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EAN : 9782070383306
114 pages
Gallimard (12/02/1991)
3.73/5   151 notes
Résumé :
Anna, soror... fut écrit en quelques semaines du printemps 1925, au cours d'un séjour à Naples et immédiatement au retour de celui-ci [...] Jamais invention romanesque ne fut plus immédiatement inspirée par les lieux où on la plaçait.
J'ai goûté pour la première fois avec Anna, soror... le suprême privilège du romancier, celui de se perdre tout entier dans ses personnages, ou de se laisser posséder par eux. Durant ces quelques semaines, et tout en continuant ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (22) Voir plus Ajouter une critique
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“Je vais vous raconter, avant de vous quitter, l'histoire d'un petit inceste près de Napoli…” que Dalida me pardonne, j'ai pris quelques libertés avec les paroles, dictées par le contexte…

Marguerite Yourcenar, première femme élue à l'Académie Française, plaçait ce court roman, écrit dans la fulgurance d'un séjour transalpin, sous le patronage de peintres de la Renaissance, El Greco et Caravaggio et c'est vrai… elle écrit comme on peint.

Pourquoi cette impression ? Sans doute parce qu'elle embrasse l'Histoire, politique ou culturelle, dans l'histoire (voyez la nuance de “h”…). Cela sans même avoir besoin de s'abaisser à une énumération pompeuse d'oeuvres artistiques, elle nous en dit le moins possible mais nous encourage à créer le décor, à enrichir l'atmosphère. Charge à nous d'ajouter le son lointain d'un luth, le vent qui souffle entre les colonnes du cloître, le froid du marbre contre le dos d'Anna. L'écrivain, exigeante, stimule le lecteur, elle convoque son imagination et son érudition, même inconsciente, nous prenons une part active à l'effort.

“Les adieux s'étaient prolongés en silence. Il avait dû, très doucement, dénouer les bras tièdes qui se serraient contre sa nuque. Sa bouche gardait encore la saveur âcre des larmes”

Ce récit de jeunesse, quelque peu remanié de l'aveu même de l'auteur, ne souffre aucune surabondance. le style est d'orfèvrerie, d'une limpidité rare, la succession des phrases est d'une exigence formelle vertigineuse. C'est fascinant comme suivre des yeux le cours limpide d'un ruisseau. du reste, c'est bien la métaphore aquatique qu'avait en tête Yourcenar qui voulait initialement nommer son roman “Remous”.

Certainement, les détracteurs de Yourcenar pourront arguer que, comme souvent, la distanciation et la froideur du récit ne permettent pas une empathie des plus immédiates mais cela ne doit plus nous surprendre… derrière cette apparence, dur de ne pas penser à la douleur secrète de Marguerite l'orpheline de mère dans la narration du trépas de Dame Valentine.

Yourcenar se justifie vaguement dans sa Postface, d'avoir choisi, comme sujet de son roman d'amour, un inceste entre frère et soeur. Elle rappelle certains exemples littéraires et conçoit l'inceste comme le dernier tabou, le dernier interdit, et l'on entend “dit” dans interdit c'est à dire quelque chose d'indicible, dans un XXème siècle où, selon l'auteur, l'adultère et l'homosexualité ne goutent plus assez le souffre d'époques plus corsetées. Cela se discuterait, car c'est précisément l'homosexualité doublée d'adultère qu'a choisi Marguerite Yourcenar pour thème d'Alexis, quelques années plus tard.

Il manque justement quelque chose de l'étoffe de “Alexis ou le traité du vain combat”, dont j'ai déjà parlé ici, qui partage avec “Anna, Soror…” la grâce de la plume yourcenarienne, merveilleuse de précision mais qui comporte, en sus, de nombreuses et incisives réflexions sur la nature humaine, dont on manque un peu ici.
Ce n'est pas à dire que la profondeur de la rivière est moindre dans “Anna, Soror…” l'ascèse janséniste du père Don Alvare pour qui “tout n'est rien”, et la résilience constante d'Anna par exemple placent ces deux personnages bien au delà du commun des mortels, si le cours d'eau est un peu moins sinueux, peut-être est-il voulu plus trouble par l'écrivain…
Ce roman en clair obscur est une très belle parenthèse esthétique et historique mais ne charrie pas toutes les demi-teintes, toutes les nuances de gris qui font la richesse du roman d'Alexis.

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La notion de sociale de l'interdit et chrétienne de la faute sont balayés par la beauté des mots et des sentiments traduits grâce à l'érudition de l'auteure à seulement 22 ans. C'est bluffant.

C'est le roman d'amour d'Anna et Miguel comme celui de Thémar et Amnon dans l'ancien testament ou celui de Byblis et Caunus dans la mythologie grecque.
C'est l'extase et la souffrance d'une passion défendue.

C'est un roman historique où le royaume d'Espagne vers 1600 domine une partie de l'Europe avec le sud de l'Italie moderne : La Campanie, Naples, la Calabre et la Sicile ainsi que dans le nord : La Flandre espagnole.

C'est une tragédie où la passion est trop forte pour ne pas s'accomplir.
Miguel s'embarque sur une galère vers une mort annoncée comme un salut.
Anna sera mariée sans amour ni haine. « Il vit dans mon deuil »
Don Alvare, le père entre ascétisme et débauche ne pardonnera pas à sa fille la mort de son fils.

Les mots choisis avec soin ont à mes yeux une valeur si forte que je n'en mesure pas forcément la portée mais ils provoquent la sensation de me fondre tellement dans les personnages que j'en retire un plaisir quasi tactile. Leurs poids si lourds de sens pèsent sur le récit sans en obscurcir la compréhension.
C'est mon premier Yourcenar, j'évalue l'immensité de la culture de cette femme ainsi que son aptitude à transmettre l'ambiguïté des sentiments, l'intensité d'un deuil, la douleur de la culpabilité, l'austérité de la pénitence et la force à braver le proscrit. « C'est contre les falaises les plus abruptes que se lance le plus violemment la vague. »

Belle découverte, profonde et salutaire.
« Ainsi, chacun lisait différemment ce livre de la création qu'on peut déchiffrer en deux sens, et dont les deux sens se valent, car personne ne sait encore si tout ne vit que pour mourir ou ne meurt que pour revivre. »
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Après avoir posté une citation extraite de ce livre, je fus surprise par une réaction : « Histoire d'inceste entre un frère et une soeur. A fuir. » Qui doit fuir ? Ce fut en fait une succession de surprises. L'histoire est clairement annoncée. La thématique similaire est abordée dans par exemple « La Patiente » de Jean-Philippe Mégnin sans que cela fasse sourciller qui que ce soit. Ou pire encore, les romans qui abordent des « transgressions » de toutes sortes sont légion ne semblent pas effrayer plus que cela les lecteurs. Peut-être alors est-ce choquant de la part de Marguerite Yourcenar. Toujours est-il qu'au lieu de me refroidir, l'effet contraire se produisit, probablement lié à mon esprit de contradiction.

Cette histoire d'amour dans la Naples du XVIIème ressemble à un tableau tout en clair-obscur de le Caravage. L'issue est sans appel : suicide programmé pour l'un ; l'autre refuse le couvent pour expier sa faute en cette période de Contre-réforme et son mariage placé sous le signe de la fidélité ressemble à une petite mort. Roman court au style ciselé.


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♥️ « Personne ne sait encore si tout ne vit que pour mourir ou ne meurt que pour revivre ».

♥️ Marguerite Yourcenar et moi nous rencontrâmes pour la première fois hier soir, le 19 décembre 2020, par une soirée d'hiver aveuglante d'obscurité, dans laquelle seule une petite lumière chaude m'éclairait. J'étais entièrement disposée à la découvrir ; je crois qu'il s'est passé une chose unique, que je n'ai connu qu'avec une seule autre auteure, Marguerite Duras - ce fut le coup de foudre. Il doit y avoir quelque chose entre les Marguerite et moi.

♥️ Anna, soror... le titre m'a happée. Un prénom, une soeur, des points de suspension. Un mystère qui n'en était pas un, il se déroulait dans ces pages un drame aux racines antiques. Dans la Campanie du XVIème siècle, l'espagnole Donna Valentine se meurt. Épouse silencieuse, dévote et lasse, elle pousse son dernier soupir en ordonnant à ses enfants, Anna et Miguel, de ne point se haïr. Ce qui brûle en eux est d'une tout autre nature. Un désir intense les consomme, une attraction magnétique, une puissance incontrôlable. Fiévreux, Don Miguel tente de s'échapper, de s'éloigner, il rencontre une jeune fille étrange qui fait chanter les serpents, créatures sataniques annonciatrices de malheur... La nuit devient mère de tous les vices.

♥️ Don Miguel part en guerre, dans laquelle il trouve la mort, sans gagner la bataille qui faisait rage en lui. Dès lors que sa soeur apprendra cette fin tragique, elle n'aura de cesse de chercher le Salut de son âme, abandonnant son corps coupable à un mari indigne et, par la suite, à quelque autre amant insignifiant.

♥️ Dans la Postface de ce court roman, Yourcenar écrit : « Les faits qui ont compté, au lieu de se déposer au fond, emergent à la surface et gagne avec nous la mer ». Fidélité, amours interdites, religion et Histoire se mêlent ici pour créer un roman d'une pureté incomparable, d'une écriture passionnante et saisissante. La subtilité du langage électrise le lecteur qui, à tout moment, se demande si les personnages ont succombé aux pulsions qu'ils tentent en vain de combattre et qu'ils décident d'expier, au prix de leur propre vie, dans la Mort ou dans le Sacrifice.


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C'est une magnifique histoire d'amour entre un frère et une soeur, à Naples au 17 ème siècle. L'un trouve la rédemption dans la mort tandis que l'autre la trouve dans la fidélité.
Cette longue nouvelle est une oeuvre de jeunesse écrite en un temps très court. le style est simple, limpide, sans fioritures. Dépouillé.
J'ai éprouvé un vif plaisir à cette lecture qui, loin d'être anodine, fait naître l'élévation de la transgression même, pourvu que la Grâce éclaire le chemin.
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
“Les adieux s’étaient prolongés en silence. Il avait dû, très doucement, dénouer les bras tièdes qui se serraient contre sa nuque. Sa bouche gardait encore la saveur âcre des larmes”
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Sa mort sans agonie fut aussi presque sans paroles ; la vie de Valentine n'avait été qu'un long glissement vers le silence ; elle s'abandonnait sans lutter. Quand ses enfants comprirent qu'elle était morte, aucun étonnement ne vint se mêler à leur tristesse. Donna Valentine était de celles qu'on s'étonne de voir exister.
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Anna, assise sous le pâle soleil de l'automne, posait de temps en temps sur une ligne ses yeux fatigués. Elle ne cherchait pas à suivre le sens, mais ces grandes phrases ardentes faisaient partie de la musique amoureuse et funèbre qui avait accompagné sa vie. Les images d'autrefois rayonnaient de nouveau dans leur jeunesse immobile, comme si Donna Anna, dans sa descente insensible, eût commencé d'atteindre le lieu où tout se rejoint. Donna Valentine n'était pas loin ; Don Miguel resplendissait dans l'éclat de ses vingt ans ; il était tout proche. Une Anna de vingt ans brûlait et vivait elle aussi, inchangée, à l'intérieur de ce corps de femme usé et vieilli. Le temps avait jeté bas ses barrières et ses grilles. Cinq jours et cinq nuits d'un violent bonheur remplissaient de leurs échos et de leurs reflets tous les recoins de l'éternité.
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Je crois que les motivations de ses personnages doivent parfois rester incertaines pour l'auteur lui-même : leur liberté est à ce prix.
(postface à Anna, soror...)
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Personne ne sait encore si tout ne vit que pour mourir ou ne meurt que pour revivre.
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Vidéo de Marguerite Yourcenar
*RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE* : _La poudre de sourire : le témoignage de Marie Métrailler,_ recueilli par Marie-Magdeleine Brumagne, précédé de _lettres de Marguerite Yourcenar de l'Académie française à Marie-Magdeleine Brumagne,_ Lausanne, L'Âge d'Homme, 2014, pp. 179-180, « Poche suisse ».
#MarieMétrailler #LaPoudreDeSourire #LittératureSuisse
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