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Critique de Floyd2408


Je n'oublie pas, le monde d'hier : Souvenirs d'un européen ce texte mélancolie d'un monde perdue, celui d'un aristocrate européen navigant au gré de ses amis d'un pays à l'autre, de ses amis, Romain Roland, Paul Valéry, Émile Verhaeren et ceux qui gravitent ses inspirations artistiques, Stefan Zweig, oeuvre à sa manière à l'Europe, ce livre paru en 1943, texte autobiographique, semble être son testament littéraire. Cet auteur Autrichien est apparu un jour dans ma bibliothèque avec Lettre d'une inconnue aux éditions Stock, La Cosmopolite, une préface d'Elsa Zylberstein, une traduction par Alzir et Olivier Bournac, révisée par Françoise Toraille, le format du roman , broché de couleur rose, un bandeau incrusté virtuel, avec une photo de Stefan Zweig, regard fixe derrière ses petites lunettes ovales, tête de cotée, sa moustache, sa raie relevant un front assez haut et ce sourire discret, comme peut l'être cet homme, avec entre ses doigts un cigare allumé, cette image souligne avec grâce le dandysme autrichien qu'il fût pour devenir un ardent défenseur de la paix, et d'une Europe unie. Ce roman ouvrira tel un sésame, la porte de son oeuvre, que j'accueillis avec beaucoup de bonheur et de joie pour petit à petit m'enivrer de sa prose, avec, Vingt-quatre heures d'une vie d'une femme, Amok, La peur, Clarissa, le voyage dans le passé, La pitié dangereuse (ou l'impatience du coeur), Trois maitres, Emile Verhaeren, Les prodiges de la vie, Ivresse da la métamorphose, le joueur d'échecs, Légende d'une vie, Un soupçon légitime, La confusion des sentiments, le désarroi des sentiments, Volpone, tous ces titres furent des lectures enrichissantes et passionnantes, alors lorsque je découvre sur l'étale d'une librairie de Strasbourg, un livre de Stefan Zweig, inédit, mon coeur s'emballe comme un enfant devant les cadeaux de Noëls, découvrant le quatrième de couverture de ces textes publiés « à chaud » entre août 1914 et août 1918, réunis dans ce livre Seuls les vivants créent le monde, nous découvrons le chemin traversé et l'évolution des idées de cet auteur autrichien face au destin tragique qui emporte l'Europe dans une tragédie meurtrière inhumaine, en main je garde cet inédit pour le payer et le lire.
Cette édition établie et présentée par Bertrand Dermoncourt, avec une introduction, Stefan Zweig et la guerre de 1914-1918, le combat inachevé d'un Européen, regroupe sous la traduction de l'allemand par David Sanson, des articles de presse, des reportages, des manifestes publiés dans le quotidien viennois Neue Freie Presse, la Berliner Tageblatt, le journal de front, kriegszeitung der 4. armee traduction, celui plus pacifique Friedens-Warte. Blätter für zwischenstaatliche Organisation, le journal, Donauland et enfin la revue, Das Forum.
Le premier récit, Retour en Autriche, 1er août 1914, est surprenant, pour celui qui connait Stefan Zweig, c'est une forme de délire nationaliste, de la puissance germanique, comme une effervescence communicative, chacun est pris d'une exaltation enivrante, fiévreuse, c'est une contagion, les personnes sont comme électrifiés par le même engouement, ce retour en Autriche pour Stefan Zweig est un spectacle, Vienne est « une ville à la gaieté Proverbiale gagnée », Stefan Zweig écrira de cette Vienne magique.
« Jamais elle ne m'a semblé plus digne d'amour, et je suis heureux d'avoir pu, en cette heure précisément, la retrouver. »
Le deuxième article, Un mot de l'Allemagne, Vienne, 18 août 1914, poursuit la suite du premier, comme un écho à la joie, c'est l'union germanique, cette force froide cette puissante d'organisation, ce berceau philosophe, ce pays frère qu'il faut soutenir, Stefan Zweig continue cette propagande allemande, tel un pantin articulé happé par une ferveur solidaire et patriotique universelle.
« La préoccupation allemande doit aujourd'hui ne faire qu'une avec la nôtre, sa joie avec notre joie, et chaque combattant sous ses couleurs doit être l'un des nôtres. »
Ce troisième article, le monde sans sommeil, Vienne, 18 août 1914, d'une écriture à l'accent lyrique des émotions évaporantes se diffusant au coeur changeant de notre écrivain autrichien de plus en plus réaliste du monde d'aujourd'hui, proche de l'agonie étouffant. Il a la lucidité, glaciale de ce virage sanglant dut à quelque hommes.
« Les prophètes, les vrais comme les faux ont de nouveau du pouvoir sur la foule qui écoute et écoute encore, déambule fébrilement et repose fébrilement, jour et nuit, les longs jours et les interminables nuits de ce temps qui mérite qu'on le vive en éveil. »
Stefan Zweig sait que la guerre aspire tous les hommes, comme l'homme peut être dans la faiblesse d'un masse pantomime d'une verve sophisme.
Cette lettre, Aux amis de l'étranger, 19 septembre 1914, coule l'antagonisme de Stefan Zweig, la force de la pluralité des langues et le nationaliste, ce prisonnier du sang, ce prisonnier de la terre allemande, comme un happement de la meute de la langue germanique, Stefan Zweig est sensible à cette communauté allemande, à ces inconnus, à cette nouvelle famille, appartenant à une consanguinité de la langue, de la terre…Au-delà de la vérité prime la passion, prime l'universalité de sa race, tous actes personnels, toutes justices personnelles est submergée dans ce déferlement de masse, ce nationaliste germanique, rendant l'amitié des peuples impossibles, pour avoir pour adage, cette fausse idée. « le silence est le garant de notre amitié ! »
Pourquoi la Belgique, pourquoi pas la Pologne ? Une question aux pays neutres, Vienne, 4 avril 1915, débute comme un préambule de plaidoyer face à l'indifférence et aux manoeuvres politiques, avec un lyrisme Zweiguin immuable. Stefan Zweig reste dans la mesure germanique qu'il est de l'Autriche, la langue allemande, comme un défenseur de l'Allemagne agressant le Belgique que tous soutiennent au contraire de la Pologne soumise à la guerre qui oppose trois pays Russie, Allemagne et de l'Autriche. Puis la question juive se pose, déjà Stefan Zweig souligne cette communauté, l'une dissoute dans la masse des pays de l'ouest, comme la France, l'Allemagne, l'Autriche et l'Angleterre, l'autre plutôt formant un peuple, celle de la communauté en Galicie, entre la Russie et la Pologne. Stefan Zweig démontre avec beaucoup de minutie, la notion de pitié, de l'antagoniste des français face aux belges, la France terre d'accueil des polonais, cette pitié n'est pas une arme politique, la pitié ne doit pas être détournée, il n'y a qu'une souffrance, celle de l'humanité. Stefan Zweig désire une pitié universelle, pour une compassion de tous les peuples, certes cet humanisme, d'un lyrisme certain, s'aveugle de son Allemagne, devenant son avocat sanguin, mais c'est un homme de paix, ancré dans le plus profond de son être.
« L'empathie doit être aujourd'hui aussi infinie que la souffrance qui en est l'objet, étrangère à toute frontière et déployée sans limites, cette heure ne doit pas seulement être celle de la haine, mais celle aussi d'une bonté démesurée, pour l'éternité. »
Convalescence de la Galicie, Vienne, 31 août 1915, Stefan Zweig, toujours mélancolique, aime cette Galicie reconquis.
« …il y a une chose que j'ai ressentie plus que toute volonté de renaître dans ce pays reconquis : la confiance et la volonté de renaître. »
Il relate la vie de ce passé, tiraillé avec la guerre germano-russe, se lamente des stigmates infligés à ce pays de souffrance. « Effroyables aussi, les balafres sanglantes que la guerre o infligées à ce Job d'entre les peuples. » Il y a encore beaucoup de lyrisme et de bonté dans l'écriture de Zweig, beaucoup d'aphorismes, il chante avec beaucoup de symbole le tumulte de cette région, les images sont ambiguës, « la fleur cruciforme de la guerre », la nature devient l'arme de paix, « la terre absorbe toutes les irrégularités, détruisant la destruction. », la nature dessine la vie, « le destin de l'histoire sont ici submergés par les blés, par le pain qui mûrit. » Beaucoup de poésie dans ce texte, comme l'espoir qui s'en évapore, c'est comme « ses colombes amoureuses », que Zweig aperçoit sur un toit, et cette beauté d'après-guerre sonnant une résurrection, « la première neige de la résurrection. ». Ce qui est puissant, c'est l'énergie pour mettre fin à cette guerre, plus forte que cette guerre dévorante, elle est vectorielle de la vie, ce texte est un absolu lyrisme Zweiguin.
Les jours de l'offensive allemande en Galicie, Stuttgart, 1er octobre 1915, est comme la plupart des textes précédents, d'un lyrisme immuable à Stefan Zweig et cette émulsion allemande face au tyran Russe, Vienne devient « que fulgurance et incandescence. », lorsque Lemberg tombe aux mains des allemands, Stefan Zweig est mandaté par les archives impériales et royales de la guerre, en Galicie, son regard est celui de l'allemand de langue, germanique de la terre, il semble être l'acteur divin de cet événement considérable, il est dans cette destiné des émotions sans fin.
Le Feu, Vienne, 8 juillet 1917, Stefan Zweig est sous le charme du roman, le Feu d'Henri Barbusse, le comparant à Nana d'Émile Zola, par sa force, son succès mondial, et devient cette conscience française de l'époque, comme un instantané de l'humeur de l'époque, percevant l'idéologie, ce côté pacifique, encore étudié de nos jours comme peut l'être Rousseau avec le Contrat social et tant d'autres. Puis au fil du texte, Stefan Zweig entre en profondeur dans ce roman explorant telle une caméra les poilus, cette vision abrupte aux mots d'un patois parisiens d'une vérité pure. Cette étude du roman est une perle, elle est celle d'un Autrichien au coeur serré de son Allemagne, et de sa passion la littérature, disséquant le message des 17 âmes de cette prose argotique, voix diffuse de ses camarades, il sait déjà la portée de ce livre dans l'avenir, de cette guerre lâche, les mots restent, la mémoire est là, se figeant dans le temps, ne pas oublier. Je vous laisse juge de cette analyse sincère et remplit d'espoir, précurseur de la portée de ce roman documentaire.
Chez les insouciants, Vienne, 26 février 1918, c'est une petite satire, au leitmotiv de Dante, Paradiso, XXIX, 91, « On ne songe point combien il en coûta de sang. », cet adage épousant à merveille la philosophie de ses personnes que Stefan Zweig nomme Les insouciants. Leur lieu de débauche, souvent, Saint-Moritz, d'un paysage presque éternel et pure, au contraire de ces personnes venant perturber cette béatitude de la nature. Ils sont sans patrie, venant de partout, ils ne pensent qu'à eux, et sans le vouloir Stefan Zweig est mélancolique du passé.
« Et on se souvient combien le monde d'avant était beau, lorsque sa jeunesse était encore joyeuse ! »
Mais l'antagoniste entre la guerre et cette joie de vivre, entre la vie et l'humanité, les uns vivent, s'amusent, les autres compatissent encore et encore, c'est pour ces insouciants la vie à défaut d'être des humanistes.
Eloge du défaitisme, Leipzig, juillet-août 1918, la communauté semble être pour Stefan Zweig la seule arme contre la guerre qui détruit tout. Et encore et encore Stefan Zweig attaque le rôle de la politique, étant plutôt un vecteur à la guerre, un catalyseur, une arme, la politique divise, égare la communauté. Ce texte est une transition pour Stefan Zweig, adoptant l'émotion de la paix, comme certain de ses camarades, son ami français, Romain Roland. La communauté est une force, cette masse indivisible contre ce nationaliste de fierté, le défaitiste pour Stefan Zweig est le seul moyen pour une paix communautaire, être unis pour une paix universelle, Stefan Zweig veut réunir, unir, fraterniser, seul la paix est importante, la fierté, l'orgueil doivent être proscrit, le nationalisme de fierté pour un vainqueur sous le poids des morts qui s'entassent sans fin.
La Suisse, auxiliaire de l'Europe, Vienne, septembre 1918, il y a une genèse de ce texte lors d'un bref opuscule, le coeur de l'Europe, paru le 23 septembre 1917, puis édité en 1918. Cet hommage au peuple Suisse, ce pays sous la pitié au contraire des autres dans la souffrance, est une preuve de l'humanité des hommes, à travers ce pays, fondateur de la Croix Rouge, un demi-siècle plus tôt, distribuant gratuitement le courrier de guerre, Stefan Zweig veut comme Romain Rolland avec son manifeste Au-dessus de la mêlée, publié en 1914, montrer la valeur des peuples dans l'entraide, cette intercommunion.
« Au-dessus de la mêlée, on a pu sentir la force supranationale de la justice et de l'humanité. »
J'aime la finalité du drapeau de la Suisse sous les mots de Stefan Zweig, « une croix blanche sur fond rouge – n'ont autant symbolisé la paix au milieu du sang »
L'opportunisme, ennemi mondial, Berlin, octobre, 1918, est un texte comme cet article sur l'éloge du défaitisme, les valeurs fortes de l'humanité résident dans ses propres valeurs, ses convictions encrées au sein même de son coeur, Stefan Zweig par ses mots, d'un humaniste de plus en plus sure de lui, désire plus que tout un monde meilleur, et la politique comme depuis tous ses articles, est une forme de maladie humaine, la politique transpire l'opinion et seulement l'opinion, cette variable indécise, changeante selon le discours, reste une variable influençable, au contraire de la conviction.
« La migration de masse ne profite pas aux idées : elle les nivelle et les avilit. »
L'opportuniste pour Stefan Zweig est la pire des choses pour les êtres humains, et j'aime cet adage ;
« Mieux vaut des opposants face à nous que des traîtres parmi nous. »
La dévaluation des idées, Berlin, octobre 1918, ce texte débute par une devise de Jean-Jacques Rousseau « le sang d'un seul homme est d'un plus grand prix que la liberté du genre humain. », c'est une réponse au texte d'Alfred H. Fried, le méridien de la raison parue initialement, en octobre 1918 à Berlin. Stefan Zweig désire sacrifier les idées au profit de la vie humaine, c'est la primauté de la vie humaine !
Ces textes montrent l'évolution des idées de Stefan Zweig, de la fièvre nationaliste, cette effervescence humaine de masse puis petit à petit cette envie de fraternité, comme ses amis européens, cette paix universelle.
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