Citations de Adeline Yzac (50)
La petite voudrait que la gaieté soit de mise. Et que l’on parle. Interdit d’ouvrir sa bouche. Interdit à table, interdit lors des leçons, interdit pendant les messes, interdit au temps des promenades, interdit au dortoir, interdit, interdit. Il n’y a que dans la cour et au jardin qu’on a la permission.
L’âme voudrait se rendre libre. On dit que le corps l’entrave, que le nabot l’embarrasse. Que celui-là, c’est un méchant, un impie, un malhonnête, et qui plus est un scabreux, il a le diable dans la peau. Il faut lui couper la chique illico. De la grande Nana, il s’est dit qu’elle s’entaillait du côté de l’entrejambe avec un tesson de toupine. Et si c’était bien plutôt l’âme qui entrave l’âme ? Et qui mène la danse. Il s’est dit que, si la grande Nana s’était donné un bon coup en se plantant la lame, c’était mieux que de se découper salement par menus morceaux.
La faim invente des mirages d’écuelles qui pirouettent toutes seules, pleines aux as. Et ça remplit d’un espoir d’ivrogne qui finit en filet de vinaigre. Il faut bien voir la vérité en face, il faut bien voir ce qui est, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent l’hiver, les dents qu’on perd à vue d’œil.
Il faut demeurer douce devant le Seigneur en toute occasion, ne pas tousser, ne pas se gratter, ne pas rire en stupide, ne pas crier, ne pas parler, ne pas gigoter. Tu as fait le mal, l’institution te mue en martyr, te traite par la cruauté pour te faire payer ta faute et te passer l’envie.
Elle a fauté, elle doit expier et elle s’évade. Les grands l’ont foudroyée. L’ont marquée au fer rouge. Elle aime le bon Dieu, elle aime ce qu’elle en entend à la messe. Dieu est bonté, Dieu est amour.
Elle tremble de pied en cap. On lui a défendu de pleurer. Ce n’était pas la peine de le lui interdire, elle est devenue un puits sans fond dans lequel elle tombe sans fin, et pas une larme, c’est sec comme un coup de trique, là-dedans.
Plus de pensées, de désirs, de paroles ou d’actes qui soient le moins du monde contraires à la pudeur et à la charité.
Tous les autres, les profs, les CPE, les surveillants, l'administration, la direction, c'est pas de sexe et de sentiments dont ils te parlent, mais de ton avenir, de tes notes, de voir à réfléchir un peu, de te tenir comme il faut.
Alors, la plupart, on se la boucle, on se la fait tranquille, et là, on passe pour des nonchalants et des fainéants.
Y en a quelques-uns qui se la jouent grave, ouf, quoi.
Et puis y a ceux qui se fichent en l'air.
Martin s'est pendu. Elle est où, l'issue ?
Angèle, sa corpulence menue glissée dans l'angle de la fenêtre, ne bouge pas. On s'étonne de tout, on éprouve un émerveillement devant la place nouvelle qu'on occupe et on se débat comme un grand insecte pris, enrôlé par la force des chose, la petite Lalia malade et la famille éprouvé.
Nuech blanca est un roman de la blancheur. Une histoire d'hiver, une veillée dans la montagne, dans le "Haut pays". Livre de lumière : celle du dehors, la neige éblouissante dans laquelle jouent des enfants; celle du dedans, paroles et silences que partagent les grandes personnes, les cousins qui se retrouvent, les souvenirs tricotés comme des laines chaudes.
Nuech Blanca a l'éclat d'une toute petite fille, Lalia, de sa très vieille arrière grand mère, Angèle, et du lien entre elles deux. Lien de protection, de rêve réalisé, voyage entre le "Bas pays" méditerranéen et le "Haut pays" enneigé. Lien des transmissions de génération en génération, transmission d'une langue occitane, d'une histoire familiale et d'un terroir.
Je suis rentrée dans ce livre d'unité de temps et de lieu comme on entre dans une pièce chaude, près d'un feu de cheminée, en écoutant une histoire vacillant comme une flamme. Pages racontant l'âge sage, l'enfance fraîche, légèreté et gravité mélangées. Va et vient dans les temps : le passé des personnages, le présent de cette veillée au chaud, l'avenir que portent les enfants, à travers leurs jeux, leur vivacité, leur tendresse d'être.
Merci Adeline. Votre livre a l'éclat d'un givre qui tient chaud."