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Nicole Tisserand (Traducteur)
EAN : 9782869305458
214 pages
Payot et Rivages (30/11/-1)
3.89/5   85 notes
Résumé :
Mrs Palfrey, sur les conseils de sa fille, s’installe dans un hôtel londonnien, qui tient plus du home pour personnes agées que du palace. Petit à petit, elle se créée une place au milieu des pensionnaires à demeure, tous célibataires ou veufs. Elizabeth Taylor met en relief la solitude qu’éprouvent toutes ces personnes, abandonnées là par leur famille qui ne vient pratiquement jamais les voir.

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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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"La vieillesse est un naufrage" écrivit Chateaubriand. On ne saurait trouver des mots qui traduisent d'une façon plus juste ce que l'on ressent à la lecture des premiers chapitres du roman de Elizabeth Taylor. Publié peu avant sa mort, « Mrs Palfrey Hôtel Claremont » explore en effet le thème de la vieillesse et du temps qui passe, posant un regard franc et sans concession sur cette période de la vie qui nous guette autant qu'elle nous effraie.
Début des années 70, Mrs. Palfrey, une veuve respectable, pose ses valises à l'hôtel à Claremont, une résidence pour personnes âgées. Entre les murs de cet hôtel figé dans le temps et le silence, les pensionnaires mènent une existence réglée comme du papier à musique. Les jours se succèdent, chacun identique au précédent, au rythme des activités répétitives et minutieusement planifiés. Pourtant, ne vous y trompez-pas. Car dans cette ambiance faussement feutré, la course aux apparences fait rage, et la poignée de retraités se livrent en catimini une compétition sans merci. Au sein de ce petit monde cloisonné (qui n'est pas sans rappeler l'univers hiérarchisé et parfois impitoyable de l'école), on s'observe et se jauge à longueur de journée. Ici, la popularité des individus se mesure au nombre de visites qu'ils reçoivent et tous les moyens sont bons pour sauver coûte que coûte les apparences. Tandis que Mrs Palfrey, délaissée par sa fille et son petit-fils, prend chaque jour davantage conscience de l'abîme de solitude dans lequel elle se trouve, le destin va mettre sur sa route un jeune écrivain, dénommé Ludovic Myers. Suite à une chute, il vole héroïquement au secours de la vieille dame en détresse. Mais c'est sur la base d'une espèce d'échange de bons procédés que s'établit réellement la relation qui va définitivement lier leurs destins. Dans cet arrangement implicite, chacun voit en effet dans l'autre un moyen de servir ses propres intérêts : lui est à la recherche d'un sujet d'étude pour son roman, elle a besoin d'un fils de substitution lui permettant de sauver les apparences. Ensemble, ils mettent sur pieds une véritable mise en scène afin d'éviter à la vieille dame d'essuyer ce qui s'apparenterait pour elle à une humiliation publique. Faisant passer le jeune homme pour son petit-fils, Mrs Palfrey tente ainsi de dissimuler aux yeux du monde l'étendue de sa solitude, et s'enfonce peu à peu dans ses mensonges.
Ce choc des générations entre une vieille femme drapée dans sa dignité et un jeune homme désargenté et insouciant, se mue pourtant peu à peu en la rencontre émouvante de deux solitudes. Subtilement et avec une grande habileté, Elizabeth Taylor démontre ainsi que la solitude ne revêt pas toujours le visage que l'on croit et se cache souvent là où on ne l'attend pas.
Avec un sens aiguisé de l'observation et une remarquable finesse psychologique, la romancière britannique dissèque les sentiments et sonde l'âme de ses personnages, tout en posant un regard d'une implacable lucidité sur la nature humaine. A travers les destins croisés de ces antihéros, elle explore et met ainsi à l'épreuve la sincérité des sentiments qui guident nos actes, et nous démontre en définitive que les liens du sang ne sont pas toujours les plus forts.
Elizabeth Taylor décrit également avec brio notre besoin de repères, notre attachement viscéral aux petits gestes qui régissent notre quotidien, le réconfort des habitudes, ces rituels qui nous rassurent… et nous rappelle que ce sont finalement le temps et les épreuves qui forgent nos vies et nos caractères. Comme pour mieux illustrer le changement d'état d'esprit qui s'opère chez ses personnages, la romancière rattache ainsi leur prise de conscience et leur lente évolution au mouvement des saisons. Et tandis que la grisaille hivernale cède peu à peu la place à l'air revigorant d'un printemps symbole de renouveau, elle nous rappelle que la vie n'est finalement qu'un éternel recommencement. Forte de toutes ces rencontres et d'une nouvelle vie à laquelle elle prend finalement goût, le Clarement et ses résidents s'imposent progressivement comme un nouveau foyer pour Mrs Palfrey. Bientôt, une nouvelle pensionnaire débarque à l'hôtel, renvoyant la vieille dame au souvenir de sa propre arrivée quelques mois auparavant. Et l'histoire peut ainsi se répéter…
Dans ce roman qui joue sans cesse avec nos émotions, Elizabeth Taylor ne nous épargne aucun détail des affres de la vieillesse. Sans prendre de gants, elle évoque la lente décrépitude du corps et de l'esprit, la progressive perte d'autonomie et le spectre de la dépendance qui menace. Poussant le lecteur jusque dans ses derniers retranchements, elle le confronte, à travers le prisme de ses personnages, à ses angoisses les plus intimes et les plus refoulées. Une des principales forces de ce récit repose ainsi sur ce don rare et précieux qu'a Elizabeth Taylor de trouver à chaque instant les mots justes pour capter une émotion, un sentiment, un silence afin de lui donner une résonance particulière et une portée universelle.
Si notre coeur se serre à de nombreuses reprises, ce n'est pourtant jamais sous l'impulsion de la pitié. D'un réalisme parfois cruel et dérangeant, ce portrait sans fard de la vieillesse ne sombre en effet jamais dans un pathétisme déplacé ou le misérabilisme. Car ce qui fait toute la singularité de cette oeuvre, c'est justement la capacité de son auteure à surmonter le caractère par essence tragique et immuable du temps qui passe afin d'en adoucir l'âpreté. Elizabeth Taylor est ainsi parvenue à extraire de cette description peu réjouissante de véritables moments de grâce, nourrissant son récit de ces petits bonheurs qui égaient le quotidien et de ces rencontres magiques qui donnent à l'existence tout son sel.
De cette course désespérée contre le temps, le lecteur en connaît dès le départ l'inévitable issue. Si la conclusion se révèle donc sans surprise, la romancière parvient néanmoins à en adoucir la saveur. A partir de l'histoire, a priori convenue, d'une femme qui, se trouvant au crépuscule de sa vie, tente de trouver un sens ultime à son existence, Elizabeth Taylor en a ainsi tiré une fable à la portée universelle et une oeuvre magistrale, véhiculant un formidable message d'espoir.

* * *
Subtil mélange de réalisme, d'humour grinçant et de tendresse, Elizabeth Taylor signe avec « Mrs Palfrey, hôtel Claremont », un roman époustouflant qui nous fait passer du rire aux larmes en un instant et réveille les peurs et les angoisses tapies au fond de chacun de nous.
De cette description peu réjouissante du temps qui passe et nous use, Elizabeth Taylor parvient néanmoins à extraire de véritables moments de grâce, nourrissant son récit de ces petits bonheurs qui égaient le quotidien et de ces rencontres magiques qui donnent à l'existence tout son sel. Au fil des pages, on s'entiche de cette petite clique de retraités dont on suit les tribulations quotidiennes avec une infinie tendresse tout en étant subjugué par le réalisme parfois cruel de ce portrait de la vieillesse et du temps qui passe.
Porté par une narration à hauteur humaine, il y a, au coeur du roman d'Elizabeth Taylor, des thématiques universelles qui trouvent un écho en chacun d'entre nous: l'inexorable et angoissante fuite du temps, la peur de la vieillesse et de la solitude, les rencontres décisives qui changent nos vies, notre besoin viscéral d'être aimé et de donner un sens à notre existence… de cette fatalité que nous inspire la vieillesse, Elizabeth Taylor a su ainsi tirer une fable à la portée universelle et une oeuvre véhiculant un formidable message d'espoir.

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C'est un délicieux roman, qu'on lit allègrement.
Mrs Palfrey, une veuve d'un âge avancé, décide de s'installer dans un hôtel londonien qui accepte des résidents à demeure. L'établissement est supérieur à une banale maison de retraite mais n'a rien de luxueux non plus. Elle y fait la connaissance des autres résidents, avec lesquels elle partage ses repas, discute, observe, lors de longues journées, toutes semblables ou presque, uniquement rythmées par de micro-événements.
Mais c'est un séjour ouvert sur d'autres découvertes.
Ce qui aurait pu donner une lecture plombante et déprimante devient sous la plume d'Elizabeth Taylor un moment de bonheur, fin et délicat, sans cesse infusé par un humour absolument britannique : souvent vachard, avec un zeste de non-sens.
Le tragique et le pathétique d'existences sur le déclin se pare de tendresse et de fantaisie et l'on découvre un petit théâtre constitué de scénettes à la fois légères et profondes. Les saisons défilent, l'une après l'autre, rompant légèrement la monotonie de ces vies passées principalement confinées. Mais parfois l'inédit surgit.
Mrs Palfrey est une dame digne et attachante. A travers elle, on est témoin des défauts de son entourage proche ou familial. L'auteure est une fine observatrice de ses contemporains, en particulier de cet âge "ingrat" sur lequel pèsent solitude, frustration et sentiment d'insécurité.
Par sa description de ces vies routinières et esseulées, on pense à Barbara Pym. Et sa plume sensible et délicate pour nous décrire les sentiments évoque Jane Austen. le roman, paru en 1971, est traversé par l'air du temps. En contrepoint aux résidents, témoins de "l'Empire" à travers leur comportement, on entend une chanson des Beatles, plaintive et magnifique, on croise un jeune homme fauché, aux cheveux longs, une jeune fille à l'attitude indifférente, portant des robes Bohème. Cet éternel décalage entre générations.
Le pathétique, lorsqu'il est teinté de distance, d'un humour irrésistible (qui confine parfois à la comédie), d'observations subtiles et qu'il est ponctué de moments aussi pudiques que touchants nous donne ces pages qu'on lit avec bonheur.
Ce roman est un petit bijou et son auteure à redécouvrir. Vraiment.
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J'ai particulièrement apprécié ce petit roman tout simple, très doux et assez nostalgique.
Elizabeth Taylor y décrit les problèmes du grand âge avec beaucoup de lucidité, mais aussi avec pudeur : ses "petits vieux" restent pour la plupart élégants malgré leurs soucis, en particulier Mrs Palfrey, l'héroïne de cette histoire.
L'ironie est également bien présente. Par certains côtés, certains passages de ce récit m'ont rappelé Ces petites choses/Indian Palace de Deborah Moggach : certaines scènes tragi-comiques se ressemblent.
Avis aux âmes sensibles : la fin est triste. Mais cette histoire vaut la peine d'être découverte. de préférence avec un scone et une tasse de thé à portée de main...
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Mrs Palfrey vient d'emménager à l'hôtel Claremont. Là, ne résident en réalité que des personnes âgées, bien éduquées mais seules. Mrs Palfrey va découvrir qu'ici on s'ennuie énormément, chaque résident essaie de s'occuper comme il peut pour tenir jusqu'au dîner, jusqu'au coucher, jusqu'au lendemain...
Entre les séances de télévision collective, les repas, les soirées passées à tricoter et à critiquer les faits des uns et les paroles des autres, la vie s'écoule lentement, très lentement et la mélancolie menace tous les pensionnaires.
Mais Mrs Palfrey fait une rencontre un peu particulière et toute sa vie s'en trouve enjolivée, elle a de nouveau envie de recevoir, de sortir, de rire...
Mais a t-on encore le droit de s'amuser au soir de sa vie ? Les autres résidents permettront-ils à une des leurs de vivre quelque chose dont eux-même sont privés ?
Un roman magnifiquement écrit, où la vieillesse est traitée avec beaucoup de tendresse et d'humour. Je me suis prise d'affection pour cette vieille dame très digne qui a envie de vivre et de partager de bons moments avant qu'il ne soit trop tard.
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Mrs Palfrey est une vielle dame anglaise, digne et bien éduquée, comme toutes les vielles dames anglaises. A la mort de son major de mari, elle décide, pour rompre le sentiment de solitude qui l'envahit, de s'installer à l'hôtel Claremont, qui tient plus de la résidence pour personnes âgées que de l'hôtel proprement dit.
Ce « petit monde », au quotidien sans surprise met en avant avec sensibilité et drôlerie cet âge difficile de la vie : la compassion insupportable des familles voir leur cruelle indifférence, l'incompréhension du monde moderne et de ses usages, la lutte entre résidents pour maintenir un semblant de forme, de jeunesse, d'activité et puis la peur de la dépendance, de la solitude, de la mort ..
Mais la volonté de profiter du « temps qui reste » est bien présente chez Mrs Palfrey et ses co-pensionnaires. Une amitié inattendue avec un jeune écrivain sans le sou et en manque d'inspiration va pigmenter son existence et adoucir ses derniers jours.

Un joli roman à la mode victorienne, pudique et délicat, souvent ironique, jamais larmoyant et qui se lit avec plaisir.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Une tâche épuisante, vieilir. C’est comme être un bébé, mais à l’envers. Dans la vie d’un nourrisson, chaque jour représente une nouvelle petite acquisition ; et pour les vieux, chaque jour représente une nouvelle petite perte. On oublie les noms, les dates ne signifient plus rien, les événements se confondent, les visages s’estompent. La petite enfance et la vieilesse sont des périodes harassantes.
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Il éprouvait un sentiment d’irréalité, comme dans un rôle à contre-emploi, en écrivant à une mère en Ecosse pour lui parler d’une grand-mère à Cromwell Road – deux localités qui lui paraissaient totalement déplacées. Il inclinait depuis toujours pour des origines anglo-irlandaises (pour lui c’était presque un dû), ou même anglo-françaises. (Les Guiness ou es Hennessy feraient l’affaire.) Il souhaitait donner l’impression d’une grandeur désinvolte plongeant ses racines dans une noblesse authentique, rêvant d’un lignage d’ancêtres intellectuels (et non d’un mélange de plaisantins et de bourreaux de travail) afin de ne pas être le seul, dans la famille, à citer Proust ou Joyce. Il avait déjà obtenu tout ce qui découle du fait de travailler d’arrache-pied. Il aurait voulu des grands-mères âgées, de noble extraction, excentriques (rien à voir avec gâteuses), imposant leur loi ou boursicotant avec ce qu’elles gagnaient aux courses. Ce dont il ne voulait absolument pas, c’était d’une vieillarde traînant la patte et discutant avec lui sous la pluie dans les rues de Londres – ce qu’elle n’appréciait pas non plus, il était bien obligé de le reconnaître.
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Il ne connaissait personne témoignant de ce respect intimidé pour les écrivains. Le Major lui avait affirmé un jour que, dans moins de cinq ans, plus aucun citoyen ne lirait. Dans l’avenir, des archéologues réfléchiraient et débattraient sur la question de savoir "à quoi" servaient les livres. "Il ne restera que la télé ; des supports visuels."
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Face à Mrs Palfrey, une vieille dame était assise près de son lit, vêtue d'une robe de chambre. Seul le fait qu'elle se trouve dans ce service permit à Ludo de penser qu'elle n'était pas un homme : presque chauve, rien n'indiquait qu'elle appartenait au sexe féminin, et encore moins sa robe de chambre de velours côtelé gris.
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On avait emmené Mrs Arbuthnot faire une petite promenade en voiture et à présent, en cette fin de journée, elle était assise dans le salon, pâle et angoissée. Ses soeurs avaient réussi, non sans mal, à la déplacer un peu et quelque chose avait été accompli. Elle avait pris l’air, avait changé d’horizon et, pour elles deux, elle était censée aller mieux. Ses soeurs, en tout cas, allaient incontestablement mieux. Elles étaient, pour l’heure, agréablement occupées à boire un verre, les joues embrasées de soulagement, toutes à la satisfaction du devoir accompli.
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