Après avoir entendu une émission de radio sur les mères lyonnaises, j'ai eu envie de lire le livre Mangées de
Catherine Simon. le lien pour écouter l'émission en question : https://www.franceinter.fr/personnes/catherine-simon
En le lisant, j'ai eu l'impression de suivre le journaliste Etienne Augoyard, de prendre le TGV comme lui de Paris à Lyon et de partir à la découverte des Mères Lyonnaises, ces femmes cuisinières qui ont nourri la ville pendant des décennies avec pour chacune d'elles la rigueur des bons produits. J'ai suivi avec beaucoup d'intérêt le parcours de ces femmes. J'ai admiré leur courage. J'avais l'eau à la bouche en découvrant certains mets cuisinés par ces mères lyonnaises. J'ai apprécié les pauses vin dans les cafés et les restaurants.
De mon point de vue, ce livre peut intéresser les amateurs : d'histoire,
de cuisine et de vin,
les personnes qui s'intéressent à la condition féminine,
les Lyonnaises et les Lyonnais qui ont envie de découvrir, une tranche d'histoire de leur ville,
les amoureuses et les amoureux des mots,
les curieuses et les curieux
...
J'ai pris beaucoup de plaisir à participer à une rencontre de
Catherine Simon à la librairie Gutenberg de Paris samedi 24 mars 2018
Mes notes :
Tout a commencé en 2005 avec des interviews de cuisinières pour le Monde. Cela ne suffisait pas à
Catherine Simon. Elle avait envie de creuser davantage le sujet et d'honorer plus longuement la mémoire de ces mères lyonnaises. Elle se disait que cela pourrait constituer de la matière pour un livre. En 2015, elle a repris ses documents de 2005, a procédé à d'autres interviews et a consulté les archives départementales du Rhône.
Catherine Simon définit son livre comme un mélange de roman, de conte féministe, d'enquête journaliste, de fiction et d'essai. Etienne Augoyard, le journaliste du livre, c'est un peu elle. Son grand-père s'appelait Augoyard et il portait un autre prénom. Tout comme elle l'écrit dans son livre, elle s'est mise dans la tête des mères lyonnaises. Elles l'on fait rêver.
Elle a choisi de mettre en lumière plus particulièrement 5 femmes soit parce qu'elle les connaissait, soit parce qu'elle avait rencontré leur descendance, soit parce qu'elle avait fréquenté leur bistrot. le titre : « Mangées » lui est venu à l'esprit parce qu'elles ont été mangées par les hommes et parce qu'il s'agit de nourriture.
On parle des mères lyonnaises, bien qu'aucune d'entre elles ne fut native de Lyon, parce qu'il y avait une concentration de femmes restauratrices à Lyon. Pourquoi à Lyon plus que dans d'autres villes ? du fait de la proximité des possibilités d'approvisionnement en matières premières : viande, poisson, fruits et légumes… Elles étaient écolo avant l'heure. D'une part elles n'utilisaient que des produits extrêmement frais. D'autre part, elles avaient recours à un circuit d'approvisionnement court. Lyon est un noeud de communication entre le Nord et le Sud de la France. Lyon se situe sur la nationale 7. C'est une ville de réseau. Dans le passé, Lyon était aussi la ville des soyeux. Celle de la Fabrique qui regroupait l'ensemble des métiers de la soie (de la création à la fabrication et au commerce des tissus) qui firent la prospérité de Lyon à partir du XVIIIème siècle. Les patrons et les canuts se côtoyaient dans les mêmes bistrots. Ils mangeaient les mêmes mâchons.
La tradition du mâchon vient directement des canuts, tisserands de soie de la Croix-Rousse, qui partageaient des repas traditionnels lyonnais dès l'aube, après des heures de travail. le mâchon se veut simple et convivial. Il est généralement composé de cochonnaille ou de tripes, et arrosé de pots de Beaujolais ou de Mâconnais.
Les mères lyonnaises avaient la couleur des rues où elles tenaient leur estanco. Elles étaient leurs propres patronnes et c'était rare pour l'époque. Même si elles étaient les reines dans leur bistrot, elles avaient besoin d'un homme pour obtenir le droit d'ouvrir leur commerce. le mari de Fernande Gache par exemple. Elles occupaient toutes les fonctions : la cuisine, la caisse, le service… « Il fallait tenir » dit Fernande Gache, encore en vie à ce jour. Ces mères lyonnaises étaient d'origine modeste. Elles ont fait peu d'études, y compris quand elles en avaient les capacités intellectuelles. Elles ont débuté dans des familles bourgeoises lyonnaises où elles ont appris à la fois les bonnes manières et à utiliser de bons produits. La plupart d'entre elles ont ouvert des petits bistrots ; à l'exception de la Mère Brazier qui a tout de suite voulu faire une cuisine de luxe. Elle possédait déjà 3 étoiles au guide Michelin en 1933. Elle recevait les célébrités lyonnaises de l'époque. Ce qui rassemble ces mères lyonnaises, c'est leur exigence de qualité, leur courage et le fait qu'elles ont formé de nombreux chefs masculins : Paul Bocuse chez la Mère Brazier pour ne citer que lui.
Beaucoup ont démarré après le front populaire qui obligeait les patrons à donner un salaire à leurs gens de maison. Ainsi certaines femmes ont trouvé du travail dans des bistrots.
Les mères lyonnaises n'existent plus. Et de nos jours, seule
Anne-Sophie Pic possède 3 étoiles au guide Michelin 2018.
Les femmes encore vivantes ont lu son livre. Elles s'y retrouvent bien et certaines sont également contentes de l'objet livre en lui-même parce qu'elles le trouvent beau.