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] Jour après jour, Saba - de son vrai nom Umberto Poli (1883-1957) - compose le livre d'heures d'un poète en situation de frontière, il scrute cette âme et ce coeurs singuliers qui, par leur tendresse autant que leur perversité, par la profondeur de leur angoisse, estiment pouvoir parler une langue exemplaire. [
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] Au secret du coeur, dans une nuit pétrie d'angoisse mais consolée par la valeur que le poète attribue à son tourment, cette poésie est une étreinte : à fleur de peau, de voix, une fois encore sentir la présence de l'autre, porteur d'une joie qu'on n'espérait plus. [
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Jamais Saba n'avait été aussi proche de son modèle de toujours, Leopardi (1798-1837) ; jamais poèmes n'avaient avoué semblable dette à l'égard de l'Infini. le Triestin rejoint l'auteur des Canti dans une sorte d'intime immensité. [
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] Comme le souligne Elsa Morante (1912-1985), Saba est plutôt l'un des rares poètes qui, au prix d'une tension infinie, ait élevé la complexité du destin moderne à hauteur d'un chant limpide. Mais limpidité n'est pas édulcoration, et permet au lecteur de percevoir deux immensités : le dédale poétique, l'infinie compassion. » (Bernard Simeone, L'étreinte.)
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] La première édition du Canzoniere, qui regroupe tous ses poèmes, est fort mal accueillie par la critique en 1921. [
] Le Canzoniere est un des premiers livres que publie Einaudi après la guerre [
] L'important prix Vareggio de poésie, obtenu en 1946, la haute reconnaissance du prix Etna-Taormina ou du prix de l'Accademia dei Lincei, ne peuvent toutefois tirer le poète d'une profonde solitude, à la fois voulue et subie : il songe au suicide, s'adonne à la drogue. En 1953, il commence la rédaction d'Ernesto, son unique roman, qui ne paraîtra, inachevé, qu'en 1975. [
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0:00 - Titre
0:06 - Trieste
1:29 - le faubourg
5:27 - Lieu cher
5:57 - Une nuit
6:32 - Variations sur la rose
7:15 - Épigraphe
7:30 - Générique
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Référence bibliographique :
Umberto Saba, du Canzoniere, choix traduit par Philippe et Bernard Simeone, Paris, Orphée/La Différence, 1992.
Image d'illustration :
https://itinerari.comune.trieste.it/en/the-trieste-of-umberto-saba/
Bande sonore originale : Maarten Schellekens - Hesitation
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#UmbertoSaba #Canzoniere #PoésieItalienne
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Ce jardin parfaitement clos qu'elle appelait "my little garden within", était, à n'en pas douter, "son" lieu. Plus paradisiaque encore, si possible, que le vrai jardin, et tout aussi rassurant que sa chambre. Comme sa poésie, il était rangé, soigneusement travaillé - et là aussi, j'en suis sûr, devait se cacher le cratère d'un volcan. (...) Je crois que comme la poésie, la vraie je veux dire, cette serre avait pour Emily un petit air d'éternité.
(A propos d'Emily Dickinson)
Ainsi, même le plus humble ou le plus modeste des jardins nous apparait aujourd'hui comme une rupture dans le territoire et dans le tissu de non-lieux dont sont composés nos paysages, une zone franche, un maquis possible. Il constitue une subversion. Pas une subversion comme on l'entend couramment, à savoir un acte révolutionnaire visant à renverser le pouvoir en place et à le remplacer par un autre, mais une dissidence, une voix discordante. Davantage un bruissement qu'une voix, n'imposant rien, se limitant, comme le fait parfois le poème, à suggérer des cheminements possibles.
Et les livres sont un peu comme les jardins, de jolis rêves qui ne servent qu'à nous faire sentir, de temps en temps, moins seuls. Mais eux aussi ne font que passer.
Et maintenant que j'étais seule et que les voix de mes amis s'étaient éteintes au loin, je m'aperçus que la forêt baignait dans un silence à peu près total. Je m'arrêtai un instant : pas de chant d'oiseaux, ni de bourdonnement d'insectes. Seules quelques gouttes de pluie qui parvenaient à pénétrer la canopée, très haute au dessus de ma tête, résonnaient de temps en temps en tombant sur les troncs couchés.
Où, dans quels bienheureux jardins constamment arrosés,
Sur quels arbres, aux calices de quelles fleurs tendrement défleuries,
Mûrissent-ils, les fruits étranges de la consolation ?
Rainer Maria Rilke
Je n'avais marché que deux ou trois minutes sous les frondaisons des chênes et des charmes, et je me retrouvai transporté dans un monde rempli d'ombre où tout me semblait proche, à la fois familier et inconnu. Autour de moi, les grands arbres ; au-dessus, une canopée encore peu épaisse en ce début de printemps, où les feuilles commençaient à peine à sortir sur les branches. Quant au sentier, il n’était plus qu’un simple tracé auquel une fine couche de feuilles mortes, celles de l’automne précédent, pas encore tout à fait décomposées, donnait une couleur indéchiffrable entre argent et rouille. Le sous-bois, de part et d’autre du tracé, était recouvert d’un tapis d’anémones. Je savais que leur présence témoignait de l’ancienneté de la forêt, car les anémones ne poussent que dans les sols où les feuilles et le bois morts forment peu à peu, en se décomposant, une terre humifère et profonde. Etais-je dans une relique de la grande forêt qui sans doute couvrait la région autrefois ? Probablement pas, me dis-je, mais j’aimais bien l’idée. Quelques-uns des chênes étaient visiblement très âgés, il y avait des frênes aux troncs majestueux, des arbres morts couchés et entièrement recouverts de mousse qui donnaient au lieu un faux air de forêt primaire, mais j’étais incapable de déterminer, même approximativement, l’âge de ce bois. Une traînée de poudre presque dorée, dont je crus sentir l’odeur âcre et qui n’était probablement que le pollen des noisetiers traversait l’air transparent de branche en branche.
Le jardinage est un dialogue ininterrompu avec la terre.
Si j'avais dû définir le jardin, comme dans un devoir d'école, j'aurais probablement dit : lieu où l'on a connu le bonheur et dans lequel on souhaite, tout au long de sa vie, pouvoir retourner.
Nous avons continué à marcher jusqu'au moment où nous sommes arrivés au pré au bout du jardin, plus noir que vert à cause des corneilles, qui picoraient dans l'herbe. Elles continuaient à arriver, se posant sans bruit sur la pelouse. Ah, les corneilles, la vue la plus mélancolique que cette campagne offre en hiver! pensais-je tristement, mais ma tristesse venait aussi de l'idée des innombrables vies dont l'histoire n'est lue par personne et de tous les livres qui n'ont jamais été écrits- les livres fantômes, qui peut-être comptent plus que les livres publiés, ceux qui vivent au grand jour, y compris les chefs-d'œuvre de la littérature.
C'est comme ça la vie, me dit Violet, une imposture à laquelle on fait tous semblant de croire et qui n'offre que de rares instants de sincérité. Pourquoi la littérature serait -elle différente?