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EAN : 9782080702890
245 pages
Flammarion (07/01/1993)
4.12/5   13 notes
Résumé :

La lune est rouge au brumeux horizons ;Dans un brouillard qui danse la prairieS'endort fumeuse, et la grenouille criePar les joncs verts où circule un frisson ;Les fleurs des eaux renferment leurs corolles ;Des peupliers profilent aux lointains,Droits et serrés, leurs spectres incertains ;Vers les buissons errent les lucioles ;Les chats-huants s'éveillent, et sans bruitRament l'air noir avec leurs ailes lourdes,Et le zénith s'emplit de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Il y a quelques semaines, je découvrais avec plaisir Les Amours Jaunes de Tristan Corbière, un jeune poète et une oeuvre qui durent leur reconnaissance à Paul Verlaine. L'auteur des Fêtes Galantes et des Romances sans Paroles avait fait leur éloge en 1884 dans un article consacré aux Poètes maudits. L'occasion pour moi de revenir vers un de ceux qui m'a ouvert à la poésie et notamment au travers des Poèmes Saturniens que je viens de relire.

Les Poèmes Saturniens ont été publiés en 1866 chez l'éditeur parisien Alphonse Lemerre. C'est le tout premier recueil que Verlaine fait publier, il le fera à compte d'auteur. À cette époque, Paul Verlaine a 22 ans et il ne dissimule pas sa croyance dans l'astrologie et sa sensibilité pour la planète Saturne. Cet astre est celui de l'introspection, de la mélancolie, mais aussi du malheur… D'ailleurs, dès le poème liminaire de son recueil, Verlaine fait résonner en rimes « astres » et « désastres » et toujours selon lui, Saturne lui vaut une « bonne part de bile » et condamne son imagination à n'être que « débile » et sa raison à rimer avec « poison ». Tout un programme…

Par l'usage du sonnet, du mode élégiaque et de l'inspiration autobiographique, Les Poèmes Saturniens ressemblent beaucoup au style de Baudelaire. Comme chez son aîné, il y a dans l'écriture de Verlaine, en plus de son inspiration très autobiographique, des audaces rythmiques et phoniques.
Mais ce qui est plus remarquable encore dans les Poèmes Saturniens, c'est la séparation qu'opère Verlaine entre la parole qui se souvient et la réalité du monde présent. Il y a comme un repli au creux de la conscience dans laquelle la mémoire trouve à se déployer.
C'est une poésie du regret, des souvenirs, de l'absence, de la séparation qui fait du présent un exil, de la réalité quelque chose vidée de sa substance, de son attrait, d'un passé dont nous sommes définitivement séparés.

« Souvenir, souvenir, que me veux-tu ? L'automne
Faisait voler la grive à travers l'air atone,
Et le soleil dardait un rayon monotone
Sur le bois jaunissant où la bise détone.
Nous étions seul à seule et marchions en rêvant,
Elle et moi, les cheveux et la pensée au vent.
Soudain, tournant vers moi son regard émouvant :
« Quel fut ton plus beau jour ? » fit sa voix d'or vivant,
Sa voix douce et sonore, au frais timbre angélique.
Un sourire discret lui donna la réplique,
Et je baisai sa main blanche, dévotement.
– Ah ! les premières fleurs, qu'elles sont parfumées !
Et qu'il bruit avec un murmure charmant
Le premier « oui » qui sort de lèvres bien-aimées ! » *


Les Poèmes Saturniens, caprice de la volonté du poète tout entière absorbée dans la mélancolie ? Pas seulement. Dans plusieurs de ses poèmes, Paul Verlaine interroge le rôle du poète. Il témoigne et se démarque de la tentation de la poésie romantique qui ne veut concevoir que la réalité contenue dans le regard du poète. Pour Verlaine, la poésie ne peut être séparée de la réalité. Elle est sa condition même.

« Nature, rien de toi ne m'émeut, ni les champs
Nourriciers, ni l'écho vermeil des pastorales
Siciliennes, ni les pompes aurorales,
Ni la solennité dolente des couchants.

Je ris de l'Art, je ris de l'Homme aussi, chants,
Des vers, des temples grecs et des tours en spirales
Qu'étirent dans le ciel vide les cathédrales,
Et je vois du même il les bons et les méchants.

Je ne crois pas en Dieu, j'abjure et je renie
Toute pensée, et quant à la vieille ironie,
L'Amour, je voudrais bien qu'on ne m'en parlât plus.

Lasse de vivre, ayant peur de mourir, pareille
Au brick perdu jouet du flux et du reflux,
Mon âme pour d'affreux naufrages appareille. » **


Si la mélancolie est partout dans Les Poèmes Saturnins, dans Melancholia, Eaux-fortes, Paysages tristes, Caprices ou encore l'Épilogue, Verlaine ne cesse de s'exprimer de manière plus ou moins explicite sur les débats de l'art poétique, les questions de l'inspiration, du thème, de l'émotion. Les titres de section ne sont pas le signe d'une unicité de ton et de pensée. Les Poèmes Saturniens sont marqués par une diversité, et même par une sorte de contradiction (entre mélancolie et réalité) pleinement assumée par l'auteur.

« […]
Le bonheur a marché côte à côte avec moi ;
Mais la FATALITÉ ne connaît point de trêve :
Le ver est dans le fruit, le réveil dans le rêve,
Et le remords est dans l'amour : telle est la loi.
- le bonheur a marché côte à côte avec moi. » ***

Longtemps relégué sous la tutelle littéraire de Baudelaire et dans l'ombre du génie et de la personnalité de Rimbaud, homme au tempérament tumultueux et imprévisible, Paul Verlaine reste l'auteur d'une poésie sublime, belle comme la jeunesse passée qui ne cesse de remonter un peu plus jusqu'à nous, l'auteur d'une poésie qui fait de sa lecture comme un « rêve familier ».


(*) Nevermore, extrait de « Melancholia » - pp. 47-48
(**) L'Angoisse, extrait de Melancholia - p. 51
(***) Nevermore, extrait de Caprices - p. 78
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Poèmes saturniens :
J'ai découvert que j'ignorais beaucoup de Verlaine, non pas ses poèmes, que je connaissais plutôt bien (au moins les classiques), mais surtout sa carrière, ses idées sur l'art (à part « et pour cela préfère l'Impair » dans « L'Art poétique » – Jadis et naguère). D'une part, j'ai constaté avec surprise qu'il était aussi précoce qu'Arthur Rimbaud, ce qu'on dit rarement ; d'autre part, j'ai pris connaissance de sa nature inquiète et sensible, parfois à l'excès.

Dans les 8 sonnets de « Melancholia » (le premier, « Résignation », ayant la particularité d'être un sonnet inversé – une curiosité), transperce un caractère sombre et douloureux, qui pleure et tend à souhaiter qu'on pleure avec lui. Cela peut certes rebuter, mais quels vers cela donne aussi ! On le voit aussi rejeter et relativiser ce à quoi il aurait voulu croire (l'amour, la « vieille ironie »), tout paraît fade et sans valeur à son âme.

De la partie « Eaux fortes », je retiens des images fantomatiques, en aplats de gris clairs et foncés, et le dernier poème, « Grotesques », qui porte à nouveau sur la déchéance des poètes dans la société.

Dans « Paysages tristes », j'entrevois des visions fugitives, les questions qui émergent la nuit (« Nuit du Walpurgis classique »). Les poèmes sont peuplés de références picturales, et, souvent très visuels, ils constituent des scènes, tout se passe comme si l'ordre de la création s'inversait, et qu'à présent les mots et les images donnaient corps aux êtres et aux choses. le vers commence parfois à prendre des accents grinçants et disgracieux, volontairement, pour épouser le thème (« Les Ingénues »).

Enfin, la dernière partie est de facture classique, les poèmes font penser aux Fleurs du Mal, et restent musicaux.

Les Confessions :
J'ai beaucoup apprécié ce texte, et il est pour beaucoup dans ma compréhension devenue meilleure de l'oeuvre.

Certes, Verlaine prosateur est bien différent : l'écriture est assez contournée, parfois alambiquée, il formule des nuances qui paraissent souvent superflues quand il s'agit de la morale de sa vie. L'enfant fragile et choyé par ses parents, qui dut pourtant aller en pension pour se préparer au lycée (j'y ai appris qu'il avait eu des amours adolescentes homosexuelles, même si c'est dit à mots très couverts), reste plus ou moins sage et innocent jusqu'à l'âge du bachelier… Mais ensuite ! En même temps que sa vocation littéraire s'affirme et qu'il se fait des amis parmi les poètes (Leconte de Lisle, Banville…), il fait son initiation amoureuse chez les prostituées, et surtout découvre l'absinthe, la fameuse « petite fée verte », un poison pourtant.

Il évoque avec certains regrets des erreurs, de mauvais comportements (voler sa mère, par exemple), il montre même de l'honnêteté à se dépeindre comme un mauvais sujet, mais lorsqu'il en arrive à l'époque de sa rencontre avec Mathilde, de l'avant-mariage, même si par la suite tout s'est gâché, il fait état de doux sentiments, et il est clair effectivement qu'il ne voulait pas cette séparation. le récit de cette période est émaillé d'extraits de poèmes de la Bonne Chanson, et il est vraiment intéressant d'apprendre de sa bouche le contexte de leur création, l'état d'esprit dans lequel il était. J'ai été captivée par cette partie, même si, en tant que mari, il devait être proprement invivable : alcoolique, pris à ces occasions de crises de violence (il reconnaît avoir frappé Mathilde).

Il finit cette oeuvre en relatant un peu la Commune, puis la déclaration de guerre, les perquisitions des Versaillais. C'est intéressant de finir sur cette note historique, et, d'une certaine manière, cela annonce bien la débâcle de son couple avec l'arrivée de Rimbaud.

J'ai découvert un homme faible, parfois méprisable, mais touchant, et sincère dans ses regrets. On sent aussi que se rappeler ces souvenirs heureux apaise un peu son chagrin et ses désillusions, ainsi que l'échec de sa vie d'homme, sinon de poète : il vit dans la misère la plus totale, mais deux ans avant sa mort, il sera sacré « Prince des Poètes » … Je comprends pourquoi maintenant.
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Un de ces ouvrages qui arrive à vous arracher une petite larme au tournant d'un vers. Inexplicable et instinctif sursaut d'émotion qui font la beauté de la poésie. Une merveille.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Prologue des Poèmes saturniens :

Le monde, que troublait leur parole profonde,
Les exile. A leur tour ils exilent le monde !
C’est qu’ils ont à la fin compris qu’il ne faut plus
Mêler leur note pure aux cris irrésolus
Que va poussant la foule obscène et violente,
Et que l’isolement sied à leur marche lente.
Le Poète, l’amour du Beau, voilà sa foi,
L’Azur, son étendard, et l’Idéal, sa loi !
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Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.
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Maintenant, va, mon Livre, où le hasard te mène!
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Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
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