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Brice Matthieussent (Traducteur)
EAN : 9782246759515
352 pages
Grasset (01/01/2011)
4.04/5   122 notes
Résumé :
Voici la légende d'un homme qui - pour autant qu'on prête foi à son récit - résume à lui seul l'âme et l'histoire de l'Amérique.
1903, Virginie-Occidentale. Early Taggart n'a pas deux mois quand sa mère démente et bigote, croyant avoir enfanté le rejeton du diable, tente de le noyer; il survit par miracle, mais défiguré. Recueilli par une veuve bouilleuse de cru à la gâchette facile, "Gueule-Tranchée" ne sait pas encore qu'il va vivre mille vies. M... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (37) Voir plus Ajouter une critique
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Ce livre est une longue plainte, un cri guttural qui vient du plus profond de l'âme ; l'âme de Gueule Tranchée. Une vie à la dure sur fond de blues, d'injustices et de gnôle. Gueule tranchée : un nom qui sonne indien. D'ailleurs il en a peut être des racines indiennes, mais seulement peut être car son arbre généalogique n'est pas très clair et pas très glorieux. Une folle pour mère et un père… non on en parle pas, je vous laisse découvrir…
S'il avait un animal totem ce serait le phoenix ou alors le caméléon. Car Gueule Tranchée renaît, surprend par sa capacité à se renouveler, à rebondir, à s'adapter quelles que soient les épreuves et les tourments de la vie. Plutôt devrais-je dire des vies, car il semble qu'il en ait vécu plusieurs. Une constante : il est toujours du même côté de la barrière, celle des marginaux, des laissés pour compte. Il mettra ses talents au service des « gueules noirs » exploités sans vergogne par les compagnies minières, côtoiera les noirs à une époque où la ségrégation était la norme, fera pleurer son harmonica en compagnie de bluesmen plus ou moins célèbres, et pas que des enfants de choeur.

Avec tous ces personnages qui passent, vont et viennent, croisent et recroisent la route de notre héros on pourrait craindre l'imbroglio fatal à l'histoire qui viendrait tout foutre en l'air. Que nenni, Glen Taylor assure. Les potes de GT prennent vie comme par magie et c'est comme s'ils avaient toujours été là. D'instinct on les cerne, on les connaît, on les jauge et on fait un bout de chemin avec eux avant de tailler la route avec ce bon vieux GT. Si d'aventure on les recroise pas besoin de chercher, on les reconnaît immédiatement. Et les femmes, souvent les personnages féminins sont fades dans ce genre de romans. Glen Taylor évite le piège et nous offre des portraits de femmes qu'on oublie pas. Surtout la veuve, taiseuse au caractère bien trempée, elle a du répondant. Certaines seront plus fades, tout comme les personnages masculins, tout comme dans la vraie vie.

Alors on vie avec GT, on tremble pour lui, on compatit, on se révolte, on l'accompagne et quand enfin il arrête de bourlinguer il faut le laisser partir, parce que toutes les bonnes choses ont une fin. Justement la fin, je la trouve parfaite, dans la continuité du récit.

Une grande aventure inoubliable qui laisse derrière elle un parfum de mélancolie.
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Certains livres ont des exigences particulières envers leurs lecteurs, attendant d'eux qu'ils se mouillent et passent un pacte avec eux pour se laisser pénétrer.
C'est le cas de celui-ci, qui s'ouvre sur une scène terrible en forme de rite initiatique dans lequel le lecteur est invité à investir son personnage : dès lors que le lecteur plonge avec Early Taggart, nourrisson jeté à l'eau dans la nuit par sa mère folle, il accepte ce baptême purificateur et dans le même temps la pourriture du monde contaminant irrémédiablement la bouche de l'enfant au cours de cette noyade.
Il peut alors accéder à l'âme de Taggart dit Gueule-Tranchée ou encore A.C. et saisir le lien entre ses multiples parcelles de vies décousues : charmeur de serpents, défenseur de mineurs de fonds, homme des bois, bluesman, chroniqueur de faits divers. Il peut vivre l'intimité de tout un siècle, de la naissance de Gueule Tranchée en 1903 à sa mort à 108 ans, au coeur d'une Virginie Occidentale déshéritée et encore profondément empreinte de racisme. Il s'enivre du parfum animal de ce personnage hors du commun, respire sa pureté qui se révèle au contact de la nature et des âmes belles, ressent dans ses propres mâchoires la souffrance de la confrontation de Taggart à la violence des hommes, et brille sous sa lumière sombre de pestiféré mystique.
Pardon pour cet épitaphe hagiographique un peu lourdingue, mais c'est le seul moyen qui me vienne pour témoigner de la délicieuse violence qu'au été pour moi la rencontre avec ce personnage complètement improbable mais parfaitement incarné, ainsi qu'avec ce roman qui, tout baigné d'onirisme étrange qu'il est, recèle quelques pages de toute beauté.
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Une couverture qui m'attire l'oeil, une quatrième de couverture dithyrambique (l'auteur est tout de même présenté comme héritier de Twain, Faulkner et Mc Cullers…), mazette, voilà qui en est presque trop. ..Mais j'ai finalement cédé à l'attrait de cette balade « picaresque » comme ils disent, surtout pour ce surnom : Gueule-Tranchée.
Et je ne l'ai pas regretté.
Au travers de la rencontre d'un homme multiple sur un siècle d'existence, tour à tour charmeur de serpent, tireur d'élite, ermite, harmoniciste ou journaliste, Glenn Taylor nous dresse surtout le portrait d'une certaine Amérique : racisme, ruralité, alcool, religion, bref…mais c'est aussi et surtout la beauté d'une région sauvage, forestière,montagneuse, riche de ressources naturelles : la Virginie occidentale.
Les passages les plus réussis tiennent sans nul doute pour moi à la suggestion de la bataille de Matewan (ou l'un des faits marquants de l'histoire syndicale américaine), aux descriptions de l'exploitation charbonnière, à l'évocation de la vie des mineurs [entre nous soit dit, leurs conditions de vie n'ont pas véritablement évoluées depuis et restent germinalesques…mais je m'éloigne du sujet]. La fin du livre évoque aussi la mise en place de nouvelles techniques d'exploitation comme le « mountain top removal » ou comment décapiter les montagnes pour accéder plus vite au charbon… Bon, je ne vais pas me lancer dans une diatribe économico-écologique mais me contenter de cette extrait d'un site consacré au sujet : « La foi dit-on, déplace les montagnes. La cupidité est capable, elle, de les araser ». A méditer…
Pour un premier roman, c'est une belle réussite. J'attends la confirmation avec impatience.
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En 1903, sa mère l'a balancé dans une rivière glacée après avoir voulu le baptiser et qu'il lui aurait annoncé le règne du diable sur Terre. Dans cette région minière de Virginie Occidentale, l'eau pollué de la Tug River lui a valu d'écoper d'une terrible infection des gencives, mais au moins il a réchappé à la noyade après avoir dérivé et été récupéré par une veuve spécialisée dans la fabrication d'alcool clandestin. Ainsi est venu au monde Early Taggart plus connu sous le nom de Gueule-Tranchée.
Accro à l'alcool dès le berceau puisque seul le moonshine de sa maman adoptive peu calmer les douleurs de ses gencives à vif et de ses petites dents déjà pourrissantes, énorme bébé grimpant et marchant avant tous les autres, Gueule-Tranchée n'a pas que son orifice buccal qui soit remarquable. Capable d'étendre pour le compte un sacristain dès sa prime jeunesse, expert du maniement de la fronde, puis du fusil, expert en cunnilingus, joueur légendaire d'harmonica (cela va sans doute de pair), homme des montagnes, journaliste reconnu, admirateur de JFK et admiré de lui, Gueule-Tranchée Taggart va ainsi traverser depuis le fin-fond des Appalaches un siècle d'histoire américaine. Une histoire qu'il observe à distance tout en la faisant.
Car il est là sans être là, au coeur de l'événement mais en même temps légèrement à côté. C'est certainement ça, une légende. Gueule-Tranchée, c'est à la fois Davy Crockett, Joe Hill, Jack London et Paul Bunyan, c'est un hommage à peine voilé et véritablement talentueux à Little Big Man et c'est aussi tout simplement un conte moderne qui brasse avec bonheur des thèmes universels ; la question du progrès, de l'apparence, de la vengeance que l'on décide ou pas d'exécuter, des remords et de ce que l'on laisse derrière soi.
Glenn Taylor, en définitive, avec sa Ballade de Gueule-Tranchée, n'écrit rien de foncièrement original. Mais l'envergure qu'il donne à son personnage, la puissance d'évocation de son écriture, la façon dont il use sans abuser de l'humour et de la tragédie et dont il recycle les mythes américains et universels font de son roman un livre à part. Oui, on a déjà lu ou vu ça, mais Taylor sait y ajouter ce je ne sais quoi qui rend tout cela unique.

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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La Ballade de Gueule-Tranchée, c'est Itinéraire d'un enfant [aux dents] gâtées dans les Appalaches.

Cette histoire que nous conte Glenn Taylor est celle de Early Taggart. Né d'un père qu'il ne connaîtra jamais et d'une mère folle qui voyait en ce chérubin la démonstration du démon, il commence sa vie par un baptême, jeté dans la rivière par celle qui l'avait mis au monde. Sauvé par une veuve en aval du cours d'eau, il développera une maladie des gencives et des dents qui seront ses stigmates pour toute sa vie. D'où son surnom de Gueule-Tranchée, dit GT.

GT va vivre tous les drames de cette région dont les principales activités sont les mines de charbon et les bois. Taggart évolue dans un milieu de violence exacerbée par une évangélisation menant à l'hallucination dominicale, aidée en cela par une consommation d'alcool, prohibée, mais extrêmement frelatée qui annihile les derniers neurones de la population.

GT est un garçon au grand coeur, qui trouve le réconfort face à la méchanceté des autres, dans ses montagnes. Sauvageon, sa mère adoptive, bouilleuse de cru, lui apprendra la survie dans cette nature rude. Ces bois seront souvent sa retraite face à la folie des hommes à laquelle parfois il se mêle. Convaincu par une idée ou par des personnes, il s'investira toute sa vie dans des causes qui le desserviront.

L'auteur de ce très beau roman, très masculin je pense, oppose ainsi la beauté des idées et du monde à la vie des hommes. Tout le monde aspire au bonheur, mais personne n'obtient finalement le soulagement d'une quiétude. Sommes-nous finalement si libre de nos décisions et de nos actions ? Ne sommes-nous pas tous tenu par quelque chose qui nous attrape, l'Amour, l'Amitié, l'alcool, la violence, le plaisir du pouvoir, la Famille, et qui nous détruit, nous rend malheureux ou tout simplement triste, parce qu'ainsi est la vie ? C'est ce que transcris finalement le Blues, cette musique de l'Amérique profonde qui nous accompagne dans la lecture de cette ballade. N'est-ce pas également ainsi que la mère adoptive de GT dira à son fils en lui répétant régulièrement « ne te laisse pas embobiner » ? C'est ce qu'essaiera de faire Gueule-Tranchée.
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critiques presse (1)
Actualitte
12 décembre 2019
Malgré les longues périodes passées par Early, planqué au fond des montagnes, en autarcie, hors des sentiers, [...] le fil de cette histoire se déroule sans temps mort, et embarque son lecteur dans une valse folle pour le mener, par le bout du nez, d'un bout à l'autre du siècle, à droite, à gauche, sans lui laisser le temps de souffler ni de démêler les vérités des mensonges ou des affabulations.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
« A dire vrai, Monsieur Mitchell, je pourrais sans doute planter ma tente un moment à New-York. Histoire de tenter ma chance. Mais au bout d’un certain temps, je crois que je deviendrais cinglé à cause d’une découverte dont personne dans cette salle ne veut parler.
- Une découverte ? Que voulez-vous dire » Mitchell eut un rire nerveux.
« Et bien, je crois qu’en réfléchissant un peu vous allez me comprendre. Tous ces textes que vous et moi écrivons pour des gens et les lieux où ils vivent. Pour autant que je sache, nous essayons de les rendre aussi réels qu’on peut le faire avec de l’encre sur du papier. Vous me suivez ?
- je crois que oui. »
… « Mais tous les récits vraiment réels perdent un peu de leur vérité. Ensuite, des gens importants les trouvent formidables et leur donnent une récompense. Ils écrivent des articles sur votre article, lequel perd encore un peu plus de sa vérité initiale. Vous comprenez ?
- Oui très bien ». C’était la meilleure et la pire des conversations à laquelle Mitchell eût jamais participé lors d’une réception.
« Donc, poursuivit A.C., à un moment vous envoyez tout balader et vous mettez votre machine à écrire au clou. Je ne dis pas que j’en suis là, mais si je m’installe à New York, je suis sûr de m’approcher à toute vitesse de cette catastrophe. »
… Alors il se pencha sur Mitchell et lui murmura à l’oreille : « Toute cette agitation autour de nous n’a rien de réel. Et dans la mesure où nous essayons de trouver la réalité pour la coucher sur le papier, nous allons droit à l’échec. Il n’y a pas de réalité quand on parle d’écriture. » Il se redressa et sourit à l’autre écrivain, qui semblait plongé dans une grande confusion.
… « Pourtant, c’est vous qui y parvenez le mieux, je crois. »
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Gueule-Tranchée regarda deux fois en frissonnant « La Révélation », un film qu'on projetait au cinéma de l'Hippodrome. Sur l'écran, alors que l'orchestre rugissait, le valeureux bandit Ice Harding dressait un cheval sauvage et l'appelait King. Ensemble, ils attaquaient les diligences. Enfin, le bandit quittait la ville à cheval. Pour un garçon de seize ans, il n'y avait rien de plus beau qu'un bandit s'en allant vers l'horizon, libre.
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Le lendemain matin, A.C. retrouva l'équipe de campagne devant la mine numéro 3. Il prit des notes sur la manière dont le sénateur interrogeait les mineurs, leur posait de vraies questions sur leur équipement ou leurs horaires. Kennedy parla peu de lui ou de l'élection. Un mineur, un vieux type râblé avec un petit cigare du Kentucky planté entre les mâchoires, dit : "Sénateur, ce que je veux savoir c'est... Est-ce que c'est vrai que vous êtes fils de millionnaire et que vous avez jamais trimé une seule journée de votre vie?
- Eh bien, je suppose que c'est la vérité."
Le mineur asséna une grande claque dans le dos de Kennedy et sourit. "Eh bien moi ça me va, dit-il. Je vais vous confier quelque chose : vous avez rien loupé d'important!"
Tous ceux qui entendirent cette blague éclatèrent de rire. Kennedy fut celui qui rit le plus fort. Il était presque plié en deux.
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Il entra dans une allée sous le panneau indiquant "balais, serpillières, liquide vaisselle, lessive, cire d'ameublement". Impossible de trouver de l'Ajax. Il y avait du Mr propre,. Du Windex pour les verres. Pine Sol. Pledge. Goo gone. C'était le langage qu'il entendait depuis dix ans à la télévision, et qu'il n'avait jamais compris. Debout dans l'allée, il découvrit soudain que tout autour de lui, ces gens qui poussaient leur chariot sans jamais échanger un seul bonjour comprenaient ce charabia. Tous parlaient le langage de la publicité (...)
Ace se rappela alors que les habitants de la Virginie-Occidentale avaient élu Kennedy président en 1960. Il se rappela que, comme il l'avait promis, Kennedy avait fait quelque chose pour changer leur vie, et du même coup, les changer. Aujourd'hui, ils étaient devenus exactement comme les autres.
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Le Daily Mail annonça le nom du lauréat du prix Nobel de chimie, un Allemand qui avait inventé un gaz mortel, une saleté asphyxiante jaune-vert. Apparemment, l'éthique comptait désormais pour du beurre. Seul importait le pouvoir d'une invention. Et face à ce pouvoir, d'honnêtes ouvriers se trouvaient capables de faire appel à leurs instincts les plus bas.
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