« Bonjour les Babélionautes ! Aujourd'hui, je vais parler d'un texte autobiographique de
Jeanette Winterson, intitulé
Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?
-C'est quoi cette affreuse question ?
-Divulgâchis si je réponds !
Or donc,
Jeanette Winterson, autrice reconnue au Royaume-Uni, appelle sa mère adoptive. La conversation ne se passe pas très bien. Petit à petit l'échange s'éloigne et Jeannette raconte ses souvenirs, comment elle a traversé une enfance marquée par les maltraitances pour devenir la personne qu'elle est aujourd'hui.
-Maltraitances ? Super ! Encore un récit sordide et insoutenable, merci beaucoup.
-Justement, non, et c'est là la première chose qui m'a étonnée dans ce texte : son silence.
-Son silence ? Un livre ? Les livres font du bruit, maintenant? Ben ça va pas mieux, Déidamie.
-Laisse-moi expliquer ! J'ai lu plusieurs textes, plus ou moins fictifs, d'enfance malheureuse. Je me souviens des coups et des cris qui pleuvent dans Mon bel oranger.
L'Enfant, de
Jules Vallès, commence par le bruit des coups signalant l'heure à la voisine.
Ma vie rebelle, d'
Ayaan Hirsi Ali, est marqué par les engueulades de la famille, les hurlements des petites filles. Ces livres contiennent des cris, des sons violents et bruyants.
Le livre de
Jeanette Winterson prend exactement le contre-pied de cette littérature. La violence n'y est pas représentée de façon brute, à la façon d'une liste chronologique. L'autrice n'entre pas non plus dans les détails. Elle énonce des faits très durs, oui, mais sans s'étendre ni s'attarder sur la masse de souffrance qu'ils ont générée.
En fait, ce qui m'a surprise dans ce texte, c'est cette position inédite pour moi : je n'ai pas éprouvé la sensation de lire sa vie, mais celle de lire l'histoire de son esprit, de sa vie intérieure. le résultat m'a beaucoup troublée dans un premier temps, parce que je suis habituée à lire une façon de raconter tout à fait différente, en livrant une très large part d'intimité.
-Et dans un second temps ? Ca ne t'a pas rebutée ? C'est assez froid, finalement, non ?
-Non, ça ne m'a pas rebutée. Je me suis même attachée à ce texte et à ce style cérébral, particulier et brillant : il y a de quoi faire des citations à presque toutes les pages ! D'autre part,
Jeanette Winterson ne reste pas constamment centrée sur elle-même : son texte est ponctué de réflexions sur l'histoire et la culture anglaises dont elle est aussi le résultat. Elle se montre également révoltée par le sexisme. Elle livre une intéressante analyse de son drame, celui de l'abandon, de la perte, et réfléchit aussi sur l'amour et ce qu'implique son verbe.
Pourquoi être heureux quand on peut être normal ? ne constitue pas une lecture à faire n'importe quand, dans n'importe quel état d'esprit. Ce n'est pas une prose légère ni facile. La réalité reste terrible à lire malgré tout. Bien que souvent révoltée, j'ai admiré la volonté de vivre de Jeanette et sa personnalité à la fois fragile et combattive.
Un texte riche et stimulant, qui me pousse à découvrir ce qu'elle a écrit en fiction. »