AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782742726721
118 pages
Actes Sud (08/03/2000)
4.03/5   29 notes
Résumé :


À vingt-six ans, Thérèse a brusquement pris conscience d'avoir été longtemps "une réalité totalement extérieure à sa propre existence" ; elle a décidé d'écrire sur elle, de s'écrire.

Un autoportrait à vif, d'autant plus à vif que la jeune femme est traversée par son double, un autre"je", tyrannique, brutal. Une autre Thérèse, qui va et vient en elle aux heures de son choix, bouleverse les idées, renverse les attitudes.

... >Voir plus
Que lire après Thérèse en mille morceauxVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
4,03

sur 29 notes
5
3 avis
4
3 avis
3
4 avis
2
0 avis
1
0 avis
Un petit livre qui se lit le temps d'une tasse de thé, mais quel livre ! difficile de décrire l'histoire, ni même mon ressenti, la lecture fut si brève mais intense, troublante, voire angoissante. Thérèse est prise de "folie" style dédoublement de la personnalité, par moments seulement. Si j'ai bien compris la finalité de tout cela, ce genre de folie serait en fait, une bouée de sauvetage pour que Thérèse se réveille et réagisse. Et effectivement à petite dose, l'auteur nous livre quelques blessures plus ou moins graves dans la vie de Thérèse. Son enfance, son père, sa soeur, son mariage etc... la voisine et sa paire de jumeaux.
Thérèse nous conte dans son journal intime, cette non vie, sans doute réaliste t elle que le temps de la révolte est venue, mais la vraie Thérèse ne peut se montrer sous ce nouveau visage, la folie aurait donc pris sa place pour rejeter toute cette vie de misère ainsi libérant Thérèse de ses chaînes et prendre la fuite. Une fuite vers une nouvelle vie en laissant tout derrière elle, j'ai bien aimé la fin, quand elle lance son journal, un symbole ! Des beaux passages , extrait : " Quelques feuillets en mal d'enfance font encore le gros dos comme des cerfs-volants. " puis "Chaque vie a son journal. Thérèse reprend la route."
On comprend tout en fait à la fin du livre, et la lumière fut.
Un petit roman remarquable, original, puissant, et une écriture comme je les aime.
Commenter  J’apprécie          180
A Haïti, une femme raconte sa libération intime sous l'apparence de la folie. Puissant.

Publié en 2000, le deuxième roman de l'Haïtien Lyonel Trouillot frappe fort.

La narration prend place au Cap Haïtien, la capitale régionale du nord d'Haïti, sans doute dans les années 50. La jeune Thérèse prend un cahier d'écolier et un stylo-bille pour écrire, en se libérant, les circonstances de son départ, solitaire et radical, vers une nouvelle vie.

« Parce que j'ai brusquement pris conscience d'avoir été jusqu'à ce jour quelque chose comme un « être-là », une réalité totalement extérieure à sa propre existence (pas même un vrai mensonge, juste une hésitation plus coutumière que motivée), j'ai décidé d'écrire. Autant pour assurer ma phrase que pour me fonder en action. Tout Thérèse n'a été qu'un vieux tas d'expressions du type mi-chaud, mi-froid, entre chien et loup, mi-figue, mi-raisin. Comme habitée par mille destinées incompatibles, je réalise qu'à mon insu quelque chose éloignait ma main droite de ma main gauche, interdisant à mes élans le moindre geste à l'unisson, qu'il fût de joie ou de colère. Mes pas s'arrêtaient à chaque virage ; ma tête, mon corps, mes rêves marchant comme un canard, chacun tirant mes ficelles dans des directions opposées. Thérèse à jamais disloquée a donc choisi d'écrire. »

Venant juste d'être saisie par des crises aiguës de schizophrénie, qu'elle racontera aussi dans son cahier, une autre Thérèse, violente, intempestive et iconoclaste, a été provisoirement libérée, sous l'apparence de la folie, pour l'entourage, pour casser, heurter, créer le déclic permettant à la narratrice de s'affranchir de l' « ancienne » Thérèse, deuxième fille éternellement soumise et résignée d'un père propriétaire terrien ruiné, coureur effréné de jupons, mort alors qu'elle était toute jeune, criblé de dettes, et d'une mère inflexible, confite en religion, en désespoir et en maintien à tout prix d'une dignité de façade, et soeur cadette d'Elise, qui lui a terriblement montré la voie en matière de résignation et d'effacement, alors que le vieux pharmacien, mari d'Elise, songe secrètement, peut-être, à d'autres vies possibles.

Un texte puissant, étonnamment poétique, sur une libération intérieure hors du commun et un refus radical de la résignation, même « habillée ».
Commenter  J’apprécie          23
Me revoici avec un Trouillot dans les mains, auteur que j'affectionne parmi d'autres et que j'aime à retrouver.

Thérèse en mille morceaux est un exercice complexe, car il s'agit de l'histoire de la double personnalité de Thérèse dont la mère, qui s'appelait aussi Thérèse, avait une forte emprise sur sa fille. Voilà juste une partie du décor planté.

Parler de ce livre tout en monologue intérieur, est aussi complexe, comme l'ont ressenti d'autres chroniqueurs.

Le roman commence par la fin, quand ce jour de mars 1962, Thérèse Décatrel prend l'autobus et quitte la ville du Cap, Cap-Haïtien, ville portuaire au nord d'Haïti, pour ne plus jamais revenir.

« Pour tout bagage, elle emportait son journal intime et trois cent vingt-neuf piastres… »

Jusqu'à ce jour, Thérèse n'avait été que quelqu'un « d'à moitié », sans vraie décision, sans cesse en rétention, en division. Mais un jour, elle a réagi, et elle s'est mise à écrire pour savoir de combien de Thérèse elle avait été le pantin… Elle se cherche, Thérèse en mille morceaux, comme autant de fragments répondant à ce même prénom.

On va remonter le temps, celui de son enfance durant laquelle elle ne franchissait jamais la porte de la cour donnant sur la rue, pour aller se mêler aux autres, voir le monde. C'est le temps des jeux avec sa soeur, aujourd'hui mariée à un pharmacien.

Viennent les moments conflictuels avec sa mère, Thérèse, qui se juxtapose parfois avec ses propres fragments qui oscillent entre ordre et désordre, morale rigide et liberté, fenêtre ouverte et fenêtre fermée, entre immobilisme et grands espaces.

C'est aussi l'histoire du père infidèle qui a dilapidé le patrimoine, terres et maisons, pour de femmes, pour rien.

Nous allons suivre la métamorphose de la nouvelle Thérèse qui va la mener jusqu'à ce bus avec « pour tout bagage, elle emportait son journal intime et trois cent vingt-neuf piastres… », tout en revenant régulièrement devant cette porte de la cour donnant sur la rue qu'elle ne franchissait pas.

Fait étonnant et rare, lorsque j'ai terminé le livre, je suis retourné au début, pour reprendre la route, reprendre le fil pour être sûr. Un effet de boucle naturel, peut-être pour rester un peu plus longtemps avec cette Thérèse que je connaissais maintenant…

Ce que j'aime chez Trouillot, à l'écriture parfois répétitive, c'est sa poésie, ses effets miroir, quel que soit le contexte du roman et de ses personnages. Ce sont tous ces petits cailloux blancs qu'il pose ici et là, faits d'humanité, de sens de la vie, de rapport à l'autre. Elle reflète la sensibilité haïtienne et ricoche dans l'universel.

Thérèse en mille morceaux, c'est l'émancipation au sens large mise en contexte, certes particulier du lieu et de l'époque. C'est le conflit intérieur, l'acceptation de ses propres démons, de sa personnalité dans son entièreté.
Lien : http://dominiquelin.overblog..
Commenter  J’apprécie          20
«Thérèse fut une et heureuse. Aujourd'hui Thérèse n'est pas. Se livrent dans ma tête comme des batailles rangées, aucune conciliation n'étant possible entre mes parties. J'ai pu croire un instant avoir assez de savoir-faire pour amener mes moi à conclure une entente, mais mes chemins s'opposent et se radicalisent dans cette bataille pour mon corps.»

«Thérèse en mille morceaux» est le journal d'une jeune femme de vingt-six ans, à Cap haïtien au début des années 1960. Thérèse est en proie à des crises de schizophrénie mais elle est totalement lucide sur ce qui la dévore de l'intérieur, sa rébellion contre l'enfermement et la déchéance : déchéance de sa famille, de sa mère enfermée dans l'image de la richesse passée de son mari, de cette femme qui ne savait que condamner, qui a maintenue Thérèse et sa soeur dans l'ignorance du monde, dans l'ombre d'une maison sans joie et dans le corset austère de la religion, de son père alcoolique, zéro ambulant coureur de jupons et haï par sa mère, et enfin déchéance d'Haïti dans la misère, pays lui aussi en mille morceaux.

Huis clos de Thérèse avec elle-même, seule à seule avec ses propres voix qui se répondent, chacune à leur rythme, ce récit d'une libération est, avec une économie extraordinaire d'événements et de faits, d'une puissance poétique incroyable.

Comme un envol et une chute.

Commenter  J’apprécie          10
« Ma main m'écrit,
me constitue au fil de l'encre.
Je prends naissance dans un cahier
que j'ai moi-même acheté. » « Nous habitons nos peaux, nos maisons, nos quartiers, nos histoires personnelles comme si quelqu'un d'autre s'était donné un tel mal pour ranger nos affaires qu'il serait inconvenant de vouloir troubler l'ordre. » le Cap haïtien, début des années 60. C'est l'histoire d'une femme, Thérèse, 26 ans, qui lève les interdits: d'épouse bienveillante et soumise vers une amoureuse du plaisir. Une autre Thérèse que l'on nommera folie. Lyonel Trouillot fait se battre une Thérèse en mille morceaux grâce à l'éclat d'une langue qui brise tous les poids de la tradition.
Commenter  J’apprécie          20

Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
La main qui écrit ce journal est la seule entité qui réclame mon avis: Thérèse sera telle qu'elle s'écrit. J'ai appris une leçon de Mère et de Haut la Main: les dieux habitent leurs écritures et se constituent en récits. N'en est-il pas de même des hommes? Et des femmes? Je suis la main qui erre. Thérèse s'achemine vers elle, de page en page, sans carte de la ville ni idée directrice.
Commenter  J’apprécie          50
(...)
Il y a ceux, Elise, qui ne salissent jamais leurs draps, qui gardent la tête froide et la même posture, ceux qui meurent à l'usure, dans l'attente et l'expectative, dans le miasme et la contrition à force de comptes et de décomptes. On les reconnait dans la rue. Ils ont la lèvre sèche et la bave assassine. Leurs yeux morts à tuer le passant ne brillent jamais d'une lueur qui vaille. Ils vont toujours la tête baissée, un mesure préventive contre la moindre tentation. Parfois ils font semblant de chanter sur un faux air de de gens heureux, mais leurs leur murmure de poltron ne vaut même pas un requiem, parce que, passé la devanture, il n'y a rien qui soit en vie, pas une note d'arc-en-ciel, pas un baiser, une anecdote qui mérite d'être contée, rien qu'un cœur vide qui serre les fesses, des phrases toutes faites, des routes barrées, des notes de frais, toute la rouille du monde et ses plus vieux réglages. Il y a ceux qui n'osent pas, ceux qui sanctifient, ceux qui mortifient, ceux qui sacrifient leur gros tas de chair morte aux rituels inhumains d'abstinence et d'accoutumance.
Commenter  J’apprécie          10
On ne pardonne jamais à son autre moitié ce qu'elle sait de nos échecs. Je ne suis pas choquée par ce pere ivrogne dont on m' caché les mœurs ( )et les penchants, pas plus que l'austerité de Mere ne me pousse à la critiquer.
Seule leur haine me choque. Faut-il que l'on soit sûr de soi pour détester autant.
Commenter  J’apprécie          20
A quoi sert il de partir? Bouger n'est pas faire bouger. Il doit bien exister de part le monde des gens allant de lieu en lieu qui continuent de tourner à vide, des champions de l'adaptation, trop paresseux pour être fidèles. Des gens qui changent tous les jours. Leur vie ne vaut pas mieux qu'un commerce de peaux. On ne nait jamais que deux fois: la première au monde, la deuxième à soi-même.
Commenter  J’apprécie          10
J'ai choisi un matin pour naître. Sur une route. je portais ce jour-là ma robe la plus légère....
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Lyonel Trouillot (41) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Lyonel Trouillot
Revivez notre journée de présentation de la rentrée littéraire à La Scala et découvrez les romans français qui paraissent cet automne !
---
0:00:15 Introduction 0:01:02 Clément Camar-Mercier 0:11:47 Yasmine Chami 0:22:56 Sylvain Coher 0:33:49 Lyonel Trouillot 0:44:09 Clara Arnaud 0:55:03 Loïc Merle 1:06:13 Mathias Enard
---
Plus d'informations sur notre rentrée française : https://rentree.actes-sud.fr/ #rentréelittéraire #litteratureetrangere
autres livres classés : haïtiVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (51) Voir plus



Quiz Voir plus

Les emmerdeuses de la littérature

Les femmes écrivains ont souvent rencontré l'hostilité de leurs confrères. Mais il y a une exception parmi eux, un homme qui les a défendues, lequel?

Houellebecq
Flaubert
Edmond de Goncourt
Maupassant
Eric Zemmour

10 questions
562 lecteurs ont répondu
Thèmes : écriture , féminisme , luttes politiquesCréer un quiz sur ce livre

{* *}