AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782130799061
220 pages
Presses Universitaires de France (03/10/2018)
4.09/5   17 notes
Résumé :
Nous sommes les héritiers de la plus sinistre des histoires : celle qui a fait de l’amour un piège. De Adam et Ève aux séries contemporaines, elle n’a pas cessé d’être rejouée, définissant l’horizon de vie des femmes et des hommes errant sur la terre sous l’œil mauvais du Démiurge. Il s’agit d’une histoire dans laquelle l’amour n’est pas ce qui sauve, mais ce qui enferme ; il n’est pas ce qui rend bon et joyeux, mais triste et méchant, égoïste et cruel. L’amour est ... >Voir plus
Que lire après Sycomore SickamourVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
L'amour comme occasion par excellence d'éprouver « le samsara pourri de l'existence » rend manifeste l'identique dans la répétition. Dès les premières effusions s'enclenche le mécanisme qui aboutira à la confrontation puis à la séparation des amants. Comment se sortir de ce fucking sycomore sickamour ? Pacôme Thiellement ne vise pas à notre édification psychologique. L'expérience spirituelle nous manque, la transmission humaine aussi. La sagesse littéraire pourvoira tant bien que mal à nos besoins.


Une immense partie de notre fonds culturel n'est que l'histoire de l'éternelle répétition du sickamour. Denis de Rougemont prenait l'exemple du mythe de Tristan et Iseult dans « L'amour et l'Occident » (quel beau titre pour un livre qui ne parle que d'amours ratés) ; Thiellement procède quant à lui à l'exégèse de l'oeuvre de Shakespeare et de David Lynch. La répétition, dans le semblable comme dans l'identique, circumambule autour du vide. Il suffit de s'en apercevoir pour commencer à prendre de la hauteur. Dans la répétition, une voie pour l'expiation du samsara s'esquisse.


« le théâtre de Shakespeare est un yoga en tant qu'il produit une métempsychose permanente des affects qui l'ont précédé, en tant qu'il fait passer les relations des personnages d'une pièce précédente dans une pièce nouvelle, et en tant que cette pièce nouvelle sera un nouveau tour de cercle, une nouvelle spire dans la spirale du récit originel. »


Répéter tant et si bien qu'à la fin, nous n'y sommes plus. Nous exécutons, parce que c'est nécessaire, mais sans identification. Nous jouons le jeu du samsara, et nous redécouvrons la liberté. Impossibilité d'échapper à ce qui finira par nous libérer. Il faut épuiser la souffrance en la consommant jusqu'à la dernière goutte.


Contrairement aux « monothéismes », « satanismes », « philosophies modernes » et contrairement à la psychanalyse, Thiellement sait/croit que l'homme n'est pas défini en creux par un manque constitutif qu'il doit renoncer à vouloir combler. Prenant l'exemple des Sans-Roi, qui avaient fait l'objet de son précédent livre, Pacôme évoque la possibilité de retrouver l'état pléromatique dès à présent, de « recréer les conditions de l'amour, et sa signification originelle », d' « inventer une forme d'amour qui corresponde à ce moment du Temps » afin de remplir « l'illusion conditionnée du manque par des images qui nous permettent de nous souvenir de sa lumière initiale. »


Pacôme Thiellement ne fait donc pas vraiment partie de ces contempteurs d'idéalisme qui s'amusent d'un rien, ne croyant pas à la fusion des sexes dans l'indifférence, ni à l'accomplissement de la morne harmonie sur terre, recevant la vie telle qu'elle est sans présupposer qu'un jour elle sera plus généreuse. Avec le temps, il me prend à penser que l'attitude spirituelle la plus véritable correspond pourtant à cette dernière, qui n'espère rien de ses souffrances terrestres, et n'en projette pas l'abolition dans un hypothétique paradis – terrestre ou céleste.


Dans la répétition s'épuise le samsara – en cela il faut la répétition et l'épuisement – mais pourquoi l'amour serait-il forcément au-delà de cet épuisement ? Ce préjugé ne participe-t-il pas au jeu de la répétition ? A moitié convaincue, je laisse la question en suspens.
Commenter  J’apprécie          171
Le sickamour, c'est cette forme commune d'amour qui, depuis que l'homme est homme, entraîne chacun sur le chemin des espoirs déçus. Au commencement étaient Adam et Eve, lit-on dans la Génèse. Ils vivaient dans la plénitude inconsciente du jardin d'Eden. Pour avoir goûté au fruit du savoir, ils furent projetés dans la finitude consciente de la vie terrestre et avec eux tous leurs descendants... c'est-à-dire : nous. Ainsi naquit le sickamour, cet amour au goût d'inachevé que nous rejouons sans cesse puisque, né en même temps que notre conscience d'aimer, il est le seul que nous connaissions.

Un autre amour est pourtant possible : si chaque nouvelle existence est un tourbillon du vaste cycle d'incarnation des âmes, chaque sickamour est un petit tourbillon de l'existence. Vouloir discerner les bonnes raisons d'aimer des mauvaises, c'est ne pas renoncer à vivre le sickamour malgré ses turpitudes. C'est renoncer au renoncement du sickamour qui consume, au nom de la quête de la pure étreinte.

"Faites l'expérience d'une étreinte pure, elle possède une grande puissance. le mystère qui unit deux êtres est grand, sans cette alliance le monde n'existerait pas. L'étreinte selon le monde est déjà mystère, combien plus celui qui incarne l'alliance cachée. Ce n'est pas une réalité seulement charnelle. Il y a du silence dans cette étreinte. Elle n'est pas obscure, elle est lumière."

Le sickamour, c'est cette forme commune d'amour à l'image de la relation de commerce et de subordination entre le Démiurge et sa création... c'est-à-dire : nous. le Démiurge a fait de ce monde un vaste réseau de sickamours dans lequel chacun tient sa petite compatibilité amoureuse pour tirer partie de la personne prétendument aimée.

Un autre amour est pourtant possible : il ne s'octroie pas, pas plus qu'on ne l'octroie. Il ne se soucie pas des bénéfices à tirer mais de l'accomplissement ici et maintenant du juste geste, seul à même de casser l'économie du sickamour qui nous maintient dans les schémas mesquins voulus par le Démiurge.

"L'amour ne prive de rien, il n'est que surplus."

Le sickamour, c'est cette forme commune d'amour dont les désillusions sont en germe dans le recours aux passions des amants pour se porter à l'incandescence. C'est l'amour des gagnants d'un jour et des perdants de toujours. C'est l'amour malade des poèmes de Verlaine et de cet homme sur les traces de celle qui n'est jamais tout à fait différente, jamais tout à fait la même et qui - hélas - ne le comprend pas plus qu'elle ne se comprend.

Un autre amour est pourtant possible : Lorsque nous cesserons de chercher dans le regard de l'autre les réponses à trouver en nous-même. Lorsque nous cesserons de répondre pour l'autre aux questions dont il détient seul les clés et le secret.

"L'empathique finit toujours par s'énerver : il met l'autre dans sa tête. Il l'aime mais il veut le changer et il ne supporte pas de ne pas y arriver. On devrait laisser l'autre là où il est."

L'Involution est cet événement cosmique qui fit quitter Adam et Ève de leur plénitude inconsciente, et avec eux leurs descendants... c'est-à-dire : nous. Dans la finitude consciente de nos vies, le sickamour est ce lieu d'épreuve privilégié où nous avons un rôle à jouer et à rejouer sans cesse. La plénitude consciente acquise à force d'épreuves surmontées et de sickamours traversés sera notre conquête. Alors nous rejoindrons les dieux qui, peut-être, nous attendaient.

C'est la promesse de fin de Sycomore Sickamour, et c'est celle dans laquelle nous aurons peut-être envie de croire.
Commenter  J’apprécie          20
Après la lecture du livre "Tu m'as donné la crasse, j'en ai fait de l'or", je me suis un peu ennuyée avec "Sycomore et Sickamour".

C'est un essai érudit, sur fond du gnosticisme cher à Pacôme Thiellement. On y sent aussi les influences de certaines philosophies orientales et de Nietzsche.

Il y étudie le drame amoureux à travers les principaux personnages de William Shakespeare, pièces et sonnets.

Il m'a semblé que sa théorie sur l'amour aurait gagnée à être allégée de nombreux détails circonstanciels qui alourdissent le propos sans vraie nécessité.

Je renvoie aux deux remarquables commentaires de Colimasson et de SFucks, plus enthousiastes que moi (avec un bémol final pour Colimasson).

Car, pour être honnête, il est bien possible que ce soit le soubassement métaphysique de l'auteur qui me rende peu perméable à certains développements. J'ai beaucoup de difficulté avec les mythes de la création du monde, auxquels je ne parviens pas à faire adhérer mon imagination.

Commenter  J’apprécie          90
— L'amour apparaît moins comme une voie d'accès au bonheur que comme une malédiction, jetée sur nos existences par le Démiurge des gnostiques. le sycomore, motif récurrent chez Shakespeare ou David Lynch, représente en creux cet amour malade ("sickamour") ; "Roméo et Juliette", "Othello" ou "Mulholland Drive" sont autant de vases communicants dans l'évocation d'un malheur qui se rejoue sans cesse. Les remèdes aux désillusions du "sickamour" résident dans la recherche de réponses en soi-même, et non pas dans des suppositions sur les motivations de l'être aimé. L'étreinte est porteuse de risques, mais sait illuminer de sa lumière la dyade amoureuse.
Commenter  J’apprécie          10

Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
William Shakespeare naît en avril 1564 à Stratford-sur-Avon. Son œuvre s’inscrit dans l’avènement de la dynastie des Tudor, qui met fin en 1485 à la guerre des Roses, opposant les maisons de York et de Lancaster et ayant décimé en trente ans toute l’aristocratie militaire : Shakespeare en détaillera le récit dans ses pièces historiques. Henry VIII instaure l’anglicanisme et s’allie aux bourgeois qui étendent leur influence par le prêt avec usure, la subvention des découvertes scientifiques et l’acquisition de terres mobilières. Le père de William, John, est gantier et bonnetier. Mary Arden, sa mère, malgré ses aspirations à la petite noblesse, est d’extraction paysanne.

Il ne fait aucun doute que la raison principale pour laquelle des spécialistes ont voulu que ce soit un autre qui ait écrit les pièces de Shakespeare est la raison même pour laquelle il les a écrites. Ils voulaient un aristocrate ou un grand bourgeois. Or seul un homme d’origine relativement modeste, seul un petit-bourgeois, possédant en outre une expérience intime des hommes de basse extraction et un sens aigu des négociations nécessaires à la profession de commerçant, pouvait les écrire.
Commenter  J’apprécie          40
William Shakespeare se marie avec Ann Hathaway en 1582. William a 18 ans, Ann en a 26. Un premier enfant, Susanna, naît de leur union en 1583. Puis des jumeaux, Hamnet et Judith, en 1585. Après quoi, Shakespeare quitte village, parents, femme et enfants pour partir à Londres. À l’époque, Londres est une ville jeune, changeante, pauvre, violente, libre. La moitié de la population a moins de 20 ans. La génération précédente, décimée par les maladies et les guerres, laissa une ville désolée de 50 000 personnes qui, à force de migrants, d’ouvriers agricoles et de jeunes ambitieux de province, se hissera à 200 000 habitants en 1600. Il y a plus de mendiants à Londres que dans tout le reste du pays, sans compter les membres des classes laborieuses, les ouvriers sans maîtres et les innombrables prostituées. Presque tous les hommes portent une arme à leur ceinture. Enfin, last but not least, les Londoniennes ont la réputation d’être les femmes les plus chaudes d’Europe.
Commenter  J’apprécie          30
Jusqu’à présent, l’amour n’a pas réussi à nous sauver. Et toute notre histoire est celle de la disparition du sentiment d’amour, passé par les fourches caudines du mariage chrétien et de l’adultère initiatique des troubadours, celle du mariage d’intérêt des bourgeois et du libertinage aristocratique, pour aboutir aux promotions canapé et aux plans cul réguliers, et finalement à la solitude de toutes et tous : le célibat universel. Si l’amour n’a pas réussi à nous sauver, c’est parce que notre vie est soumise au Temps.
Commenter  J’apprécie          60
Quand nous avons refusé le travail démiurgique qui allait nous anéantir psychiquement et faire de nous un esclave, la minute suivante, nous nous sommes abandonnés aux addictions diaboliques de l’alcool et des stupéfiants, créant une prison seconde autour de notre âme, nous faisant passer d’une emprise à une autre derrière l’apparente liberté de nos décisions. Enfin, quand nous avons fui l’ennui familialiste démiurgique pour défendre notre droit à une existence poétique, nous n’avons pas vu l’amour malade qui se tenait dans un coin et nous attendait pour bénéficier de nos pulsions contradictoires et nous piétiner le cœur.
Commenter  J’apprécie          40
C’est parce que c’est un fils de marchand que Shakespeare est capable de comprendre quelque chose que les autres écrivains de son temps ne comprennent pas. Shakespeare est capable de comprendre les motivations de l’autre. C’est un des points qui le distingue nettement de tous les autres individus de son époque et c’est la raison pour laquelle son théâtre est, encore aujourd’hui, la bible de tous les grands scénaristes de télévision qui tètent le « lait de la tendresse humaine » à même sa poitrine. Le comte de Rutland, le comte de Southampton, le comte de Derby et Francis Bacon – pour ne citer que quatre des candidats à la paternité secrète des œuvres de Shakespeare – n’auraient jamais pu envisager les motivations de leur interlocuteur comme il en a été capable. Les autres dramaturges élisabéthains en étaient déjà totalement infoutus.
Commenter  J’apprécie          20

Videos de Pacôme Thiellement (24) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Pacôme Thiellement
Pacôme Thiellement vous présente son ouvrage "Infernet. Internet et moi : une confession" aux éditions Massot. Entretien avec Arthur Louis Cingualte.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2810424/pacome-thiellement-infernet-internet-et-moi-une-confession
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Linkedin : https://www.linkedin.com/in/votre-libraire-mollat/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Vimeo : https://vimeo.com/mollat
+ Lire la suite
autres livres classés : philosophieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (43) Voir plus



Quiz Voir plus

Philo pour tous

Jostein Gaarder fut au hit-parade des écrits philosophiques rendus accessibles au plus grand nombre avec un livre paru en 1995. Lequel?

Les Mystères de la patience
Le Monde de Sophie
Maya
Vita brevis

10 questions
440 lecteurs ont répondu
Thèmes : spiritualité , philosophieCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..