Tuer le fils ou comment un atelier d'écriture mené par un écrivain dans un centre de détention peut déboucher sur une enquête policière des plus complexes… C'est le roman de
Benoît Séverac, un roman plein de sensibilité et d'humanité découvert grâce aux Explorateurs du Polar de Lecteurs.com et à
La Manufacture de livres qui sait éditer de beaux bouquins.
Dès le prologue,
Benoît Séverac n'hésite pas à présenter Matthieu Fabas en fin de garde à vue dans le commissariat de Versailles. Mais, il y a un gros mais, il manque à Jean-Pierre Cérisol et à ses deux adjoints, José Nicomedo et Jean-Baptiste Grospierres, le principal : les aveux ! En plus, Matthieu Fabas ne cesse de clamer son innocence !
Remontant le temps, six jours plus tôt, l'auteur qui maîtrise bien les imbrications du passé dans un présent qui file toujours trop vite, me fait partager la vie familiale de Cérisol avec Sylvia, son épouse, devenue aveugle à trente ans, la faute à une maladie orpheline.
L'autre retour en arrière est beaucoup plus important. Il se passe dans le centre de détention de Poissy et je vais découvrir, petit à petit, le cahier de Matthieu Fabas que celui-ci rédige pour mettre par écrit ce qu'il vit de plus intime au cours de sa détention. Il m'apprend qu'il a été condamné à quinze ans de prison pour avoir tué un homosexuel. Il a commis ce crime horrible pour prouver sa virilité à son père qui le traite de « tarlouze ».
Ici, je suis au coeur du problème bien posé par l'auteur, problème d'une infirmité appelée cryptorchidie, l'absence de testicules. Ce père, Patrick Fabas, fréquente des motards nostalgiques du nazisme, n'hésite pas à participer à des ratonnades et surtout méprise viscéralement ce fils dont la mère est morte dans un accident de la route alors qu'il était au volant.
Benoît Séverac a bien su me captiver, m'emmener au bout de son polar avec de courts chapitres, des rebondissements, des descriptions très réalistes de la garde à vue, de la séance d'interrogatoire et de la prison. Surtout, il m'a fait partager les soucis familiaux des trois flics qui, bien que passionnés par leur métier, ont une vie familiale. Ce n'est pas facile de concilier travail et famille, comme dans d'autres métiers, d'ailleurs.
Cérisol, enquêteur du SRPJ de Versailles, est au centre de la tourmente déclenchée par la mort déguisée en suicide de Patrick Fabas. Son addiction à la confiture est amusante jusqu'au jour où… Sa femme est extraordinaire mais ne veut pas d'enfant pour ne pas transmettre sa maladie mais elle est une grande sportive grâce au torball et au goalball, sports collectifs adaptés aux non-voyants que je découvre ici.
Dans ce roman policier, j'ai parfaitement ressenti l'engrenage infernal de la garde à vue qui, lorsqu'elle est déclenchée, ne peut qu'aboutir aux aveux. L'auteur fait bien ressortir toute l'importance de l'ego de celui qui mène les auditions et insiste sur la fatigue imposée au prévenu pour faire tomber ses défenses, surtout s'il ne cesse de clamer son innocence.
Des policiers, un coupable tout désigné, un écrivain en mal d'inspiration et un père dont la mort soulage d'abord le fils, principal accusé, ce polar m'a captivé jusqu'au bout et un épilogue permet de tirer un bilan positif d'une histoire basée sur toute la complexité des rapports père-fils.
Je mentionne enfin que Cérisol est un fan des chansons réalistes de Fréhel, Damia, Piaf, Georgette Plana, des respirations bienvenues au cours d'un récit sous grande tension.
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