AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782072958915
368 pages
Gallimard (06/04/2023)
3.9/5   43 notes
Résumé :
Raufarhöfn, petit port islandais tout proche du cercle polaire arctique, décline lentement mais sûrement depuis que les quotas de pêche ont été imposés. Dans ses rues désolées, Kalmann Óðinsson déambule, paré de son étoile et de son chapeau de shérif, portant fièrement à la ceinture le mauser légué par un père américain jamais vu. Kalmann est le coeur simple du village, pêcheur de requin émérite apprécié de tous. Un matin tout blanc, parti chasser le renard, il déco... >Voir plus
Que lire après KalmannVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
3,9

sur 43 notes
5
8 avis
4
4 avis
3
1 avis
2
2 avis
1
0 avis
Dans le nord-est de l'Islande, dans le petit village déclinant de Raufarhöfn, le narrateur, Kalmann, un « simple d'esprit » déambule avec son chapeau de cow-boy, son étoile de shérif et son révolver Mauser hérité d'un père américain qu'il n'a jamais connu. Son métier ? Il pêche le requin et laisse fermenter sa chair pour la rendre propre à la consommation. Il est aussi chasseur, notamment du renard polaire, et un jour qu'il était parti sur les traces d'un tel animal, il tombe sur une grande flaque de sang dans la neige. Est-ce le sang d'un animal ? d'un être humain ? Curieuse coïncidence quand on sait que l'homme le plus riche du coin, Robert Mackenzie, a été porté disparu depuis plusieurs jours. ● C'est un polar d'ambiance qui vaut bien plus par sa description de la vie dans un coin désolé de l'Islande que par son intrigue assez mince et dont l'issue est plutôt aisée à deviner. ● Raufarhöfn a jadis été un port important mais est maintenant quasiment à l'abandon, à cause de la disparition du poisson. Des quotas de pêche ont été instaurés mais détournés par la spéculation, enrichissant un petit nombre au détriment de tous les autres. ● C'est très lent, et si le personnage de Kalmann est certes attachant, les autres personnages sont pour la plupart insuffisamment caractérisés, si bien qu'on les confond un peu. Il y a bien une centaine de pages en trop, je me suis un peu ennuyé.
Commenter  J’apprécie          542
Ha ce bonheur. Ce bonheur de lectrice qui vient de terminer une formidable lecture. Comment exprimer ce sentiment: joie, gratitude, reconnaissance, bref un véritable ravissement.
C'est ce que je viens de vivre en côtoyant Kalmann et en partageant avec lui la vie de Raufarhöfn, petit port islandais, tout à côté du cercle polaire, village dévitalisé de plus ou moins 200 âmes qui fut autrefois grand et prospère grâce à la pêche aux harengs mais qui aujourd'hui se meurt doucement. Quotas de pêche imposés, il ne reste plus que quelques pêcheurs et Kalmann qui pêche le requin et qui fabrique le 2e meilleur requin fermenté d'Islande. Celui de son grand père étant le premier
Kalman, jeune trentenaire, qui a toujours vécu dans ce village avec son grand-père qui lui a tout appris, Kalmann qui connaît les moindres crevasses, lacs, monts, trous, tours et détours de Raufarhöfn mais également de l'Islande. On sent bien qu'il porte et son village et son Islande dans son coeur. Kalmann, naïf, humble, simple, sans filtre, l'espèce d'idiot du village qui se promène avec son chapeau de cowboy, son étoile de shérif et son ceinturon contenant un pistolet mauser, tout ça, cadeaux de son père américain qui est reparti au États-Unis. Mais Kalmann n'est pas bête, il est en marge et porte sur ses concitoyens un regard candide, innocent, spontané, toujours naturel, juste et vrai. Comme le lecteur est toujours dans la tête de Kalmann, il a droit à des réflexions tout à la fois des plus sérieuses jouissives et cocasses. Mais attention, l'auteur n'en a pas fait une caricature d'idiot de village. Loin de là. Kalmann est autonome, vit seul, sa mère travaillant dans un autre village et son grand père étant maintenant en maison de retraite, il se débrouille très bien avec son bateau de pêche et ses chasses.
Voilà que lors d'une des promenades habituelles de Kalmann pour chasser le renard, celui-ci tombe sur une énorme mare de sang sur la neige. du sang humain, animal ?
Et en même temps, disparaît l'homme le plus riche du village Robert McKenzie. Celui-ci voulait faire du village un lieu hautement prisé des touristes avec son hôtel et son Artic Henge. Disparition, mare de sang, bien sûr que la police débarque et Kalmann deviendra un témoin essentiel, vedette même.
Simplet mais lumineux, un anti-héros tellement rafraichissant dans l'univers du roman policier nous venant du froid. Alors que j'avais l'impression que plus rien ne pouvait me surprendre du polar nordique, voilà qu'on me présente Kalmann grâce à Joachim B. Schmidt, ce Suisse-Allemand installé en Islande depuis plusieurs années.
Kalmann c'est une pépite, un bonheur, un roman original qui me fait dire, oui il y a de l'espoir pour ce genre et qui m'a rendu très heureuse tellement j'ai passé un bon moment de lecture.

Commenter  J’apprécie          475
On regrette avant tout cette barrière des langues entravant l'essor de la littérature noire helvétique restant figée dans un développement régional soulignant l'absence d'audace et de curiosité à l'exception de la regrettée édition des Sauvages qui avait publié quelques romans de Sunil Mann et de Plaisir de Lire nous proposant, il y a de cela plusieurs années, les textes d'un auteur tessinois et d'une romancière grisonnaise. Des initiatives isolées qui restent malheureusement sans lendemain. Pourtant, depuis peu, on observe en France un frémissement de l'intérêt pour l'ensemble des régions linguistiques de la Suisse avec la publication chez Finitude du premier roman du tessinois Lucas Brunoni intitulé Les Silences tandis que chez Gallimard, pour la collection La Noire, on publie Kalmann, un roman noir se déroulant en Islande, terre d'adoption du grisonnais Joachim Beat Schmidt récipiendaire du Crime Cologne Award et du troisième Prix Polar Suisse à Granges, unique festival de littérature noire accueillant l'ensemble des auteurs du pays, quelle que soit leur langue ou leur canton d'origine.

Kalmann Oòinsson c'est le shérif de Raufarhöfn, petit port de pêche islandais se situant non loin du cercle polaire arctique. On le reconnaît tout de suite avec son chapeau de cow-boy, son étoile et son mauser qu'il porte à la ceinture et qui lui a été légué par un père américain qu'il n'a jamais rencontré. Il déambule ainsi dans les rues de cette localité déclinante depuis que les quotas de pêche ont été imposés. Plus rien n'est comme avant, mais Kalmann s'en moque un peu puisqu'il continue à pêcher le requin comme le faisait son grand père vivant désormais dans un home pour personnes âgées et à qui il rend visite régulièrement. Esprit simple que rien ne déroute jamais, il chasse également le renard. Et c'est lors de l'un de ses périples qu'il découvre une grande tâche d'hémoglobine que les flocons recouvrent déjà. Se pourrait-il qu'il s'agisse du sang de Robert McKenzie, l'homme fort de la bourgade qui a disparu depuis quelques jours ? En témoin principal de ce qui pourrait apparaître comme une scène de crime, Kalmann va devoir répondre aux questions de la police. Pas certain que ses réponses déroutantes puissent satisfaire les enquêteurs qui ne sont pas là pour rigoler, ceci d'autant plus que tout laisse à penser qu'il en sait davantage qu'il ne veut bien le dire.

Suisse allemand d'origine ayant choisi d'émigrer en Islande en se faisant naturaliser, il fallait sans doute un parcours tel que celui de Joachim Beat Schmidt pour évoquer cette contrée d'adoption mythique en sortant des registres du polar nordique. A certains égards, Kalmann nous rappelle les ouvrages de la fameuse série Martin Beck de Maj Sjöwall et Per Wahlöö publiés bien avant cette saturation de littérature noire venue du nord, en délaissant le récit d'atmosphère pour se concentrer sur le thème social. Au-delà de l'intrigue policière, Joachim Beat Schmidt distille son amour de cette terre d'Islande en abordant, en toile de fond, le sujet de l'écologie et de cette faune à la fois sauvage et fragile qu'il faut sauvegarder avec toutes les conséquences qui en découlent telles que les quotas de pêche mettant en péril l'économie de ces petits ports qui périclitent à l'instar de Raufarhöfn abritant l'Artic Henge, impressionnant monument de pierre destiné à attirer les touristes et qui devient l'une des scènes de crime du roman. Il n'y a rien de grandiloquent ou de pompeux dans le sujet abordé car Joaquim Beat Schmidt a eu le coup de génie d'articuler son récit autour du point de vue de Kalmann qui apparait comme l'idiot du village mais dont la sagesse brut et le regard pragmatique imprégné de naïveté ne cesse de nous interpeller tout en nous amusant parfois au gré d'échanges d'une absurdité hilarante. Autour de ce personnage lumineux, gravite toute une galerie d'individus charismatiques animant ce village nordique au charme indéniable mais qui nous extrait pourtant de tous les clichés nordiques émanant d'un tel environnement. Et puis il faut souligner les qualités narratives de cette enquête policière sortant des sentiers battus en nous permettant d'appréhender le cadre social de cette localité à bout de souffle souffrant notamment de la déshérence des institutions étatiques, ersatz des affres de la crise économique qui a balayé le pays. Au gré d'investigation quelque peu maladroites, Kalmann croise donc les membres de cette petite communauté portant sur lui un regard amusé, parfois narquois à l'exception de sa mère bien évidemment, mais également de son grand-père où l'on décèle l'émotion se dégageant d'une relation très forte qui unis les deux hommes en dépit de la mémoire défaillante du vieil homme appréciant toujours autant le requin fermenté que lui prépare son petit fils. D'une originalité réjouissante, qu'une scène finale époustouflante ne démentira pas, Kalmann nous permet d'appréhender, avec un bel équilibre entre l'intrigue policière décalée, le marasme du contexte économique dans lequel évolue les personnages ainsi que le cadre sublime où la faune sauvage y joue un rôle prépondérant, toute la fragilité d'une région reculée de l'Islande oscillant entre les intérêts de l'entrepreneuriat et la préservation des espèces sur le déclin que Joachim Beat Schmidt met sur le devant de la scène au gré d'un plaidoyer sensible et nuancé. Au final, Kalmann se révèle être un roman exceptionnel qui ne manquera pas de réconcilier certains lecteurs avec le polar nordique dont ils n'attendaient plus grand chose.


Joachim Beat Schmidt : Kalmann (Kalmann). Editions Gallimard/Collection La Noire 2023. Traduit de l'allemand (Suisse) par Barbara Fontaine.

A lire en écoutant : The Anchor Song de Björk. Album : Debut. 1993 Bapsi Ltd. /One Little Independent Records.
Lien : http://www.monromannoiretbie..
Commenter  J’apprécie          150
Un peu d'originalité avec ce roman noir porté par un étonnant anti-héros, Kalmann Óðinsson.

L'histoire est racontée par Kalmann, que tout le monde considère comme l'idiot du village. A presque trente-quatre ans, il est depuis plusieurs années pêcheur de requins, et fabrique le « deuxième meilleur hákarl d'Islande ». Quand il sort de chez lui, c'est toujours avec son équipement complet de shérif de Raufarhöfn : chapeau de cow-boy, étoile de shérif et mauser légués par son père, un ancien militaire américain basé en Islande et qu'il n'a pas connu.

Parti chasser un renard polaire à fourrure bleue, il découvre à proximité du site Arctic Henge une très grosse quantité de sang dans la neige. A qui appartient ce sang ? Que s'est-il passé ? Meurtre ? Attaque d'un animal ?
Rapidement la disparition de l'homme le plus riche de la ville, Róbert McKenzie, va alimenter les questions et les spéculations dans le village. La police est dépêchée sur place pour faire toute la lumière sur ces évènements, bouleversant la vie bien réglée de Kalmann.

« Comme il neigeait et que tout, à part la mare de sang, était blanc et qu'on entendait pas le moindre son, j'avais l'impression d'être le dernier homme sur terre. Et quand on est le dernier homme sur terre, on est content de pouvoir le raconter à quelqu'un. C'est pour ça que je l'ai quand même raconté, et là les problèmes ont commencé. »

Kalmann n'est certes pas le plus intelligent, il lui arrive aussi de piquer des colères quand il se sent incompris ou rejeté par les autres. Il est pourtant grâce à sa candeur et ses réparties sans filtre un excellent révélateur des contradictions et lâchetés des autres. Son côté naïf permet en outre d'ajouter un peu de fraîcheur et de légèreté au récit.

« le lendemain a été une journée complètement dingue, et si j'y ai survécu c'est sans doute uniquement parce que celle d'avant avait été très calme et monotone et que je m'étais bien reposé, parce qu'en mer on peut bien se vider la tête. Les évènements se précipitaient, et on n'était vraiment pas habitués à ça à Raufarhöfn. La journée a été si dingue qu'il a même fallu convoquer de toute urgence une réunion du village. »

L'histoire se focalise ainsi plus sur les habitants de ce petit bout d'Islande plutôt que sur l'enquête. Il est donc surtout question de la pêche, puisque Raufarhöfn a longtemps été un port important de l'industrie du hareng, avant que celui-ci ne disparaisse presque complètement des eaux islandaises. La mise en place des quotas de pêche a alors été source de spéculations, certains s'enrichissant à l'instar de Róbert McKenzie, d'autres perdant leur source de revenu. Jalousie, rancoeur, nombreux sont ceux à vouloir la disparition de cet homme, ou tout du moins à ne pas la regretter.

Tous les personnages de ce petit port islandais sont intelligemment brossés par Joachim B. Schmidt, c'est d'autant plus remarquable que l'auteur est suisse allemand, installé en Islande depuis 2007. Un esprit de village qui créé une certaine proximité avec Kalmann et les autres. Ce sentiment aurait pu être renforcé en décrivant encore plus finement certains d'entre eux.

Raufarhöfn se situe dans la péninsule de Melrakkaslétta, tout près de Skálar (péninsule de Langanes) où Ragnar Jónasson a situé l'un de ces derniers romans Dix âmes, pas plus. Des contrées aux confins de l'Islande que Joachim B. Schmidt exploite beaucoup mieux dans son roman. On ressent les embruns lors des sorties en mer de Kalmann, on endure le froid lorsqu'il traque le renard polaire, et on appréhende bien la désolation de ce village qui chaque année voit ses habitants partir un à un.

Une belle découverte donc que ce premier roman traduit en français de Joachim B. Schmidt.
L'auteur a apparemment sorti un nouveau livre mettant en scène Kalmann, je le lirai certainement lors de sa sortie en France.
Commenter  J’apprécie          80


Ce que j'aime dans les policiers et qui ne m'apparait guère ailleurs - Trouver Une Création, une réalité totalement inventée dans toutes ses dimensions.

Il me faut donc :
- Un pays et/ou bien un milieu pour les couleurs.
- Une histoire, pouvant être simple, mais toujours solide. C'est le fil conducteur.
- Les personnages bien dans leur chair apportent l'épaisseur.
- le rythme, qui permet d'inspirer, d'expirer au propre comme au figuré. La pulsation vitale.
- Un style pour décorer tout cela. Cela donne de la valeur.

C'est ce que j'ai lu dans Kalmann. Cela me fit du bien.

Je ne donne jamais de conseils. Mais si vous recherchez dans les pages que vous tournez ce que j'aime plus haut vous ne devrez pas être déçu par ce Big man. Il raconte si bien, bien qu'il paraisse attardé.


A lire en écoutant en boucle Josienne Clarke, plus précisement son album Onliness (et la chanson Chicago).

Cheers


.
Commenter  J’apprécie          150


critiques presse (1)
Bibliobs
11 juillet 2023
Un roman singulier, drôle, par un auteur suisse allemand établi à Reykjavik [...].
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
EXTRAIT SAVOUREUX
(page 24 de ma tablette)


J'avais aussi découpé le deuxième œil et je l'avais présenté aux garçons, mais ils avaient failli tomber de dégoût. Gulli avait dit alors que je ne réussirais le test de courage que si je mangeais tout le poisson, à part la tête et les nageoires. Car ils avaient tous passé ce test, et si je voulais faire partie de leur bande je devais mettre mon courage à l'épreuve.
« Un jeu d'enfant », avais-je dit. Puis j'avais découpé le poisson en filets en retirant les parasites avec la pointe du couteau, comme on fait, comme grand-père me l'avait appris – et j'avais croqué dedans.
[...]
Sur le chemin du retour vers Raufarhöfn, le poisson cru avait commencé à se manifester dans mon ventre, qui gargouillait et glougloutait. Mais on n'entendait rien parce qu'on roulait sur une route empierrée pleine de trous. J'avais donc bien réussi à ne rien laisser paraître. Mais Gulli appuyait sur le champignon et fonçait sur la route accidentée comme si on avait eu la police aux trousses. Et tout à coup j'avais eu le vertige. Tout était devenu flou devant mes yeux, à la fin je ne voyais presque plus rien, ma tête devenait lourde et dodelinait, mon cou était du caoutchouc, et j'avais d'abord cru que Gulli avait eu un accident, peut-être qu'on était sortis de la route, car tout le monde dans la voiture s'était mis à crier à pleine gorge. Gulli était au volant, Steini à côté, Palli, Arnór, Kiddi et moi derrière, serrés comme des sardines en boîte, et c'est seulement en découvrant tout à coup la place libre autour de moi que je m'étais rendu compte que le poisson était remonté. C'était très bizarre, comme si je me regardais vomir. Je n'avais aucun contrôle sur moi. Je ne vomissais pas seulement le poisson, mais aussi le petit déjeuner et le déjeuner, enfin plutôt dans l'ordre inverse, d'abord le poisson, puis le déjeuner, et enfin les Cocoa Puffs, et je me tournais de tous les côtés, car je ne voulais pas vomir que devant, là où se trouvait Gulli, qui avait donné un brusque coup de volant et arrêté la voiture sur le bord de la route. J'avais trouvé ça gentil de sa part. Mais une fois que la voiture s'était arrêtée et que tout le monde s'était propulsé à l'extérieur, j'avais déjà fini.


.
Commenter  J’apprécie          82
QUOTAS DE PECHE, C’EST BONBON !


Grand-père me l'avait expliqué quand il était encore lui-même. Il s'énervait à propos de la spéculation sur les quotas, sans doute parce que c'était un coco, et le jour où je lui avais demandé de m'expliquer tout ça, il avait réfléchi un moment et m'avait donné un très bon exemple : — Dans le magasin il y a des bonbons, d'accord ?
J'avais hoché la tête. J'adorais les bonbons. C'est pour ça que je devais aller tous les ans chez le dentiste et qu'on me faisait des trous. Et ça, je n'aimais pas du tout.
— Alors Kalli, imagine que tout le monde ait le droit de se servir en bonbons. Gratis. Qu'est-ce qui se passerait, à ton avis ?
— J'en remplirais un sac pour l'emporter à la maison, avais-je dit les yeux brillants.
— Exactement. Et tous tes amis ?
— Eux aussi ! avais-je répondu, alors que je n'avais pas vraiment d'amis.
Grand-père avait été content.
— Exactement. Et ensuite ?
Je n'avais pas mis longtemps à comprendre qu'il n'y aurait bientôt plus de bonbons du tout.
— Exactement. Les bonbons seraient bientôt épuisés. C'est exactement ce qui s'est passé avec les poissons dans la mer. Tous les pêcheurs ont pris autant de poissons qu'ils pouvaient, jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus. Alors l'État a fixé un quota de pêche, ça veut dire que chacun ne pouvait plus pêcher qu'une certaine quantité de poissons, un peu comme si chaque enfant ne pouvait plus prendre que trois bonbons.
— Par jour ?
— Heu, disons par semaine.
— Gratis ?
— Oui, gratis.
— OK, avais-je dit, trouvant ça juste.
— Oui, en principe c'est correct, avait continué grand-père. Pas bête du tout. Sauf que chacun a le droit de vendre ses quotas s'il le souhaite. Supposons que tu préfères les chips aux bonbons, alors tu vas vendre ton quota au fils de Heiðar…
— Gulli !
— … Gulli, qui adore les bonbons, et il te donne dix mille couronnes. Avec ça, il peut prendre six bonbons dans le magasin, pour toujours.
— Dix mille couronnes ?
— C'est beaucoup, n'est-ce pas ? Avec ça tu peux acheter énormément de chips, ou un nouveau vélo.
— Un nouveau vélo ?
— Oui, ce que tu veux. Mais Gulli a un plan. Il rachète tous les quotas jusqu'à ce que plus personne à part lui ne puisse prendre de bonbons. Il possède désormais tous les quotas. Et ceux qui veulent des bonbons doivent les lui acheter, hors de prix.
— Heureusement, chacun a dix mille couronnes.
— Hem, avait fait grand-père. Mais maintenant il se passe quelque chose de très grave. Gulli part s'installer à Reykjavík. Et il emporte tous les quotas de bonbons avec lui. Puisqu'ils lui appartiennent. Mais les bonbons restent quand même à Raufarhöfn, sauf que plus personne ne peut se servir. Et vous vous retrouvez comme des idiots, sans pouvoir acheter de bonbons à Raufarhöfn. Vous n'avez plus que des vélos neufs, qu'on ne peut pas utiliser en hiver !
Commenter  J’apprécie          62
Autrefois, Raufarhöfn a connu le boom du hareng. Les gens venaient même de Reykjavik parce qu'il y avait beaucoup de travail pour les hommes et les femmes. […] Mais ça c'était autrefois. […] Les pêcheurs ont pêché tous les harengs qu'ils trouvaient sur les côtes d'Islande, et quand il n'y a plus eu aucun hareng près des côtes, on a essayé de détecter les bancs de poissons par avion, très loin au large. Les bateaux sortaient une journée entière pour parvenir jusqu'aux bancs de harengs, et quand ceux-là ont aussi été épuisés, les pêcheurs sont partis et les gens sont retournés à Reykjavik pour faire autre chose. Et le calme s'est installé à Raufarhöfn. […] Puis on s'est rendu compte qu'on pouvait aussi attraper et manger d'autres poissons, pas seulement des harengs, mais aussi des lompes, des aiglefins, des colins, des lingues, des loups et des maquereaux. Il y a avait donc encore une véritable industrie à Raufarhöfn, jusqu'au jour où les politiciens ont introduit un système de quotas et où on a retiré presque tout son quota à Raufarhöfn. Désormais les entrepôts étaient inemployés et une maison sur trois était vide.
Commenter  J’apprécie          41
C'était la première fois que j'entendais dire que Róbert McKenzie était porté disparu. Et je n'aurais pas dû être surpris par cette nouveauté, puisque j'avais trouvé la veille une énorme mare de sang, tout à côté de l'Arctic Henge, et c'était lui qui l'avait fait installer. […]
Une fois mon travail terminé, je suis rentré tout de suite à la maison, car j'avais l'impression de cacher quelque chose, d'avoir fait une bêtise, et que dès que j'en parlerais aux gens je serais véritablement impliqué dans la disparition de Róbert. Mais en fait c'était déjà trop tard, Hafdis était au courant pour la mare de sang […]
Quand on est la personne qui trouve un cadavre ou ses restes, ne serait-ce qu'une mare de sang, on est impliqué dans l'affaire. On fait simplement partie de l'histoire […]
Et c'est ce que je voulais éviter en ne disant rien du tout. Mais lorsqu'une femme de la police m'a appelé sur mon téléphone mobile en me demandant de venir à l'école parce qu'elle voulait s'entretenir avec moi, ça m'a rendu nerveux, je me sentais coupable, alors que je n'avais absolument rien fait ni tué personne. Malgré tout, je me préparais à une vraie engueulade.
Commenter  J’apprécie          21
Une fois de retour dans la chambre, j'ai sorti ma petite boîte en plastique contenant le requin fermenté. J'avais toujours un canif sur moi. Il avait un bon tranchant. J'ai découpé le requin en petits morceaux pendant que grand-père me regardait avec impatience. Quand j'ai eu fini, il s'est servi et a grogné de contentement.
- C'est bon à pleurer, a-t-il soupiré.
J'étais tellement fier.
On a frappé à la porte et une soignante est entrée dans la chambre, mais elle s'est brusquement arrêtée comme si elle s'était heurtée à un mur invisible, a dit "Non merci!", a tourné les talons et est ressortie précipitamment. Avant de claquer la porte derrière elle, elle s'est écriée : "Ouvrez la fenêtre pour l'amour du ciel!"
Commenter  J’apprécie          11

autres livres classés : islandeVoir plus
Les plus populaires : Polar et thriller Voir plus

Lecteurs (122) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (6 - polars et thrillers )

Roger-Jon Ellory : " **** le silence"

seul
profond
terrible
intense

20 questions
2868 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , thriller , romans policiers et polarsCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..