Je n'ai pas lu le premier roman de
Leïla Slimani, mais celui-ci m'intriguait alors je me suis laissée tenter et j'ai bien aimé.
Elle nous pose le sujet dès la première page : le meurtre et elle se livre à une véritable autopsie du crime, essayant de reconstituer tous les rouages, tous les grains de sable qui sont venus se greffer sur cette relation étrange qui a fini par déraper. le processus est intéressant.
L'auteure nous décrit par le menu, la manière dont la nounou a pénétré l'univers de cette famille, tissant sa toile à l'insu de tous, se rendant indispensable pour que ce couple moderne où les deux travaillent et sont peu disponible. Avec une telle perle, adieu les réticences, la culpabilité. Les enfants s'entendent si bien avec elle, même si on a très souvent envie d'étrangler leur peste de fille, qu'on l'emmène en vacances en Grèce.
Leïla Slimani parle bien également de ce que peut ressentir une mère, écartelée entre son envie de travailler et son désir de materner. "Elle avait toujours refusé l'idée que ses enfants puissent être une entrave à sa réussite, à sa liberté. Comme une ancre qui entraîne vers le fond, qui tire le visage du noyé dans la boue. Cette prise de conscience l'a plongée au début dans une profonde tristesse. Elle trouvait cela injuste, terriblement frustrant."
On assiste au lent naufrage, au basculement dans la folie de la nounou, on découvre les failles dans son histoire mais aussi dans son mode de fonctionnement, car un véritable délire d'interprétation se met en place : elle forge un plan étrange pour ne pas perdre sa place quand les enfants iront à l'école et le scénario s'élabore dans sa tête.
La seule question qui se pose : comment les parents ont-ils pu lui laisser prendre autant de place, dans la maison, dans leur vie ? Est-ce qu'on peut déléguer peu à peu une part du rôle de parent à la nounou parce que la maison, depuis qu'elle est là, est parfaitement tenu, la cuisine, le ménage, la garde des enfants, elle est vraiment multi- tâches cette nounou ! il y avait forcément un os quelque part !
Elle fait partie de la famille et en même temps, des meubles, (cf. la scène où le père découvre un peu de son intimité), et on voit le risque que l'on prend quand on ne trouve pas la bonne distance, la bonne place de chacun.
Cela dit, la gamine est tellement horripilante qu'on se demande comment la nounou peut la supporter sans broncher et malgré le crime, on prend du plaisir à lire son histoire, et à comprendre ce qui s'est passé, à la connaître, savoir qui elle est vraiment.
J'ai bien aimé le style, le rythme de l'écriture, les phrases courtes, incisives, le sens du détail. Tous les personnages ont été creusés, étudiés en profondeur. Ce n'est pas un coup de coeur mais j'ai bien aimé et je l'ai dévoré…
Note : 9/10
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