Le Chant des étoiles

« Pour toutes les civilisations du stade technologique primaire, l’instant crucial de vérité est atteint lorsque le pouvoir-possibilité de vie et de mort atomique-thermonucléaire place le destin planétaire sous le contrôle-choix-responsabilité d’êtres à présent plus puissants que l’écosphère qui leur a donné naissance. La connaissance-maîtrise de la puissance atomique donne aux espèces pensantes le paradoxe-puissance-décision-choix de transcender le niveau moléculaire des limitations de la matière et de détruire eux-mêmes leur biomasse-planète, leur faisant ainsi connaître une extinction tragique-stupide-volontaire. Quatre-vingts pour cent des civilisations primaires isolées non-reliées échouent à ce test et empoisonnent leur écosphère. Les vingts pour cent qui parviennent à dépasser le stade primaire adoptent une attitude de neutralité envers leur environnement et leurs civilisations connaissent dix millions d’années d’existence, au stade galactique. »

- Et quelle est cette viande ? demanda Sue qui agitait sa fourchette.
- Du bœuf, répondit le Spatial grand et maigre, en souriant. Excellent vous ne trouvez pas ? »
Sue lâcha sa fourchette et Lou faillit s’étrangler avec le morceau qu’il mâchait. Les trois Spatiaux semblaient très amusés.
« Du bœuf ? hoqueta-t-elle. De la viande bovine ? »
Elle savait que la viande bovine avait été un élément de base de l’alimentation humaine, avant le Désastre, et qu’à cette époque lointaine même le lait des vaches était consommé. Mais après le cataclysme, le poison cancérigène s’était concentre dans la chair et le lait des bovins, les rendant impropres à la consommation et provoquant l’extinction de leur race, ou tout au moins l’avait-elle cru.

Il avait passé la soirée à chercher une femme avec qui s’ébattre sans s’empêtrer dans les machinations mentales qui tissaient leur filet autour de lui. Il se trouvait à présent en présence de deux femmes déchirées par le karma que sa justice devait démêler. Le dispensateur de justice ferait donc un acte d’amour et l’homme qui était en lui connaîtrait l’extase devant la justice. Même si ses ébats n’étaient pas libres de tout souci, il ferait l’amour.

La combustion du charbon et du pétrole, deux sources d’énergie aussi noires l’une que l’autre, avait attaqué les poumons et pollué l’atmosphère. Sur Terre, chaque être humain payait encore les méfaits de la science noire par une durée de vie réduite, et l’espèce elle-même pourrait finalement expier les folies du passé par une extinction totale. La science noire était une abomination, et les Spatiaux étaient des sorciers.

Car rendre la justice n’était pas un processus intellectuel neutre. Pour clarifier le karma, un maître parfait devait s’imprégner de ses réalités. Sans quoi il ne faisait qu’appliquer la loi au lieu de suivre la destinée, se comportant alors comme un gouvernement. Et ce qui subsistait du monde n’avait nul besoin de dirigeants insensibles.