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EAN : 9782021061208
235 pages
Seuil (02/05/2013)
3.25/5   8 notes
Résumé :
Une jeune fille d’une extrême douceur ne se nourrit que de moineaux vivants sous le regard incrédule de ses parents. Des centaines de femmes abandonnées au bord de la route crient leur désespoir jusqu’à ce qu’une voiture s’arrête et que le conducteur descende... Un homme tue sa femme, met son corps dans une grande valise puis se rend chez son médecin : celui-ci tente de le calmer, mais lorsqu’il ouvre la valise il s’extasie et organise un vernissage pour présenter c... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
« La nuit venait de tomber et j'avais encore plusieurs heures de route à faire. Je me méfie des relais, ils sont à l'écart de tout, mais j'avais besoin de repos et de boire quelque chose pour me réveiller. [...] Il n'y avait pas beaucoup de monde : un jeune couple qui mangeait des hamburgers, un type de dos au fond de la salle, un homme plus âgé au bar. Je me suis assis à côté de lui, le genre de réaction qu'on peut avoir lorsqu'on a trop voyagé ou qu'on n'a pas parlé à quelqu'un depuis longtemps. J'ai commandé une bière. le barman, un gros homme, se déplaçait lentement.
- C'est cinq pesos, a-t-il annoncé.
J'ai réglé, il m'a servi. Cela faisait des heures que je rêvais d'une bière et celle-ci était bonne. le vieux semblait absorbé par son verre ou par ce qu'il y voyait.
- Vous lui payez une bière et il vous raconte une histoire, m'a dit le gros en désignant le vieil homme. »

Cinq pesos la bière, cinq pesos l'histoire. J'y trouve mon compte. J'aime bien qu'on me raconte des histoires en buvant une bière. Surtout quand la poussière sèche me brûle la gorge et que je me retrouve perdu au milieu de la pampa. Alors des histoires, ça vous divertit un homme devant sa pinte, surtout quand cela flirte, en plus de la serveuse, avec Borges ou Bioy Casares. D'ailleurs, je me suis toujours promis de les lire, ces deux gars, un jour avant ma fin.

Alors le vieux brise le silence, regarde son verre presque vide, la mousse laissant quelques traces sur les parois de son verre, comme les stigmates d'une limace sur un carrelage propre et brillant. Il commence par cette jeune fille qui dépérit jusqu'à ce qu'elle découvre que manger des oiseaux vivants la ressource. Beurk, je recommande une bière, pour moi et pour le vieux, histoire de faire passer le goût de plumes dans la bouche et éteindre en moi le bruit de ces petits os qui craquent sous la dent.

Il enchaîne alors avec cet homme qui tue sa femme, met son corps dans une valise et file avec chez son médecin. Je te laisse le soin de découvrir le cynisme du médecin ou plutôt de la société. Mais là encore, je croise le regarde de la serveuse, le sourire de la pampa sur son visage bronzée par le sel et le soleil. Elle revient avec deux bières. Bien vu ma jolie, le vieux pourra ainsi continuer son recueil d'histoires, toujours inquiétantes, parfois fantastiques, souvent insolites. La vie dans la steppe n'est pas simple. En regardant par la fenêtre, dans l'obscurité plane de la campagne, je n'y vois que désillusion. J'ai besoin d'aller aux toilettes. Trop de bières…

En marchant jusqu'au fond de la cour, je repense à ce que disait ma mère : « Si tu cognes fort la tête de quelqu'un contre l'asphalte, il est probable que tu finiras par le blesser. » C'est pas faux. Je retourne au comptoir, le vieux s'est endormi, à même son tabouret. Je n'ai plus qu'à attendre le prochain train pour la civilisation. S'il décide de s'arrêter à cette gare portée par le vent et recouverte de toute la poussière de l'Argentine. Je reviendrais par ici, par curiosité, avec cinq pesos ou plus.
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J'aillais trouver le moyen de descendre l'escalier

L'art de la nouvelle ne saurait se résumer à la qualité de la chute. Certes, ce moment où tout bascule, où tout s'éclaire ou s'obscurcit reste très important. Mais le chemin ouvert pour la lectrice ou le lecteur doit être semé d'indices, de traces, d'hypothèses ou de brouillages. Samanta Schweblin ne craint pas de fournir des indices dès le titre et pourtant…

Du quotidien brouillé aux limites du féerique ou du fantastique, chacun-e- trouvera ici matière à plaisirs, à réflexions ou à surprises. Et appréciera la limpidité ou la précision de la langue.

De la nouvelle qui donne le titre au recueil « Des oiseaux plein la bouche », à l'humour féministe « Des femmes désespérées », au difficile examen de passage au métier de tueur , de l'inquiétant désir « Dans la steppe » à « Des têtes contre l'asphalte » ou au « Vers la joyeuse civilisation » et son retournement, « Une dernière sensation de peur les gagne tous sans exception : ils craignent qu'en arrivant à destination, il n'y a rien », etc.

Certaines nouvelles peuvent être considérées comme des variations autour de thématiques comme l'art contemporain ou le trou…

Être, paraître, se faire comprendre, se tourner vers l'avenir, « Son image est aussi floue et obscure qu'un mauvais présage au bout de la route », ou se débattre avec les réalités.

Un recueil à savourer.
Lien : http://entreleslignesentrele..
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Des oiseaux plein la bouche est une compilation de 18 récits dont 6 faisaient déjà partie du livre Distancia de rescate.

Le conte qui donne le nom au recueil est, à mon goût, le plus inquiétant et étrange, il reflète bien le style de Schweblin avec des personnages que rien ne perturbe et avec des ambiances quelque peu cauchemardesques. Elle joue sur l'inconscient du lecteur, ce qui peut plaire ou pas.
Autre particularité de l'auteure est le cadre de ses contes: presque toujours la province argentine.
L'ingrédient commun à tous les contes est cette tension dramatique et l'intensité apportée par une prose laconique en fioritures.
Lien : https://pasiondelalectura.wo..
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Il revient dans la chambre avec une valise. Résistante, en cuir marron, elle a quatre roulettes et sa poignée se déplie élégamment à hauteur des genoux. II ne regrette pas son geste, pense que les coups de couteau qu'il a donnés à sa femme sont justifiés et que s'il restait un souffle de vie dans ce corps il n'hésiterait pas à finir son travail sans en éprouver de culpabilité. Ce que sait Benavides, parce que la vie est ainsi faite, c’est que peu de gens comprendraient les raisons de son crime. Il décide alors de faire la chose suivante : éviter que le sang coule à flots en enveloppant le corps de sacs-poubelle. Ouvrir la valise près du lit et, malgré tous les efforts requis pour plier le corps d'une femme morte après vingt-neuf ans de vie commune, le pousser vers le bas et le laisser choir dans la valise, puis tasser sans tendresse les chairs débordantes dans les espaces vides afin de loger le cadavre à l'intérieur. Enfin, plus par souci d'hygiène que par précaution, enlever les draps ensanglantés et les glisser dans la machine à laver. Entouré de cuir, hissé sur quatre roulettes qui à présent s'affaissent, le corps de sa femme ne s'est pas allégé. Malgré sa petite taille, Benavides doit se pencher légèrement pour atteindre la poignée dans une posture peu avantageuse, aussi bien d'un point de vue esthétique que pratique, et peu propice à accélérer les choses. Mais comme c'est un homme organisé, quelques heures plus tard il est dans la rue et se dirige à petits pas, sa valise derrière lui, vers la maison du docteur Corrales.
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La nuit venait de tomber et j’avais encore plusieurs heures de route à faire. Je me méfie des relais, ils sont à l'écart de tout, mais j’avais besoin de repos et de boire quelque chose pour me réveiller. L'éclairage intérieur de l'établissement créait une ambiance plutôt chaleureuse et trois voitures stationnaient devant les baies vitrées, ce qui m'a davantage mis en confiance. Il n'y avait pas beaucoup de monde : un jeune couple qui mangeait des hamburgers, un type de dos au fond de la salle, un homme plus âgé au bar. Je me suis assis à côté de lui, le genre de réaction qu'on peut avoir lorsqu'on a trop voyagé ou qu'on n'a pas parlé à quelqu'un depuis longtemps. J'ai commandé une bière. Le barman, un gros homme, se déplaçait lentement.
- C'est cinq pesos, a-t-il annoncé.
J'ai réglé, il m'a servi. Cela faisait des heures que je rêvais d'une bière et celle-ci était bonne. Le vieux semblait absorbé par son verre ou par ce qu’il y voyait.
- Vous lui payez une bière et il vous raconte une histoire, m’a dit le gros en désignant le vieil homme.
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Une dernière sensation de peur les gagne tous sans exception : ils craignent qu’en arrivant à destination, il n’y a rien
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Son image est aussi floue et obscure qu’un mauvais présage au bout de la route
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