Cinquante fragments supportant avec fougue leur haute contrainte de déformation pour proposer un étrange cheminement dans une culture classique et contemporaine de personnages sauvagement ou discrètement affranchis de leurs auteurs. Un tour de force de songe intelligent.
Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/04/25/note-de-lecture-jaurai-ete-ceux-que-je-suis-marc-emile-thinez/
Publié en novembre 2021 dans la très oulipienne collection Contraintes, «
J'aurai été ceux que je suis », quatrième ouvrage de
Marc-Émile Thinez (en sus de nombreux textes et
poèmes publiés en revue), illustre à la perfection pourquoi la maison d'édition landaise Louise Bottu (l'éponyme personnage de
Robert Pinget fera d'ailleurs ici une apparition, au fragment n°15) est pour nous, depuis sa création en 2013, si attachante (allez jeter un oeil, sur ce même blog, à
Pierre Barrault, à
Alexander Dickow, à
Philippe Annocque, à
Guillaume Contré ou à
Christophe Esnault, par exemple, et délectez-vous de l'entretien en forme de manifeste – mais pas seulement – donné à D-Fiction en 2023, à lire ici).
En cinquante pièces vives et soumises à fortes contraintes (presque au
sens de la résistance des matériaux), justement, il nous est proposé un étourdissant tour d'horizon (qui n'a rien de contemplatif, certainement) d'une culture classique et contemporaine dessinant pour nous d'étranges et puissantes lignes de force et lignes de fuite, à partir de personnages qui ne semblent pas particulièrement en quête d'auteur, mais bien plutôt d'échappée signifiante dans notre réel – désertique ou non.
On ne citera pas bien entendu les cinquante créatrices et créateurs ainsi convoqués, cavalièrement ou non, mais on se réjouira d'y trouver par exemple
Marguerite Yourcenar,
Witold Gombrowicz,
Juan José Saer,
Marc-Antoine Mathieu, Theo Angelopoulos,
Alain Mabanckou,
Henri Michaux,
Eugène Savitzkaya,
Valère Novarina ou
Jean-Patrick Manchette, en n'en mentionnant donc qu'un sur cinq – sans contrainte particulière, cette fois – ici.
Comme soigneusement noté sur le blog La viduité (à lire ici), ce texte court qui s'approprie en beauté les créations des autres (et pas uniquement littéraires stricto
sensu) n'est pas seulement un formidable exercice de saisie d'essence (plutôt que de profil) d'une oeuvre, mais aussi et peut-être bien surtout, un hommage concis et décisif aux identités multiples, fragmentées et salutaires que nous propose, à chacune et chacun d'entre nous pour peu qu'elle ou il s'en donne la peine, la lecture (ou plus largement encore, l'appréhension de l'esthétique et de la politique qui s'y incarne qu'on le veuille ou non). Et c'est ainsi que
Marc-Émile Thinez, sous couvert contraint de concision organisée, offre un cadeau rare, et pour tout dire presque inappréciable, à l'intime lector in fabula que nous sommes – ou pouvons être.
Lien :
https://charybde2.wordpress...