famille et les actions du parti d'extrême-gauche Action directe qui a beaucoup fait parler de lui dans le années '80.
Plus que tout, elle va s'intéresser au cas de deux femmes exactement, à savoir Joëlle Aubron et Nathalie Ménignon. Deux femmes que tout oppose et qui pourtant n'ont jamais été aussi proches dans leurs idées et les idéaux qu'elle défendent à tout prix. Luttes armées, violence envers les forces de l'ordre mais aussi contre les représentants d'un esprit capitaliste, braquages de banque et j'en passe, c'est tout cela qui est décrit en filigrane ici. Certes, ces deux femmes n'agissent pas seules mais sont un parfait exemple du fait que dans cette organisation (terroriste ?), les femmes elles aussi sont en première ligne. Monica Sablo les compare quelquefois à sa mère qui a disparu de leurs vies, de la sienne et de celle de don frère, du jour au lendemain, sans laisser d'explication, et qui a trop souvent fermé les yeux, sur les actions qu'Yves S. son père sur le papier certes puisqu'il l'a officiellement reconnue à l'âge de 3 ans (vous aurez donc bien compris que ce dernier n'était pas son père biologique mais au fond, cela a t-il réellement de l'importance ?) , avait sur elle, petite fille encore, lorsqu'il venait dans sa chambre d'enfant, tous les matins, soit disant pour admirer les poissons qui nageaient tranquillement dans l'aquarium qu'elle possédait alors.

Monica Sabolo est ici étrangement attirée, aimantée par les actions d'Action directe mais qui est-elle pour juger. Elle est obsédée par la vie de taularde, délinquante et tueuse de Nathalie Ménignon mais au moment où elle s'apprête enfin à faire sa connaissance, toutes ses ambitions disparaissent et elle perd tous ses moyens, car, malgré tout ce qu'elle a pu lire sur cette dernière, un détail d'importance était omis : Nathalie était avant tout un être humain avec ses forces certes, ses convictions plus qu'engagées mais aussi ses faiblesses !

Un ouvrage poignant, même si, comme j'ai pu le constater, j'ai beaucoup de lacunes sur le sujet que je compte bien combler petit à petit ou vie personnelle et politique se confondent et s'entremêlent. Un ouvrage extrêmement bien écrit et que je ne peux que vous recommander !
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critiques presse (15)
Telerama
14 mars 2024
Sa vie, « en marge du monde » du fait de son traumatisme d’enfant abusée, trouve de troublants échos dans l’histoire d’Action directe, le mouvement terroriste d’extrême gauche des années 1980. Telle est la trame du saisissant roman de Monica Sabolo.
Lire la critique sur le site : Telerama
LaPresse
28 novembre 2022
S'intéresser à l'histoire d'un groupe de terroristes et finir par raconter sa propre vie. C'est la démarche de Monica Sabolo dans ce roman original et captivant.
Lire la critique sur le site : LaPresse
LaCroix
19 octobre 2022
Magnifique et terrible.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LeDevoir
04 octobre 2022
À travers de minutieuses recherches, en s’approchant patiemment d’une vieille libraire qui « a caché et transporté des hommes, des armes, de l’argent, des bombes », en parvenant à rencontrer Nathalie Ménigon, Monica Sabolo va peu à peu s’approcher de son sujet sans savoir — ou sans vouloir reconnaître — que c’est son propre secret qu’elle frôlait.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
Culturebox
29 septembre 2022
Un livre finement construit. Et poignant.
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Marianne_
19 septembre 2022
Là où il y a de la gêne, il n’y a pas de littérature. Alors Monica Sabolo, la romancière des beaux quartiers, qui longtemps dirigea les pages people du magazine « Grazia », s’est choisie, pour « La vie clandestine », un sujet qu’on a le droit de trouver d’un goût moyen : Action directe. On y lit, un brin interloqué, que la terroriste Nathalie Ménigon a « un cœur en sucre »…
Lire la critique sur le site : Marianne_
LaLibreBelgique
08 septembre 2022
C'est donc en s'intéressant sans arrière-pensées aux membres du groupe terroriste d'extrême gauche Action directe que Monica Sabolo a compris que leur histoire allait lui permettre de donner voix à la sienne.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeFigaro
06 septembre 2022
Dans son dernier roman sur Action directe, La Vie clandestine, elle révèle, presque inconsciemment, tout ce qui la constitue: le silence, le secret et l’écho de la violence.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Culturebox
05 septembre 2022
Dans son dernier roman, Monica Sabolo mène en parallèle le récit de l'histoire d'Action directe et celui de sa propre enfance, deux histoires marquées par la violence, et la clandestinité.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Elle
01 septembre 2022
Monica Sabolo signe « La Vie clandestine », enquête vertigineuse sur la violence et sur les mystères de son enfance. Le roman le plus renversant de la rentrée.
Lire la critique sur le site : Elle
LesInrocks
29 août 2022
Dans “La Vie clandestine”, l’écrivaine met en dialogue la “fièvre sanguinaire” d’Action directe dans les années 1980 et l’écho du crime dont elle a été victime enfant, à la même époque.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
LeMonde
29 août 2022
La romancière signe « La Vie clandestine », autour des terroristes d’Action directe. Autour, aussi, de son passé, que son œuvre n’a cessé d’effleurer jusqu’ici.
Lire la critique sur le site : LeMonde
RevueTransfuge
25 août 2022
La Vie Clandestine ou la poursuite des fantômes d’Action Directe, et de l’enfance. Monica Sabolo signe un roman mêlant sa propre histoire et de sombres années françaises. Fin et très maîtrisé.
Lire la critique sur le site : RevueTransfuge
LeSoir
22 août 2022
Le sixième livre de la romancière est aussi le plus puissant : « La vie clandestine » soulève bien des questions.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Bibliobs
19 août 2022
Dans « La Vie clandestine », l’écrivaine enquête sur le groupe terroriste d’extrême gauche Action directe. En entreprenant ce livre, elle n’imaginait pas voir resurgir le traumatisme qu’elle a subi dans son enfance.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (146) Voir plus Ajouter une citation
Durant un certain nombre d’années, j’ai été incapable de rendre visite à ma mère, mes grands-parents, mon frère, de leur leur téléphoner, ou même de prendre leurs appels. Je pensais à eux, j’avais peur qu’ils soient déprimé, seul, malheureux, malade, ou qu’ils meurent, mais je ne faisais rien, rien d’autre que d’y penser. J’ai aussi, durant un certain nombre d’années, passé mon temps, à quitter mes petits amis, sans prévenir, alors regretter ensuite, persuadé que j’avais commis une erreur terrible jusqu’à me rendre malade. L’un d’eux, que j’avais poursuivi de messages erratiques, a fini par revenir. « tu es cinglé, mais je t’aime » m’a-t-il dit, tandis que je cherchais avec angoisse la porte de sortie. Ensuite, j’ai cessé de lui répondre, j’ai simplement disparu. En moi, vivait un esprit romantique et psychopathe. J’avais la sensation d’être folle et cruel, ou possédé. J’ai fini par comprendre, ce qui n’était pourtant pas bien compliqué, mais tout à fait une excuse, que j’étais incapable de me coltiner le réel. Il fallait que je me tienne à distance, dans un sans interaction, ni être humain, ou je pouvais rêver ma vie.
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Au début du roman, le lecteur est accueilli par une buse, achat compulsif de la narratrice, peut-on supposer. Mais celle-ci ne serait-elle pas source de malheurs ?
En effet les catastrophes matérielles se multiplient pour l’écrivaine qui craint de devoir s’installer dans une roulotte avec ses enfants ( des trombes d’eau ont envahi son appartement, «  la moquette est spongieuse comme un tapis d’herbes aquatiques ».

Les mots récurrents «  clandestine » et « secret » ponctuent le récit, impliquant un certain mystère.

La narratrice, « ignorant tout de sa vraie identité », veut percer l’énigme ,comprendre le sens de son acte de naissance qu’elle a débusqué fortuitement à 15 ans, et sur lequel elle a lu la mention: «  di padre ignoto ».
Secret que sa mère consent seulement à aborder quand l’auteure a 27 ans.

Deux pères, dont elle brosse les portraits, occupent donc ses pensées.
Le premier Alessandro F., s’est volatilisé au printemps 1971, abandonnant la mère de l’écrivaine de 20 ans, enceinte de 6 mois.

Le second : Yves S , diplomate, ce métier lui paraît mystérieux surtout quand il part pour l’Afrique pour des affaires occultes. Il était franc-maçon, lui confie-t-il, un jour.
Ce père,que quelqu’un lui décrit comme « un porteur de valises ».

Ses phrases assassines (insultes), ses gestes, les scènes de disputes, de violence (bagarre,coups) ; le départ de la fille au pair ( qu’il a dû violer) ; le défilé des huissiers… ; le tout est gravé à jamais et la taraude de façon obsessionnelle.

L‘écrivaine questionne sa mémoire, mène une double vie : diurne et nocturne, habitée par des fantômes.
Elle se demande au fil du récit si ses souvenirs sont fiables, surtout quand elle procède à des flashbacks : « Nos souvenirs sont des souvenirs de souvenirs ».

Elle revient sur ses origines italiennes, Milan où elle a vécu ses premières années, entre 1971 et 1974, avant que ses parents s’installent en Suisse. C’est là qu’elle «  débute sa vie clandestine », oublie l’italien au profit du français !
Mais de son enfance à Genève entre 1974 et 1977, elle en garde peu de souvenirs, aucun de ses parents, seuls des détails sur des photos lui confirment sa présence à leurs côtés. Avec sa thérapeute, elle décrypte tous les albums photos, tentant ainsi de reconstituer son passé, de combler le vide.
Elle a traversé un période chaotique à l’adolescence, ses flirts provoquent la colère du père, «  qui détient le pouvoir ». L’amour devient «  un lieu clandestin ».
Pour ses études supérieures, elle doit faire elle-même les démarches pour espérer bénéficier d’une bourse, le père étant parti à Lisbonne retrouver sa nouvelle femme.

Elle revisite les divers lieux où elle a vécu, ses relations avec ses parents, au train de vie fastueux ,(souvent absents et qui la laissaient devant la télé avec son frère).
Elle évoque le moment où tout déraille jusqu’à leur séparation.
Elle convoque les instants seule avec son père à contempler l’aquarium et se souvient s’être plainte à sa mère des visites matinales du père, sous-entendant sa main baladeuse. Cette mère qu’elle retrouve (en fin d’ouvrage) à Morges pour les 100 ans de la grand-mère et qui l’étreint, l’embrasse avec fougue et implore le pardon.
Alors qu’elle appréhendait cette confrontation.

Ses recherches lui font croiser des membres d’Action directe pour lesquels elle nourrit une étrange fascination. Peut-être parce qu’elle a décelé un dénominateur commun avec eux : «  le secret, le silence et l’écho de la violence ».
Toutefois, elle réalise qu’elle s’est fourvoyée dans « un sacré guêpier » à vouloir déchiffrer les arcanes de ce mouvement. Sa ville natale, Milan, est alors secouée par les attentats commis par les Brigades rouges. Mais la France connaît aussi une série de drames dont l’assassinat de Georges Besse.

Monica Sabolo fait revivre de façon explosive,les années noires du terrorisme d’Action directe, pages étayées par les nombreuses sources compulsées.
Ces années 80 auxquelles Serge Joncour a également sensibilisé son lecteur dans son roman Nature Humaine.

La romancière nous surprend par son opiniâtreté à cerner le profil des protagonistes, à se plonger dans une tonne de documents afin de mieux les comprendre.
Encore plus étonnante, la façon de s’infiltrer dans leur milieu au «  Jargon libre »( librairie anarchiste), et de se forger une nouvelle famille avec Claude, Hellyette ( «  appui logistique »), La Galère et bien d’autres. Encore plus audacieuse de parvenir à rencontrer Nathalie Ménigon et ceux qui l’hébergèrent pendant un an.
De quoi noircir son carnet de notes. Inattendu pour la narratrice investigatrice de loger dans la chambre qu’occupa Nathalie. Une quête époustouflante !

On suit l’enquêtrice dans tous ses trajets, en bus, en train,( « un lieu refuge, comme « une cabane entre deux tempêtes »).
Lors de ses visites à Hellyette, à Claude...jusqu’au voyage ultime vers son père mourant, celui dont elle a ignoré presque tout. Scène émouvante, elle a envie de lui pardonner malgré «  les choses horribles » qu’elle a subies.

Ce qui intrigue et frappe le lecteur, c’est l’omniprésence de l’eau dans ce roman,à commencer par « l’obscurité marécageuse «  de son appartement, rappelant l’univers aquatique de Summer. Elle a connu « un univers aqueux », vécu « un épisode lacustre » dans cette villa à Bellevue, sur les rives du lac Léman. Quand l’émotion la submerge, elle sent « une poche s’épancher en elle », « une digue céder et tout se déverser ». Par exemple, à sept ans, elle a connu un état second et «  la sensation d’être constituée d’eau tiède, qui se vidait à ses pieds ».
Monica Sabolo finit par voir dans l’aquarium de sa chambre , en Suisse, la représentation de «  sa famille en miniature : un milieu trouble , à l’abandon ».

Elle a le don d’adopter une efficace écriture cinématographique : ainsi le lecteur voit les séquences se dérouler sous ses yeux, comme cet au revoir de Claude regardant le train s’éloigner. Attitude qui rappelle un terme japonais «  l'o-miokuri qui « consiste à raccompagner la personne qui s'en va » jusqu'à ce qu'on ne la voie plus. (1)
Tout aussi émouvant l’adieu au père, dans un cimetière de Colombes, en compagnie de son frère qui « embrasse le bout de ses doigts et effleure le marbre ».

Le lecteur est également happé par le contraste entre ce passé tumultueux et les moments de quiétude que Monica Sabolo partage avec Hellyette à observer, non pas les poissons, mais les oiseaux, « les yeux levés vers le ciel, en silence ».

Au fil du récit, l’écrivaine concède craindre la réaction de sa mère et de son frère à la sortie du roman. Elle a conscience d’avoir «  confectionné un engin sophistiqué, composé de papier, de nitroglycérine et d’une mèche à combustion lente, qui finira par tout faire sauter ». N’a-t-elle pas écrit sur leur histoire, ayant décidé de ne plus se taire ? Et si elle les avait trahis? Toutefois la narratrice ne considère pas agir en
«  traître», elle voit plutôt dans ce livre le message de la réconciliation.
Tant d’années « pour déchirer la paroi de papier qui la séparait d’Yves S » !

A noter que Monica Sabolo a dédié ce septième roman à ses enfants, à l’instar de son père qui lui avait dédié son livre sur l’art précolombien.

Ce récit, à la veine autobiographique, détone par son incroyable sincérité et secoue doublement avec ce parallèle époustouflant entre :
d’une part son passé personnel tumultueux et d’autre part celui des militants d’Action directe. Ce livre coup de poing aura-t-il permis de réparer la mystérieuse blessure ?

Mes remerciements à l'équipe Babelio et aux Editions Gallimard pour m'avoir permis de lire un roman de la rentrée littéraire 2022 . Monica Sabolo est une auteur que l'on aime suivre.



(1) Nagori de Ryoko Sekiguchi
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J’ignore si ces jeunes gens sont romantiques ou dangereux, rêveurs ou fous, à côté de la plaque ou au cœur du réel. Je ne sais d’où provient la violence, d’eux ou du système, je ne sais s’ils sont des résistants, des aventuriers, des Pieds Nickelés, ou des gangsters. Peut-être sont-ils tout cela à la fois, peut-être rien de tout cela. Mais ce qui m’apparaît, et m’est étrangement familier, c’est le glissement. Cette ombre qui se déplace, de manière imperceptible, et les conduit dans un lieu solitaire, de plus en plus loin des autres, et d’eux-mêmes. Un mouvement qui les emporte à travers le temps et l’espace à la façon du courant d’une rivière, tandis que l’ombre les recouvre. Et soudain, ils sont là, plongés dans l’obscurité, et ils s’apprêtent à commettre l’irréparable.
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(…) nous traçons notre route comme nous le pouvons, tandis que le temps s’écoule, et ne s’écoule pas. Quelquefois, nous trouvons, poussés par des forces mystérieuses, un refuge au milieu de la forêt, ou en plein cœur de la ville. Parfois, nous rencontrons là un autre cœur égaré, poussé à l’abri par les mêmes forces mystérieuses. Cet être, croyons-nous, ne nous ressemble pas, il est même celui à qui tout nous oppose. Dans d’autres circonstances, à une autre époque, cet être aurait pu nous combattre. Mais à présent, loin du bruit du monde, dans cette cache où nous avons échoué et qui est en réalité le centre même du monde, il nous ramène à la vie. Peut-être même nous ramenons-nous l’un l’autre à la vie. Nous nous rencontrons en ce point exact qui relie les humains à l’univers entier, à un instant particulier, à un endroit particulier, à la façon d’une éclipse solaire, ou d’une pluie d’étoiles filantes. À cet instant, nous nous souvenons qu’en notre cœur existe un lieu irréductible, fait d’eau et de lumière, un lac cerné de montagnes bleues, traces d’un temps géologique. Nous nous souvenons alors que ce lieu existe dans le cœur de tous les hommes. Absolument tous.
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Je viens d’un lieu de ténèbres. Un lieu auquel j’ai essayé d’échapper durant mon existence entière, mais où je me rends simplement en fermant les yeux. Il est creusé dans la roche, c’est une galerie froide que j’arpente dans l’obscurité. Les parois suintent une matière visqueuse qui me recouvre, moi aussi. C’est une prison familière, dans laquelle je marche sans jamais voir le jour, et qui se déploie sous la surface de la terre, à la façon d’un réseau de spéléologie, ou de catacombes. Et même si je réussis parfois à m’évader, que j’ai quelquefois muré son entrée, croyant la rendre impraticable pour toujours, même si je flotte sans relâche pour nettoyer ma peau, la vérité est que je retourne là-bas, encore et encore, aimantée par une force invisible. L’attraction de ce lieu est celle, dissimulée, fourbe, qui m’a conduite à écrire ce livre, celle qui m’a emmenée jusqu’ici, auprès de ces êtres qui se promènent aux aussi dans les souterrains du monde. Mais je sais désormais que ce lieu n’est pas le mien. Il m’appelle, prétend que je suis sa chose, qu’il m’a enfantée, nourrie, façonnée, mais c’est un mensonge, un piège, le chant de sirènes maléfiques.
J’en ai fini avec le caché, et avec le silence. Je ne veux plus creuser d’une main, et ensevelir de l’autre. Je ne veux plus être coupable, ni avoir honte. J’ai fini de croire que cette matière qui colle à ma peau est celle dont sont faits mon âme et mon cœur. J’ai fini de me taire, comme tous ceux qui savaient, et se sont tus, comme tous ceux qui m’ont fait croire que parler était une faute plus grave encore que toutes les fautes qui avaient été commises.
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"J'avais été abandonnée par la flamme de la littérature..." L'écrivaine Monica Sabolo nous confie sa crise de la page blanche, avant d'avoir trouvé l'inspiration à partir d'un fait divers qui l'avait marquée : l'assassinat de George Besse en 1986 par deux membres de l'Action directe. Quelles ont été les raisons qui ont poussé ses deux femmes à commettre un tel acte ? Mais la réelle question que se pose l'écrivaine, et qui est à l'origine de son livre "La Vie clandestine", devient quasiment autobiographique : "qu'est-ce que je cherchais, moi, à travers cette histoire ?"
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