Ou on adhère d'emblée au livre ou quasiment jamais.
Il débute lorsque le Fil et Nimbe vont nourrir les chats, passage qui se termine sur la scène d'un chat malade que Nimbe torture.
Vous l'aurez compris, je n'ai pas adhéré !
Les parents de Nimbe sont le Fil (mère) et la Pierre (père), le Coton son frère : le ton est donné !
Nimbe, Envol, et Rayon -- leurs noms de guerre-- sont 3 jeunes gamins de 11 ans à peine, mais qui parlent, réfléchissent, et agissent avec des propos et des actions d'adultes, allant même jusqu'à créer leur propre langage.
Récit sur l'adolescence ? Les gamins portent des idéologies d'adultes.
Plutôt une fable cruelle par le biais de laquelle l'auteur décrit l'Italie de la période des Brigades Rouges; brigades auxquelles s'identifient les 3 jeunes, recréant leurs liens, leur hiérarchie, reproduisant leurs décisions et actions.
Montée en puissance qui pourrait être admissible s'il s'agissait de personnes embrigadées; mais incompréhensible chez des enfants libres.
---La torture du chat pourrait à la limite être celle pratiquée par un gamin immature ? Cependant antinomique, les garçons dont il est question ayant des comportements adultes. Les suivantes, non ! L'immaturité n'est pas la base---
Si oui, l'auteur décrirait la radicalisation encadrée, confer celles des Khmers rouges, de Daesh; ce qui n'est pas le cas : les enfants se construisent seuls, hors des yeux et des directives adultes.
Dès lors, embrigadés ? Certes ! Mais, hors éducation, hors contrôle parental, ce ne serait alors que l'oeuvre des médias. Pré-ados qui s'imaginent adultes, sans aucune idée du cheminement-apprentissage qui en est le passage incontournable.
Qu'un des gamins soit dépravé au point de commettre violences et atrocités, ok !
Que leur jeune âge et leur immaturité ne leur permettent pas de comprendre les conséquences de leurs actes, ok !
Mais qu'aucun d'eux, après interventions poussées des adultes, ne réagisse ? Non !
Le postulat de la fable resurgit.
Heureusement tout n'est peut-être pas si hermétiquement opaque ……
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Girogio Vasta transpose la lutte politique des Brigades Rouges et la violence de leurs actions à hauteur d'enfant. Il n'est pas question pour ces jeunes protagonistes de se lancer dans un lutte sans y trouver un fondement idéologique, reprenant à leur compte les arguments des adultes. Faire exploser des bombes, enlever des personnes, les torturer trouvent une justification morale et nécessaire. Leur militantisme et leurs actions sont un véritable pouvoir créateur. Cela donne un roman d'autant plus cruel que ce sont évidemment des enfants.
C'est là que le talent littéraire opère : réussir à montrer de manière extrêmement intelligente les mécanismes et le processus par lequel ces enfants vont entrer. de manière paradoxale, la conscience de leur engagement et leur aveuglement déconcertant les emmènent dans un engrenage d'une rare violence. Des dégâts irréparables dans la tête d'enfants à l'âge de l'apprentissage de la vie.
Une histoire violente sans concession, une beauté littéraire.
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Un bijou.. Une véritable découverte. "du petit lait" à la lecture, on sourit, on pleure, on crie, on hurle, on essaie de comprendre la construction d'un enfant de 11 ans en Sicile, à Palerme, en 1978. "J'avais envie d'être coupable, il explique. C'est un mot qui me plaît. Coupable. Même si je n'ai jamais le courage de l'être. J'envie à Scarmiglia sa capacité à être coupable. Parce qu'il s'agit bien de cela, d'une capacité : tout le monde ne peut pas être coupable, c'est un destin et c'est une mission". Dommage que la presse n'ait pas donné un écho plus audacieux à ce livre.
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J’ai onze ans, je suis entouré de chats dévorés par la rhinotrachéite et la gale. Ce sont des squelettes tordus, recouverts par un peu de peau tendue ; ils sont infectés, si on les touche on peut en mourir. Chaque après-midi, le Fil leur apporte à manger au fond du jardin public, en face de chez nous. Moi, parfois, je l’accompagne. Ils viennent vers nous lentement, en se déhanchant, et nous regardent avec des yeux qui sont des gouttes d’eau et de boue. Parmi les mourants, je me suis lié au plus mal en point, celui qui reste à distance sur le bitume des allées, plongé dans l’abîme ; il entend le bruit des pas et remue doucement la tête, comme un aveugle au rythme d’une chanson. Le poil noirâtre réduit à quelques touffes sur la peau écaillée ; une patte qui tâtonne, perdue entre les autres ; petit déjà, il boitait, et maintenant il est grand, c’est un estropié de naissance.
Le Fil pose la casserole sur le muret surmonté d’une grille vert pâle. Alors qu’elle est de dos, je touche la grille avec la langue, je sens le chlore de la vieille peinture, la rouille, je me tourne et déglutis. Avec une cuillère, je ramasse un petit tas de coquillettes à la viande, je le transporte et m’accroupis à côté de l’estropié, je lui fais humer la nourriture. Il approche sa face lézardée, de la vapeur lui sort du museau ; puis il prend un grumeau de viande noire entre deux crocs et se met à le ronger. Le Fil me fait signe de ne pas le toucher, elle m’invite à tout verser et à m’en aller. Alors je forme avec les coquillettes un petit volcan que l’estropié écoute par le museau, avant de se remettre à mordre obstinément le grumeau, en filtrant chaque bouchée entre ses dents éparses et en tordant le cou pour briser et avaler, pour transformer les aliments en sang. Lorsqu’il en a terminé, il se couche, le museau contre le sol, devant le petit volcan humide, l’idole à adorer. Il n’a plus faim, sa respiration siffle dans l’éventail des côtes. Je le touche avec le bout de la cuillère, il ne bouge pas, de son cou me parvient un grondement qui ressemble à celui des pigeons. Il réussit encore à bâiller, ouvre la gueule et avale de l’air. Puis il retombe définitivement dans sa torpeur, la tête au centre d’une tache de lumière.
Derrière moi, les derniers raclements d’une louche au fond de la casserole. Depuis des années, à cette heure-ci et au fond du jardin en face de chez nous, le Fil vide une casserole à l’aide d’une louche – le mouvement laborieux de l’épaule, du bras et de la main -, elle forme par terre des petits tas de pâtes, appelle en faisant claquer sa langue et regarde autour d’elle pour voir si tout va bien, si c’est suffisant, tandis que les chats venus de toutes les directions se traînent vers la nourriture. Puis elle fait demi-tour, la louche sale dans une main, la casserole dans l’autre : l’épée et le bouclier.
Sur cette photo, nous sommes tous ironiques. Et moi, l’ironie me blesse. Pire : je la hais. Pas seulement moi, Scarmiglia et Bocca aussi. Parce qu’il y en a de plus en plus, de l’ironie, il y en a trop, la nouvelle ironie italienne qui brille sur toutes les faces, dans toutes les phrases, qui lutte chaque jour contre l’idéologie, qui lui dévore la tête, et en l’espace de quelques années il n’en restera plus rien, de l’idéologie, l’ironie sera notre seul ressource et notre défaite, notre camisole de force, dans notre désenchantement nous adopterons tous un ton ironico-cynique, nous serons capables de deviner la succession des répliques, le bon rythme, de désamorcer d’un coup l’allusion et de la laisser s’estomper doucement. Toujours présents et absents, parfaitement pointus et corrompus : résignés.
Et donc, avec l’une des pointes du barbelé, je défigure Chiri, je défigure Gugliotta, je défigure D’Avenia, je me défigure, moi, et aussi le Fil, en transperçant les yeux et en agrandissant les bouches. Car je suis un jeune garçon idéologique, concentré et intense, moi, un jeune garçon non ironique, un jeune garçon anti-ironique, réfractaire. Un non-jeune garçon.
Sur cette photo nous sommes tous ironiques. Et moi, l'ironie me blesse. Pire : je la hais. Pas seulement moi, Scarmiglia et Bocca aussi. Parce qu'il y en a de plus en plus, de l'ironie, il y en a trop, le nouvelle ironie italienne qui brille sur toutes les faces, dans toutes les phrases, qui lutte chaque jour contre l'idéologie, qui lui dévore la tête, et en l'espace de quelques années, il n'en restera plus rien, de l'idéologie, l'ironie sera notre seule ressource et notre défaite, notre camisole de force, dans notre désenchantement nous adopterons tous un ton ironico-cynique, nous serons capables de deviner la succession des répliques, le bon rythme, de désamorcer d'un coup l'allusion et de la laisser s'estomper doucement. Toujours présents et absents, parfaitement pointus et corrompus : résignés.
A travers les fenêtres du couloir, j'observe les premières traces de la ville affamée qui explose depuis des mois dans les journaux et à la télévision, la ville qui fourmille de corps, la beauté des corps brigatistes, la splendeur de mars qui éclaire d'une lumière furieuse l'homme et la femme du train, mes nouveaux parents, leurs pas rapides entre les planches, les tracts de revendication qu'ils déposent convulsivement et clandestinement, le bruissement permanent de la peau, le sexe mordillé sur les lits de camp, les pratiques animales, et cette Rome tragique sous le soleil.
En voiture, j’ai pensé au tétanos, le dieu des infections, à la peur du tétanos, au Fil qui m’ordonne de ne toucher à rien, de ne m’approcher de personne, de rester ici, en retrait, en deçà, qui me lance un regard sévère quand je caresse un chien, car celui-ci me mordra et en chaque chien il y a la rage, l’écume et la folie, de même que dans le fer, effritée parmi les grains de rouille, se niche la bactérie psychopathe, le micro-organisme qui nous hait, le monstre subversif, et le fer est partout, la rouille dévore les objets et les corps, la rouille est sur les couverts et dans la viande que nous mangeons, elle pénètre dans notre bouche et s’émiette à l’intérieur de nous, dans la salive et dans l’estomac, elle nous remplit, nous peuple, elle devient légion juste sous notre peau.
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