Maigret ne joue pas souvent aux cartes mais il aime parfois regarder les joueurs de manille ou de belote (l ne comprend rien au bridge, comme il le reconnait dans Les vacances de Maigret) en buvant en verre au café du coin, surtout en province. Ceux du grand café va portant le conduire à la table des habitués du principal établissement de Meung-sur-Loire (« le lieu de réunion sélect de notre ville », un peu contraint par son épouse qui le trouve désoeuvré. L'occasion pour Simenon, dans le premier chapitre, de brosser un tableau réaliste des notables locaux - le maire également vétérinaire, le maréchal-ferrant, le boucher - et leurs habitudes. Une évocation des mois qui passent également, que rythment les boissons consommées par les joueurs.
C'est la mort violente du boucher qui va être le point de départ de ce que l'ex-commissaire appellera un drame. Un événement dont Maigret va immédiatement percevoir la sinistre réalité et dont il refusera de parler à quiconque, ce qui lui vaudra quelques inimitiés et même des tensions avec Mme Maigret. Ce n'est que dans les toutes dernières pages qu'il livrera son analyse à Mme Maigret, démontrant qu'il n'a rien perdu de ses qualités.
Ceux du grand café ne propose pas une grande enquête mais, en moins de cent pages, reste un texte fort sur l'ennui que l'on ressent dans les petites villes, celui de la routine quotidienne pour les habitués de la partie de manille ou celui du manque de responsabilités pour le commissaire à la retraite. Un ennui qui amène les individus à rêver un peu trop fort et à prendre des décisions d'autant plus tragiques qu'elles sont dérisoires.
La très élégante collection « Carnets Omnibus » illustrée par Loustal est un régal.
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As-tu jamais imagine qu’une Angèle puisse rendre fous deux hommes de bon sens ?…
— Elle a un genre…
— Le genre d’une pauvre petite fille mal portante, oui !… Le genre mal nourri, avec de grands yeux cernés et une peau blême qui n’a jamais vu le soleil…
— Cela ne signifie rien.
— Tu as raison ! Cela ne signifie rien ! Et la preuve, c’est que pour deux hommes, cette Angèle a pu incarner l’idéal féminin et remplacer toute autre raison de vivre… Je savais que, dans certains cas, il peut se créer une sorte d’envoûtement… Dans le bled, avec la solitude, la chaleur, le cafard, on voit des hommes jeunes et beaux, forts et loyaux, se prendre de passion pour quelque chanteuse de boui-boui et se battre entre eux pour elle…
« Cette Angèle qui n’est pas belle, qui n’a probablement aucun tempérament et dont le petit corps est sans charme ! N’empêche que le boucher et son voisin tournent en rond, comme des chevaux de manège, autour d’une idée unique, se rongent tous les deux de jalousie, s’épient, se menacent du regard et ne voient plus rien d’autre au monde…
Imbécile !... Je savais bien que tu ne comprendrais pas… Je te parle d’envoûtement…Eh bien ! C’en est un aussi… Une manie si tu préfères, un besoin qu’on se crée quand on n’a rien d’autre à faire…
C’était la première fois qu’il risquait une allusion à se retraite, mais ce n’était pas la première fois que Mme Maigret y pensait.
Maigret s’impatientait sans vouloir en convenir, guettait littéralement le marteau de la porte. Il était comme ces enfants boudeurs qui refusent de jouer avec les autres, mais qui ne peuvent s’empêcher de suivre leurs ébats avec convoitise.
« — Elle n’est même pas belle ! Comment a-t-on pu tuer pour elle ?
« Les héroïnes de drames passionnels ne sont jamais belles ! C’est un poison plus subtil.
"L'Homme de Londres", Georges Simenon, aux éditions le libre de poche
Mila Boursier, libraire à La Grande Ourse à Dieppe, nous parle du roman "L'homme de Londres" de Georges Simenon.
Dans ce polar, l'auteur ne nous parle pas de Maigret, mais d'un homme qui prend une mauvaise décision un soir à Dieppe. de fil en aiguille, le lecteur parcourt les rues de la ville dans une haletante chasse à l'homme.
Un entretien mené à Dieppe, à la librairie La Grande Ourse.
Vidéo réalisée par Paris Normandie.