L'oublié

L'angoisse de l'oubli traverse le livre, mais ce n'est pas cet effacement qui lui donne le titre, mais celui qui le subit. Oublier, c'est se faire oublier. On ne peut plus transmettre nos souvenirs et donc, prolonger notre existence à travers eux. Que vaut la vie sans mémoire? On cesse de vivre quand on cesse de se souvenir, mais aussi quand on refuse d'oublier. L'oubli comme maladie et comme guérison.
Pourquoi ne suffit-il pas d'éprouver l'existence des choses en absence de leur nom? Nommer la chose est une forme de possession et l'absence du langage est l'appauvrissement. Mais qu'en est-il des hommes? Nommer un homme, c'est le figer dans le temps, peut-être lui assigner un destin. Et quand la mémoire s'affaiblit, comment peut un père être sûr qu'il ne va pas oublier le nom de son fils? Mais ce n'est pas pour cela que le fils va manquer l'appel à se souvenir. Il ne le pourra pas, car les souvenirs de son père ne se sont pas imprégnés sur lui, la transfusion de mémoire n'est pas possible.
On ne meurt pas qu'une fois et parfois, on meurt avant de disparaître.