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Critiques de Kurt Vonnegut (208)
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Tremblement de temps

Critique dispo en audio - lien tout à la fin



Quand un auteur aussi brillant que Kurt Vonnegut s'attaque à un livre qu'il ne veut pas écrire, plutôt que de le saboter, de proposer un service minimum et de capitaliser sur son nom, il en fait un objet littéraire improbable.



L'idée de base : en 2001 un tremblement de terre temporel renvoie tout le monde 10 ans en arrière, en 1991. Une seconde chance ? Pas vraiment. La décennie revécue le sera à l'identique, le libre arbitre annihilé et l'habitude, le déjà vu, supplantera toute réflexion ou initiative. Pour sortir de cette léthargie mondiale, un héros se dressera contre cette apathie intellectuelle peu commune (ahah) et se fera un devoir de réveiller une humanité endormie. Et quel héros ! Rien de moins que Kilgore Trout, écrivain de science-fiction prolixe et singulier, semi clochard autant par choix que par la force des choses, misanthrope mordant, cynique réaliste, grand original devant l'éternel et alter-ego excentrique de l'auteur.



C'était donc l'idée, avant que Vonnegut en décide autrement.



Dernier livre d'une longue carrière, conscient que ses plus belles œuvres sont derrières lui (il est l'auteur de 13 romans dont d'Abattoir 5, Nuit Mère et Le petit déjeuner des champions sont certainement les plus connus), il fera de Tremblement de temps une conclusion à son héritage. En partant de son idée, Vonnegut retrace le processus de création du livre qui ne verra jamais le jour, les coulisses de l'érection d'une fiction, les pensées en escalier qui nourrissent le sujet, les recherches indispensables à sa matière et le vécu qui, plus long fut-il, plus fort sera dans l'imprégnation de l'oeuvre finale, dans le cisèlement de son âme.



En découle une oeuvre hybride foutrement sautillante, bardée d'humour mordant et rafraîchissant qui oscille entre l'autobiographie d'un auteur tout autant personnage nonchalamment détaché que démiurge gentiment loufoque, suite d'aphorismes d'un écrivain majeur (et trop méconnu) de la littérature américaine dernier dinosaure bien en peine avec la modernité subite, satire drolatique en guise de règlement de compte (ou de comptage de points) avec la vie elle-même et récit fantastique férocement humaniste passé en accéléré dans lequel on ne s'attarde que sur des scènes clés avec les commentaires du réalisateur en prime.



C'est beaucoup en un seul livre et sacrément casse-gueule pour qui ne s'appelle pas Kurt Vonnegut.



Auteur aussi généreux que franc du collier (brut de décoffrage, même), doté de l'humour acide et implacable des témoins de l'horreur humaine à son apogée (rappelons que Vonnegut a été prisonnier de guerre et survivant du bombardement de Dresde pendant la Seconde Guerre Mondiale), il se veut réflexif et aussi fort en gueule que bienveillant. Vonnegut a des opinions, n'est pas timide dans leur présentation et sait, non pas les imposer mais les présenter, produire de la réflexion à grands coups de déclarations ou d'interrogations, avec l'humanité et la légèreté qui sied à tout ce qui est trop grave pour s’appesantir du sérieux que les pisses-froid voudraient compassé.



Mais à qui est destiné ce bouquin ?



Aux fans de l'auteur, sans doute, mais pas que. S'il pioche aisément dans la mythologie Vonnegut et son improbable bestiaire - Kilgore Trout en tête - il le traite avec suffisamment de pédagogie pour ouvrir son monde aux nouveaux venus : à sa fête d'adieux, tout le monde est le bienvenu. Avec générosité et verve gouailleuse, cette mise à nue pas vraiment mélancolique, certainement pas flagellatrice et définitivement non masturbatoire, Vonnegut offre à celui qui s'attaquerait pour la première fois à son oeuvre une complicité bien plus grande encore que pour ceux ayant suivi au fil des ans ses œuvres, toquades et obsessions disparates.



Seul un auteur exécrant toute linéarité de trame narrative pouvait pondre en guise de conclusion à son univers une introduction à son oeuvre, et vice versa.



Vous l'aurez compris, Kurt Vonnegut comptait parmi ces écrivains américains aussi singuliers que touchant dont la carrière se sera jouée d'une belle idée d'un idéal d'humanité. Qualités trop rares de nos jours, son engagement et son franc parlé, ses visions, jeux de mots et d'esprit ont apporté un vent frais sur la littérature de genre qui ne se veut pas sérieuse et de proximité sur des sujets aussi graves qu’inatteignables. Loin d'être un simple amuseur public ou un sage cynique, Kurt Vonnegut est un agréable compagnon de route aux vues uniques sur le monde. Une force tranquille avec laquelle il est toujours bon faire un bout de chemin.



Je ne peux que vous encourager à vous plonger dans les œuvres de cet auteur, qui, je ne vais pas le cacher, est de loin mon préféré. Si vous êtes hésitants, je vous enjoins a aller écouter l'épisode 5 que j'avais consacré à Nuit Mère, l'un de ses plus grands (et adapté au cinéma avec Nick Nolte dans un bel uniforme Nazi). Si le rire qui fait réfléchir chatouille à coup sûr votre intérêt, enchaînez sur les épisodes 3 et 4 consacrés aux trublions Tom Robbins et Luke Rhinehart, puis prenez le 9 en dessert pour finir en beauté avec le regretté John Kennedy Toole. Il y a là de quoi se décrocher la mâchoire, se mettre des paillettes dans les yeux et s'armer de volonté pour affronter notre monde.



Je rembourse si vos mâchoires ne se desserrent.
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Dieu vous bénisse, monsieur Rosewater

Un petit conte de la folie ordinaire, de la malédiction des héritages et de la vacuité des héritiers.



Dans le style Vonnegut ça permet à l'absurde de se faire didactique et de réfléchir au monde dans lequel nous vivons. Totalement surréaliste et profondément mélodramatique, Dieu vous bénisse Monsieur Rosewater, brosse en creux un ordre social floué dès son origine.



Ce n'est pas forcément le plus inspiré ou captivant des livres de Kurt Vonnegut, mais moyen pour un tel auteur est déjà un gage de qualité supérieure.



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Le petit déjeuner des champions

S'il est un chose certaine avec un livre de Kurt Vonnegut, c'est que l'absurde et le tragique se mêlent si finement que le rire provoqué en est féroce.



La narration décousue, l'intervention directe de l'auteur dans son récit, les digressions et prises à partie perpétuelles... Un livre de Vonnegut est une expérience, rafraîchissante, savamment envolée et rock'n'roll.



Laissez-vous porter.



Suivez le rythme shadokien d'une trame narrative qui opère à nombre de circonvolutions improbables jusqu'à n'être qu'un nuage de fils entremêles ou le résultât importe moins que les péripéties y ayant conduit.



Et surtout, amusez-vous avec l'un des auteurs les plus sympathiques avec lequel faire un bout de chemin.





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Barbe-Bleue

Un ancien combattant d'origine arménienne, peintre abstrait et collectionneur renommé, voit son confort moral confinant à la sclérose soudain ébranlé par Circé Berman, une veuve autoritaire et fouineuse. Pour s'y retrouver, Rabo Karabekian va écrire son autobiographie. Ressourcement, vieux thème, toujours vivace. La vie de Karabekian, c'est celle de ce siècle, avec les guerres, les génocides, les snobismes culturels, la foire aux vanités. Sur ce passé tragi-comique, Vonnegut jette un regard tendrement démythifiant. Un beau roman qui vaut surtout par la truculence de la langue et une vision désinvolte qui s'appelle liberté.
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Elle est pas belle, la vie ? Conseils d'un ..

Le sous-titre est : »Conseils d'un vieux shnock à de jeunes cons » et il résume bien le propos de ce livre. En fait il s'agit des discours que Vonnegut a livré aux finissants universitaires entre 1978 et 2004. Humaniste patenté, il passe à ces occasions quelques messages récurrents aux jeunes diplômes après les avoir félicité de leur instruction, acquise à grand prix et susceptible de rendre le monde meilleur. Ainsi la famille « n'est pas assez de gens » et il faut s'investir dans nos communautés. Il manque en Amérique des rites de passages pour transformer filles et garçons en femmes et hommes. Et surtout, il faut apprécier son bonheur. Sans doute que les prestations « live » de ces discours avaient plus de « punch » que ces écrits et que les blagues ressortaient mieux. Et pour pleinement apprécier il faut avoir une bonne connaissance de l'actualité américaine de cette époque. Mais le tout vaut amplement la lecture, ne serais-ce que pour comprendre que : elle est pas belle la vie?
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Nuit mère (Nuit noire)

On pourrait penser qu’il s’agit d’un Nième livre sur le nazisme, mais il n’en est rien. C’est en fait un roman existentialiste à la façon de La Nausée de Jean-Paul Sartre ou L’accident de Armand Hoog. Le héros/narrateur raconte ses souvenirs et remet en cause les grands événements de sa vie qui l’ont amené là. Tous ses souvenirs donnent-ils un sens à sa vie et lui donnent-ils également l’envie de continuer à vivre ?
Lien : http://livres.gloubik.info/s..
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Abattoir 5

Moitié fantastique moitié réalité. La vie d'un homme ayant subi le bombardement de Dresde mais ayant été "enlevé par des extraterrestres qui nous considèrent comme des animaux de zoo".
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Le berceau du chat

Jonas est journaliste et souhaite écrire un livre sur la journée du 6 août 1945, celle de la première bombe atomique. Pour cela il s’intéresse à tous les évènements annexes à ceux d’Hiroshima, notamment au vécu de la famille Hoenikker, dont le patriarche est considéré comme le père de la bombe. Ce dernier et sa femme sont certes décédés, mais leurs enfants sont toujours en vie. Il y a Newton, le cadet, frappé de nanisme et bien trop jeune le jour-dit pour aller au-delà de simples anecdotes familiales. Il y a Angela, l’aînée, maîtresse de la maison Hoenikker depuis la mort de sa mère, et incapable de prendre la mesure des activités de son père. Et il y a Franklin, le rebelle, qui s’est réfugié sur l’île de San Lorenzo, petite république des Caraïbes, dirigée d’une main de fer par « Papa » Manzano.

Jonas enquête donc en interrogeant les trois enfants Hoenikker. Sa rencontre avec Franklin est tout particulièrement marquante parce que celui-ci est assisté par Bokonon, un gourou local dont la doctrine s’appuie sur l’idée que le mensonge doit diriger toute vie puisque celui-ci « te fait brave et agréable, il te fait bien portant et heureux ». Cela va même jusqu’à l’organisation par Bokonon lui-même de l’interdiction de cette religion à San Lorenzo, le châtiment étant le supplice du croc, une éventration en place publique. C’est ainsi que tous les habitants de San Lorenzo sont bokononistes mais qu’ils le taisent, la religion officielle de la République étant le catholicisme.

Jonas découvre en outre que les enfants Hoenikker détiennent l’une des dernières inventions de leur père, la glace-9, dont la propriété majeure est de transformer en solide ce qui est liquide. Avec cette découverte, il comprend également que Félix Hoenikker était un véritable enfant asocial, ses découvertes scientifiques ayant été pour lui de véritables jeux dont les implications lui échappaient totalement. On sait ce que cela a donné avec la bombe atomique ; on imagine les implications potentielles de la glace-9, surtout entre les mains d’une secte.

Tout cela le lecteur le découvre au travers d’une centaine de courts chapitres au style particulièrement travaillé. Avec cette intrigue pour le moins loufoque, Kurt VONNEGUT démontre son sens de l’absurde et du cynisme, six ans avant son oeuvre majeure, Abattoir 5. Sous sa plume, chaque idée est un sujet de réflexion pour le lecteur, l’ensemble constituant une démolition méthodique des travers du monde moderne et une démonstration de la bêtise humaine.

Le berceau du chat est donc une nouvelle oeuvre marquante de cet auteur. Elle est certes pessimiste, mais elle est aussi particulièrement bien construite et écrite. Surtout, son propos est d’une intelligence rare dont il serait dommage de se priver, même près de cinquante ans après sa première publication.
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Le petit déjeuner des champions

Le Breakfast du champion est un roman atypique, comme à peu près tous les romans de Kurt Vonnegut. Derrière l'histoire de la rencontre entre un minable auteur de science -fiction, Kilgore Trout (nom que K. Vonnegut invente en hommage - ou en moquerie ? - à Theodore Sturgeoon : en anglais sturgeon = esturgeon et trout = truite) et un vendeur de voiture frisant la folie, c'est l'Amérique qui est passé à la moulinette. A travers des petites anecdotes sur ses contemporains ou l'Indianapolis de son adolescence, comme autant d'aphorismes, Kurt Vonnegut fait ressortir avec beaucoup de cynisme l’absurdité du quotidien.

Un classique de la contre-culture américaine, vraiment trop drôle et impertinent.
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Abattoir 5

Très compliqué de faire un résumé de ce livre !

On suit Billy qui voyage à travers le temps, du moins son esprit. Il se fait kidnapper par des extraterrestres, survie au bombardement de Dresde, vit sa vie d'opticien, etc.

Au début ce livre était très plaisant à lire, notamment avec une touche d'absurdité, mais plus le récit avançait et plus il était difficile de s'accrocher à cette histoire sans queue ni tête.

Je vous déconseille ce livre si vous cherchez un ouvrage type "voyages dans le temps" (mon cas).

Il s'adresse plutôt aux amateurs de livre anti-militaristes.
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Abattoir 5

Contrairement à ce que pourrait laisser croire le texte de la quatrième de couverture, ce livre n'est pas un roman de science-fiction, mais un récit sur l'absurdité de la guerre et sur l'aspect fatal de toutes les histoires de vie et de mort.

Le héros du roman, Billy Pélerin, n'a justement pas l'étoffe d'un héros, mais d'un homme assez ordinaire pour lequel les événements de la vie sont inévitables, même si le futur est connu (d'où l'introduction de la SF avec les Trafalmadoriens). Lors de tous les instants importants de sa vie, ou de ses réflexions sur l'évolution du monde, Billy sort cette expression : "ainsi vont les choses", son crédo philosophique pour justifier son fatalisme devant les événements.

Ce roman peut paraître déconcertant par l'éparpillement temporel des faits qui oblige certaines répétitions, mais il demeure sur sa ligne de conduite. J'ai apprécié l'humour latent et le semblant de désinvolture des propos.
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Nuit mère (Nuit noire)

Mlle Alice, pouvez-vous nous raconter votre rencontre avec Nuit Mère ?

"J'ai étudié tout le catalogue des totems de Gallmeister à la recherche de pépites telles que celle-là : un auteur dont j'entends parler depuis longtemps et un sujet qui m'intrigue toujours."



Dites-nous en un peu plus sur son histoire...

"Howard W. Campbell Jr. attend, dans une cellule à Jérusalem, d'être jugé pour crimes de guerre et nous raconte comment il en est arrivé là..."



Mais que s'est-il exactement passé entre vous ?

"J'ai été très déroutée par la façon dont est écrit ce roman. Il y a beaucoup d'humour pour un sujet si noir... Parfois, j'avais l'impression que cela nous tenait à distance du personnage principal, nous empêchait de le comprendre parfaitement, de compatir. Et en même temps, cela semble voulu. Howard W. Campbell tourne tout en ridicule parce que lui-même ne se pardonne pas et ne veut pas de notre compassion. En fait, c'est l'amertume qui se cache derrière tout ça et qui vient prendre le pas sur le reste petit à petit. C'est à la fois très intelligent et, comme je l'ai déjà dit, déroutant. Parce que c'est même sûrement encore plus après avoir refermé le roman que l'on en prend la mesure."



Et comment cela s'est-il fini ?

"Là encore, beaucoup d'ironie et de violence dans cette fin. L'auteur fait mine de nous donner ce que nous attendons, ce que le héros attend depuis si longtemps, pour nous le retirer aussi sec. Kurt Vonnegut m'intrigue décidément énormément et pour arriver à mieux discerner mes propres sentiments, je crois qu'il me faudra à nouveau tenter l'expérience de sa plume."


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Le berceau du chat

Quand j'entame la lecture d'un roman de Kurt Vonnegut, c'est en général avec l'intention de m'en payer une tranche ! L'auteur est en effet fort facétieux, et j'apprécie énormément son humour politiquement incorrect et son sens de l'absurde.



Dans "Le berceau du chat", Jonas, le narrateur, écrivain et journaliste, relate les péripéties qu'il a vécues à partir du moment où il a exprimé le souhait d'écrire sur le père de la bombe atomique, feu le Dr Hoeniker. Ayant pris contact avec les enfants de ce dernier, son projet stagne jusqu'à ce que le hasard le place, en compagnie des trois descendants du docteur, sur l'île de San Lorenzo, où règne le dictateur Papa Manzano, futur beau-père de Franck, l'aîné des garçons Hoeniker.



Comme à son habitude, Kurt Vonnegut, derrière un ton bonhomme, faussement ingénu, fustige, mine de rien, l'absurdité du monde et la risible vanité humaine. Pour cela, il exprime par la bouche de ses personnages une myriade d'idées reçues sur des sujets aussi divers que la délocalisation, la politique extérieure américaine, le nombrilisme de ses compatriotes, les dangers d'une science sans conscience...



"Le berceau du chat" est un récit plaisant, parce qu'il est rythmé, ponctué d'aventures plus rocambolesques les unes que les autres. Il prête bien souvent à sourire, notamment grâce à cette naïveté feinte que l'auteur utilise pour énoncer ses aphorismes inspirés d'une morale grégaire.

Je l'ai cependant trouvé moins hilarant qu'un "Galapagos", à mon avis plus abouti que ce titre, ce qui peut paraître après tout logique, dans la mesure où il a été écrit plus de vingt ans après "Le berceau du chat", œuvre des débuts de la longue carrière de Kurt Vonnegut.
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Abracadabra

Toutes celles et ceux qui ont aimé Abattoir 5 retrouveront dans Abracadabra les mêmes ingrédients. Le personnage central, Eugene Debs Hartke, se raconte. On compend assez vite qu'il est inculpé et tout le roman nous amène à savoir pourquoi... Evidemment, comme souvent chez Kurt Vonnegut, c'est caustique et absurde.



Vonnegut en profite pour nous dépeindre les USA sous forme d'une dystopie. Le roman, écrit en 1990, se positionne en 2001. Vonnegut ne prend pas trop de risques, donc. Je ne considère d'ailleurs pas Vonnegut comme un auteur de SF. Il aime tremper sa plume dans le quotidien et le réel qu'il écorne et travesti un peu pour mieux nous montrer les incohérences et les paradoxes de notre société. Les USA sont dirigés par un président d'origine japonaise, la prison locale est dirigée par les Japonais aussi, le collège dans lequel travaille Eugene est livré au pouvoir de riches mécènes qui décident de tout sans rien savoir... j'en passe et des meilleures.



Ici, il va étriller la religion, l'économie, le système pénitentiaire et scolaire, l'armée et la guerre (du Vietnam), le couple et le sexe et -bien sûr- la politique. Bref, les thèmes habituels chez Vonnegut.



Le tout est vif et cynique, caustique et terriblement bien vu (comme souvent). Bref, que du bonheur.
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Abattoir 5

Mon premier livre lu de Kurt Vonnegut, sans doute son plus grand succès et la porte d'entrée dans son univers narratif.



Abattoir 5 est une expérience au rythme improbable et rebondissant : le protagoniste ne vit plus le temps de manière linéaire mais saute d'une période à l'autre de sa vie, aléatoirement. De prisonnier de guerre à notable de province en passant par aliéné ou pensionnaire involontaire d'un zoo intergalactique, cette vie est riche en péripéties.



Malgré l'extrême cruauté des situations vécues par le protagoniste, l'auteur les désamorce par l'absurde et par l'exposition de leur genèse, souvent ridicule ou inconséquente mais responsable de grand malheurs.



L'auteur porte un regard désabusé sur le monde, une critique cynique de l'humanité et pourtant quelques fleurs éclosent sous ce fumier pour nous régaler de leur simplicité.



Malgré l'aspect loufoque et inconséquent de la chose, ce livre est emprunt de sagesse, de poésie et de rage. Une lecture qui ne peut laisser indifférente.
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Dieu vous bénisse, monsieur Rosewater

Portant son héritage considérable comme une malédiction, Eliot Rosewater va chercher à expier son fardeau en devenant mécène. Il y a différentes manières d’être mécène. La méthode choisie par Eliot étant peu orthodoxe, la société comme son père, vont le considérer comme fou.



Le fou est en réalité atteint de dépression. En souhaitant bien faire, Eliot Rosewater décide de s’installer dans le comté Rosewater pour répondre aux besoins de sa population, particulièrement pauvre et précaire.



Pour cela, ce passionné des pompiers aura deux téléphones : Le noir « Ne vous suicidez pas. Appelez la Fondation Rosewater », et le rouge pour les affaires de pompiers. Sa grande richesse et sa grande générosité lui vaudra un rang particulièrement haut chez les pompiers, malgré le fait qu’il n’ait jamais combattu le feu. De toute façon, la caserne lui appartient.



Sa manière de vivre, dans le plus grand dénuement mais riche en alcool rendra sa femme folle, ne supportant plus le fardeau de l’héritage des Rosewater. S’oubliant pourtant complètement pour ses concitoyens, va cependant attirer le flair l’avocat Norman Mushari, qui voit la une occasion en or de mettre le grapin sur sa fortune en le faisant déclarer fou, et donc incapable de gérer cette fortune.



Difficile de savoir si mon interprétation de ce livre est juste. J’ai trouvé ce livre particulièrement dur à lire et à comprendre. Est-ce la faute aux nombreuses disgressions de l’auteur ? Bien que très drôle, Eliot, qui souhaite répandre l’amour et la paix sur terre à coup de distributions de « Je t’aime » griffonnés sur des feuilles de PQ est sans conteste un héros romantique.



J’aurai pu interpréter ce livre comme une critique acerbe de la société capitaliste que représente les Etats-Unis, mais j’ai l’impression d’y voir davantage la critique d’une société incapable d’accepter les gens qui sortent du lot (=ici, ayant des tendances socialistes). Et puis Eliot, pauvre Eliot, qui subit cette richesse jusqu’à en perdre la raison. Je n’arrive donc pas à voir ce livre comme un livre humoristique, il m’a au contraire paru davantage comme un drame.



Du coup, il s’agit évidemment d’un livre engagé. Mais par quoi ? Je ne sais pas.



Une lecture qui m’a laissé perplexe.
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Abattoir 5

En décembre 1944, le soldat Vonnegut, après quelques jours d’errance dans les Ardennes, est fait prisonnier par les Allemands.

En février 1945, Vonnegut est à Dresde et travaille dans un abattoir. Du 13 au 15 février 1945 a lieu le bombardement de Dresde par les Anglais et les Américains. C'est l’un des plus grands carnages de civils de la seconde guerre mondiale : 7 000 tonnes de bombes (dont des bombes au phosphore) sont déversées en trois vagues qui feront plus de 35 000 morts.

Il fut l'un des sept rescapés américains, sauvés après s'être enfermés dans une cave d'abattoir (abattoir 5). Les autorités nazies l'affectèrent à la récupération des cadavres pour la fosse commune. Mais il y en avait tellement que l'on dut terminer au lance-flamme l'ouvrage des bombes.

De retour, Vonnegut suit des cours d’anthropologie, il publie un témoignage sous forme de roman en 1969 sur son expérience de la guerre, il explique dans la première partie du livre pourquoi « la croisade des enfants »

Ce ne sont pas des hommes qui sont partis, mais des mômes sans aucune expérience de la vie, de la même façon que la croisade des enfants en allusion à ces jeunes incultes envoyés au nom de la religion en 1217 comme croisés pour défendre Jérusalem.



Comment décrire cette expérience traumatisante sous forme de roman ?



Vonnegut choisit l’absurde sous forme d’un héros totalement disjoncté des réalités de ses semblables car il a la faculté de voyager dans le temps. D’un battement de paupières il peut se retrouver tout petit, puis le jour de son mariage, ou alors10 minutes avant sa mort et peut vivre simultanément en captivité sur une planète lointaine et en captivité dans un camps Allemand. Il sait donc anticiper tous les moments à venir de sa vie et revisiter à tout instant les moments passés, la mort n’a donc pas de prise sur lui, ainsi ce témoignage sidérant de pragmatisme est dénué de toute d’émotion et de subjectivité.



Il nomme son héros Billy Pellerin, fils d’un coiffeur amateur de chasse, un physique manifestement sans attrait particulier autre que sa taille (1M85). Il obtient un diplôme d’opticien à son retour de guerre, devient riche en épousant une jeune fille obèse issue d’une très bonne famille se désespérant de la marier.



Le fil conducteur du roman nous montre Billy perdu dans les Ardennes en compagnie de 3 camarades jusqu’à sa capture par les Allemands puis la description de sa captivité en compagnie d’autres soldats de toutes nationalités, suivie de son arrivée à Dresde et l’anéantissement de cette ville sous les bombardements.

Au cours de ses péripéties, Billy saute d’une époque à l’autre de façon discordante, son mariage, la mort de sa femme des années plus tard, un accident d’avion dont il est le seul survivant et ses rapports discontinus avec ses 2 enfants.

Entre temps, il a été victime d’abduction par des extra -terrestres de la planète Tralfamadore sur laquelle il fait quelques allers retours. Il est l’attraction vedette d’un zoo où son accouplement avec une autre captive terrienne (Montana Patachon, actrice de charme) fait les délices des spectateurs locaux.

Les Tralfamadoriens lui enseignent une philosophie dans laquelle la mort n’a aucune importance

Pour eux, le temps n'existe pas, la mort non plus et ils considèrent « qu'une personne qui meurt semble seulement mourir. Elle continue à vivre dans le passé et il est totalement ridicule de pleurer à son enterrement. Le passé, le présent, le futur ont toujours existé, se perpétueront à jamais. […] Un Tralfamadorien, en présence d'un cadavre, se contente de penser que le mort est pour l'heure en mauvais état, mais que le même individu se porte fort bien à de nombreuses autres époques ». Alors, qu'il se passe des événements joyeux dont on peut tirer gloriole ou que les événements semblent s'enchainer dans une espèce de fatalité funeste.



Fort de cet état d’esprit Billy apparait complètement déconnecté au regard de ses compagnons d’infortune, dont il connait par avance le destin, conférant un caractère hautement proleptique à son récit. Pour le professeur Edgar Derby 44 ans, il tient la chronique d’une mort programmée, celui-ci, faisant partie des rares survivants du bombardement de Dresde, sera, comble de l’absurdité, fusillé pour pillage, après avoir récupéré une théière dans les catacombes.

Billy est spectateur voire figurant d’une épopée dont il est en même temps l’acteur principal, mal vu voire honnis de ses compagnons de route. C’est l’anti héros par excellence, à 22 ans il en parait 60, il est dépenaillé à outrance et semble n’avoir aucune émotion.

Il fait penser à Bardamu dans « voyage au bout de la nuit », qui traverse les horreurs de la première guerre mondiale, il semblerait que Vonnegut ait été inspiré par le style de Céline.

Billy nous fait penser au côté nihiliste de Meursault dans l’étranger d’Albert Camus.

Vonnegut nous surprend par son originalité descriptive, comme cette Maggie qui n’est pas un cerveau, mais qui constitue une invitation irrésistible à la procréation ; les hommes la regardent et se mettent à vouloir la remplir de bébés sur-le-champ.

Le roman commence par « cui cui »et termine par ce bruit des moineaux couvrant le silence suivant l’apocalypse absurde dictée par des justifications politico-guerrières.

C’est un roman hors norme, où paradoxalement le détachement du héros révèle un humanisme sous -jacent, le plaidoyer anti militariste en bruit de fond est assourdissant.

On apprends beaucoup sur cette période de fin de guerre, sur la façon dont les Allemands percevaient les prisonniers en fonction de leurs origines, les Anglais étant manifestement les plus organisés de tous.

J’ai aimé cette lecture originale et dense malgré un démarrage particulièrement laborieux pour saisir les codes et les méandres de la pensée de l’auteur.

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Nuit mère (Nuit noire)

J’aime beaucoup Kurt Vonnegut Jr, mais j’ai tendance à confondre ses œuvres, voici pourquoi : souvent écrits à la première personne, un homme subissant son destin d’homme, les romans de K.Vonnegut Jr sont plus prétextes à commenter avec un humour acerbe l’absurdité de l’horreur humaine, la condition humaine délestée de son héroïsme, plutôt que de raconter une histoire. Quel que soit le personnage, c’est toujours la même voix que l’ on entend. Et quel plaisir de retrouver ce ton railleur qui vise juste et d’un coup de langue met l’humain à nu. Nuit mère n’est pas SF, ce bref roman interroge sur la culpabilité mais aussi sur les relations, l’amour, l’amitié, la vengeance, la résilience. Un roman court mais volumineux.
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Le petit déjeuner des champions

Malgré les critiques dithyrambiques concernant cet auteur et cet opus... je suis passée à côté.



Parfois tout le monde et adore, et on le lit en se disant que c'est gagné d'avance.



Le style ne me convient pas. Au bout de 20 pages je rêvais à la fin. je me suis ennuyée.



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Tremblement de temps

Ok donc voilà le topo : Kurt Vonnegut Jr raconte qu'il a écrit un livre qui s'appelait Tremblement de temps I et qu'au final il valait mieux qu'il ne le publie pas - mais comme il y avait quand même des bonnes idées, ça valait le coup d'en parler. Nous avons donc ici un roman mi-autobiographique, retraçant quelques étapes de sa vie personnelle, mi-fictif, qui s'étend principalement sur son personnage alter-ego Kilgore Trout, lui-même écrivain. Des histoires dans les histoires et une trame principale légèrement en retrait : un glissement dans le temps qui a fait revivre à l'identique au monde entier une décennie entière, entre 1991 et 2001.



Ce que ça m'a laissé comme impression, c'est que l'auteur en a surtout profité pour placer son point de vue sur plein de choses importantes pour lui, et sûrement déjà exploitées dans son œuvre : l'étrangeté de la race humaine, son besoin de tout détruire, les classes sociales, mais aussi l'art, dont la musique, les films, le théâtre, la peinture, et l'écriture. Bref, je pense que c'est un chouette livre à lire quand on est déjà bien en affinité avec l'auteur et qu'on a déjà tout lu et qu'on en veut encore. N'ayant lu de lui que Le petit déjeuner des champions et Nuit-mère, je dirai que ça s'inscrit bien en continuité, mais même si j'ai bien aimé, j'ai aussi souvent décroché par ce mélange un peu hétéroclite.



Acerbe, critique, ironique et subversif, Tremblement de temps colle bien à son auteur qui connaît bien les guerres et a su décortiquer la société humaine. Mais ce qui le rend singulier, encore plus poussé et même drôle, c'est bien l'imaginaire de Kilgore Trout, dont les histoires sont géniales, même si le bonhomme est terriblement antipathique. Assez en marge pour écrire une science-fiction de qualité.



Bien que je n'ai pas été emballée à 100%, je lui reconnais volontiers ceci : Kurt Vonnegut Jr écrit bien, vraiment bien, et ne manque pas d'humour, de répartie et d'imagination. Je ne pense pas que ce sera le livre que je retiendrai de lui (désolée si ça fait de moi un requin) parce que l'idée de base a beau être comique et inhabituelle elle n'aurait en effet pas fait un bon livre à cause de son manque d'intérêt global et de son évidente redondance. Cela dit, maintenant je suis plutôt déterminée à lire ses autres livres. À suivre, donc.
Lien : http://lecombatoculaire.blog..
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