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EAN : 9782266329019
368 pages
Pocket (02/02/2023)
3.24/5   40 notes
Résumé :
Dans la Tunisie rurale des années 60, une fillette grandit dans l'ombre d'une famille traditionnelle et la soumission à une mère toute-puissante. Destinée à vivre et mourir voilée et analphabète comme ses aînées, elle va, la première, prendre le long chemin de l'émancipation. Le prix à payer sera lourd pour se libérer des sortilèges, des interdits et des secrets maternels.
"Du fil, du sang et des mots. Il n'en faut pas plus pour faire disparaître le corps d'u... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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Dans Par le fil je t'ai cousue, Fawzia Zouari prend la plume pour nous raconter son enfance tunisienne. Nous sommes dans les années 60, les traditions sont tenaces et le chemin semble tout tracé pour les filles. Dans cette société patriarcale, la narratrice peine à trouver sa place et souffre de solitude. Elle observe attentivement les membres de sa famille et les gens de son village, porte un regard éclairé sur les mutations qui commencent à transformer son pays et comprend que son salut viendra de son instruction. Elle veut apprendre, ne pas ressembler à ses soeurs aînées et devenir une femme libre. Étonnamment, c'est son père qui sera à l'origine de son émancipation…
Le récit autobiographique de Fawzia Zouari raconte avant toute chose la constitution d'une identité. Identité multiple, complexe, à la croisée de plusieurs sphères, la famille et la société, la tradition et la modernité, la soumission et l'affranchissement. Les détails sont nombreux, les situations vécues abondantes, ce qui fait que le lecteur est réellement plongé dans une époque, un lieu et un mode de vie dont il découvre peu à peu l'ensemble des rouages. Fawzia Zouari parvient à recréer l'atmosphère de son enfance et à rendre palpables les émotions. C'est une oeuvre très riche et à l'écriture contrastée, une écriture qui dit les choses de manière brute et qui est ponctuée en même temps d'élans lyriques. Il manque pourtant quelque chose à ce récit, que j'ai d'ailleurs du mal à expliquer ou à nommer, un souffle peut-être, une limpidité, voire une linéarité, une réserve que j'attribue à quelques longueurs et à l'alternance entre des passages poignants et d'autres plus obscurs et, il faut le dire, moins intéressants.

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« du fil, du sang et des mots. Il n'en faut pas plus pour faire disparaître le corps d'une fille. La dématérialiser d'un coup, un seul. Net et sec. Une entaille. Et le liquide qui coule, tout naturellement, dans une odeur de femmes et de secret. »


Écrit comme un roman, nous comprenons que Par le fil, je t'ai cousue raconte l'enfance de Fawzia Zouari. La fillette habite un village de Tunisie, Ebba, dans lequel la modernité s'invite. le pays a obtenu son indépendance et les colons français sont partis. Une partie des habitants s'en réjouit, l'autre le regrette. C'est dans ce contexte que Bourguiba a rendu l'école obligatoire pour les filles. La narratrice a été témoin du chagrin de ses soeurs, lorsqu'elles ont dû quitter l'école. Lorsqu'elle a l'âge de l'instruction, elle comprend qu'elles ont été sacrifiées. Elle perçoit, également, que pour garder ce privilège, elle doit s'effacer, il ne faut pas qu'on la remarque. le regard masculin ne doit pas se poser sur elle, alors qu'elle grandit. Son esprit ne peut s'ouvrir que si son corps disparaît. Sa mère, écrasée par le poids des traditions, surveille ses filles de très près et est très soupçonneuse.


L'auteure raconte sa perception des bouleversements que son village a vécus : l'arrivée de la télévision, du cinéma, l'émancipation féminine dans les villes, l'école pour les filles et l'ouverture sur le monde, ces changements refusés par sa maman. Elle décrit la claustration, les sortilèges, les menaces et les secrets. Elle explique le poids de la religion et de l'image de la femme, les coutumes, l'éducation et l'impact sur sa vie de femme libre, qui vit, maintenant, en France. Pour gagner cette indépendance, elle a dû batailler et a bénéficié du soutien de son papa, qui croyait au savoir. Dans un climat de soumission à l'homme, c'est lui qui lui a ouvert les portes du monde, quand les femmes voulaient lui interdire.


De nombreux thèmes sont abordés dans ce roman. Fawzia Zouari relate ses souvenirs d'enfance, tels qu'elle les a ressentis. Sa curiosité et son envie d'émancipation se sont heurtées au carcan traditionnel ; elle a entrevu un avenir différent de celui que sa famille lui offrait, sans savoir, réellement, ce que cela impliquait. L'habitude des règles strictes lui a permis de s'ouvrir encore plus, quand la liberté s'est présentée. J'ai été touchée par le destin qui l'attendait et que tant de femmes subissent encore. J'ai entrevu les méthodes d'asservissement de la femme et j'ai souffert pour celles qui en sont les victimes. En raison de la multitude de sujets, la situation est décrite dans tous ses aspects. La réalité peinte est multiple et complète. Aussi, ce roman montre la difficulté pour la faire évoluer, mais est aussi, un message d'espoir, en raison du parcours de l'auteure.


J'ai été très touchée par ce livre. Par le fil je t'ai cousue est un roman puissant sur la condition féminine et la liberté offerte par l'instruction. L'analyse de la fillette est fine et émouvante, en raison du mélange d'innocence et de lucidité.


Lien : https://valmyvoyoulit.com/20..
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Certaines vies possèdent tous les ingrédients du romanesque, il suffit alors d'un regard, d'une écriture, pour en faire de formidables récits.
Quand l'histoire commence, Fawzia a 12 ans et s'apprête à partir en internat au collège situé à 30 kilomètres de son village natal de Tunisie. Un monde ! D'autant que ses deux soeurs ainées ont été empêchées de poursuivre leurs études par une mère toute-puissante qui ne tergiverse ni avec les traditions ni avec la morale. Mais cette fois, le père de famille ne la laissera pas faire. Les temps ont changé et la modernité s'est invitée au village. Puisqu'il en est ainsi, Fawzia partira, armée d'un puissant sortilège de protection, « le blindage » :
« Par le fil je t'ai cousue ! Ton sang je t'ai fait avaler ! Nul ne pourra plus t'ouvrir ! Ni l'homme ni le fer ! Tu es un mur contre un fil ! Un mur contre un fil ! Sang de ton genou, ferme ton petit trou ». le tour est joué, l'honneur de la famille sauf, Fawzia peut poursuivre ses études, certaine désormais de conserver sa virginité…
Ce récit m'a passionnée et instruite tout à la fois. Immergée aux côtés de Fawzia dans ce village de paysans aux traditions ancestrales, j'ai découvert l'histoire d'un pays qui connut bien des changements en à peine 7 années. de la décolonisation aux réformes radicales de Bourguiba, de l'arrivée de l'automobile dans les rues du village, à celle de la télévision dans les foyers, c'est toute une culture qui est bousculée pour faire place à la modernité.
Les femmes jusqu'à là circonscrites dans leurs foyers, réfugiées derrière de hauts murs, interdites sur la place du village vont bientôt pouvoir timidement sortir, les petites filles aller à l'école. Une émancipation aussi fragile que laborieuse.
La petite communauté est finement décrite, chacun vacant à ses occupations, remplissant un rôle bien déterminé et habilement analysé par l'auteure. C'est toute une galerie de personnages qui cohabitent étroitement dans une paix toujours menacée par les cancans, les cris, les larmes, les rixes, les querelles parfois ancestrales.
L'amour, qui ne se dit ni se montre, palpite sous le joug des interdits ; la pudeur dissimule parfois des actions inavouables ; la loi se confronte aux traditions profondément enracinées.
Et cette mère, quel incroyable personnage, à la fois ogresse, et gardienne de l'honneur de la famille, capable de vendre l'une de ses filles, de mettre le couteau sous la gorge de sa cadette tandis qu'elle passe tous leurs excès aux mâles de la famille…
L'auteure plonge dans son enfance, à la recherche de ses racines et de cette culture familiale qui a construit son identité complexe, longtemps effacée pour mieux s'émanciper.
Un très beau livre porté par une belle écriture, pour rappeler à quel point la liberté est fragile et ne doit jamais être prise pour acquise.
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« Par le fil je t'ai cousue !» Ainsi débute l'incantation faite par pour protéger la narratrice lors de son départ vers la ville, pour y poursuivre des études secondaires. Dans ce roman aux accents de mémoire, l'auteure nous invite à la rencontre de sa famille, de son enfance, de son village, à l'aube du règne de Bourguiba, juste après l'indépendance de la Tunisie et le départ
des Français.

Avec ce président qui arrive s'installe une certaine modernité au village (télévision, automobile, scolarisation des filles), en même temps qu'une paupérisation due à la politique socialiste confisquant les terres agricoles qui faisaient la richesse, ou à tout le moins permettaient à chacun d'être nourri à sa faim. En même temps, le poids de la tradition, la séparation radicale entre hommes et femmes, sont abordés de même manière, et confrontés au présent également lors des allers-retours que l'auteure opère entre son enfance et l'âge adulte, dans sa vie désormais française. Dans ce récit, nous assistons vraiment à une révolution, qui fait voler en éclat des traditions millénaires, et qui remet en question le fonctionnement du village.

Quelle magnifique conteuse est Fawzia Zouari ! Cette petite fille avide d'apprendre, qui vit l'école et l'enseignement comme un salut, et qui n'est qu'âme et pas corps, pour échapper aux regards des hommes et aux remontrances de ses frères. Cette petite soeur, dont les aînées ont été retenues à la maison par leur mère, très attachée à la tradition et à la place de la femme, ou plutôt non-place de la femme dans la société (plus que leur père, qui finalement est celui par
lequel la narratrice, contrairement à ses soeurs plus âgées, peut continuer son parcours scolaireet prendre le chemin qui l'émancipera).

Femme cachée, femme à la maison, femme par laquelle ne doit jamais arriver le scandale, femme qui observe en cachette, femme citadine, femme villageoise, femme qui vit parmi les femmes, femme qui découvre le monde par l'entremise d'un écran carré, femme qui, dans la génération suivante, peut s'instruire et envisager de sortir de ce carcan bien contenu…

L'auteure a fait partie de cette première génération à pouvoir bénéficier de l'enseignement obligatoire, et son parcours d'études lui a fait découvrir d'autres horizons.

J'ai énormément aimé suivre cette petite fille dans son cheminement, j'ai apprécié son regard curieux sur les choses, les gens. J'ai écouté ce que l'adulte qu'elle était devenue avait à raconter, à partager, ce qu'elle gardait de son enfance, ce qui relevait de ses racines, ce qu'elle avait acquis en termes d'ouvertures en s'instruisant. L'écriture de Fawzia Zouari est belle et émouvante, et je ne peux que vous conseiller de la découvrir.
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Coucou tout le monde. Aujourd'hui, je vous présente cette lecture dans le cadre du Grand Prix des Lecteurs Pocket.
Un livre que je n'aurai probablement jamais découvert si je ne l'avais pas reçu en tant que jury. Il m'a permis de sortir de ma zone de confort et de partir sur des sentiers inconnus. Ce qui permet de belles découvertes et d'agréables surprises.

Fawzia Zouari est née en Tunisie. Issue d'une fratrie de six soeurs et quatre frères, elle est la dernière de la famille et sera l'unique à être autorisée à poursuivre ses études et à quitter son village natal. Elle nous raconte son parcours. La chance inouïe de poursuivre son apprentissage, d'avancer sur le chemin de la liberté et d'échapper à un destin tracé d'avance. On ressent également à quel point il est dur de se défaire d'un schéma familial, stricte et qui a marquée l'auteure profondément.

Ce roman nous plonge dans la Tunisie rurale des années 60. À la découverte de la condition des femmes et l'éducation des filles. Les femmes qui ne sortent guère de chez elles, limitées dans leur rôle de mère et de cuisinière. Soumises à la loi des hommes. Dans certaines sociétés, il n'a pas toujours été simple de naître fille, condamnée au silence et à certains actes perpétrés de générations en générations, celui de coudre leur hymen. D'être mariée de force, voire vendue.

Une lecture qui montre le long et douloureux chemin vers l'émancipation, le prix à payer pour se libérer du poids des traditions. L'auteure parvient à nous plonger dans les rouages de son enfance, de son effacement pour ne surtout pas être regardée par les garçons, subir la loi imposée par les hommes. Une écriture fine, une analyse profonde sur toute une société qui a sacrifié des générations entières de filles.

Un récit poignant qui montre l'évolution, l'ouverture sur la modernité, le pouvoir du savoir. Une lecture émouvante, passionnante qui nous ouvre les portes d'un monde méconnu, qui peut se révéler déstabilisante.

« Du fil, du sang et des mots. Il n'en faut pas plus pour faire disparaître le corps d'une fille »

L'avez-vous lu ? Êtes-vous tentée par ce genre de récit ?
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critiques presse (1)
Culturebox
15 janvier 2022
L’auteure raconte des tranches de vie de cette enfance qu’elle a passé dans la campagne tunisienne, plongée dans une ambiance empreinte de traditions millénaires.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (32) Voir plus Ajouter une citation
Je grandissais seule. Dieu était là, mais Il était affairé ailleurs. Les adultes étaient présents, mais ils s’occupaient des affaires de Dieu. La nature m’entourait, me traversait, m’impressionnait, mais elle ne m’enlevait pas le sentiment d’être sans compagnie. Si bien que je pense parfois l’enfance comme une solitude avant tout. Un territoire de confinement situé au milieu de l’indifférence adulte.
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Mon récit est un rendez-vous avec l’enfance, tout simplement. Il tient par la substance miraculeuse du souvenir. Et court sur une trame filant mes histoires, Ebba en fond de toile, avec ses collines et ses vallées, son silo de blé et ses amandiers en fleur, son train, toujours, qui traverse mes récits en passant sur le corps de mes protagonistes écrasés par la souffrance ou le poids du péché. Ma maison de jadis, avec son toit en tuiles rouges, ses dessous de matelas piqués d’amulettes, ses tiroirs remplis de secrets.
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L’amour du couple a poussé clandestinement, au milieu des crises, des frustrations, de l’arrivée des enfants, du brouhaha d’une vie bien remplie, ce qui est sûr, c’est que l’on subodorait quelque chose d’indicible et d’invisible à l’œil nu, un territoire partagé dont personne, même pas leurs enfants, ne pouvait passer le seuil.   Le jour de son mariage, on conduisit ma future mère chez ses beaux-parents dans une calèche guidée par un cheval à la robe alezane et sous une belle ombrelle, au milieu du tabbal et de la zoukra , des coups de baroud et des youyous.
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J’ai souvenir d’une peau brune qui savait se défendre contre les rigueurs des sept climats. Alors que je suis devenue aujourd’hui blanche et sans hâle, respirant l’air vicié de la capitale française, l’impression, certains jours, de moisir comme un objet dans une cave. Tant de couleurs ont disparu. Le blanc éclatant de la chaux sur les murs des mausolées, le pourpre des pavots et ce ciel lavé à grandes eaux par les chaudes averses de l’été finissant, avant de se couvrir de l’ocre des sables venus du Sahara.

 
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En réalité, la question des origines n’intéressait pas grand monde à Ebba. Et, si l’on en venait parfois à parler d’Althuberos, l’ancienne cité qui s’étendait en ruine tout près de nous, c’était pour arguer de la puissance divine qui avait réduit en poussière ce lieu de paganisme. Ou bien pour rapporter les quatre cents coups d’une bande d’adolescents désœuvrés qui avaient élu domicile sur ce site archéologique, lézardant au milieu des mosaïques anciennes, fumant et se soûlant à l’ombre des dieux puniques et romains.
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