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EAN : 9782869306769
265 pages
Payot et Rivages (01/06/1993)
3.84/5   25 notes
Résumé :
Pas une de ces nouvelles qui ne continue à hanter l'imagination bien longtemps après qu'on en eut achevé la lecture", écrivait Elizabeth Bowen de Cher Edmund en 1958, quand Elizabeth Taylor fit paraître en recueil douze récits publiés pour la plupart dans le New Yorker.
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
The Blush
Traduction : François Dupuigrenet Desroussilles


J'avais pris par hasard ce recueil de nouvelles que ma fille aînée avait acheté, attirée par le titre. Et ce fut une excellente surprise, que je classe d'ores et déjà comme l'une des meilleures de cette année. Par son élégance, sa manière de s'attacher aux détails tout en suggérant une foule de choses et d'idées, par sa maîtrise de l'art du récit, par son humour enfin et même par une certaine cruauté qui perce ici et là dans le regard qu'elle pose sur ses personnages, Elizabeth Taylor mérite de figurer au rang des meilleurs nouvellistes du XXème siècle. (Comme j'ai acheté dans la foulée "Vue du Port", je vous dirai sans doute dans quelque temps si je lui trouve autant de talent pour le roman, pierre d'achoppement de tant de génies de la nouvelle. )

Au programme, douze nouvelles se déroulant toutes en Angleterre et très souvent d'ailleurs à la campagne. Une seule - l'antépénultième - "Pauvre Fille", histoire d'une jeune gouvernante hantée sans le savoir par l'esprit de la future gouvernante de la fille de son actuel élève (Elizabeth Taylor applique à la lettre la théorie du temps "en boucle" où il n'y a en fait ni passé, ni présent, ni avenir) présente un fond fantastique qui ravira les amateurs autant, je l'espère, qu'elle m'a ravie. C'est une vraie gourmandise que cette "Pauvre Fille" qui met en valeur l'art de l'écrivain et son impeccable technique.

Les onze autres nouvelles appartiennent au genre réaliste. Mesdames qui avez à vous plaindre de la gent masculine, je vous recommande vivement le jubilatoire "Une Tare Héréditaire Peut-Etre" où l'on voit un jeune marié tout neuf et grand amateur d'alcools et de stations au pub (comme son papa ) ... Mais chut ! Je n'en écrirai pas plus : la fin est vraiment trop méchante - mais aussi trop vraie, toutes celles ayant connu un tant soit peu l'univers des bars et des messieurs aimant y boire "entre copains" partageront mon avis. Certains se récrieront peut-être en disant : "C'est caricatural, voulez-vous dire !" Oh ! si peu, messieurs, si peu ... Des cas comme celui du triste héros de cette nouvelle existent, hélas ! Mais, fidèle à sa réputation de discrétion, Nota Bene ne citera aucun nom.

"Le Rouge au Front", seconde nouvelle du recueil, vaut aussi largement son pesant d'encre : Mrs Allen a pour femme de ménage une certaine Mrs Lacey, femme assez vulgaire qui se plaint tout le temps : de ses enfants, de son mari, etc ... Or, un jour, se présente justement à la porte de Mrs Allen un Mr Lacey embarrassé mais bien décidé à obtenir un peu plus de temps libre pour sa malheureuse épouse, laquelle se retrouve enceinte pour la énième fois ...

"Malaise", l'une des plus longs parmi les textes recueillis, est une petite merveille de construction qui nous détaille avec subtilité et retenue comment la jalousie s'installe entre deux jeunes filles dont l'une a épousé le père, forcément plus âgé, de l'autre.

Mais la palme de la subtilité revient peut-être à la nouvelle qui ouvre le bal, "Le Piège", que devraient lire toutes les mères abusives et avides de pouvoir.

Bref, amateurs de nouvelles et d'auteurs anglais, n'hésitez pas à vous procurer "Cher Edmund" : ce petit livre sans prétention, aussi discret que celle qui l'écrivit, vous fera passer de très bons moments. Et qui sait ? Peut-être en redemanderez-vous. ;o)
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Dans ce recueil de 12 nouvelles courtes situées dans les années 40 (publié en 1951), le centre d'intérêt général est l'observation des émotions conflictuelles née de la rencontre, voire le téléscopage brutal d'une volonté ou d'un désir avec la bienséance de l'éducation victorienne. Les situations quotidiennes dans une ambiance de petit grain de sable dans le rouage se succèdent, souvent en lien avec le jeune âge adulte (l'âge des choix, des possibles), mais pas toujours (une seule nouvelle échappe en fait à ce constat, celle avec Catherine et Peter, deux amants d'autrefois qui se rencontrent par la volonté d'un seul). Bien souvent, il n'y a, dans ces nouvelles, pas de "chute" véritable, plutôt une fin de nouvelle ordinaire, dans la continuité de ce qui a précédé, avec là encore une seule exception : la dernière nouvelle, dont la chute m'a beaucoup fait rire. Bref, dans les histoires, rien de spectaculaire, de mouvementé, ce ne sont pas des nouvelles d'action ou d'intrigue, l'intérêt en réside ailleurs, dans l'observation des émotions d'un instant donné.
L'écriture est délicate, vive, très "vivante", la description des émotions et sentiments est délicieusement subtile. L'embarras est le vrai sujet du livre et tient largement la place centrale dans chaque histoire, il réunit l'ensemble de ces nouvelles disparates en un tout cohérent et équilibré. Cet embarras est remarquablement nuancé d'une nouvelle à l'autre, différent chaque fois, trant par ses manifestations que par son "porteur" ; et le style effleure presque le sujet avec une légèreté qui invite à s'y plonger comme si on y était (sans la douleur qui va avec), même quand on connaît mal les codes sociaux anglo-saxons de la première moitié du XXème siècle... L'effacement de l'auteure-narratrice au profit de la narration elle-même augmente encore la délicatesse subtile de ce livre tout en savoir-vivre. Une pure merveille !
Bref, j'ai été 100% emballée par ce cadeau que m'a fait Zazimuth, ce livre est un petit bijou à savourer avec délectation, bien écrit et/ou bien traduit (difficile de juger ce qui, de l'un ou l'autre, est prépondérant), il regorge de passages délicieusement bien tournés, de petites maximes, d'adages de correction, de petits cailloux de Petit Poucet. Vraiment je le recommande à qui a envie de lecture paisible, au calme (à mon avis, inutile d'essayer de le lire dans les transports, la cour de récré ou dans la salle de bain pendant le bain des enfants, 2 minutes par-ci 3 minutes par-là, ça gâcherait toute l'essence de ce livre qui se lit au calme, avec lenteur, et demande de lui concéder le temps qu'il lui faut dans le respect qu'il mérite, comme on prend le thé en bonne compagnie en coupant son mobile). Nul doute que, pour ma part, j'y reviendrai de temps en temps pour une pause de ralentissement du monde et de délicatesse subtile et raffinée...
Lien : http://ploufsurterre.canalbl..
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Un recueil de nouvelles : douze. L'écriture de la nouvelle est particulière. Ici, ce sont bien douze petits romans, condensés, ramassés, denses, concis, sensibles, torchés,, maîtrisés, délicieux, cruels, hyperréalistes.
La vie quotidienne, un enfer, un espace de mesquineries, un lieu impardonnable, des relations faites de coups dans le dos et encore dans le dos... Qu'a donc vécu Elizabeth Taylor pour dans toute son oeuvre écrire et encore écrire sur ces mesquineries, ces petitesses, ces méchancetés destructrices ???
Pas démodé pour un sou. C'est d'un réalisme.
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Ces récits tournent beaucoup autour des relations entre membres d'une même famille ou amis proches, cela évoque les petites rancoeurs, les désillusions. J'ai également trouvé qu'on y buvait beaucoup avec la nouvelle que j'ai trouvé très triste de la jeune mariée que son époux oublie le soir de la nuit de noce après s'être saoulé au bar...
Lien : http://toutzazimuth.eklablog..
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Le Rouge au Front :

[...] ... Un lundi matin, Mrs Lacey était plus en retard que d'habitude. Jamais elle n'avait été très ponctuelle, et les excuses ne lui manquaient pas : sa bicyclette avait crevé, Maureen [l'une de ses filles] n'allait pas bien, etc ... En l'attendant, Mrs Allen tria tout le linge à laver. Quand elle regarda l'heure à la pendule, elle se dit qu'il était beaucoup trop tard pour qu'elle vînt désormais. Depuis quelque temps déjà, Mrs Lacey avait l'air mal fichue, déprimée. Ses paupières, toujours chroniquement enflammées, paraissaient plus agressivement rouges que jamais, et, devant son évier ou sa planche à repasser, il lui arrivait de rester étrangement silencieuse, d'oublier des choses, de soupirer à tout propos. Elle avait toujours aimé parler du "changement", mais elle l'évoquait maintenant avec une sorte d'espérance éperdue.

- "Vous m'excuserez si je suis mal fichue", dit-elle à Mrs Allen le lendemain matin. "Je me sens encore bizarre. De ces brûlures d'estomac ... C'est pas bon signe, vous savez. J'ai envie que de manger des noix, exactement comme quand j'attendais Maureen. J'aime pas du tout ça, pas du tout. J'crois bien que je me jetterai à l'eau si ça recommence."

Mrs Allen, stupéfaite, était d'humeur combative.

- "Pas à votre âge, quand même !" lança-t-elle sans aménité.

- "Vous pouvez pas être plus surprise que moi," lança Mrs Lacey dans un rot sonore. "Oh ! pardon, je peux pas me retenir ..."

Incapable de se retenir, elle rotait et hoquetait toujours quand elle ouvrit les robinets et versa la poudre à récurer dans la bassine de la vaisselle. Cela décida Mrs Allen à sortir promener le chien. Elle se sentait irritée, hautaine, et, en traversant les champs, essaya de toutes ses forces de ne plus penser à Mrs Lacey et à ses ennuis. Mais sans succès. La pauvre malheureuse, se répétait-elle avec une animosité où entrait de l'amertume. ... [...]
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Au bout d'un mois, elle commença à se ressentir des efforts qu'elle avait dû déployer pour retenir ses larmes et repousser les offres de sympathie dont on l'avait accablée. Sans énergie ni force, elle découvrait que l'ennui était peut-être la part de sa douleur la plus difficile à porter. Elle qui avait toujours mille pensées en tête ne réussissait plus à songer désormais qu'à sa perte, constamment irritée par des jours et des nuits également mornes.
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Une Tare Héréditaire Peut-Etre :

Citation:
[...] ... A six heures tapantes, Mr Midwinter alla étancher sa soif, et proclamer tout le mal qu'il pensait du mariage de son fils, au Bar des Courses. L'air dépité, il raconta à ses copains qu'on avait osé leur servir du cordial à l'orange. Ils furent scandalisés.

- "Pauvre Geoff, comment qu'il va faire avec une belle-famille comme ça ?" fit la serveuse.

- "Ca ne lui fera ni chaud, ni froid. Il est bien le fils de son père, croyez-moi. Pas le genre à demander la permission s'il a envie de s'en jeter un."

Mrs Midwinter était restée toute seule. Son mari n'avait pas eu l'idée qu'elle pouvait se sentir vidée après une journée pareille. Elle n'avait rien osé dire elle-même, sachant très bien que le problème était insoluble. Pas question de l'emmener au cinéma puisque, depuis toujours, il allait au pub le samedi soir, et même si elle aurait aimé boire une bière avec lui, elle savait que c'était hors de question. Au Bar des Courses, il ne buvait jamais que dans la partie réservée aux hommes. "Tu ne voudrais quand même pas que j'aille boire avec des putes !" lui répétait-il. Cela ne lui laissait pas vraiment le choix. ...
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Cours d’été :
Lové sur le rebord de la fenêtre, le chat fixait Mélanie ; l’arc étroit que dessinait sa tête, entre une oreille et l’autre, son regard maléfique, et son corps, ramassé sur lui-même, dont le vent soulevait la fourrure comme un plumage, lui donnaient une allure de hibou. Parfois, un coup de vent plus violent que les autres lui faisait presque perdre l’équilibre et tordait ses moustaches. Lorsque son regard croisa celui de Mélanie, il ouvrit grand la bouche au milieu de son visage enragé, montra les dents, mais, au lieu de rugir, se mit à miauler pitoyablement.
Mélanie marqua du doigt la page de son livre, et, toujours en chaussettes, traversa la pièce. Quand elle ouvrit la porte-fenêtre, la brise s’engouffra dans la pièce et le feu se mit à fumer. Maintenant qu’il avait le droit de rentrer, le chat commençait à faire des manières. A moitié rentré, il fit le gros dos et se frotta contre la marche en ronronnant très fort. Quelques feuilles couvrirent le plancher…..
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Il ne parle d'abaondance que pour dissimuler sa répugnance à parler ; ses manières charmantes, sa constante courtoisie (...) semblent proclamer qu'il est très loin de vous, incapable d'aimer, d'être aimé, ou tout simplement de nouer avec les autres des relations qui ne soient pas de pure politesse et de courtoisie. (p.23)
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