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EAN : 9782073045980
496 pages
Gallimard (21/03/2024)
3.7/5   10 notes
Résumé :
« Rue de la Justice », telle fut la dernière adresse d’une de mes arrière-grands-mères, laveuse sur un bateau-lavoir dans une petite ville des bords de Loire. Née en 1863, elle avait un peu plus de vingt ans à la mort de Victor Hugo et toute sa vie conserva sur sa cheminée une gravure des obsèques nationales du poète. Symbole de la confiance des gens d’en bas en la toute jeune république, dont ils attendent justice, progrès, instruction.
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
« Rue de la Justice » Danièle Sallenave (Gallimard 350p)
La photo des obsèques de Victor Hugo, mort en 1885, trônera pendant des années sur la cheminée de Laurence, née en 1863. C'est sur ce fil infime que Danièle Sallenave part à la quête de ce que furent la vie quotidienne, les espoirs en plus de justice sociale, les difficultés et les rêves de son arrière-grand-mère, laveuse sur un bateau lavoir, qui passera sa vie rude dans un village des bords de Loire. L'auteure ne sait quasiment rien de cette ancêtre qu'elle n'a pas connue, hors quelques rares échos venus de sa propre grand-mère… et le souvenir poignant de ce cliché mémorable. Qu'importe, Danièle Sallenave nous fait découvrir, par cercles concentriques, par un travail documentaire particulièrement riche et touffu ce que purent être son quotidien, ses habitudes, ses idées, ses croyances, son éducation, son travail.
L'auteure se situe irréductiblement du côté des humbles, des « impropriétaires », de ceux qui font vivre une société et se font ravir le fruit de leur travail par les nantis qui s'en gavent. Elle fait un lien pertinent avec les révoltes actuelles (revenant parfois sur ce qu'elle a déjà écrit dans son « tract Gallimard », « Jojo le gilet jaune »). Pour elle, la IIIème République, par ses combats contre le poids enfermant de la religion catholique, des réactionnaires de tout poil et (plus timidement me semble-t-il) des propriétaires et des grands fortunés a fait renaître les espoirs de « La Sociale », la République des non-nantis.
Elle dénonce l'obscurantisme clérical, l'inégalité sociale organisée, elle souligne les succès de l'école primaire de cette période. Elle valorise les progrès techniques incontestables (chemin de fer, routes, électricité, commerce, médecine), qui désenclavent les campagnes, soulagent d'une part de misère et ouvrent à de nouveaux horizons. Elle dénonce l'absurdité criminelle du colonialisme et du racisme qui en est l'une des émanations, en en montrant les dégâts croissants dans le monde d'aujourd'hui. Elle pointe sans retenue l'actuelle dégradation des services publics nés en partie durant cette période.
Plus qu'un livre strictement historique, c'est un très beau récit d'histoire. Sans forcément partager dans le détail toutes ses analyses (par exemple sur le progrès technique qu'elle ne lie pas forcément à la quête de profits), ce qui est passionnant dans cet ouvrage, outre l'écriture ciselée mais très accessible de l'académicienne, c'est son parti-pris de justice sociale qui ne s'en laisse pas conter par le matraquage d'une idéologie de "premier de cordée", par les ghettos sociaux et culturels dans lesquels on veut nous enfermer. Certains y trouveront peut-être un goût de « c'était mieux avant », mais je crois que la lucidité et le sérieux du travail documentaire de Danièle Sallenave lui permettent d'éviter ces écueils. Elle travaille, en toute fidélité et reconnaissance ses propres racines (et les miennes) avec les gens d'en bas, et c'est particulièrement captivant.
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Angers est dominée par sa cathédrale. Pour la visiter, on peut garer sa voiture sur la place Monseigneur-Freppel. Mais qui était cet évêque, qui fut aussi député? C'est ce que l'on découvre - entre autres - dans ce passionnant bouquin.

Danielle Sallenave mêle la petite histoire avec la grande. La petite, c'est celle de son arrière grand-mère, qui fut laveuse - non, on ne disait pas lavandière à l'époque. Son travail consistait à laver le linge des autres, et à le rincer dans la Loire. Un travail pénible qu'elle exerça jusqu'à sa mort, car en ce temps-là la retraite n'existait pas. Une vie très modeste, probablement pauvre, on ne sait finalement pas grand-chose de nos aïeux: comme disait l'autre, ils ne sont pas entrés dans l'histoire.

L'histoire de ce pays des Mauges, plus particulièrement du 19ème siècle, est marquée par les guerres, de la contre-révolution des chouans à la défaite humiliante de 1871 face à la Prusse. Elle est marquée aussi par les difficultés auxquelles la République va se heurter, en particulier dans cette région où les pouvoirs bien établis, la bourgeoisie, la noblesse, et surtout le clergé, vont s'allier pour se rebeller contre les institutions républicaines.

L'instruction, par exemple: pas question de la laisser aux laïques. C'est là que Monseigneur Freppel va intervenir, il est encore loué aujourd'hui pour avoir créé l'université catholique de l'Ouest. Il se battra pied à pied contre les républicains et leurs réformes, y compris contre l'avis du pape Léon XIII. Il est plaisant de constater que son reproche envers l'instruction laïque est qu'elle entraînerait la société vers le matérialisme, la recherche des plaisirs faciles... alors que les pauvres passaient leur temps à travailler, et vivaient dans des conditions précaires!

Ce siècle est aussi marqué par l'essor du progrès technique avec notamment l'arrivée du chemin de fer, lequel va offrir des moyens de transport inespérés au petit peuple. L'arrivée aussi de l'eau sur l'évier, des vaccins, ...

Danielle Sallenave rend un vibrant hommage à l'instruction publique, laïque, et réhabilite ce petit peuple méprisé par les notables. Ce peuple que l'on trouve toujours assez bon pour s'épuiser au travail, ou lorsqu'il faut l'envoyer à la guerre, mais dont il faut se méfier, et qui mérite son malheur par ses comportements excessifs: lorsque le choléra frappe, par exemple, en 1849, bien évidemment, les principales victimes vivent dans les quartiers insalubres d'Angers. On les attribue aux ivresses, aux bals, aux négligences ouvrières.

Un livre qui fait réfléchir par les rapprochements et les comparaisons que l'on peut faire avec notre société contemporaine: mépris des élites, crise de l'éducation, suppression des petites lignes SNCF, ...
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Voici un essai biographique qui explore les origines des révoltes sociales.

Danièle Sallenave part sur les traces de ses arrières grand mères et grand mères, laveuses dans une petite ville des bords de loire. À travers elles, elle nous raconte un siècle et demi d'histoire de France, de la fin de la révolution au début du 20e siècle. Elle évoque le difficile enracinement des idées républicaines dans les régions, l'espoir qu'elles sucitent alors que le pays se transforme lentement, les hommes qui ont lutté pour le progrès social, Hugo, Ferry, Jaures et tant d'autres moins célèbres.

Mais le progrès ne parvient pas à estomper la désillusion face aux lendemains qui ne chantent pas tant que ça. Et avec courage et pudeur, tous aspirent à plus de liberté, d'égalité, de fraternité. Mais les inégalités subsistent, la condescendance envers la province n'a jamais disparue et le système éducatif s'appauvrit. Crise des idéaux, panne de l'ascenseur social, disparition progressive des services publics, que reste-t-il aujourd'hui de la promesse républicaine de l'école pour tous, de l'égalité des chances et du mérite récompensé ?

Danièle Sallenave raconte l'espérance qui reste ancrée au fond de vies difficiles, le ressentiment qui s'accumule devant les espoirs deçus et qui finit par exploser : la commune, mai 68, les gilets jaunes, des crises révélatrices de la frustration née du sentiment de ne compter en fin de compte pour rien. Un livre passionant à méditer en cette période de grandes tensions.
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L'auteure interroge L Histoire sur le passage de la monarchie à l'empire puis la République au prisme de la vie de son aïeule à le vie laborieuse et modeste dans l'ouest de la France. Quelques longueurs mais un texte touchant et engagé sur des choix politiques et de société.
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critiques presse (1)
LaCroix
02 janvier 2023
Dans Rue de la justice, l'académicienne Danièle Sallenave rend hommage à son arrière-grand-mère, modeste laveuse des bords de Loire.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Ces petits événements paraissent grands parce qu'on les voit de près, pense-t'on, "le peuple" n'accède pas aux grandes visions politiques, à la "grande histoire", "le peuple" ne voit pas plus loin que ses intérêts matériels immédiats. Il y a là bien de la condescendance: pour voir plus loin que des intérêts immédiats, il faudrait d'abord que ceux-ci soient satisfaits. Or si l'on veut changer de point de vue, il faut le faire complètement. Ce sont de grands événements, puisqu'ils bousculent des vies, et qu'il n'y a pas de vies minuscules, mais qu'elles se valent toutes. Qu'elles soient empêchées de s'accomplir pleinement, c'est une autre chose. Une question sociale et politique.
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Videos de Danièle Sallenave (22) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Danièle Sallenave
LES GILETS JAUNES, ET APRÈS ?
TABLE RONDE Salle des États Généraux, Château royal de Blois
L'ampleur de ce mouvement social pose des questions centrales sur l'état et l'avenir du pays : qui sont-ils et pourquoi aucun « corps intermédiaire » ne peut les représenter ? La transition énergétique est-elle nécessairement injuste ? le niveau des prélèvements obligatoires est-il vraiment excessif ?
INTERVENANTS : Edwy PLÉNEL, Journaliste et fondateur de Médiapart, auteur de Gilets jaunes,la victoire des vaincus (Éd. La découverte), Danièle SALLENAVE, Écrivaine auteure de Jojo, le gilet jaune (Éd. Gallimard), membre de l'Académie Française et Alexis SPIRE, Chercheur à l'EHESS et auteur de Résistances à l'impôt, attachement à l'État (Éd. Seuil)
MODÉRATION ET COORDINATION Guillaume DUVAL, Éditorialiste à Alternatives Économiques
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