Celui-là, je l'ai mis dans ma liste "Polars ethnologiques autour du monde", peut-être parce que je n'avais pas trouvé de livre sur l'Oklahoma, et qu'il pouvait - pensais-je ? - faire bonne figure parmi les Etatsuniens du centre, ceux en a, comme Dakota et Nébraska.
En effet, au Nord de l'Oklahoma, se trouve le Dakota du Sud, avec deux polars consacrés aux Indiens du secteur. le sublime "L'esprit des collines" de Dan O'Brien, et "Justice indienne" de David Weiden, un premier roman récemment lu. Deux auteurs atypiques, du cru, qui savent de quoi ils parlent, ou plutôt qui savent écrire sur leur lieu de vie, en s'imprégnant de l'atmosphère d'une contrée connue, avec juste ce qu'il faut d'intrigue et de rebondissements, mais beaucoup de chaleur humaine.
Pour
Skiatook Lake, le procédé est bien différent. Deux auteurs français se sont associés et sont allés en "résidence littéraire ethnologique" dans une tribu (réserve) indienne, les Osages, par l'intermédiaire de l'association Ok-Oc - Oklahoma/Occitania, dévoilée dans le précédent roman "
Wazhazhe", qui se déroule dans le Sud-Ouest français.
Jubert et Séverac, un tandem "polar noir" en ac, comme
Boileau et Narcejac, les maîtres du suspense, adulés par
Hitchcock et Clouzot, excusez du peu. Ce nouveau duo sera-t-il "diabolique", va-t-il nous donner des "Sueurs froides" à cause de "Maléfices" savamment distillés ? Et bien non, je trouve qu'il y a "Maldonne", on est bien loin des enquêtes des années soixante, où l'autre duo se confrontait à
Simenon.
Autre époque, autre écriture, percutante, faite de dialogues incisifs, avec un déroulé vertigineux sans possibilité de reprendre son souffle tant la tension est extrême. A l'image de ce secteur géographique où les perturbations climatiques sont de plus en plus fréquentes et violentes.
D'ailleurs, assez logiquement ça démarre par une tornade, deux morts en résultent, pris au piège. Tension, terreur, traditions, ça commence par un t, comme Trump, on est en plein pendant cette période trouble faite de tromperies et de trucages.
Et la tornade fera place aux inévitables lacs - en ac là aussi - avec marécages, marigots, mangroves ( m comme marasme, maraudeurs ) avec en bouquet final les trombes d'eau et les sables mouvants où s'enliseront - sans liseron auquel s'accrocher - les protagonistes de l'histoire.
Les lucioles de juillet avaient donné l'alerte en début d'intrigue, où leurs lueurs étaient comparées à des escarbilles, présage à un embrasement avec artifices.
Tous les codes du thriller moderne sont rassemblés dans ce polar : le flic colosse bedonnant qui en impose, les peuples autochtones opprimés, les ravages de la drogue avec viols et séquestrations, le racisme, les tensions entre les différentes communautés, les rivalités policières.
Mais aussi les enjeux économiques avec le pétrole et le gaz de schiste, sans oublier les éoliennes qui soufflent un vent de haine, et la cavalcade, rodéo démesuré qui attise les foules déchaînées.
C'est là, à mon humble avis, que le bât blesse. Pas les chevaux, mais le scenario. Beaucoup trop d'événements qui s'accumulent au fil des pages, sans pause descriptive du paysage qui aurait pu alléger le tempo.
J'en suis sorti lessivé, à cause de ce maelstrom infini, qui empêche de fouiller psychologiquement les personnages. Un assemblage d'éléments disparates à la sauce "chat GPT", un mélange de trop d'ingrédients qui perdent leur saveur à la cuisson, avec un rendu vite fait mal digéré, à l'image du fast food qui alourdit la tension, déjà hyper haute.
J'ai cherché de la poésie, de la bienveillance, je n'y ai trouvé que de l'agressivité, à l'image de la société actuelle. J'en déduis que je ne suis pas fait pour ce genre de thriller.
Je vais aller rejoindre les vrais raconteurs d'histoires vécues, les
Edward Abbey,
Craig Johnson,
Ron Rash, qui se sont longtemps imprégnés de l'identité de la nature et de ses habitants.
Je trouve qu'un duo d'expatriés, fût - il immergé quelque temps au sein d'une communauté authentique, ne remplace pas une vie entière d'explorateurs itinérants.
Un lent cheminement fait d'observations minutieuses et d'analyses détaillées.
Prendre le temps de vivre, en quelque sorte.