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Michel-François Demet (Traducteur)Tom Reiss (Préfacier, etc.)
EAN : 9782841112708
342 pages
Editions Nil (29/04/2002)
3.74/5   33 notes
Résumé :
Début du XXe siècle, Azerbaïdjan. Ali, issu d'une grande famille de tradition musulmane, trouve que la jeune Nino est la plus jolie femme du monde. Mais Nino est chrétienne et le jeune homme est déchiré entre son devoir et ses sentiments. Malgré cela, il demande la main de sa belle. C'est alors que la guerre éclate en Europe, puis au Proche-Orient, et menace de les séparer. S'aimer devient dangereux, surtout au moment où se constituent les premiers nationalismes. Bi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Dans le Bakou du début du XXème siècle, Ali jeune musulman est amoureux de la Géorgienne chrétienne Nino.
Ce roman raconte leur amour, dans un pays tiraillé entre orient et occident et où les russes et les turcs vont se livrer une guerre sans merci.
C'est un roman très ambitieux , nous montrant le mélange des cultures dans un pays ouvert et tolérant, où les juifs côtoient les musulmans, où les chrétiens sont bien acceptés.
Il est reconnu comme étant le roman qui a mis en exergue le retour de l'importance de l'islam militant, à travers Ali et ses mais , tiraillés entre les ordres de défendre la Russie et l'envie d'aider leurs frères musulmans.
Pas évident à lire , on est plongé dans la vie du Caucase où une jouxte de poésie devait se finir par une ablation de la tête du perdant.
C'est un tourbillon historique, culturel , porté par la trame amoureuse dans un monde qui finalement était peut être plus tolérant que le notre.
Un petit mot sur l'auteur.Azeri de confession juive, de son vrai nom Lev Nussimbaum, il s'exila en Allemagne devint musulman et fréquenta de près les milieux nazis ou de Mussolini quand il partit en Italie.
Appelé l'Houdini littéraire, c'est assurément un personnage complexe dont les multiples origines lui ont permis d'écrire avec une certaine acuité sur les oppositions religieuses ou les brassages ethniques .
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Bakou, sur les bords de la mer Caspienne, années 1910. Ali khan Schirwanschir, le narrateur, est un jeune aristocrate musulman azerbaïdjanais. Il est amoureux de Nino Kipiani, une jeune chrétienne géorgienne, la fille d'un riche marchand qui vient de se voir autorisée à porter le titre de princesse par les autorités russes. Ils veulent se marier lorsque cette dernière, encore étudiante – Ali lui vient de graduer au début du récit - aura terminé le lycée. Tous deux ont reçu une éducation européenne et vivent dans une région où cultures et religions coexistent dans le respect mutuel. Jusqu'à ce qu'Ali apprenne que le tsar a déclaré la guerre, ce qui ne pourra être sans impact, on le devine, sur le cours de leur vie... Comparer ce roman à un « Roméo et Juliette oriental », tel que le suggère le quart de couverture, ne rend pas justice à cette oeuvre qui va bien au-delà du thème de l'amour impossible ou contrarié. C'est la fin d'un monde que raconte Kurban Saïd, un pseudonyme de Lev Nussimbaum si l'on en croit l'enquête de Tom Reiss, dans ce récit foisonnant de traditions ancestrales. Je n'en ai pas trouvé la lecture fluide cependant, ce que j'attribue à mon peu de connaissance des enjeux géopolitiques, religieux et historiques de cette partie du monde, ayant été amenée à plusieurs reprises à devoir effectuer des recherches pour tenter d'y voir plus clair. Une rencontre enrichissante, qui me donne envie d'en apprendre davantage sur la culture du Caucase.
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Voici effectivement un roman orientaliste, dont l'auteur, dans un récit à la première personne, emprunte l'identité d'un jeune aristocrate musulman, à peine plus âgé que lui-même, qui vit une passionnée histoire d'amour interethnique avec Nino, la Géorgienne chrétienne, sur fond des deux guerres que l'Azerbaïdjan a combattues en marge de la Première Guerre mondiale. Contrairement à l'auteur, le personnage principal choisit enfin le combat et la mort pour l'indépendance contre les Russes plutôt qu'un second exil.
Pourquoi un roman orientaliste ? Parce que, plus qu'une épopée d'amour et de guerre, c'est l'histoire de la confrontation entre l'Orient-islam-tradition et l'Occident-sécularisme-modernité qui s'y joue sur trois niveaux : d'arrière-plan, par la modernisation pétrolière du pays, imposée par la colonisation impériale russe et bientôt bolchevique, avec toutes ses institutions dont l'école et par le biais des minorités chrétiennes implantées (Arméniens, Russes et Géorgiens), mais qui y résiste à deux reprises ; dans le centre de l'action, par le couple mixte des héros éponymes, par les conditions tumultueuses de leur union et les mises en question de sa durabilité ; enfin, plus subtilement, par la caractérisation même du personnage d'Ali khan, dont les deux « cultures », orientale et occidentale, s'affrontent dans une dialectique où les compromis réciproques ne sont jamais définitifs.
Orientaliste aussi parce que, tout au moins au début du livre, les traits marquant l'Orient sont grossis jusqu'à la caricature, presque. Peut-être le sont-ils aussi dans les yeux du héros-narrateur jusqu'à ce qu'il ne lui faille reconnaître en soi-même le caractère problématique de sa double identité.

Au niveau historique, la confrontation Orient-Occident, nous l'avons dit, se passe par deux guerres : contrairement à deux personnages secondaires amis d'Ali khan, il refuse de prendre les armes aux côtés de l'armée impériale russe lors de l'éclatement du conflit mondial. Par contre, dans la trame du roman, son meilleur ami, l'Arménien Nachararjan, se conduit en traître par le rapt de sa fiancée Nino, et le crime d'honneur qui s'en ensuit conduit Ali khan à une cavale dans les montagnes du Daghestan, où règne encore un mode de vie ancestral. Ali khan prend les armes une première fois contre l'armée russe qui avance dans le pays avec l'appui par traîtrise des Arméniens, d'abord liés aux Azéris par un front commun d'indépendance. Dans l'historiographie la plus courante, ces événements sont connus comme une guerre civile entre Arméniens et Azéris, jusque dans les rues de Bakou – c'est ainsi qu'en parle aussi Banine – avec intervention russe déterminante aux côtés des premiers et rétorsion ottomane par les fameux événements de 1915. Dans ce livre, il est clair que la thèse de la traîtrise arménienne est amplifiée par le parallèle avec l'action romanesque. À noter aussi que la déroute azérie a pour conséquence l'exil d'Ali khan, de son père veuf et de Nino en Perse. L'auteur, dans sa « vraie » vie, pour autant qu'on en sache, s'exila avec son père au Turkestan ; par contre la famille de Banine se réfugia effectivement en Iran, ce qui contribuerait à renforcer l'idée d'une grande proximité entre l'auteur, Lev Nussimbaum, et un cousin de Banine qui répondait au nom d'Essad, que Lev choisit comme son plus durable pseudonyme.
Encore dans le roman, nous apprenons que les traditionalistes azéris, notamment les religieux personnifiés par Seyd Moustafa, n'étaient pas du tout proches des Ottomans ni de leur aspiration pan-touraniste, Ali khan ne se serait pas battu dans leurs rangs même contre l'ennemi russe, à cause de l'obédience chiite des Azéris ; d'ailleurs cette très grande proximité religieuse, culturelle unissait encore à l'époque sans doute aussi géopolitiquement l'Azerbaïdjan à l'Iran, non à l'Empire ottoman. La langue « simple de notre peuple », dont nous avons un exemple unique (transcrit d'après la phonétique allemande utilisée par Kurban Saïd...) à la p. 324 par Nino, l'azéri, est appelée « le tatar », et c'est bien du turc, mais Ali récite volontiers des vers en farsi, et c'est cette littérature-là qu'il estime, et non l'idiome populaire.
Pourtant l'occupation de Bakou par Enver Pacha, avant même celle des Britanniques (dont l'Iran était allié) semble avoir été déterminante pour la création de la République Autonome d'Azerbaïdjan. Ali khan, comme le père de Banine, occupe dans cet État un poste ministériel. L'occidentalisation de cette éphémère parenthèse politique est le point qui retient le plus l'attention de l'auteur. Quant à sa conclusion, par l'invasion bolchevique, il met en scène une résistance armée désespérée au nord du pays, rêve un instant du soutien de « Kemal [Atatürk qui] est à Ankara », voire même de celui de « deux cent cinquante millions […] de musulmans du monde entier » (p. 339), alors que Banine parle d'une capitulation sans coup férir et l'historiographie soviétique d'une courte expérience de Commune de Bakou... Mais c'est là au-delà de la fin de cette histoire !
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C'est dans la foulée de ma lecture de l'ouvrage de Tom Reiss, L'Orientaliste, que j'ai lu Ali et Nino, le chef d'oeuvre de Kurban Said, alias Lev Nussimbaum. Ali et Nino, c'est le roman de l'Azerbaïdjan, pays d'une insolente richesse grâce au pétrole, coincé entre l'empire russe et la Perse.

Ali Kahn est déchiré entre sa passion pour l'Orient et ses traditions et un intérêt pour l'Europe et la modernité. Sa relation avec Nino, jeune princesse Géorgienne symbolise la rencontre des deux mondes. Si Ali se montre ouvert et tolérant, il voit disparaître avec une profonde tristesse un Azerbaïdjan ancré dans une culture ancestrale.

Ali et Nino est un roman nostalgique, Lev Nussimbaum, un juif de Bakou qui avait dû s'exiler au moment de la Révolution d'Octobre, se glisse dans la peau d'un musulman pour évoquer la fin d'un monde. le Bakou d'avant la Grande Guerre est présenté comme une société multiethnique assez harmonieuse ou cohabitent les coutumes des hommes du désert et le souci du progrès économique.

On est frappé par la résonance que prend l'ouvrage au regard des vicissitudes de la vie de Nussimbaum. Il y a dans Ali et Nino une espèce de fatalisme terrible, le constat de l'impossibilité pour l'Azerbaïdjan de trouver sa voie, de conserver sa culture entre ses voisins si puissants.

Le livre est attachant, malgré une écriture marquée par son époque (il s'agit d'un roman écrit en 1937) et une certaine emphase lorsqu'il s'agit de décrire l'Orient. Les personnages sont des archétypes, représentant les forces vives de la société tout en présentant une certaine complexité psychologique. L'intrigue est complexe et plutôt subtile.
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Ce livre est issu d'une recherche hasardeuse sur Babelio et dans ma médiathèque pour découvrir un auteur d'un pays avec un croissant dans son drapeau...!

Ce roman a été décrit dans les grandes lignes comme le Roméo et Juliette du début du XXème. J'avoue que j'ai gardé cette idée dans un coin de ma tête sans pour autant me dire que ça colle totalement... Il y a des aspects de leur amour qui est un peu incompréhensible mais finalement cela reste crédible. On sent l'immense respect entre eux et certains passages donnent à voir qu'ils sont sans doute précurseurs d'une certaine façon de voir ou de vivre les choses.
A travers ce roman ce fut de grandes découvertes en tout point: l'histoire de ce pays qui a une indépendance que très récente et qui a connu de multiples guerres; une richesse culturelle et religieuse à la frontière de deux influences bien distinctes entre l'Europe et l'Asie où le développement des sociétés se fait à deux vitesses mais où les divers "peuples" arrivent plus ou moins à se côtoyer sur les mêmes terres; l'aspect géographique de cette région qui m'était jusqu'ici totalement inconnue et qui me donnerait presque envie de me rendre sur place pour me faire une idée beaucoup plus précise du décor de ce roman!
Certes, ce n'est pas une biographie mais on sent que l'histoire de ce personnage et de ce qui l'entoure est très bien tissée, argumentée que cela en rend le personnage plus réel.
J'avais aussi peur en voyant la couverture, la date du livre que le style du roman soit difficile à lire... Et ma peur s'est transformée en un véritable plaisir de le lire!

Une très belle découverte qui m'incite à sortir encore des sentiers battus.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
« […] Je supporterais aussi peu l'Europe que toi l'Asie. Restons ici, à Bakou, où l'Asie et l'Europe s'interpénètrent insensiblement. Je ne peux pas aller à Paris, il n'y a pas de mosquée là-bas et pas de Seyd Moustafa. Il faut que je puisse de temps à autre me délecter de l'âme asiatique pour supporter tous ces étrangers qui viennent chez nous. À Paris, je te haïrais comme tu m'as haï après la fête de Moharrem. Pas tout de suite, mais à un moment quelconque, après un carnaval ou après un bal, je commencerais soudain à te haïr à cause du monde étranger dans lequel tu voudrais me forcer à entrer. C'est pourquoi je reste ici, quoi qu'il puisse arriver. Je suis né dans ce pays et je veux y vivre et y mourir.
Elle se tut pendant tout ce temps. Lorsque j'eus fini, elle se pencha vers moi et sa main caressa mes cheveux.
- Pardonne à ta Nino, Ali khan. J'étais très sotte. Je ne sais pas pourquoi je pensais que tu pourrais changer plus vite que moi. Nous restons ici et nous ne parlons plus de Paris. Tu conserveras ta ville asiatique et moi, la maison européenne. » (pp. 319-320)
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Dans les temps anciens, il y avait beaucoup plus de sots qu'aujourd'hui. Les sots canalisaient les fleuves au lieu de construire des puits du pétrole et l'on pillait les étrangers alors que ce sont eux qui nous pillent maintenant. Autrefois, il y avait beaucoup plus de gens heureux.
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Marche à travers Tiflis. Tu vois les femmes voilées? Non. Tu sens l'air de l'Asie? Non. C'est un autre monde. Les rues sont larges, les âmes droites. Je me sens intelligente quand je viens à Tiflis Ali Khan. il n'y a pas ici de fous bigots comme Seyd Moustafa, ni de sombres individus comme Mehmed Haidar. La vie ici est gaie et facile.
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« […] Toi et tous ceux qui se sont battus avec toi, vous n'êtes plus des Asiates. Je ne hais pas l'Europe. Elle m'est indifférente. Tu la hais parce que tu en portes une part en toi-même. Tu as fréquenté une école russe, tu as appris le latin, tu as une femme européenne. Es-tu donc encore un Asiate ? Si tu avais vaincu, tu aurais toi-même, sans le vouloir, introduit l'Europe à Bakou. Peu importe que ce soient nous ou les Russes qui construisent les nouvelles autoroutes et édifient les nouvelles usines. Rien d'autre n'était possible. On n'est pas un bon Asiate, et de loin, quand on tue de nombreux ennemis avec cette trop grande soif de sang.
- Alors, quand l'est-on ?
- Tu es à moitié européen, Ali khan, et c'est pour cette raison que tu me poses des questions. Cela n'a aucun sens de te l'expliquer car seules les choses du réel agissent sur toi. Ton visage est tourné vers la terre. C'est pourquoi la défaite te fait souffrir et que tu montres ta douleur. » (p. 243)
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Une femme en tablier blanc s'approcha du lit. Elle me tendit un maillot et j'y vis un petit jouet tout ridé, avec des doigts minuscules et de grands yeux inextressifs. Le jouet pleurait et avait un visage crispé.
- Comme elle es belle, fit Nino, ravie - et elle étendit les doigts en imitant les mouvements du jouet.
(...)
Quelqu'un me fit sortir de la chambre. Des regards curieux m'effleurèrent et mon père me prit par la main. Nous allâmes dans la cour.
- Faisons un tour à cheval dans le désert, proposa-t-il, Nino va bientôt s'endormir.
Nous nous mîmes en selle et partîmes d'un gaplop sauvage à travers les dunes jaunes. Mon père dit quelque chose, et j'eus du mal à comprendre qu'il essayait de me consoler. Ke ne comprenais pas, car j'étais fier d'avoir une fille endormie et toute ridée, le visage songeur et les yeux inexpressifs.
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