Parmi les ouvrages d'
Edith Wharton (écrivain que je révère), j'ai une affection particulière pour "
Les Dieux arrivent". Son titre fascinant, baroque au possible, flamboyant, incongru, est à l'image du roman.
Je dis "ce" roman, mais il s'agit de deux romans, "Hudson river bracketed"-"
Sur les rives de l'Hudson" précédant "The Gods arrive"-"
Les Dieux arrivent".
Le titre vient d'une ligne d'un poème d'Emerson : "when half-gods go, the gods arrive".
Ce double roman raconte l'ascension littéraire de Vance Weston, écrivain qui s'échappe de sa province agricole natale et court après la gloire ; et sa relation avec Halo Spear/Tarrant, jeune bourgeoise tôt mariée avec un fâcheux. Dans "
les Dieux arrivent", Halo, séparée de son mari s'embarque pour l'Europe avec Vance, alors gloire littéraire montante.
Des deux romans celui ci est le plus marquant. Il nous plonge dans les tourments de l'inspiration d'un écrivain en vogue, qui doit réussir son deuxième roman. Dans le mêm
e temps Halo et Vance exposent au grand jour leur relation adultère, voyagent à travers la Côte d'Azur, et découvrent la bohème parisienne. Mais Vance à la recherche de l'Art décide de faire sauter le carcan de leur vie de couple.
La vraie héroïne du roman se dessine alors clairement : Halo, femme délaissée, stoïque, s'attire le réel intérêt du lecteur, même lorsque l'action du récit est menée par Vance. A Vance les égoïsmes, les amours qui ne mènent nulle part. A Halo le renoncement, le pardon sans conditions. Elle peut sembler humiliée ou vaincue dans une attitude proche de la résignation. Cette interprétation me semble un contresens. La dernière partie du roman la voit grandie, pleinement lucide, nullement dupe de son amant, assurément plus forte que lui.
Quelques éléments sont malhabiles dans les deux romans, notamment les digressions inutiles autour de personnages féminins secondaires archétypaux : Laura Lou, l'encombrante épouse de Vance dans le premier roman ; Floss, son fantasme habilement utilisé dans le premier roman mais réapparu artificiellement dans le deuxième pour incarner le démon charnel qui revient tenter Vance.
Il faut donc s'attendre à découvrir un roman un peu bancal, un équilibre changeant d'un personnage à l'autre, et pourtant, ou à cause de ces imperfections, l'ouvrage est attachant et laisse son goût doux amer vous hanter un long moment. Halo vient s'aligner au rang des grandes héroïnes amoureuses, Sue Bridehead, Marianne Dashwood ou Anna Karénine... en plus modeste bien sûr, sans l'éclat qui leur est associé (ce qui me la fait préférer sans doute)!