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Citations de Albert Londres (376)


Cayenne est bien cependant la capitale du bagne. Si un architecte urbaniste l'avait construite, on pourrait le féliciter, il aurait réellement travaillé dans l'atmosphère. C'est une ville désagrégeante. On sent qu'on serait bientôt réduit à rien si on y demeurait et qu'on croulerait petit à petit comme une falaise sous l'action de l'eau. On erre dans ses rues tel un veuf sincère qui revient du cimetière. Il semble que l'on ait tout perdu.
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Cela est la place des Palmistes. Ce n'est pas écrit sur une plaque, mais c'est une place et il y a des palmiers. C'est certainement ce qu'on trouve de mieux en Guyane, on l'a reproduite sur les timbres, et sur les timbres de un, de deux et de cinq francs seulement!
Marchons toujours. Ce n'est pas que j'espère découvrir un hôtel. Je suis revenu des mes illusions, et je crois tout ce que l'on m'a affirmé, c'est-à-dire qu'en Guyane il n'y a rien, ni hôtel, ni restaurant, ni chemin de fer, ni route.
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Cinquante Guyanais et Guyanaises, en un tas noir et multicolore (noir pour la peau, multicolore pour les oripeaux), au bout d'une large route en pente, première chose qu'on voit de Cayenne, étaient massés là pour contempler au loin le courrier qui, tous les trente jours, leur vient de France.
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On arrivait. J'ai pu voir bien des ports miteux au cours d'une vie dévergondée, mais Cayenne passa du coup numéro 1 dans ma collection. Ni quai, ni rien, et si vous n'aviez pas les mains des forçats pour vous tirer de la barque au bon moment, vous pourriez toujours essayer de mettre pied sur la terre ferme! Il paraît que nous n'avons pas encore eu le temps de travailler, depuis soixante ans que le bagne est en Guyane.
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Tel-Aviv ! La seule ville au monde comptant cent pour cent de Juifs.

J’ai laissé l’arabadji. Il faut être à pied pour jouir de ses étonnements. Une révolution passait sous mes yeux. Où sont mes caftans, mes barbes, mes papillotes ? Voilà mes Juifs : tête nue, rasés, le col ouvert, la poitrine à l’air et le pas sonore. Ils ne longent plus les murs, ma parole ! Ils marchent d’un pas militaire, au bon milieu du trottoir, sans plus s’occuper de céder la place au Polonais, au Russe ou au Roumain. Miracle ! les épines dorsales se sont redressées. Tous les dos ont rejeté l’invisible fardeau de la race. Je ne leur produis plus aucun effet. Nul œil ne m’examine en coulisse. Maintenant c’est moi qui m’arrête, interrogateur. Eux vont, le regard fier et froid. De temps en temps apparaît un être extraordinaire : un caftan, une barbe, des boucles ! Les autres, en le croisant, haussent discrètement les épaules. Quel est ce fantôme ?

Et les Juives ? Elles ont jeté leur perruque aux ordures, coupé leurs cheveux et mis leurs seins au vent !

C’est une métamorphose.
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Ce séminaire rabbinique est extraordinaire : une de ces visions qui s’accrochent à votre souvenir pour le restant de votre vie. On en demeure interdit, silencieux, comme dépassé par l’imprévu. Ils étaient cinq cent quatre-vingt-sept fougueux dans cinq étroites chambres, ivres, complètement ivres. Depuis sept heures, ils ne cessaient de boire, de boire la science, la connaissance, le savoir, la découverte. Le front dans leur main, piétinant le Talmud de leur nez, levant parfois des yeux habités par une vision, le chapeau rond de travers, les papillotes agitées, se balançant frénétiquement d’avant en arrière, de droite à gauche parce que l’étude les enflamme au point qu’ils ne peuvent demeurer immobiles, d’heure en heure élevant le ton, tous rugissaient comme des devins sourds sans s’occuper de leurs voisins. On eût dit une assemblée d’enfants prophètes assis sur la pile de l’inspiration !

Ils travaillent ainsi de seize à dix-sept heures par jour. Qu’apprennent-ils ? D’abord, le Talmud par cœur, les deux Talmud même : celui de Jérusalem et celui de Babylone. Ils se gorgent littéralement de toutes les vieilles traditions rabbiniques. Qu’est-ce qu’un Talmud ? C’est le livre des interprétations que mille rabbins, depuis des millénaires, ont données de la loi de Moïse. C’est l’amour de la discussion poussé jusqu’à la déraison. Le sens et le contresens d’un mot y font l’objet de controverses sans fin.
(...)
La pureté de leurs mœurs est légendaire. Anges ils entrent, anges ils sortent. Toute la fougue de leur première jeunesse est pour le Talmud. Ils rêvent à lui seul et avec lui ils vivent et ils dorment. Si la Thora est la Fiancée couronnée le Talmud est la Mariée en fleur.
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Alors ?

Alors, c’est le ghetto, tout simplement. La résignation tiendra longtemps lieu de solution.

Cette tragique misère, les Juifs l’ont un peu voulue. Elle est leur œuvre. Non spécialement les Juifs d’aujourd’hui, mais les Juifs de toujours. Le Juif veut se garder indépendant. Dans ce but il choisit le rôle de commerçant. Il vend ! Il élèverait des poux pour en vendre la peau si la peau de poux était cotée ! Une ville pourrait-elle vivre qui compterait quatre-vingt-quinze pour cent de vendeurs ?

Certes, la Pologne les hait. Elle les a chassés de tous ses monopoles, elle les a rejetés de sa vie nationale, encore beaucoup plus que ne l’avaient fait les tsars. Mais la Pologne n’a repoussé que ce qui demandait à ne pas être assimilé. La Pologne ne veut pas être plus juive que les Juifs ne sont Polonais. Et comme la Pologne est la plus forte, les Juifs crient sous le poids. On les écrase, on les bâillonne, on les couvre de fumier, croyez-vous
qu’ils demandent grâce ? Tendez l’oreille : ils gémissent. Que disent-ils ? Ils disent qu’ils sont Juifs ! Pilsudski ne peut pourtant pas céder sa place à Moïse !

J’étais sur le trottoir, rue Smoczej (rue du Dragon), prenant des notes. Un Polonais passe portant un seau d’eau. Il me balance son coude dans les côtes en criant : « Przecz z drogi psie przcklenty ! »

– Et alors ? dis-je.

– Ce n’est rien, font mes compagnons, ne provoquez pas de scandale, il vous a vu avec nous, il vous a pris pour un Juif.

– Qu’a-t-il dit ?

– Il a dit : « F... le camp de ma route, chien maudit ! »
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Herzl réussissait. Il lança un livre, le PalaisBourbon, qui fit les beaux jours de l’Europe centrale. On jouait ses pièces à Vienne, à Berlin. La Neue Freie Presse le nommait directeur littéraire. Au bel homme, la vie était belle, quand soudain...

Quand éclata l’affaire Dreyfus.

Il entendit, dans les rues de Paris, le cri de :

« Mort aux Juifs ! » Jusqu’ici Herzl avait vécu en dilettante. On raconte bien que dans son jeune âge, il aurait dit au docteur de sa famille : « Il n’y a, pour nous autres Juifs, qu’un moyen de former une nation respectée, c’est de nous en aller en Palestine. – Qui nous y conduira ? » Et qu’il aurait répondu : « Moi ! »

Depuis, il semblait avoir oublié sa mission. Comme ceux de sa race, il avait fait sa BarMitzwah (première communion) et prononcé son petit discours en hébreu à la synagogue. Ses manifestations s’étaient arrêtées là. Et, certes il se croyait bon sujet autrichien.

Le cri de « Mort aux Juifs ! » fut un éclair sur son âme. Il bloqua son train. « Moi aussi, se dit-il, je suis Juif. »

Que ce cri s’élevât en France, voilà ce qui, surtout, le bouleversa. La France, depuis plus de cent ans, avait reconnu aux Juifs l’entière qualité d’homme. Elle était en tête des nations dans le cœur d’Israël. Si, ici, brusquement, le terrain manquait à leurs pas, si l’on reportait sur tous le soupçon pesant sur un seul, c’est que le Juif, même dans son pays privilégié, n’était pas encore chez lui.

Et Herzl, ce jour-là sentit sa mission fondre sur lui.

Il bouscula sa vie, rompit avec ses succès. Il entra en fièvre.
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Albert Londres
Albert Londres, depuis Marseille, en 1926, fait parler le port et déclare: Voici les coupées de mes bateaux. Gravissez-les. Je vous ferai connaître toutes les femmes, celles dont le voile prend au-dessous des yeux, celles au voile blanc, celles au voile noir, celles au bambou coupant leur front, celles en kimono, en pagne, drapées ou culottées. Vous sentirez se poser sur vous des regards dont vous n'avez encore nulle idée. Il y en aura de brûlants, de tranchants, d'insistants, de royaux, d'indéchiffrables... La suite sur http://albert-londres.monsite-orange.fr
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La Canebière est le foyer des migrateurs.
C'est le rendez-vous de tous les Français qui se sont connus ailleurs qu'en France (...)
C'est à croire que les voyageurs ont une religion secrète et que la Canebière est quelque chose dans la religion des voyageurs comme La Mecque dans la religion des musulmans.
Cela, par exemple, doit leur valoir d'importantes indulgences plénières, de venir une fois tous les cinq ans prendre un vermouth cassis sur la Canebière.
De toutes façons, ce doit être une raison comme ça.
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Je ne suis pas fou, du moins visiblement, mais j’ai désiré voir la vie des fous. Et l’administration française ne fut pas contente. Elle me dit : « Loi de 38, secret professionnel, vous ne verrez pas la vie des fous. » Je suis allé trouver des ministres, les ministres n’ont pas voulu m’aider. Cependant, l’un d’eux eut une idée : « Je ferai quelque chose pour vous, si vous faites quelque chose pour moi : soumettez vos articles à la censure. » Je cours encore.

J’allai voir le préfet de la Seine. C’est un homme fort courtois : « Grâce à moi, me dit-il, vous visiterez les cuisines et le garde-manger. »
J’eus peur qu’il me montrât aussi les tuiles du toit, alors je suis parti.

Je me tournai vers les médecins d’asiles.
Ils me foudroyèrent :
– Croyez-vous, me dit l’un d’eux, que nos malades sont des bêtes curieuses ?
Il m’avait pris pour un dompteur. Il suffisait, lui.

Alors, j’ai cru qu’il serait plus commode d’être fou que journaliste.

(Chez les fous)
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Deux semaines plus tard, dans l'allée des Bambous, à Saint-Laurent-du-Maroni, je rencontrai M. Dupé, directeur par intérim de l'administration pénitentiaire.
- Ah ! vous savez, me dit-il, votre protégé vient d'être condamné à mort par la cour d'assises de Cayenne.
- Qui ?
- Hespel.
- Alors, il n'y a plus de bourreau ; qui l’exécutera ?
- On trouve toujours.
- Et lui, qu'a-t-il dit ?
- Il a dit qu'il n'avait aucune confiance dans son successeur quel qu'il soit, et qu'il demandait, comme dernière faveur, de monter la machine.

(Au Bagne)
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Il y a des gens qui ne savent pas souffrir le temps qu’il faut pour réussir !
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L’évasion est une science. C’est vrai. Mais c’est une science où le hasard et l’inconnu commandent.
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p.69/Grand drame, en vérité, que celui de l'Inde. Et nous n'en sommes qu'au prologue. C'est dans les yeux des hommes qu'il faut chercher le temps qu'il fera dans leur âme. Or les yeux des condottieri hindous sont chargés comme un ciel d'ouragan sous les tropiques.
Excelsior, 15 novembre 1922
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