L'amour comme occasion par excellence d'éprouver « le samsara pourri de l'existence » rend manifeste l'identique dans la répétition. Dès les premières effusions s'enclenche le mécanisme qui aboutira à la confrontation puis à la séparation des amants. Comment se sortir de ce fucking
sycomore sickamour ?
Pacôme Thiellement ne vise pas à notre édification psychologique. L'expérience spirituelle nous manque, la transmission humaine aussi. La sagesse littéraire pourvoira tant bien que mal à nos besoins.
Une immense partie de notre fonds culturel n'est que l'histoire de l'éternelle répétition du sickamour.
Denis de Rougemont prenait l'exemple du mythe de Tristan et Iseult dans «
L'amour et l'Occident » (quel beau titre pour un livre qui ne parle que d'amours ratés) ;
Thiellement procède quant à lui à l'exégèse de l'oeuvre de
Shakespeare et de
David Lynch. La répétition, dans le semblable comme dans l'identique, circumambule autour du vide. Il suffit de s'en apercevoir pour commencer à prendre de la hauteur. Dans la répétition, une voie pour l'expiation du samsara s'esquisse.
« le théâtre de
Shakespeare est un yoga en tant qu'il produit une métempsychose permanente des affects qui l'ont précédé, en tant qu'il fait passer les relations des personnages d'une pièce précédente dans une pièce nouvelle, et en tant que cette pièce nouvelle sera un nouveau tour de cercle, une nouvelle spire dans la spirale du récit originel. »
Répéter tant et si bien qu'à la fin, nous n'y sommes plus. Nous exécutons, parce que c'est nécessaire, mais sans identification. Nous jouons le jeu du samsara, et nous redécouvrons la liberté. Impossibilité d'échapper à ce qui finira par nous libérer. Il faut épuiser la souffrance en la consommant jusqu'à la dernière goutte.
Contrairement aux « monothéismes », « satanismes », « philosophies modernes » et contrairement à la psychanalyse,
Thiellement sait/croit que l'homme n'est pas défini en creux par un manque constitutif qu'il doit renoncer à vouloir combler. Prenant l'exemple des Sans-Roi, qui avaient fait l'objet de son précédent livre, Pacôme évoque la possibilité de retrouver l'état pléromatique dès à présent, de « recréer les conditions de l'amour, et sa signification originelle », d' « inventer une forme d'amour qui corresponde à ce moment du Temps » afin de remplir « l'illusion conditionnée du manque par des images qui nous permettent de nous souvenir de sa lumière initiale. »
Pacôme Thiellement ne fait donc pas vraiment partie de ces contempteurs d'idéalisme qui s'amusent d'un rien, ne croyant pas à la fusion des sexes dans l'indifférence, ni à l'accomplissement de la morne harmonie sur terre, recevant la vie telle qu'elle est sans présupposer qu'un jour elle sera plus généreuse. Avec le temps, il me prend à penser que l'attitude spirituelle la plus véritable correspond pourtant à cette dernière, qui n'espère rien de ses souffrances terrestres, et n'en projette pas l'abolition dans un hypothétique paradis – terrestre ou céleste.
Dans la répétition s'épuise le samsara – en cela il faut la répétition et l'épuisement – mais pourquoi l'amour serait-il forcément au-delà de cet épuisement ? Ce préjugé ne participe-t-il pas au jeu de la répétition ? A moitié convaincue, je laisse la question en suspens.