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La guerre des mondes » est un roman fondateur de la littérature de science-fiction. Tout d'abord par sa date de publication, 1898, qui le situe au tout début d'un genre qui connaîtra par la suite un grand succès. Aussi pour son sujet, l'invasion de notre planète par des extraterrestres, qui deviendra un mantra de l'univers SF.
Lorsque l'on découvre ce livre, il faut garder en tête sa date et son contexte de publication : fin du XIXe siècle, au coeur de l'époque victorienne. En effet, ce roman autocentré,
H.G. Wells est un écrivain anglais et les martiens envoient des envahisseurs en Angleterre et ciblent même la banlieue londonienne avant d'envisager un déploiement plus large, s'adresse à des lecteurs britanniques pétris d'orgueil et de certitudes. Et d'une certaine manière, cette histoire n'est pas tant un récit de science-fiction, qu'une chronique d'une déchéance annoncée par l'avènement de la société industrielle et une critique des massacres commis au nom de la colonisation. L'avenir donnera en partie raison à
H.G. Wells : décolonisation, première et surtout seconde guerre mondiale. Néanmoins, la Grande-Bretagne se relèvera de cette perte d'influence et de ces destructions. Et tout ceci n'empêchera nullement ce livre de connaître une gloire posthume grâce aux lecteurs qui le classeront bientôt parmi les mythes fondateurs d'un nouveau genre. Aussi grâce aux adaptations cinématographiques et surtout radiophoniques. La plus célèbre étant celle d'Orson Welles qui, jouant sur l'effet de surprise et sans prévenir qu'il s'agissait d'un canular, parvint à semer la panique (panique aujourd'hui discutée) aux États-Unis en 1938.
Mais revenons au récit de «
La guerre des mondes ». Les envahisseurs sont évidemment bien plus évolués que nous, bien qu'ils soient nos proches voisins : ils viennent de Mars grâce au tir d'un puissant canon (à la différence de
Jules Verne,
H.G. Wells n'envisageait pas encore les voyages spatiaux). Toutefois, ils ne viennent pas nous rendre une visite de courtoisie, plutôt nous anéantir. Cette vision de l'étranger, au sens large du terme puisqu'il s'agit ici de l'habitant d'une autre planète, se perpétuera. Encore aujourd'hui, le monde scientifique reste divisé sur cette question. Si des êtres intelligents venant d'un autre système entraient en
contact avec nous seraient-ils hostiles ou amicaux ?
De mon point de vue, répondre à cette question relève de l'anthropomorphisme. Autrement dit, prêter à des animaux, ici à des extraterrestres, des sentiments humains. En envoyant dans l'espace intersidéral la sonde Voyager 1 qui porte un message symbolique de l'humanité (notre position, nos langages, notre apparence…) en 1977, la communauté scientifique a en partie répondu. Et je crois aussi que si des êtres intelligents étaient en capacité de parvenir jusqu'à nous, ce que la théorie de la relativité d'Einstein rend inenvisageable, c'est qu'ils auraient, depuis longtemps, dépassé nos stupides prédispositions guerrières. Et en tout état de cause, il est probable que nous n'en sachions jamais rien.
Quoi qu'il en soit, on peut scinder les auteurs de SF (écrivains, cinéastes, etc) en deux catégories : ceux qui pensent que ce premier
contact serait désastreux pour l'humanité comme ici H.G Wells et ceux qui estiment au contraire que ce serait bénéfique comme
Arthur C. Clarke dans «
2001 l'odyssée de l'espace » ou
Steven Spielberg (qui tournera aussi une nouvelle version du présent roman) avec « Rencontre du troisième type. » Film dont le conseiller scientifique,
Carl Sagan, fut le même que celui qui conseilla à la NASA de déposer à l'intérieur de la sonde Voyager 1 le fameux disque qui contient un résumé de ce qui fait de nous des êtres humains.
H.G. Wells choisit de raconter son histoire au travers de deux témoins. Deux frères qui ne se croiseront pourtant jamais durant le récit. le premier se servant des souvenirs du second pour enrichir sa version. Cela fonctionne, notamment lors de la description de la fuite erratique des Londoniens qui effrayés et dépourvus de tous repères en viennent à se comporter comme des animaux. Aussi lorsque le héros rentre dans une capitale dévastée et vidée de tous ses habitants. L'action, quant à elle, se déroule sur un mois durant lequel le courage et surtout la chance permettent à quelques individus de survivre.
Sur la forme, on est dans du très classique. Passé simple. Longues descriptions. Sentiments de classe. Bref, une écriture typique de cette époque. Malgré tout, les moments où le héros s'interroge sur le devenir de l'espère humaine ne sont pas dénués d'émotion. L'ensemble donne un roman équilibré et novateur (pour l'époque). Si l'on s'intéresse à la science-fiction, cette lecture est un passage obligé. Comme le fut la lune dans le lent processus qui conduira l'homme de la Terre à l'espace lointain...
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