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Daniel Arasse (Autre)
EAN : 9782070709823
448 pages
Gallimard (20/05/1987)
4.25/5   10 notes
Résumé :
L'art de la mémoire inventé par les Grecs, transmis par Rome, est passé dans la tradition occidentale. Frances A. Yates l'étudie depuis l'Antiquité jusqu'à la forme occultiste qu'il prit à la Renaissance et au début du XVIIe siècle. L'histoire de l'organisation de la mémoire touche des points fondamentaux de l'histoire de la religion et de la morale, de la psychologie et de la philosophie, de l'art et de la littérature ainsi que de la méthode scientifique. Mais l'ap... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Les figures occultes et ésotériques du Moyen Age trouveront-elles enfin un début d'explication ? Avec son Art de la Mémoire, Frances A. Yates avance une hypothèse expliquant sinon en totalité, du moins en partie, de nombreuses gravures hermétiques du Moyen Age. Leurs origines remontent à l'Antiquité, à une époque qui utilisait peu l'écriture et qui devait essentiellement se fier à sa mémoire pour se souvenir des faits nécessaires à remémorer. Une des techniques les plus utilisées consistait alors à imaginer des scènes englobant la totalité des informations à transmettre sous une forme imagée et frappante. Cet ancêtre de nos métaphores s'inscrivait dans des lieux terrestres :


« Quel est cet homme qui se déplace lentement dans un bâtiment solitaire et s'arrête de temps à autre, le visage attentif ? C'est un étudiant en rhétorique qui forge un ensemble de loci de mémoire. »


Au début du Moyen Age, la technique est reprise et modelée sous l'influence des Pères du christianisme qui essaient de transposer les images de lieux terrestres en lieux religieux afin de trouver Dieu dans la mémoire. Doucement, les fondements rhétoriques des systèmes mnémoniques glissent vers l'éthique. Les « ficta loca », lieux imaginaires qui décrivent les sphères célestes, expliquent en partie la construction plus tardive de la Divine Comédie de Dante. Plus tard, au cours De La Renaissance, se développent à la fois un art de la mémoire occulte, influencé par le néoplatonisme et l'hermétisme, et un art de la mémoire dialogique qui trouve toute son ampleur dans la société élisabéthaine. Cet affrontement de forces apparemment contradictoires se matérialise dans une discorde opposant Giordano Bruno et Pierre Ramus. le premier des deux hommes a déjà fait l'objet de nombreux ouvrages de Frances A. Yates et nous ne serons donc pas surpris de lire qu'elle se consacre essentiellement à expliquer l'évolution de l'art mnémonique à partir des contributions de Giordano Bruno. Celui-ci, dans la frénésie de ses recherches mnémoniques mêlant roues combinatoires et images occultes, aurait annoncé la génération suivante des hommes rationnels que sont Descartes, Leibniz ou Bacon. Frances A. Yates avance une hypothèse audacieuse : et si tous ces systèmes compliqués, reflets de leur époque, visaient seulement à dévoiler une méthode rigoureuse à partir de laquelle les sciences mathématiques pourraient s'établir ?


« le ramisme, le lullisme, l'art de la mémoire, sont des constructions confuses, élaborées à partir de toutes les méthodes mnémoniques ; elles encombrent la fin du 16e siècle et le début du 17e siècle. C'est qu'elles sont des symptômes qui révèlent la recherche de la méthode. Si on les replace dans ce contexte, celui de la recherche, d'un besoin grandissant de la méthode, les systèmes de Bruno prennent toute leur signification : ils manifestent moins de la folie qu'une volonté inébranlable de trouver une méthode. »


Pour comprendre cette présentation de l'évolution des systèmes mnémoniques, il faudra accepter d'emblée certains axiomes définissant les différentes périodes traversées. On distinguera nettement une Antiquité vouée au règne de la Rhétorique, un Moyen Age modelé par les Pères du christianisme puis par l'hermétisme, avant de parvenir à une Renaissance plus rationnelle et humaniste. Frances A. Yates ne nous explique pas pourquoi l'art mnémonique s'est manifesté sous les formes qu'on lui connaît aux périodes parcourues, mais comment il s'est adapté à ces différents paradigmes, conditionnant en même temps celui qui suivra. L'art de la Mémoire est dense et il faudra beaucoup de concentration pour suivre les explications de Frances A. Yates, à moins de partager ses références –en vrac : Raymond Lulle, Johannes Romberch, Pierre de Ravenne, Bernardus de Lavinheta, Marsile Ficin, Francesco Patrizi, Torquato Tasso, Jean Hannequin, Natalis Comes, Johann Henrich Hainzell, Elias Ashmole, Cecco d'Ascoli, Polidoro Virgilio, Pic de la Mirandole, Pietro Passi ou Cosmas Rossellius. Même si certains développements nous perdent, Frances A. Yates parvient toujours à dégager les structures principales de son raisonnement. Il se produit alors des illuminations ponctuelles. Comme l'écrit l'auteure :


« L'histoire de l'organisation de la mémoire touche des points vitaux de l'histoire de la religion et de la morale, de la philosophie et de la psychologie, de l'art et de la littérature, de la méthode scientifique. »


L'hypothèse des systèmes mnémoniques ne fut sans doute pas la seule à agir en faveur de ces domaines mais elle fournit déjà des pistes convaincantes et soulève de nouvelles questions, que Frances A. Yates laisse à la curiosité de ses lecteurs.
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Citations et extraits (40) Voir plus Ajouter une citation
Dans le Théâtre, la création de l’homme se déroule en deux étapes. L’âme et le corps ne sont pas créés en même temps, comme dans la Genèse. D’abord apparaît l’ « homme intérieur » au degré des Gorgones ; c’est la plus noble des créatures de Dieu, faite à son image et à sa ressemblance. Puis, au degré de Pasiphaé et du Taureau, l’homme prend un corps dont les parties sont soumises à la puissance du zodiaque. C’est ce qui arrive à l’homme dans le Pimandre : au moment où l’homme intérieur, sa mens, qui est divine par sa création et qui possède les pouvoirs de ceux qui gouvernent les étoiles, entre dans le corps, il devient soumis à la puissance des étoiles et il échappe à celle-ci par l’expérience religieuse hermétique de l’ascension à travers les sphères pour recouvrer sa nature divine.
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Nous revenons là à cette différence fondamentale entre le Moyen Age et la Renaissance : le changement d’attitude à l’égard de l’imagination. C’était une faculté inférieure, que la mémoire pouvait utiliser, dans la mesure où c’était une concession faite à la faiblesse de l’homme qui avait le droit d’utiliser les symboles corporels parce que c’était, pour lui, le seul moyen de se rappeler ses intentions spirituelles à l’égard du monde intelligible ; elle est désormais devenue la plus haute faculté humaine, qui permet à l’homme de saisir le monde intelligible par-delà les apparences […].
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Le mouvement ramiste en faveur de la réforme et de la simplification de l’éducation tendait en particulier à fournir une nouvelle et meilleure façon de mémoriser tous les sujets. Ce but devait être atteint grâce à une nouvelle méthode, selon laquelle chaque sujet serait disposé selon « l’ordre dialectique ». Cet ordre était exprimé par un schéma où les aspects « généraux » ou globaux des sujets venaient en premier ; de là, on descendait, par une série de dichotomies classifiées, aux aspects « spéciaux » ou individuels. Une fois qu’un sujet était disposé selon cet ordre dialectique, il était mémorisé dans cet ordre et à partir de la présentation schématique : c’est le fameux résumé de Ramus.
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Ce nombre [30] semble avoir été particulièrement associé à la magie. Un papyrus magique grec donne un Nom de Dieu à trente lettres. Quand il tonne contre les hérésies gnostiques, saint Irénée rappelle que saint Jean-Baptiste était censé avoir trente disciples, nombre qui évoque les trente éons des gnostiques. Trait qui évoque encore mieux la magie profonde : le nombre trente était associé à Simon le Magicien. J’incline à penser que la source effective de [Giordano] Bruno a dû être la Steganographia de Trithème : on y trouve une liste de trente et un esprits, avec les moyens de les évoquer. Dans un résumé de cet ouvrage […] la liste se ramène à trente. Parmi les contemporains de Bruno, John Dee s’intéressait aussi à la valeur magique du nombre trente. Le Clavis angelicae de Dee fut publié à Cracovie en 1584, deux ans après les Ombres de Bruno qui ont, donc, pu l’influencer. La « Clef angélique » décrit la façon d’évoquer « trente ordres bons des princes de l’air » qui règnent sur toutes les parties du monde. Dee dispose de trente noms magiques sur trente cercles concentriques, et il s’occupe de la magie qui sert à évoquer les anges ou les démons.
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Le ramisme, le lullisme, l’art de la mémoire, sont des constructions confuses, élaborées à partir de toutes les méthodes mnémoniques ; elles encombrent la fin du 16e siècle et le début du 17e siècle. C’est qu’elles sont des symptômes qui révèlent la recherche de la méthode. Si on les replace dans ce contexte, celui de la recherche, d’un besoin grandissant de la méthode, les systèmes de Bruno prennent toute leur signification : ils manifestent moins de la folie qu’une volonté inébranlable de trouver une méthode.
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